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GOUVERNEMENT
CONSIDÉRÉ DANS SES RAPPORTS
AT sa
LE COMMERCE.
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DO (Univurt,)
GOUVERNEMENT
CONSIDÉRÉ
DANS SES RAPPORTS
AVEC
LE COMMEIVCE,
Pi» FmMçois-Loms-AuonSTE FERRIER,
SOUS-INSPECTEVB DES DOU&NES A UAYONNE.
DE L'IMPRIMERIE D'A. EGRON.
! A PARIS,
j Cbex PsRLET, Libraire, rue de Tournon , n*. 1 1 35.
AW XllI. — i8o5.
ji-vGooglc
N Google
GOUVERNEMENT
CONSIDÉRÉ DANS SES RAPPORTS
A T le
LE COMMERCE.
J E me propose de rechercher dans cet ouvrage ,
sur quels prÎDcipes un Etat agricole et maoufac-
turier doit fonder l'administration de son com-
merce , tant extérieur qu'intérieur.
Les développemens dans lesquels j'entrerai
seront relatifs à presque toutes les Dations de
rEiu-ope j mais c'est de la Frasce que je m'occu-
perai plus particulièrement 1 parce que la France
est mon pays , et que sa prospérité est l'ohjet
constant de ma plus vire sollicitude, comme
l'espoir d'y contribuer est ma seule ambition.
Je (Uvise cet ouvrage en trois livres.
Je recherche , dans le premier j quelle est
ji-vGoogle
l'iitilîté de l'argent , considéré <!omme moyea .
d'échauge.
Je montre , dans le second* comment le com-
merce accroît la richesse des peuples.
Je truite, dans le troisième, des iostitutioi^
adoptées par les gouvernemens, pour empêcher
que le commerce ne devienne nuisible au pays.
Je ferai les plus grands efTorts pour être tou-
jours clair, et s'ils ne sont pas infractueux , le
lecteur me prêtera toute son attention sans que
je la réclame; car dans les sujets arides, il n'y
a de moyea de la fixer que de se bien fiàre
emendre.
N Google
LIVKE PREMIER.
De l'argent , considéré comme inoyea
d'échange.
CHAPITRE PREMIER.
Origine et progrès du Commerce. — R^olutioos dasn
le sysUme des écKange*.
Xj'gnfance du commerce se perd dans l'origine
des temps avec celle du monde. Que l'on con-
sidère les premiers liommes comme pasteurs ,
chasseurs, ou bien comme guerriers, dès qu'il
s'en trouva plusieurs réunis , il dut se pratiquer
entre eux des échanges. Les échanges naquirent
de la réciprocité des besoins. Le chasseur qui
avait parcouru vainement la forêt , échangeait
avec un autre chasseur une partie de ses armes
(X>ntre du gibier. Le lendemain, ïl était ou plus
adroit ou plus heureux : avec du gibier il rache-
. tait des armes. Il en fut à peu près ainsi chez les
peuples pasteurs. On échangeait des fruits, des
productions de la terre , contre des troupeaux.'
I>es besoins, les convenances respectives déter-
minèrent d'abord tous ces trocs. Ce fut ensuite
ji-vGooglc
4 1. I V R E I;
la fanuiisie, le désir de la variété j et, déjà le
commerce avait fait un grand pas.
Les historiens qui nous ont transmis , avec uno
exactitude quelquefois si prolixe, les détaib de»
combats qui ont ensanglanté la terre, ne nous
ont- presque rien appris des progrès du com-
merce , sans lequel il n'y aurait jamais eu de
civilisation. Ils uous parlent , à la vérité , des
Phéniciens , le peuple le plus commerçant de
l'antiquité ; mais à l'époque où ib nous le pré-
sentent , il avoît déjà étendu ses relations dans
toutes les parties du monde connu } et de l'état
où nous avons pris le commerce, à ce degré de
splendeur , la distance est immense.
Pour remplir l'intervalle , on n'a que des con-
jectures à hasarder ; mais la marche du com-
merce chez des nations sauvages où l'on a pu
l'étudier, leur donne une force de prohabilité
qui doit entraîner la conviction.
Pendant fort long-temps les hommes renais
en peuplades durent se borner à de simples
échanges. Les- objets sur lesquels ces échangea
fi'exerçùent n'avaient de valeur que suivant leu»
ulitité réelle ou relative. On pouvait ainsi troquep
un veau contre un bteuf, un bœuf contre des
fniits , sans qu'aucune des parties fit un mauvais
mai-ché , tout accord entre elles supposant né-
cessairement égalité d'avantuges.
N Google
DE L'ARGENf , eic. 5
- Les besoins de rbomme se multiplient à mesure
que la civilisation fait des pi-ogrès. Au lieu de
continuer à habiter dans la forêt , sous des huttes
qui De le garantissent i|ue très-imparfhitemeot
de rintémpërie des saisons, ou dans dés cavernes
humides et obscures, il se consiruitdans la plaine
des demeures tout à la fois plus commodes et
plus solides. Le lait et les fruits ne suflisent plus
à sa nourriture , la peau des animanx à son I1.-1-
billement. Il &çoone celles-ci ; il multiplie , il
dénature ceux>lâ. Des arbres sont tombés de
vîâllesse , ou frappes par la foudre ; il en forme
des meubles gros^ers , mais utiles : des tables ',
des sièges. Pourquoi cOucberait-il sur la terre
on sur des herbes desséchées, quand il peut avec
lapeandes animaux qu'il a tués, ou la toison de
«es brebis, se procurer uA repos aussi facile et
plus doux? Chaque jour ajoute aîusi à ses jouis-
sauces , au désir qu'il a de les accroître , et soû
iaduslrie s'éclaire en même temps qu'elle devient
plus active.
Cependant la sphère des échanges s'Est agran-
die. On donne bien encore nu veau pour un
bœuf j mais on le donne plus volontiers pour due
table , pour un lit , pour un siège. Tel individu A
montré de l'habileté dans la construction de si,
cabane ; ses Voisins le prient de les aider dans la
constpuctioà ou la réparation de laJenr ; et poàr
ji-vGooglc
6 L 1 V R E I.
prix de ses conseils ou de sa main-d'œuvre, on
lui offre des fruits , des légumes , des troupeaux.
Tel fut le pi-emier architecte. Un »utre excelle
dans l'art de façonner le bois ; on s'adresse à lui
pour avoir des meubles j il ne fait bientôt plus
autre chose. Tel fut le premier menuisier. Cha-
que profession s'établît ainsi peu à peu, et les
échanges se multiplient.
Mais ils ne se sont faits jusqu'ici qu'immédia-
tement et en nature. C'est l'enfance du commerce.
J'appelle cette période la première de ses progrès.
Bientôtl'émulationdevientgénérale; le nombre
des professions s'accroît. On a des charpenûers ,
des menuisiers , des maçons ; partout le travail
gagne en étendue et en perfection , et le seul
obstacle à la circulation du produit de cette
industrie naissante est la difliculté des échanges.
Le menuisier veut foire réparej- sa cabane :
comment payer le maçon ? En meubles? mais le
maçon en est pourvu. Et si le maçon a besoin de
vètemens , comment paiera-t-il le tailleur ? En
hii réparant sa maison ? mais elle est neuve.
« Pour éviter cet embarras, dit Smith, (i)
> tout homme prévoyant dans chacune des pé-
» riodes de la société qui suivirent le premier
» établissement de la division du travail , dut
(0 Lit. IfCliQp. IV, pag, 47, traduction de H. Gunier.
jNGoogle
PE L'ARGENT, etc. 7
» natnreUement tâcher de s'airanger pour avoir
» ^rdevers lui , dans tous les temps, une cer-
» taioe quoDÙté de quelque marchandise qui fût
M de nature à convenir à tant de monde , que
» peu de gens fussent disposes à la reiîiser en
» échange du produit de leur industrie. »
1* résultat de cette prévoyance fut l'adoption
générale d'une marchandise qui pût servir à les
évaluer toutes, et être constamment donnée et
reçue en échange dans les transactions du com-
merce quel qu'en fût l'objet. Il paraît que chez
les Grecs les bestiaux furent consacrés à cet
usage. Dans TAbyssinle, dit Smith, on y em-
ploya le sel , à Terre-Neuve, la morue, dans la
Virginie , le tabac Au surplus, que l'usage d'éva^
luer tout objet échangeable sur une seule mar-
chandise ait été la suite d'une convention géné-
rale entre tous les membres d'une soôété , ou
qu'il se soit introduit de lui-même , comme il
est plus naturel de le penser , il dut causer une
grande révolution dans le commerce du pays , et
accélérer considérablement sa marche. J'appelle
cette période la seconde de ses progrès.
Les opérations du commerce, quoique sao^
pliâées depuis que les échanges cessèrent d'étce
immédiats , offraient cependant encore au con-
sommateui* , et surtout au marjihand , de grandes
entraves. Il est même assez difficile de concevoir
ji-vGooglc
8 L I V R B I.
commept dans ]e9 paya qù les bestiaux eervaieat.
à évaluer les marohatidùes, oa pouvait se pfo-
curer celles d'un prix très- modique. Le sel ,
susceptible de ^ diviser à l'infini , paraîtrait plus
favorable à des échanges de tous les instans.;
mais comme il n'a qu'une valeur intrinsèque peu
proportionnée à son volume, un pareil moyen
d'échange seroit aussi très-embarrassant dans des
marchés d'une certaine importance.
Pour éviter tous ces inconvéniens , il aurait
fallu découvrir quelque marchandise qui réunît
à l'avantage d'être également et généralement
recherchée , celui d'offrir une grande valeur sous
un petit volume.
IjCS métaux pouvaient seuls .remplir cette dou-
ble condition, l^eur fusibilité , leur divisibilité
et la propiiété de ne rien perdre , ou de perdre
très-peu par l'usage, étaient de nouveaux mo-
bfs de préférence. Ou connaissait le cuivre de-
puis long-temps. Ce fut le premier métal que
l'on employa comme moyen d'échange. Le fer
fut ensnite appelé à rendre les mêmes services.
Ces deux wéuux avaient alors plus de valeur
que de nos jours , parce qu'ils étaient plus rares.
L'ioconvéïtaent de leur poids était ainsi en partie
.compensé , puisqu'avoc. une livre de cuivre , par
exemple, on avait deux fois, et peut-être dix
fois plus de bled, que n'eu solderait aujgur-
N Google
DE L'ARGENT, etc. 9
d'huila mèiiae quantité. Cependant l'or et l'argent
devaient preToloir ; et en etTet ils réunissaient
auK propriétés des autres métaux celle d^ïffrir
une valeur infiniment plus considérable sous
des volumes qui l'étaient beaucoup moins.
Ainsi les méuux remplacèrent successiTement
les marchandises qui avaient servi jusque-là &
exprimer le» valeurs. « Le fer, dit Smith, (i)
M fut l'instrument ordinaire du commerce chez
» les Spartiates , le cuivre chez les Romains ,
» l'or et l'argent chez les peuples riches et livrés
» au commerce. » Mais il est présumable que
les nations qui ont atteint un certain degré d'opu-
lence ont toutes employé ces métaux pour leurs
échanges ,et particulièrement les trois derniers.
On ne leur donna d'abord d'antre forme que
celle du lingot. Les morceaux d'or , d'argent et
viême de cuivre se prenaient ainsi au poids.
L'introduction d'un moyen d'échange aussi com>
mode ,en comparaison de tous ceux qui l'avaient
précédé , dut imprimer aux mouvemens du ooaa-
merce une rapidité extraordinaire. Je consi-
dère cette période comme la troiùème de ses
progrès. -
Mais il restait encore bien des obstacles à
taire diaparakre. Sans oease exposé à la surprise,
(.)T«ii.I,p*g.49.
N Google
10 LIVRET,
il fallait que le marchand eût toujours à la main
ou la balance ou la pierre de touche. Il était
aussi très -désagréable ettrès-gêoant de devoir
coQtÎDuellemeDt morceler ou foudi-e des lin-
gote, et l'on n'avait cependant que ce moyen de
compléter de gros paiemens, ou d'en faire de
petits.
Ce fut le désir de dégager le commerce de
cette dernière entrave , qui donna au souverain
l'idée de marquer de son empreinte tout le meial
ôrculant ; alors il eut un titre légal et une va-
leur connue. Il ne fallut plus ni peser ni éprou-
ver. On put sans crainte ni embarras traiter pour
les plus grosses sommes comme pour les plus
petites, et l'argent se répartissant de lui-même
dans tous les canaux de la circulation , on le^ vit
se multiplier et s'agrandir au grand avantage de
industrie , <lont la marche jusque-là avait tou-
jours été embarrassée.
Cette révolution donna au système des échanges
toute la perfection dont il est susceptible. Elle
consûtue ce que j'appelle sa quatrième et der-
nière période.
Je crois absolument innùle d'avertir que ces
diviàons en périodes , n'ont d'autre o1»jet que
de bien marquer les progrès du commerce ,
con^déré seulement sous le rapport de la fiici-
lité des échanges. J'ù d'ùlleurs ùàt abstraction
N Google
DE L'ARGENT, etc. ii
des temps et des lieux. La marche que j'ai indi-
quée a dû être, à très -peu de chose près', la
mêioe chez tous les peuples ; mais U est clair
que leurs progrès d'oui pas été identiques : c'est
ainsi, par exemple, que la Gaule pouvait n'en
être qu'à la seconde période du commerce , et
les pays du nord à la première , quand les Chi-
nois en étaient à la quatrième ; et aujourd'hui
que toutes les nations de l'Europe se servent de
monnaie d'or et d'argent, qui doute que plu-
sieurs peuples harhares, ou à demï-àvilisés,
ne fassent encore leurs échanges en nature ?
En réfléchissant aux quatre principales révo"
lutions qu'a subi le système des échanges , il est
aisé d'apercevoir que dans ses deux premières
périodes ils durent être peu multipliés , et abso-
lument restreints aux individus d'une même
bourgade, ou tout au plus d'une même nation.
Dans la troi^ème , les échanges purent s'étendre
de nation à nation j mais c'est à la quatrième
seulement qu'il faut attribuer tous les dévelop-
pemens ultérieurs qu'ils reçurent. Les progrès
de la navigation , les découvertes auxquelles ils
donnèrent lieu, le perfectionnement des arts et
des manufactures, ou plutôt la division (]ii tra-
vail en sont aus^ les résultats immédiats. Des
effets aussi extraorcUnaires exigent un examen
approfondi des différcn.tes fonctions que remplit
N Google
la L I V R E I.
l'argent , considëré comme instrument du com-
merce. Ce sera ToLjet du chapitre suivaDt, daaa
lequel je serai naturellement conduit k recher-
cher en (pioi l'argent contribue à la richesse du
pays.
N Google
DE L'AUGÏWT, Mc.
CHAPITRE II.
De l'irgent , cvusidér^ comine mojen d'éc)iing«. — En
qa«l Mue îl est richetM pour le paji.
Ij'argent, iotroduit comme monnaie dans
les sociétés, et serrant à exprimer les valeurs ,
eut pour premier résultat de les multiplier toutes.
Il est naturel de penser que lesi effets d'un bien-
&it si grand ne furent point méconnus. L'ac-
croissement de la producûoD , dû {HÎnâpalement
à l'argent qni faùHtait les échuiges y explique-
rait donc très-bien l'espèce de culte qu'on rendit
aux métaux dans l'enfance des sociétés , et le
sentiment quelquefois exagéré' de leur inflnence
sur la fortune publique ; mais on ne S'*eQ tint
pas à calculer cette inflnence. L'u-genl, devena
l'expression de toutes les richesses , pnssa bientôt
pour la lichesse unique ^ et cette opiaioa, que
le temps et les progrès natnntk des lumières de-
vaient insensiblentent ruioer , fin ausù celle des
gouvememens , «pii se conduisent encore de ma-
xûère à faire croire qu'ils c'en ont pas chingé.
C'est du moins ce que voudraient nous per-
' snader tant d'écrivains q^ ne cessent, en parlant
des actes de l'administration , de cner à l'ineptie.
ji-vGooglc
U L I V R Ë I.
Il semble , en lisant leurs ouvrages , que cette
vieille et ridicule opinion qui faisait consister la
richesse publique uniquement dans l'argent y
subsiste toujours. On croirait qu'ils la combattent
pour la première fois, et l'on se demande com-
ment, dans un siècle qui se dit posséder tant de
Itunières, il est possible que l'administration eu
ait si peu.
Les cconoBÛstes , auxquels on peut reprocher
d'avoir très-bien combattu des erreurs qu'on
ne professait point , et d'avoir obscurci toutes
les vérités qu'on professait , les économistes sont
les premiers en France qui aient prétendu que
l'argent ne constituait pas la richesse du pays ,
tpxe son abondance dans la àrculation ne pou-
vait pas plus influer sur la prospérité publique
f{ue celle de toute autre marchandise , qu'il n'y
avait de richesse que le produit de la terre , etc.
Cette doctrine fut soutenue avec une chaleur
qui tenait de l'eutbousiasme , par des hommes de
beaucoup d'esprit , dévorés de l'amour du bien
public. Elle eut bientôt de nombreux partisans,
La conséquence de ce système était qu'il fal-
lait préférer l'agricultiu^ aux fabriques, ne point
s'occuper de l'abondance du numéraire , n'en
point redouter la disette , abandonner l'industrie
à elle-même , et dégager le commerce de toutes
ses entraves, tant dans l'iotérieur qu'au dehors.
N Google
DE L'ARGENT, eto. i5
Au moyeo de cette révolution libérale , les
..nations ne composeraient plus qu'une même fa-
mille : chaque partie du monde deviendrait un
marché général où les nations pourraient aller
échanger au loin , contre des produetions étran- '
gères et de luxe , les métaux qui alimentent leur
propre industrie. Il n'y aurait plus de rivalités
entre les peuples , plus de monopoles oppressifs,
plus de guerres cruelles. L'âge d'or allait renaître.
On peut , suctout aujourd'hui , qualiJier de
rêveries de pareils systèmes de perfectibilité, qui
rappellent involoutairement celui du bon abbé
de Saint- Pierre. Laissons tous ces projets d'union
qui embrassent le monde , et qu'il est si difiBcile
de réaliser entre les citoyens d'une même nation,
d'une même ville , quelquefois entre les mem-
bres d'une même famille^ et puisque ne dépend
pas de nous de réformer les hommes , contea^
tons-nous de les étudier afin de nous mieux
conduire , et prenons-les tels qu'ils sont.
Je reviens à l'argent, conàdéré comme instru-
ment du commerce. Les économistes , en s'ef-
forçant de prouver que l'argent ne constitue
point la richesse nationale , supposèrent que jus-
qu'à eax on avait fait consister la richesse du
pays uniquement dans l'abondance des métaux ,
indépendamment de la faculté qu'ils ont de mul-
ûpVier , comme rnoonaie, tomes les sources de
ji-vGooglc
i6 LIVRE I.
richesses. Ils affectèrent de croire que Taugmen-
tatioD des reproductions n'était jamais la suite
de raccroissement de la quantité du numéraire.
Us soutinrent que la mulùplicaàon des liestianx
pour l'agriculture , la conserration des forêts ,
la bonne direcûon des eaux , l'établissement de
nouvelles usines,de nouveaux ateliers, U création
de matières premières, etc. pouvaient seul s ajouter
à la prospérité publique , et ils perdirent de vue,
que c'était uniquement pour améliorer l'agri-
culture, pour augmenter le nombre des ma-
cbines , des ateliers , des matières premières , en
un mot pour multiplier les reproductions que
les gouvervemeos encourageaient l'importation
de&méuiax. Enfîn ils s'enfoncèrent dans des cal-
culs immenses et créèrent des hypothèses ab-
surdes afin de prouver qoe si le numéraire ve-
nait trop à s'accroître il perdrait de sa valeur «
comme ai cet incoBvénient était à erïàndre en
France , où le numér^e a toujours été înt^ieur
aux besoins de la CH-cubàoB , en France où. l'on
n'a pu trouver encore l'art d'y sup^éer par le
crédit et toutes lies institutions qu'il facilite.
Et c'est ainsi qu'ea se leiuait saia cesse à côté,
as la question , qu'eu voyant les choses autre-
ment qu'elles sont, autrement qu'elles ne peuvent
êti"* , c'est ùnsi qu'en reproduisant des errçurs
qtù ne aubsiauieni plus , pour avoir le plaiùr do
vGoogIc
DE L'ARGENT. 17
les combattre , les écoDomistes étaient parvenu*
à embrouiller les matières les plus claires y k
jeter un voile sur des vérités en quelque sorte
praticpies , et qu'en résumé , ils avaient persuadé
aux étrangers , à leurs propres coucitoyens y et
même à leur gouvernement, que la France en
était encore aux élémens de la science dé l'ad-
ininistr.ition.
Tout le mal que pouvûent ffùre les éco-
nomistes est fait , et ce serait aujourdliui em-
ployer assez inutilement son temps que de cher-
cher à réfuter leurs principes, si tous les jours
on ne les reproduisait , et même en affectaut de
les combattre , si , dis- je y on ne les reproduisait
avec un art d'autant plus dangereux , qu'on sem-
ble avoir pris à tâche de leur donner pour appui
le nom d'un écrivain fameux , dont l'autorité ,
b'ès- contestée en Angleterre, acquiert chaque
jour plus d'empire en France. Ai -je besoin
d'avertir que cet éciîvain est Smith ?
" De ce que l'argent , nous dit son traduc-
» teur, (i) constitue véritablement une partie
ji du fonds productif de la fortune d'uu partica-
m lier , et de ce que cette fortune se grossit
» évidemment à mesure que cet article vient it
> y augmenter, est née cette fausse opinion , su
.(.)Pig.44,Préf««.
N Google
i8 L I V R E I.
m séoêralement répandue, que l'argent est une
■ des parties constituantes de la richesse oalio-
» nale , et qu'un pays s'enrichit à mesure qu^I
» en recueîUe des autres pays , avec lesquels il
» est en relation de commerce. »
Le traducteur de Smïtb , d'accord en cela
avec la plupart des écrivains aoti - administra-
tifs , ne veut donc point que l'argent sott une
partie constituante de la fortune publique. 11 ne
veut point qu'une nation , qui en recueille par
suite de son commerce extérieur , s'enrichisse ;
et il ne le vent point , parce qu'il ne considère
dans l'argent que la valeur de l'argent , sans ré-
fléchir à la propriété qu'il a , comme monnaie ,
de rendre la circulation plus active , et par con-
séquent de multiplier les produits du travail.
Il faut juft^er cette asserùon. Je continue de
citer:
« Des marchands accoutumés à se retirer
» chaque soirdanslenrsbouùquesetàycompter
» avec erapressemem la quantité d'argentcomp-
» tant ou de bonnes créances que leur a pro-
» duit la vente de la journée , ne calculant leurs
» pro6tsquesur cerésultotjetbien certfdnsque
M ce calcul ik les a jamais trompés , ont natu-
« reilement pensé que les affaires de leur nation
M ne pouvaient pas suivre une autre marche , et
M ils se sont affermis dans cette idée avec cette
N Google
DE L'ARGENT, etc. 19
» imperturbable confiance que donne une expc*
H rience dont on s'sst bien trouvé pour son pro*
n pre compte , et qui ne s'est jamais démentie.
» De là ces opinions exagérées sur l'importance
» de l'argent, etc. »
Ainsi, nou-6eulement le traducteur de Smith
ne veut pas que l'on attache de l'importance à I»
conservation et à l'augmentation du numéraire,
mais encore il cherche à faire paraître ridicules,
par une comparaison qu'il rend fausse , tous ceux
qui seraient tentés de soutenir que ce qui con-
tribue à la richesse d'un parùculier, doit con-
tribuer aussi à la richesse de la nation.
Je dis que le traducteur de Smith a rendu
fausse la comparaison que fait ce marchand de
sa fortune avec celle de l'Etat. C'est une suite de
ce que M. Garnier ne voit dans l'argent que sa
Valeur. Je vais donc me seimir contre lui - même
de cette comparaison , en la resbtuant à son vé'
litahle sens.
Un marchand , dont le numéraire augmente i
s'enrichit ; pourquoi ? parce que cette augmen-,
tation de numéraire lui procure les moyens d'a-
grandir son commerce, d'acheter ou de fabnquer
plus de marchandises , de les vendre à de plus
douces conditions , soit en se contentant d'un
laoindre bénéfice, soit en accordant de plus
longs crédits , soit en ûisant de plus grandes
N Google
ao L I V R E I.
avances : eb bien , ces avantages que le ûmple
marcband retire de l'augmeatation d'argent que
lui procure son commerce , est-ce qu'une na-
tion ne les retire pas également de l'accroisse-
ment de sou numéraire ? P^'est- ce pas parce que
l'Angleterre est , toute proportiou gardée ,
plus riche en numéraire que la France , qu'elle
trouve les moyens de multipUer , d'une ma-
nière si prodigieuse, ses reproducûonsannuelles?
n'est-ce pas cette même raison qui la rend m:il'
tresse du commerce de la Russie , de ce com-
merce qui s'effectue avec nos propres marchan-
dises , et qu'il nous est impossible de tenter ,
parce que nous ne pouvons faire ni crédit , ni
avances? n'est-ce pas cette abondance de numé-
raire et le papier de crédit qui y supplée, qui
rendent eu Angleterre la circulation si active *
et n'est- ce pas cette «irculatîon active qui pro-
cure à la naûon les moyens d'acquitter , avec
un territoire et une population deux fob moindres
qu'eu France , des impositions trob fois plus
considérables ? Soyons vrais. Cet bonnéte mar-
chand, qu'on veut nous rendre ridicule, parce
qu'il jugedes affaires publiquesd'aprés les siennes
propres , a certes beaucoup de sens ; et je m'en
rapporterais bien plus volontiers à son expé«
rieuce , quelque grossière qu'elle puisse paraître ,
qu'aiix raisounemens alambiqués desécouomistes.
N Google
DE L'ARGENT, «c. at
donl toute la science , puisée dans les livres , n'a
d'autre base que des hypothèses.
J'avoue que j'ai de la peine à concevoir com-
ment Vargent , étant une partie constituante
du fonds productif de la fortune d'un par-
ticulier, ainsi que le traducteur de Smith Tan-
nonce formellement , pourrait ne pas être ca
même temps une partie constituante du fonds
productif de la richesse de la société. Car enfin
de quoi se compose le fonds productif de la ri-
chesse de la société , si ce n'est de la réunion
de tous les fonds productifs de la richesse de
chacun de ses membres ?
On raisonnait du moins ainsi avant l'existence
de la science économique. Plus un manufac-
turier a d'argent, disait>on, plus il peut pro-
duire , par conséquent , plus il est riche j et
comme il n'y a point de nation qui ne soit
manufacturière , ou sî Ton veut productive ,
c'était une conséquence indbpensable que plus
une nation possédait d'argent , plus elle était ri-
che, parce que pins elle avait de moyens de travail.
Tons les écrivains qui ont précédé les é'co-
nomïstes , s'étaient fait de la richesse des nations
la même idée. Parcourez l'Essai Politique de
Melon , les Réflexions de Dutot sur le Com'
merce et les Finances , lesnombreui ouvrages
de Ferbonnais , partout vous trouverez que Taiv
N Google
311 X I V R E I.
geot est rÏDStmzneDt indispensable de la repro-
duction; partout TOUS vous convaincrez que
c'est dans ce sens , et dans ce sens seulement ,
qu'on l'appelle richesse.
Et pensez-vous qu'un homme raisonnable ait
jamais pu croire et publier que la France , pos-
sédant deux milliards de numéraire , était riche,
dans le sens qu'on donne vulgairement à ce mot ,
eu l'appliquant à un simple particulier qm a cin-
quante , soixante , cent mille francs d'argent
comptant ?
On ditqu'un parùculier qui a cent mille francs
d'argent comptant est riche , et cela ne signifie
autre chose, sinon qu'il peut dépenser annuel-
lement le revenu de cent mille francs. Quand
on dit d'un pays qu'il est riche de deux milliards
de numéraire , on n*entend pas que ce pays peut
dépenser le revenu de deux milliards ,ce qui u'au-
roit aucun sens ; ou entend qu'il a les moyens
d'entretenir avec ces deux milliards une circu-
lation en valeurs dix fois , vingt fois , trente fois ,
plus considérable , ou , ce qui revient au même ,
qu'û peut produire ces valeurs. Or, ces moyens
de produire , qu'il doit à l'argent , on les appelle
richesse. Soutiendrez -vous que cette dcnomi-
naûon n'est pas méritée ?
Ainsi quand les gouvememei» cherchent à
prévenir l'écoulement du ntunéraire , quand ils
N Google
DE L'ARGENT, etc. aS
fjoDsidèreat comme désavantageuse une expor-
tatioQ de auméraire qui doane en retour des
marchandises, s'ils déplorent la perte de ce nu-
méraire, ce n'est point pour sa valeur qui rentre
nécessairement , c'est parce que cette valeur qui
rentre ne peut pas produire dans la circulation
les mêmes effets que l'argent, c'est parce qu'elle
ne peut pas faire l'ofiice de monnaie, c'est-à-
dire passer en un jour daus quatre-vingts mains,
et déterminer ainsi à chaque transition une pro-
duction nouvelle.
Cet accroissement de valeurs ou de produits,
qu'on doit à l'argent, justitîe bien , je pense ,
l'attention avec laquelle les gouvernemens cher-
chent à le conserver et à l'augmeater. Le traduc-
teur de Smith , qui ne croit pas h cette grande
utilité de l'argent , pense que l'on s'en est exagéré
tous les avantages , et il ajoute : n De là ces cal-
j» culs absurdes qui ont fait de ce qu'on nomme
» la balance du commerce , le thermomètre de
■ la prospérité publique , de là ces systèmes
n réglementaires et ces monopoles oppressifs,
» imaginés pour grossir l'un des côtés de cette
» balance ; de là enfin ces guerres sanglantes
» qui ont embrasé les deux hémisphères depuis
»' l'époque où la route des Indes et du Nouvema-
» Monde est devenue familière aux nations eu-
n ropéennes. u
N Google
34 L I V R E I.
Voilà, certes, un tableau eflrayant des mal-
heurs causés par lopinioii exagérée de l'utilité
de l'argent. Maïs que l'oD se rassure. Ce n'est
point cette utilité qui est exagérée , c'est le
tableau prétendu des malheurs qu'elle a produits.
Quand les nations se font la guerre pour coo-
server des branches de commerce avantageuses*
c'est assurément un grand mal ; mais si elles n'ont
aucun autre moyen d'empêcher qu'on ne les
dépouille, ce mal est inévitable. On peut, à
certains égards , ranger la guerre actuelle avec
l'Angleterre dans la classe de celles dont parle le
traducteur de Smith. Aurait-il voulu que , pour
la prévenir , on eût livré aux Anglais notre
marché intérieur , en permettant l'entrée en
France de leurs marchandises ? Mab une pareille
coocessioa eût à jamais anéanti notre industrie.
Ce malheur ne serait-il donc pas plus grand que
celui passager d'une guerre au souden de laquelle
d'ailleurs la gloire nationale est intéressée ?
Ouï , certes , l'opinion de l'utilité de l'argent a
donné lieu à des guerres sanglantes ; mais ces
guerres avaient toujours pour objet la prospérité
du pays ; et quels motifs pourront jamais déter-
miner une nation à prendre les armes, si le plus
impérieux de tous, après la défense de sa liberté,
n'est pas celle de son commerce ?
ft Ceux-là se trompeut, qui ne voient dai^ cea
jnGooj^Ic
DE L'ARGENT, etc. a5
» guerree qu'un calcul aveugle de l'argeni. Ce
» n'est pas autant les métaux précieux qu'on
* envie , ^ue les effets résultant de leur
» accroissement continuel; c'est-a-dikb,
» l'augmentation a laqdxixi: ils donnent
» nécessaihehent lieti dans la prodcction
» ET LA POPULATION. C'est par là que la ba-
» lance du commerce ùent à la balance des pou>
» Toirs , et que l'équilibre mariûme est la base
» réelle de l'équilibre de l'Europe. »
Le lecteur croit que ce morceau est écrit
dlùer , et que l'auteur a eu en vue de réftiter le
traducteur de Smith. II se trompe ; l'ouvrage
auquel je l'emprunte est de 1767. On l'attribue
à Forbonnais; il a pour titre, Principes et
Observations économiques. L'époque où il
parut est celle des discussions que di naître la
publication du Tableau économique, yériiahXe
hiéroglyphe , même pour les adeptes. La manie
des paradoxes et des systèmes dominait alors à
tel point, qu'il était, pour ainsi dire , défendu de
se servir du mot commerce; et l'on sait effectï-
vement que dans le système des économistes , le
commerce était compté pour rien. Aussi l'auteur,
pour se conformer à cette espèce de proscription
du mot commerce, qui n'était que la suite de
la prosctîption du commerce lui-même , annonce-
t-il qu'au lieu de l'employer , il se servira du
ji-vGooglc
36 L I V R E I.
mot circulation. On croira difficilement un Jour
que la France , au milieu du dix-huitième siècle,
ait été cooduite à cet excès d'aveuglement par
des hommes dont les écrits sont pour la plupart
iniotelligibles ; et ce trait de l'hisioire des temps
qui OQt précédé la révolution , ne sera sûrement
pas un de ceux qui contribueront le moins à
expliquer les causes de cette grande et terrible
catastrophe.
J'espère avoir prouvé dans ce chapitre, que
les gouvernemens font consister l'importance
qu'ils attachent à la conservation et à l'augmen-
tation de l'argent , non dans sa valeur, mais dans
la propriété qu'il a , comme monnaie , de rendre
la circulation et la production plus actives. C'est
donc dans ce sens uniquement qu'il faut entendre
le mot richesse , appliqué à l'argent que possède
un pays. J'insiste sur ces vérités très-communes,
et qui sont la base de tout le système commer-
cial, parce qu'on est parvenu à les obscurcir de
manière aies rendre absolument méconnaissables.
De nouveaux développemens justiSeront cette
double assertion. J'y consacrerai les deux cha-
pitres suivans , dont le dernier sera plus particu-
lièrement relatif aux efîets de la circulation.
jnGooj^Ic
DE L'ARGENT, eie.
CHAPITRE III.
Continoalion <1b mime sujet. — En qael (eni l'irgent est
m«r«ltuidiH.
La foDCtion importante que remplit l'argent ,
en interrenaDt daas toutes les transacûons de la
société * et ses efiets relatÎTcmeot à la prospérité
publique, durent être pour les hommes qui
s'occupèrent les premiers d'en reoherclier les
causes , un objet continuel de méditation. Aussi
tous les écriTaini qui ont traité ces matières,
■ont-ils entrés dans de grands développemens
«ur l'argent, considéré comme monnaie. On ne
peut douter qu'ils n'en aient eu, pour la plupart,
des idées juste^. Cependant ils »e sont quelque-
fois servi , pour désigner l'argent , d'expressions
peu exactes , et l'on s'est autorisé de ces expres-
sions en les détournant de leur sens convenu ,
pour reprocher aux écrivains qui les avaient
employées , d'avoir parlé de l'argent , sans
même savoir ce que c'était que l'argent.
ForboQuais appelle l'argent, gage des den-
rées ; Montesquieu, signe de la valeur des
marchandises; Condillac, mesure des va-
leurs. Smith appello aussi l'argent , mesure des
ji-vGooglc
a8 L i V R E I.
valeurs; et il emploie iodineremmeat les mots
signe des 'valeurs , mesure des valeurs.
« L'argent , dit Condîllac , n'est point le signe
» des valeurs. En se serrant de cette expression
» pour le désigner , on paratt regarder l'argent
* comme un signe choisi arbitrairement , et qui
» n'a qu'une valeur de conventioD. (i) »
Cette observation est fondée. Mais qui ne voit
que le mot signe appliqué à l'argent, n'a point
l'acception rigoureuse que veut lui donner ici
Condillac ? Le reproche qu'il adresse à tous ceux
qui s'en sont servi , se borne donc à une simple
critique de motj et cependant comme on était
paru de |à pour soutenir que ceux qui appe-
laient l'argent un signe , s'en faisaient une idée
absurde , l'on en a conclu depuis , et avec quelque
apparence de fondement , qu'ils n'avaient pu
écrire sur l'argent que des choses absurdes.
Mais Condillac qui ne veut point que l'argent
soit un signe, l'appelle, lui, une mesure. Or,
l'argent n'est pas plus une mesure qu'un signe , ■
parce qu'il n'y a de mesure que ce qui ne varie
point, et que l'argent varie. Ainsi il ne combat
une expression vicieuse, que pour lui en substi-
tuer une qui l'est à peu près autant.
(i) Le Commerce et le GouTernement, première parti»,
chapitre XJV, deraier paragraphe.
jNGoo<île
DE L'ARGENT, etc. 39
Je dis à peu près autant j car on peut très-biea
considérer l'argent comme mesure des voleurs à
une époque donnée; muis alors il est mesure
relative , et rien de plus.
Assurément il importe de ne se servir que
d'expressions justes ; mais quand le sens d'un mot
est clairement énoncé par tout ce qui l'accom-
pagne; quand il est, en quelque sorte, reçu et
consacré par l'usage , il est aussi par trop ridicule
d'aller régenter l'auteur comme un écolier; et
H l'on veut absolument qu'il puisse être utile
aux progrès de la langue et de la grammaire do.
redresser l'écrivain , du moins conviendrait-on
qu'il est souverainement injuste de chercher dans
son livre autre chose que ce qu'il contient, pré-
cisément parce qu'un mot y a été détourné de sou
vrai sens.
<r De même que l'argent est un signe d'une^
j» chose , dit Montesquieu, (1) et la représente,
H chaque chose est un signe de l'argent, <• et
rien ne montre mieux , j'espère , qu'^n se servant
du mot signe , l'auteur y attache l'idée de valeur^
puisqu'il l'applique indifféremment à l'argent et
à la marchandise.
Ainsi donc il est arrivé que pour s'être servi
d'un mot impropre , dont le sens ne présentait
(0 £*prit dea Loù , liv. XXU, ckap. II.
ji-vGooglc
3o L I V R E î.
d'ailleurs aucane éqnîvoque , on est parVeQti k
|H-êter à des écrÏTains sensés et profonds une
opinion ridicule et absurde qulls n'avoient jamais
ni défendue ni professée ; d'où il résulte qu'il
en a été du mot signe appliqué à l'argent , comme
de celui richesse , et qu'en combattant l'un et
l'autre, ce qu'on fait encore tous les jours, on
ne prouve absolument rien , sinon qu'on n'a pas
lu , ou qu'on a mal lu les auteurs qui s'en sont
servis.
Et de là toutes ces déclamations sur l'argent
qui n'est ni un signe , ni une mesure , ni un
gage j sur l'argent qui est marchandise , qui n'est
que marchandise , et qui n'est pas plus précieux
qu'aucune autre marchandise.
£n proclamant avec tant de faste cette opinion
sur l'argent, qui n'est que marchandise , qui n'a
de valeur comme monnaie que parce qu'il a une
valeur comme marchandise , ne semblerait-il
pas que c'est une vérité nouvellement découverte,
et que tous ceux qui ont appelé l'argent signe^
ne considéraient ce signe que comme une valeur
de convention.
Nous venons de voir que selon Montesquieu ,
V argent est le signe de la denrée, et la
denrée le signe de Vargent, ce qui Teut dire
que la denrée vaut l'argent et l'argent la denrée.
Consultons maintenant Forbonnais sur le même
N Google
DE L'ARGENT., etc. 3t
ol>jet : « Les métaux précieux ont une valeur
» intrinsèque relative à l'usage que les hommes
» en pourraient faire , quand bien même Us ne
» s'en serviraient pas comme signe », A coup
sûr on n'a jamais rien écrit de plus positif snr la
valeur de l'argent , et c'est abuser étrangement
de la crédulité du lecteur que de l'induire à con*
sidérer comme absurdes tous les raisonnement
où l'argent n'est pas appelé marchandise.
C'est , dit -on, parce que l'argent a une va-
leur primitive , comme métal , qu'il en a une
comme monnaie , et sa valeur comme monnaie
doit toujours être égale , ou à peu près égale
à celle qu'il a comme métal. Oui i mais ri l'ar-
gent n'avait pas la propriété de pouvoir . servir
de monnaie, sa valeur comme métal serait
infiniment moindre , et tellement moindre , que
huit onces d'argent, qui achètent aujourd'hui un
aune de drap , n'en achèteraient peut-être pas
alors un douzième d'aune.
De l'immense quantité de métaux qu'on a ex-
traits jusqu'ici des mines, et qu'on en extrait en-
core tous les jours , combien en reste-t-il dans
le commerce sous la forme de lingots ou de
bijoux ? un vingtième tout au plus , et l'excédant:
se convertit en monnaie. Eh bien , supposez qu'il
existe quelque autre marchandise susceptible de
remplir plus commodément la même fonction ,
ji-vGooglc
53 L I V R E I.
fluppoaeï aussi que d'un conufiun accord tous
les peuples preuaent cette nouvelle marchandise
pour monuùe , je vous demande ce que devien-
dra tout l'argent qui circule , et si^ réduit désor-
mais à ne pouvoir servir qu'aux usages du luxe ,
l'efTet de ce changement ne sera pas de diminuer
considérablement sa valeur; car enfin, songez à
l'immense quantité d'argent qui viendrait tout à
coup encombrer le marché de l'orfèvrerie , et à
ravilissement prodigieux qui en serait la suite.
C'est donc une vérité constante que les mé-
taux préùeux doivent à l'avantage qu'ils ont de
pouvoir servir de monnaie , une très -grande
partie de leur valeur ; et cette remarque', qu'on
trouve aussi dans Forbonnais , est une nouvelle
preuve qu'iln'étaïtpas nécessaire d'appeler la mon*
naiemarcA(int//fe,pours'en faire des idées justes.
Mais est -il donc bien vrai que l'argent soit
marchandise? etne serait-il pas très -singulier
que ceux-là mêmes qui s'élèvent avec tant de
force contre les expressions inexactes , eussent
été les premiers à abuser des termes 7
Que peut- on appeler marchandise ?
J'appelle marchandise tout objet susceptible
d'échange qui, passant du producteur on da
vendeur k l'individu qui consomme , peut ou sa-
tisfaire immédiatement un besoin , on procurer
immédiatement ime jouissance.
N Google
DE L'ARGENT, etc. 53
. L'argent est évidemmeotsusceptibled'râhaDge;
mais peut-il toujours salisfûre immédiatement
UD besoio , ou procurer immédiatement une
jouissance ? le peut'il surtout lorsqu'il est moiv-
nayé? non. L'argent n'estdonc point raarclinndise.
Remontons plus haut , et prenons l'argent i
sa source , je vaux dire au moment où il sort
de la mise. Là îl est marchandise ; et vous allés
voir pourquoi :
L'argent , au sortir de la mine , se répand
chez les nations qui ont besoin de métaux, soit
pour les convertir en monnaie , soit pour en
faire des ornemens ou des meubles de luxe. Il
s'y répand, dis'je ,à raison des moyens que ces
nations ont d'en acheter ; «t en l'achetant y c'est
évidenuneot un besoin qu'elles satisfont, et même
un besoin très-impérieux , puisque l'argent est
devenu le principal instrument du commercé.
Ainsi l'argent pns à 59 MUrce est mardian^sD,
parce qu'il est l'objet d'une demande immédiate
de la part des nations qtû le paient ; et ne perdez
pas de vue que son prix s^ composa alors comtns
celui de tont« autre marchandise de la rente de
la terre , des salaire» du travail et de l'intérêt ott
profit du capital qui l'a mis en œuvre.
Je ne crois pas avoir besoin d'avertir qu'an
représenUnt les Dations comme achetant l'argent
à sa source , j'entends parler de celles qui ont
5
ji-vGooglc
54 L ! V R E I.
des mioes , comme de celles qui n'en possèdent
poiot i car ces mioes soQt exploitées pour le
compte de particuliers , ou pour le compte du
gouvememeot , et dans l'un ou l'autre cas , il
fiiut toujours que le produit qu'elles donnent
remplace, et au-delà , les frais de l'exploi-
tation, c'est-à-dire , les profits du capital que
cette exploitation exige , les salaires du travail et
la rente de la terre.
Voyons maintenant ce que devient Vargent
marchandise t acheté ainsi au moment de sa
production,
11 arrive au marché général de la nation qui
«'en est rendue propriétaire , et là se distribue.
Une partie des lingots passe dans le commerce
de l'orfèvrerie ; l'autre est convertie en monnaie
pour servir aux besoins de la circulation. Or , le
mot marchandise convient- il également à l'ar-
gent qui a reçu ces deux destinations. Telle est
la question.
Je dis qu'il convient très - bien à l'argent qui
a passé dans le commerce de l'orfèvrerie pour y
être converti en bijoux , en vaisselle , en meu-
bles , parce que cette vaisselle , ces bijoux , ces
meubles seront ensuite vendus à des consom-
mateurs, qui satisferont ainsi immédiatement ua
besoin , ou se procureront immédiatement une
jouissance.
N Google
DE L'ARGENT, etc. 55
■ Mais je nie qu'il puisse égalemeol convenir i
l'argent monnayé , qui devient , jKir cela même
qu'il est monnayé , intermédiaire indispensable
entre la production et la consommation , et no
peut plus satisfaire immédiatement aucun be-
soin , si ce u'esl celui de l'avare, dont je crois
ne devoir faire ici aucun compte.
Ainsi l'argent, tant qu'il est sous la forme do
bijoux , de vaisselle , ou même de lingots , est
marchandise , et il cesse d'être marchandise dèd
quil devient monnaie.
Et qu'on ne dise pas que j'ai mal défini la
mot marchandise. Je le répète , il n'y a de
marchandise que ce qui , susceptible d'échange »
peut , en passant du vendeur au consommateur ,
OU procurer immédiatement une jouissance , ou
satisfaire immédiatement un besoin.
Cette définition du mot marchandise est la
plus étendue et la plus générale qu'on en ait en-
core donnée , puisqu'elle comprend tous le»
produits possibles du travail , tant matériel qu'im->
matériel , depuis le meuble grossier que fabrique
un menuisier de campagne, jusqu'à l'éloquent
plaidoyer d'un Lamalle ou la représentation
d'un chef- d'œuvre de Racine.
Mais ceUe définition de la marcliandise , qui
s'applique ainsi à tout ce qui est susceptible de
trafie OH d'échange , ne s'applique précisément
N Google
S6 L I V R E ï.
poiot à l'ai-geut monD»yé, parce qu'eo effet Tar-
geot monnayû n'est jaQiiiis que.... le dirai- je 7
le gage , le signe de la marchandise , et c'est
oÎDsique, malgré moi, }e me vois forcé d'eD
revenir à l'expression de Forbonaais , tout im-
propre qu'elle parait d'abord.
Od dit vulgairement qu'on a besoin d'argent ,
comme on dit qu'on a besoin d'un meuble ^ mais
ces expressions sont très-différentes ; car on a
besoin d'argent pour acheter le meuble «et voilà
pourquoi le meuble est véritablement marchan-
dise , tandis que l'argent n'est que le gage de la
marchandise , ou plus clairement , un moyen
facile et certain de se la procurer.
Vous ne persuaderez à personne , avec votre
système snr Vargent marchandise , que quand
un débitant vous vend une aune de drap, il
achète de vous huit ou neuf onces d'argent. II
reçoit cet argent eu échange : fort bien ; mais
s'il n'avait pas la certitude que d'autres le rece-
vront de même quand il le leur présentera à son
tour, de bonne foi l'accepterait- il ? L'argent
u'est donc point marchandise ?
Mab si l'argent qui circule n'fest pas marchan-
dise , encore faut -il bien qu'il soit quelque
chose. Oui , certes ; il est monnaie. Qu'avez-vous
l>e6oin d'autres mots pour rendre les idées que
celui-ci réveille ? à quoi bon appeler l'argent
N Google
DE L'ARGENT, etc. 5?
signe des valeurs . gage des -valeurs , me-
sure des valeurs ? appeliez-le monnaie tout
fiimplemeat , et attaches à cette expression l'idée
d'une valeur qui facilite à Tiadividu qui con-
somme, les moyens de traiter avec celui qui pro-
duit. Vous vous ferez ainsi de l'argent des notions
claires , simples , justes , et vous ne courrez pas
le nsque de confondre , dans vos doctes médita-
tions , le grand instrument de la production
avec la chose produite , et d'affirmer par suite ,
qu'à valeur égale , l'un n'est pas plus utile que
l'autre , parce que l'un est marchandise comme
l'autre.
Si quelque chose pouvait montrer à quel point
l'ahus d'un mot ioOue sur les conséquences du
raisonnement , ee oe serait pas ce qu'on a écrit
sur l'argent, signe, gage, ou mesure des valeurs,
mais bien les étranges résultats auxquels cette
obstination d'assimiler l'argent aux autres mar-
chaodites , a conduit tant d'écrivains recom-
mandables. Il semble cependant qu il suffise d'ou-
vrir les ^ux pour reconnaître que partout l'ar-
gent est le grand ressort du commerce , et de là
èl'induRttOB qu^l fait essentiellement partie de
la richesse d'un état , l'iniervalle est-il donc si
grand ?
Rappelons -bOu s l'état de l'industrie dans les
4eux premières période^ de ses progrès. Quel
N Google
58 L I V R E I.
coiumerce pouvait-il esister entre des hommes '
obliy^s d'ûcbanger productions contre produc-
tions, marchandises contre marchandises? l'in-
troductioD de l'argent comme monnaie , pou-
vait seule multiplier toutes les facultés produc-
tives du travail , et si l'on en doutait, je deman-
derais où sont les états opulens qui ne se soient
pas élevés par ce moyen.
ru quoi , me dïra-i-on, l'argent devait -il
être tellement utile , que l'on n'eût pu rigou-
reusement s'en passer ? On aurait pu se passer
de l'argent , comme on pourrait se passer des
iiris et des sciences ^ et il aurait même bien fallu
qu'on se passât d'argent , si on n'eut pas décou-
vert des mines. Maïs alors il serait arrivé qu'au
lieu de se servir des métaux pour numéraire, oa
eût adopté telle autre produ(;tion qui en aurait
tenu lieu. Il n'en existe aucune qui puisse rem-
plir aussi bien les mêmes fonctions j mais puisque
l'on avait déjà employé à cet usage , du sel, des
coquilles , des bestiaux , on aurait continué. L'in-
commodité de cette monnaie aurait empêché que
les échanges ne se multipliassent , et par consé-
quent , que l'industrie et la civilisation ne ûssent
des progrés ; mais comme l'industrie et la civi-
lisation ne sont point rigoureusement indispen-
sables à l'existence de l'homme , les générations
ne s'en seraient pas moins propagées » et toute
N Google
DE L'ARGENT, etc. Sg
la différence est que l'espèce bumaÏDe serait
restée à demi - barbare , au lieu de tendre cous-
tammeot à ragrandissement de ses facultés, pai;
le développement progressif du commerce , des
ans.et des scieuces.
Ainsi c'est un bien pour toutes les nations en
général qu'il existe des métaux précieux ; et c'est
par suite un très -grand avantage pour chaque
nation en particulier , de posséder la plus grande
quantité possible de ces métaux.
Mais si l'argent constitue la richesse d'une
nation, la plus riche sera donc celle qiù possède
des mines , et voilà qu'on m'oppose l'Espagne et
le Portugal, dont l'exemple semble prodigieu-
sement infirmer ma théorie.
Je réponds : l'argent ne constitue la richesse
d'une nation , que parce qu'il lui donne les moyens
de rendre les échanges plus nombreux, la circu-
lation plus active et la production plus considé-
rable. Ainsi pour que le numéraire soit richesse
dans un pays , il faut que ce pays sache ou veuille
l'utiliser en reproductions intérieures. L'Es-
pagne et le Portugal , propriétaires des mines ,
au lieu de consacrer une partie de l'argent
qu'elles en retiraient à cet emploi, ont trouvé
plus commode de se servir de la totalité pour
acheter des autres peuples ce que jusque-là
on avait fabriqué intérieurement. Dans ce coAt
ji-vGooglc
4o L ï V R E I.
merce , les nations qui fournissaient l'argent
avaient tout à perdre ; car , d'une part, il n'était
pas certaio qu'elles pourraient le contiouer, puis-
que les mines s'épuisent, et de l'autre, elles
donnaient à des nations rivales des moyens de
travail et de puissance. Aussi l'Espagne a-t-elle
long-temps décliné. Quant au Portugal, on sait
que depuis le traité de Méthuen , l'argent qu'il
reçoit de ses mines ne débarque à Lisbonne que
pour prendreiramédiatement la route de Londres.
L'exemple du Portugal et de l'Espagne quidrpuis
trois siècles approvisiomient l'Europe elle mondé
de métaux précieux , ne prouve donc pas que
l'flrgent ne soit pas une marchandise plus utile
que les autres , mais bien qu'il faut savoir la
garder et surtout l'employer.
C'est une opinion généralement reçue , que
Jh diminution du numéraire dans un pays qui
décline , est la cause de son appauvrissement.
Smith veut qu'elle n'en soit que l'effet. La dimi-
nution du numéraii-e dans un pays peut élre ,
comme le prétend Smith , un effet de sa décn-
dencej mus il est possible aussi qu'elle en soit
la cause ; le plus souvent même elle aura ce
caractère, et c'est ce qu'il importe de bien faire
entendre.
Je prends l'Angleterre pour exemple. L'An-
gleterre est aujourd'hui le pays de l'Europe la
N Google
DE L'A R G E N T, eto 41
plus opulent. Je suppose que tout à coup son
esprit commercial vienne à s'éteindre. Au lieu
de s'occuper à agrandir ses relations extérieu-
res , elle s'en laisse enlever une partie. In-
sensiblement ses débouchés se ferment. Les
produits annuels de son travnil i£minuent dam
une proportion toujours croissante , et la plu-
part de ses ouvriers restent dans l'inaction.
Dans cet état de choses , le numéraire du
pays est trop considérable pour ses échanges
intérieurs. On pourrait bien l'employer en re-
productions ; mais la nation ne veut plus , ou
ne sait plus produire. Il s'écoule donc à l'étran-
ger. Ici la diminution du numéraire est évi-
demment l'effet de la décadence du pays. Ces»
la seule hypothèse qu'admette Smith.
En vmci une autre. L'Angleterre qui a eu
jusqu'à présent le très-bon esprit de préférer
pour sa consommation intérieure les marchan-
dises de son industrie , chdnge tout à coup de
système. L'industrie des peuples rivauï est de-
venue supérieure à la sienne propre. Au lieu
donc de se contenter des productions de celle-
ci y les Anglais ne consomment plus que des
marchandise» de celle-là. Ne pouvant les payer
en productions du sol , il faut que le numéraire
s'écoule. Chaque guinée esportée est enlevée
au soutien de l'industrie nationale qui va tou-
N Google
43 L I V R E I.
jours en déclÏDant ainsi que la population. Après
un laps de temps très - court , l'Angleterre est
hors d'état de rien produire j alors elle est ar-
rivée au dernier degré de l'épuisement , puis-
qu'elle n'a plus ni capitaux ni ti'availleurs. Ici
l'ccoulemeiit du numéraire n'est pas l'effet de
la décadence du pays ; il en est d'abord la cause ,
et successivement la cause et l'effet.
Dans l'une et l'autre hypothèse , l'exportation
du numéraire est un signe d'appauviissement.
Smith , qui n'admet que la première , décrit
avec beaucoup de vérité , de force et de cha-
leur , les effets de l'écoulement de l'argent. Ce
morceau trouvera place ailleurs. En attendant
je prie d'observer qit'il s'applique aux deux
hypothèses, parce que dans toutes deux, l'ex-
porlatiou du numéraire a les mêmes résul-
tats. J'ajoute qu'il s'applique plus particulière-
ment encore à la seconde , qui s'est déjà plu-
sieurs fois vériGée chez différentes nations de
l'Europe.
C'est donc une vérité reconnue que plus un
pays aura d'argent en circulation , plus il aura
de moyens de travail.
Mais en quoi consiste la circulation 7 quels
en sont les effets relativement à la production ?
Comment peut-on la rendre plus active , san»
jiugmenter la quantité de numéraire ? l'ezaraen
N Google
D E L'A R G E N T, etc. 45
àe ces questions fera l'objet des deux chapitres
miyans , daos lesquels j'espère confirmer par
de nouveaux raisonnemens les pnncipes que jo
viens d'établir sur l'utilité de l'argent considéré
comme instrument du commerce;.
N Google
44
CHAPITRE IV.
De la circulation de l'argent,
JjE phénomèDe de la circulation de l'argcDt
est UD des plus extraordinaires , et en même
temps tin des plus simples du corps social. Il
â beaucoup d'analogie avec celui de la circu-
lation du sang dans le corps humain ; et c'est
par cette raison qu'il est venu à la pensée de
presque tous les écrivains qui ont parlé de la
richesse publique , de comparer l'un à l'autre.
Cette comparaison a même été reproduite tout
récemment dans un ouvrage où l'auteur l'a
poussée, assurément fort loin , puisqu'il établit les
points de similitude qui existent entre toutes les
ramifications du travail et celles de Vaorte, de
Vartère , de la veine pulmonaire , etc. Le ré-
sultat de ces rapprochemens est que le magasin
dun négociant peut être comparé à un des
ventricules du cœur , et sa caisse à Vautre
ventricule. Le roéme auteur voulant donner
une idée juste des bénéfices que procure chaque
opération de commerce , dit dans un autre en-
droit : le gain d'un vendeur est égal au pro-
duit de la farce de ce vendeur, multiplié
N Google
DE L'ARGENT, etc. 45
par la latitude j et divisé par la somme des
forces. 11 faut croire qu'en se servant d'un
pareil Inngagc , M. Canard voulait que soA livré
ne sortit pas d'un très-petit qombre de m^ios;
et l'oo ne peut se lasser d'admirer comment «
eu écrivaQt sur récoDOmie politique , il a pu
borner soo ambition à n'être eoteodu que de«
médecins et des mathématiciens.
Il n'y a point d'individu qi)i ne puisse j^iger
p-)r lui-même des effets de la çircuIjittQn du
numéraire. J'ai sous les yeux .une pièce d« cinq
francs que je donnerai dans un mopient à Ittâtt
libraire , en échange d'un ouvrée qu'il m'ft
fourni. Du libraire, et ce matia mèpipt cette,
pièce ira chez le papetier , du papetier çb^z Ib
boucher , du boucher chez le boulanger. Ait
bout d'une heure elle a dix ibis chan|[f demain ;
elle eu changera dix fois encore dans la journée.
Or après ces vingt «pérations , elle aura fait*
pour lu société , l'office d'un capital de cent franca
en marchandises qui, réparti également enU«
vingt personnes » n'aurait aervi pour chacuno
d'elles, qu'à un seul échange.
On est naturellement porté à conclure de là
qu'en rendant la circulation prodigieusement
rapide, une très -petite quantité de numéraire
pourrait sufdre aux besoins d'une grande nation ;
mais cetlfiioduction serait inexacte, parce qu'elle
N Google
46 L I V R E I.
repose sur dessuppositions impossibles à réaliser.
La circulation ne peut être fort rapide que dans
les échanges d'une importance secondaire , et en
général elle se ralentit à mesure que les tran-
saeiioDs s'agrandissent. Entrez dans le magasin
d'un marchand qui détaille ; les petites sommes
affluent chez lui j mais à l'exception de ce qu'il
prélève pour ses dépenses journalières , l'argent
qu'il reçoit ainsi en petites parties , entre dans
ses coffres et s'y amoncelé jusqu'à ce qu'il puisse
ou remplacer en gros tout ce qu'il a vendu eu
détail , ou remplir des eugagemens antérieurs
contractés de la même manière. Cet argent ,
sortant alors de ses mains , passera dans celles
du marchand en gros , qui l'encaissera à son
tour jusqu'à ce qu'il en ait réuni assez pour
faire aux manufacturiers, chez lesquels il s'ap-
provisionne , ses propres paiemens, nécessaire-
ment plus considérables. Là , ce capital ainsi
accru , servira à de nouvelles reproductions ,
qui le morcelleront et le renverront encore une
fois dans la circulation , soit par l'achat de
matièresbrutesjsoitpar le paiement aux ouvriers
du sabire de leur travail.
11 est aisé d'apercevoir que tous ces viremen»
de fonds doivent entraîner des lenteurs , et que
le plus souvent , l'argent dort. Il n'y a donc , à
proprement parler , que celui employé à Tachât
N Google
DE L'ARGENT, etc. 47
clés subsistances qui soit constammeat en mbtt--
vemeot.
- On peut calculer assez exactement les efTett
de la circulation , en comparant la somme des
revenus d'un pays avec la quantité de numéraire
qu'il possède. Le revenu annuel de la Grande-
Bretagne a été porté , d'après des évalnations
inférieures à celles du ministère, à igS millions
sterling , qui équivalent à peu près à 4 milliards
5oo millions de France. Je croi» inutilede faire
observer que le revenu total d'une nation se
compose du revenu particulier de tousses mem-
bres ; qu'en prenant pour exemple un cultiva-
teur , un fabricant et un ouvrier, il faudra ad-
ditionner ce que ces individus gagnent annuel-
lement par leur industrie , ou ce qu'ils toudient
soit comme rente de leur terre, soit comme in-
térêt de leurs fonds, pour avoir la somme de leur
revenu total , et que c'est cette même opération,
étendue à tous les membres de la société , qui
donne le revenu annuel du pays. Le revenu
annuel de la Grande-Bretagne a donc été évalué
à 4 milliards 3oo millions de francs. En répar-
tissant cette somme sur une populabonde 10
millions d'âmes , cluique individu se trouve pos-
séder une valeurde 43o francs.(i)Or le numé-
( I ) Cette somme patoUra farts, et cependant je suù
N Google
48 L I V R E ï.
raire de l'Angleterre n'excède guère un milliard,
ce qui donne par tête loo francs seulement. La
loin de la croire exagérée; mais îl s'agit ici de raiRon-
nemeutgénéranx, aoa de calculs précis; et qaind cha-
que Anglais n'anrait s dépenser par année que a5o fr. ,
comme on l'eKtime aSsez commune méat , les elfets de la
circulation n en seraient ni moinï évideiu , ni moins
utiles. An surplus il faut se défier de toutes ces êyalua-
tions de revenus des peuples , calculées en quatre ou cinq
articles géséranx , qui ne peuvent ni tout Comprendre ,
si tout comprendre exactement. Les écritains qui ont
recherché de cette manière 'a combien pouvait s'élever la
revenu de la France, varient dans leur réiuttat, de 3 a
10 milliards. Rien ne montre mieux l'imperfection des
Méthodes. On devrait donc avant tout s'acceider snr les
bases , qui sont encore aujourd'hui très-inceft aines. Cou-
prendra-t'Ott dans les revenus d'un pays les produits du
travail immatériel, que Smith appelle improductif? y
comprend ra-t-«n les produits du trarail matériel, quand
CBS produits auront été consomm^dana l'année? Je réponds
affirmativement a ces deux questions , sur lesquelles il s'en
font bien que les écrivains soient d'accord , et que je ne
puis dilcntér dans cet Ouvrage uDicfuement consacré au
dévela^fflmnt des principes dont l'applioatian peut £tre
d'oBB vtilité immédiate. Je prie seulement le leotear d'ob-
aerver que puisque le revenu d'un pays se compose de ce-
lui de tous les individus qui l'habitent , tout calcul qui
be fara point «ntrcr dans la massa générale de ce revenu
etiai d'nna ou plusieurs olasscs d'individus , wia par cela
même inexact; et ce premier aperçu me fait soupçonner
avec une grande apparence de fondement , qu'en évaluant
le revenu total de l'Angleterre » 4 milliards 3oo mil-
lion», et celui da la Fiance, k lo milliards, on est resté
de part et d'autre très -an -dessous de la vérité. ( Vida
N Google
DE L'ARGENT, etc. 49
ùrculation assure donc déjà , à chaque iodividu ,
en revenu , le quadruple de la portion du ca-
pital numeVaire , à laquelle il est censé avoir
droit.
Mais les ^So francs qui reviennent à ebacun
des membres de la société , par suite de la dis-
tributioD égale de tous les revenus du pays, ne
sont que le résultat de la circulation et ne la
constituent point. La pièce de piaq francs que
jai laissée à mon libraire , et qui , depuis , a passé
dans vingt mains , a procut^ , à t^acun de cetix
qui l'ont possédée , un gain quelconque. Je sup-
pose ce gaÎD de 5o centimes par opération ; le
bénéâce total sera 10 frases ; mais la pièce ,en
achetant successivement une quantité de mar-
chandises égale à vingt fois sa valeur , a làii dr-
culer un capital égal à vii^t fois cette valeur ,
c'est-à-dire, à 100 francs.
Ainsi les 4 milliards 3oo millions auxqueb
on estime le revenu de l'Angleterre, sont le ré-
sultat d'nne drculation matérielle en valeurs, dif-
(ont VéraliHtKm det reveaiu Ae l'Angleterre , 1m ubleanz
ia doetenr Beek , et Max en gouvernement , et pour 1*
France, indépendanment des ouvrage* det économistei,
Forbonnaif , /a Balança dit Commerce , le Mémoire de M.
Gerboitx sur la Démonétisation de VOr , lea Considéra—
tions sur l'organisation toeiule da la France tt d* V Angle—
torrt; M. Deguer, «t".
4
N Google
5o L I V R E I.
(îcile à «ppréder, m»s qu'on doit croire au moint
(li'cuple , et qui est produite par quinze ou dix-
buit ceatmillioDS, tant en numéraire qu'en papier
de banque.
Les bienfaits d'uue circulation aussi active sont
incalculables , et si l'on persiste à nier qu'il faille
les attribuer à l'argent , je demanderai encore
une fuis où sont les pays qui aient atteint quel-
que degré de splendeur , privés de ce moyen
decbange.
Smith passe rapidement sur le mécanisme si
intéressant de la circulation. Il se contente de
remarquer que la proportion entre la somme
d'argent en circulation dans un pays , et la valeur
totale du produit annuel qu'elle fait àrculer , a
été évaluée par différens écrivains, an dixième,
au vingtième et au trentième de cette valeur. En
calculant d'après la dernière de ces évaluations ,
chaque pièce de cinq francs crée annuellement
cent cinquante francs de valeur, Une pareille
source de richesse est-elle un bienfait? C'est à
cette question très -simple et assurément irès-
facileà résoudie , qu'est désormais réduite celle
de l'utilité de la conservation et de l'augmen-
tation de l'argent , considéré comme moyen
d'écbangc.
Ici les partisans de Smith m'interrompent , et,
prenant la parole en son nom : // est faux que
ji-vGooglc
DE L'ARGENT, etc. 5t
tardent crée des valeurs; targent ne cre'a
rien. U argent fait circuler les produits dit
travail. Le travail seul est producteur.
Oui; l'argent sert à faire circuler les produit^
du traYail, et c'est pour cela qu'il les crée. Sans
la pièce de cinq francs que j'ai dans ma poche»
je serais forcé pour acheter l'ouvrage de littéra-
ture qu'elle paiera, d'offrir à mou libraire telle
autre valeur eu marchandise dont il se soucierait
probablement très^peu. Sans cette pièce de cinf^
francs, lui-même ne pourrait s'acquitter envers
le papetier qu'avec des livres qui , peut-être , ne
conviendrai eut point à ce dernier. Le papetier à
son tour , n'aurait de moyens de payer son tail-
Icur,soo cordonnier, son chapelier, son horloger j
qu'en objetsde papeterie j et que d'embarras , que
d'entraves à la circulation! Ainsi sans cette même
pièce de ciuq francs , ou pour généraliser l'exem-
ple , sans une marchandise qui puisse également
convenir à tout le monde, et servir de monnaie,
il est certain qu'aucun de ces échanges ne se
serait effectué. Or, on ne produit que pour
échanger. Ne pouvant plus échanger, ou ne pou-
vant plus échanger que très-difficilement, on ne
produirait plus. Alors nous n'aïu^iqus nilibraii-es,
ni papetiers, ni chapeliers, ni horlogers. Nous eu
serions à la première ou à la seconde période du
commarce, et notre civilisation aurait à peu prcs
N Google
52 LIVRE!.
atteint le degré de celle des peuples de rArrK|uei
qui se servent encore de sel ou de coquilles pour
effectuer leurs éclianges.
Il est donc vrai de dire que l'argent crée le»
valeurs, puisque sans argent nous n'aurions ni
valeurs , ni industrie , ni commerce.
Je fatigue le lecteur par ces retours fréquen»
aux mêmes idées et aux mêmes principes ; mais
qu'il réfléchisse à l'autoiité que je combats. ( 1 )
( I ) Smîtk est de tous les écrÏTaias qnî se SMit occit-
pés de la richesse ità nations , celui dont les recherchtta
ont le plut de profoudear. Ses belles obserrations sur l«
division du travail , par lesquelles il a commencé son ou-
vrage , sans doute afin de se mieux rendre. maître de l'es-
prit du lecteur, suffiraient a sa réputation , si d'ailleurs
«lie n'était solidement établie sur une foule de véritéa
neuves et grandes, que son livre développe, et qu'il a
■perçues et expliquées le premier. J'entre une fois pour
toutes dans ces détails , afin qu'mi ne trouve point étrangtt
l'adnùratîou que je professe pour un écrivain que je suit
forcé de combattre presque 'a chaque page; et j'insiste,
de peur que le lecteur , s'il en est qui ne le connaisse
point, n'en prenne une idée fausse, et ne suppose, par
exemple, que Smith a d& sa réputation b ceux Je se*
principes que je discute. On peut dire au contraire à In
lettre que c'est malgré oes principes que im réputatiOD
s'est établie , et que c'est ensuite cette même répntstioa
([ni a servi 3i les propager. Ainsi quand je parviendrai*
kl le réRiter aar quelques points , ce dont je suis bie»
éloigné d'oser encore me flatter , ses titres nomme écvi—
' vain lumineux, et profond observateur, resteraient le»
nigtij^ji-vGoogle
DE L'ARGENT, etc. 55
Je ne puis jamais penser qa'on me donnent rai-
son contre Smiih, et cette dé6ance me rend pro-
lixe, lorsqu'il serait le plus de mon intérêt de ser-
rer le raisonnement.
II faut pourtant achever celui-ci ; non , Smith
n'aurait pas nié que l'îirgent n'ait facilité les
échanges et servi puissamment l'industrie ; mais
nevoulantabsolumentpointle considérer comme
nne partie intéressante de la richesse publique ,
ne voulant point qu'on le crût plus utile que
toute autre marchandise , il aurait raisonné autre-
ment. Par exemple, il aurait dit : un pays qui
crée chaque année pour lo, ao ou même 3o
milliards de valeurs , n'a pas ordinairement plus
d'un milliard en numéraire. Ce milliard n'est
donc que le trentième de sa richesse totale; donc
il ne constitue qu'une très-petite partie de cette
richesse. Donc le pays ne serait point appauvri
en le perdant, donc il est ridicule d'empêcher
qu'il ne sorte , donc , etc.
Le lecteur frappé de ta fausseté de tontes ces
conséquences, me demande comment je puis
prêter à Smith une dialectique aussi étrange.
Sans le milliard en numéraire , me crie-t-on de
toutes parts, les 5o milliards en valeurs n'eussent
mtmts. Seulement il demearerait conatant qu'il s'«st quel-
qucfoi* trompé ; et quel éctÏTain ne m trompe jamab I
..edi-vGooglc
54 L I V R E I.
point été créés. Il importe donc de conserver ce
milliard qui rendra les mêmes services l'année
prochaine, celle d'ensuite et toujours. Un mil-
liard en numéraire qui dure des siècles et qui
crée annuellement trente fois sa valeur, est cer-
tiiinemeot plus utile qu'un milliard eu marchan-
dises qiû ne crée rien et s'anéantit dans un an ,
dnns un mois, dans un jour. Il est absurde de
comparer l'un à l'autre. Jamais Smith n'aurait fait
un pareil rapprochement , eL , . . .
Vous vous trompez. Le raisonnement qtte j'ai
prêté à Smith, est dans son ouvrage. Il y est
comme je le rapportejen voici la conclusion lilté-
Tule. « L'argent fait toujours partie du capital
» national, ( i) mais il n'en fait qu'une petite
» partie, et toujours la partie qui profite le
u moins à la société. »
Vous l'entendez : l'argent fait toujours partie
du capital national; mais il est la partie de
ce capital, (fui profite le moins à la société.
Ce raisonnement me rappelle la cooduite d'un
homme que la lecture des économistes avait rendu
fou, 11 possédait une maison bâtie sur pilotis.
Calculant la valeur de cette maison, et celle de
toutes ses parties , il trouva que les pilotis n'en
constituaient que le trentième. C'est la partie de
( ■ ) Tout. UI , pag. ii.
N Google
DE L'ARGENT, etc. 55
ma maison qui a le moins de valeur, repûtnit-il
tons les jours, et il faisait scier tantôt un, tantôt
deux, tantôt dix de ses pilotis dont il prétendait
tirer un parti plus avautageux. 11 en fit tant scier
que la maison croula.
La valeur de la maison c'est celle des produits
annuels d'une nation. Les pilotis servent de fon-
dement à la maison, comme l'argent sert de buse
à la richesse publique. Otez les pilotis , la maison
croulej exportez l'argent, plus de moyens d'<'-
ebanges, plus de travail, plus de richesse. Le
paya est ruiné.
« Il serait vraiment trop ridicule , poursuit
» Smith, de s'attacher sérieusement à prouver
» que la richesse né consiste pas dans l'tirgent ,
» mais bien dans les choses qu'achète l'argeat
» et dont il emprunte toute sa valeur, par la
» faculté qu'il a de les acheter. » Mais l'argent
qui achète est aussi l'argent qui produit. Smiih
nous donne là desabstraciions quiuenousappren-
uent rien, et dont on ne peut tirer que des consé-
quences dangereuses. L'argent , considéré d'une
manière abstraite , et indépendamment de sa
faculté échangeable , ne peut ni nous couvrir, ni
nous chauffer, ni nous alimenter. Qu'est-ce que
cela prouve? que l'argent n'est point richesse ?
qu'il importe peu qu'une nation en possède beau-
coup ? qu'il lie faut point tenir àsa conservation?
ji-vGooglc
56 L 1 V R E I.
quelle logique ! Mou puisque l'argent est indis-
pçmable à la formatioa de toutes les valeurs,
puisque sans argent on ne peut ni rien produire^
ni rien acheter de produit, par quelle làtalitô
vous obstiaez-vous à nier que lui-même il soit
richesse ? 11 l'est, vous dis-je, et dans un sens
beaucoup plus étendu que le mot ne le com-
porte. L'argent est plus que les richesses, car il
les crée toutes j l'urgent est l'âme du monde
commerçant.
J'entre chez nu fabricant; je llnterroge sur
la valeur des produits annuels de sa muiuiàcture.
Cette valeur passe un milliou. Je me récrie sur
les avantages d'une industrie aussi florissante ....
Mon fabricant m'interrompt, et se toumaotvers
des métiers auxquels je n'avais donné qu'une
ottention très- dédaigneuse, il me dit avec or-
gueil : voilà ma richesse. — Quoi! ces morceaux
informes qui ne valent pas tous ensemble le
centième de ce qui sort annuellement de votre
fabrique!— Voilà ma richesse, vous dis-je. Ne
voyez-vous donc pas que sans ces métiers , je ne
pourrais rien produire .... Concluons : l'argent
est dans un pays, ce que sont des métiers dans
une manufacture , et pour bien juger la justesse
de ce principe de Smilh : L'argent fait tou-
jours partie du capital national, mais il n'en
fait ijvl une petite partie , et toujours la par*
N Google
DE L'ARGENT, etc. S7
tie qui profite le moins à la société i U faut 1«
traduire aiosi : Les métiers font toujours par-
tie du capital ttun fabricant , mais ils n'en
font qu'une petite partie^ et toujours celle
qui lui profite le moins, ce qui dispense, je
crois, de réfutaùon.
J'ai choin l'ADgleterre pour établir mes cal-
culs sur la circulation , parce qu'elle y est , toute
proportion gardée , phis active qu'en France. On
évaluait Rvant la révolution notre numéraire k
deux milliards ; mais il eo a été exporté depuis
des quantités conùdérables , et il s'en faut bien
que le surplus circule eo totalité.
De toutes les iostituùons qui ont pour butda
suppléer à l'argent , la meilleure parrit être cello
d'uDe banque. J'examinerai daos le chapitre suif
vaut comment le papier de banque peut être
utile au pays.
N Google
LIVRE I.
CHAPITRE V.
De la rareté de l'argent. — Des banqac).
J^orsque Hadostne d'uo peuple va toujoni-s
se développant, l'on en peut tirer l'uDe ou l'autre
de ces conséquences : ou l'argent du pays s'est
accru , résultat nécessaire d'un commerce ex-
térieur avantageux, comme j'espère le prouver
autre part , ou la nation a trouvé le moyen d'y
suppléer par les institutions que le crédit facilite.
il peut arriver cependant que les premiers etforls
d'une nation qui devient industrieuse , lui enlè-
vent annuellement une partie de son numéraire ;
mais cet eflfèt est alors purement momentané.
Lorsque les manufactures de Lyon s'établirent,
nous n'avions presque point de soies. On en tira
donc de l'étranger , qu'il fallut payer avec de
l'argent. Qu'arriva -t -il ? on fit des essais, on
planta des mûriers , et bientôt lu plus grande
partie des soies employées à Ly6a dans les Fa-
briques fut le produit de notre propre sol. Alors
la sortie du numéraire cessa. Ce n'est pas tout :
les soies indigènes , travaillées à Lyon , devinrent
l'objet d'un commerce eriérieur très -considé-
rable , et l'argent que l'étranger donna depuis
N Google
DE L'ARGFNT, etc. Sg
en retour, fît certes reatrer avec bénéÛQe les
premières sommes exportées.
Smith pense que des exportations de numé-
raire pourraient ainsi se prolonger sans inconvé-
nient, peut • être pendant un demi-siècle. Si
la France se voyait enlever chaque année , seu-
lement vingt millions , au bout tle cinquante
ans son numéraire serait réduit de moitié. Cet
appauvrissement dans le capital national entraî-
nerait la chute de toutes les branches d'industrie
qu'il alimente , et l'on verrait successivement
tomber les trois quarts de nos manufactures. Si
ce n'est pas là un inconvénient , le commerce
n'est plus un bienfait. Alors renonçons-yj nom
serons du moins conséquens.
Lorsque par uue tendance contraire aux prof
grès de l'industrie nationale , ou par une suite
de ses progrès , l'argent qui existe dans le pays
ne sulljt plus à la circulation , on entend de
toutes paris s'élever des plaintes sur sa rareté.
Selon Smith , ces plaintes sont particulières
à d'imprudens dissipateurs , et manquent
presque toujours de fondement. La cause or-
dinaire en est dans la fureur qiî on a d'en-
treprendre plus qu'on ne peut faire. (i)Après
avoir établi que l'exportation du numéraire n'é-
( I } Tome m , pa^ an.
ji-vGooglc
6o L 1 V R E t.
tait pas UB mal, il fallait nécessairement qae
Smith nous prémunît contre lea plaintes qu'ex-
citerait sa rareté; mais cette rareté n'est souvent
que trop réelle. Elle a toujours des résultats
funestes j et quand Smiih en oie l'existence et
]ea efiets, ou n'en peut absolument rien conclure,
ûnon qu'un principe faux conduit infailliblement
à des conséquences que l'expérience désavoue.
« L'argent n'est rare , poursuit Smith, que
» pour ceux qui n'ont point de marchandises à
» donner en échange » ; mais il faut les créer
ces marchandises et l'on ne crée rien sans ar-
gent. «Usez donc de votre crédit, empruntez».
Empruntez ! mais quand l'argent est rare on ne
prêle point , ou si l'on prête , c'est à douze ,
quinze, vingt pour cent , et malheur alorsàceux
qui empruntent !
Il me semble que rien n'était plus propre à
éclairer Smith sur l'existence possible de la ra-
reté de l'argent, que l'institution des banques ,
dont le principal but me paraît être, ou d'y
remédierou de la prévenir. Le papier de banque
supplée au numéraire , parce que la conBanca
lui donne le même cours. Or , les opérations
s'agrandissent avec les moyens de les multiplier.
C'est ainà que l'Angleterre a presque doublé
3on capiul numéraire circulant , et que , riche
seulement d'un milliard eflùctlf, elle ùit autant.
N Google
DE L'ARGENT, etc. 6t
de commerce , que si elle en possédait deux.
L'argeot ne pouvant jamais être rare, suirauc
Smilb,on ne conçoit pas trés-aisément, d'après
ce sy8l«nie , quel genre d'utilité doit avoir le
papier de banque ; car enfin il augmente l'in"
dustrie,oui on non j s'il ne l'augmente point «
à quoi est -il bon ? s'il l'augmente, ce ne peut
être qu'en tenant lieu d'un capital plus considé-
rable. Donc il peut être avantageux d'augmenter
ce capital , et par une conséquence u«8-impo*
rieuse , si on ne l'augmente point , il y aura rareté.
Il est tqès- curieux de suivre 5mith dans les
raisonnemens où il s'enfonce pour se Urer de
celte alternative embarrassants.
« Si les opérations les plus sages des banque»
» peuvent augmemerrindustrie dans un pays, (i)
n ce n'est pas qu'elles y augmentent le capital ,
w mais c'est qu'elles rendent active et producdv*
p une plus grande partie de ce capital, que celle
1) qui l'aurait été sans cela. » L'effet du papier de
banque sera donc de faire sortir du coffre de
l'avare l'argent qu'il y lient soigneusement caché ;
car celui-là seul est improductif Mais ce n'est
point là ce que Smith veut dire. « Cette parue
j» de son capital qu'un marchand est obligé de
p garder par devers lui en espèces dormantes
(0 ToDie U, page aSg.
jNGoogle
63 L I V R E I.
» pour faire face aut demaDdesqui surviennent,
» est autant de fonds mort qui , tant qu'il reste
n dans cet état, ne produit rieo ^ ni pour lui uî
» pour le pays. » Mais l'argent ne peut pas tou-
jours être sur le dos des portes -faix , et quelque
rapide que soit la circulation , il faut bien qu'elle
ait des intervalles de repos. Or , le fonds qui
repose dans la caisse du marchand pour faire
face à des paiemens prochains , n'est point un
fonds mort , ou bien il n'existe de fonds cir-
culans que ceux qu'on promène , et au moment
où on les promèoe, Uy a ici abus de mots. « Les
» opérations d'une banque sage mettent le mar-
» chand à même de convertir ce fonds mort en
» un fonds' actif et productif, en matières pro-
n près à exercer le travail , en outils pour le
> . faciliter et l'abréger , en vivres et subsistances
» pour le salarier , en capital enfin qui produira
» quelque chose pour ce marchand et pour le
" pays. » Sans doute , et c'est pi-écisément ce
que ferait une somme numéraire égale à la valeur
dn papier de banque que se procure ce maichand.
Le papier de banque en tient donc lieu ; il aug-
loente donc le capital.
Un fabricant a cent mille francs : a*ec cette
somme ilentretient vingt ouvriers et dix métiers.
S'il avait cinquante raille francs de plus , au lieu
de vingt ouvriers , il en entietiecidi'ait trente , et
N Google
DE L'ARGENT, etc. 65
quinze métiers , au lieu de dix. Il ne trouve
point à emprunter , parce que l'argent est
rare et l'intérêt trop haut. Mais une banque s'or-
ganise. II s'y approvisionne aussitôt des cin-
quante mille francs qui lui manquent. Or il ob-
tiendra avec cette somme en papier précisément
ce qu'il aurait obtenu avec la même somme en
argent. J'ai donc eu raison de le dire j le papier
de banque supplée à l'argent j il augmente le
capital.
J'arrive à ce résultat , qui me paraît incontes-
table , en considérant le papier de banque comme
suppléant naturel du Duméraire. Smith, qui
n'aurait pu l'envisager ainsi , sans infirmer toute
sa doctrine , le présente conime substitué à l'ar-
gent. H La substitution du papier à la place de
j> la monnaie d'or et d'argent, est une manière
» de remplacer un instrument de commerce
» extt-êmement dispendieux par un qui coûte
N infiniment moins , et qui est quelque fois tout
» anssi commode, (i) La circulation vient à s'é-
;> tablir sur une nouvelle roue qui coûte bien
M moins à la fois à fabriquer et à entretenir que
» l'ancienne. » Ainsi voilà les avantages du pa-
pier de banque réduits à la simple économie
qu'il peut procurer au pays sur l'achat des mé-
( 1 ) ToBM II , 'pif;e aa?.
ji-vGooglc
64 L I V R Ë I.
taux, et au gouvenMment sur la fabricatîoticlet
monnaies. Cette manière d'envisager une insù-
tutioD aussi belle , aussi grande et dont riolluence
sur la prospérité publique est si marquée , me
parait absolument indigne de Smith.
Il dit ailleurs (i) : « La quantité d'or et d'ar-
» geot qu'on retire de la circulation est toujours
u égale à ta quantité de papier qu'on y ajoute ;
» ainsi le papier-monnaie n'augmente pas né-
» cessaîrement la somme de monnaie courante, m
Mais si le papier de banque est simplement
substitué au numéraire en circulation , il est
impossible qu'il augmente la somme des produits
annuels. Cette inaùtutioQ n'inQuera donc point
sur les progrès de l'industrie ; eTque prouve
alors l'exemple de ce marchand qui convertit en
un fonds actif et productif , eh matières
propres à exercer le travail , en outils pour
le faciliter et l' abréger , en subsistances pour
le salarier, etc. le fonds prétendu mort qu'il a
dans sa caisse et auquel il substitue du papier ?
Snùth a d'abord montré comment te papier
de banque pouvait contribuer aux développe-
mens de l'industrie. Fidèle à son prinùpe, qu'un
état n'éprouve jamais ni le besoin , ni la rareté
de l'argent , il a prétendu seulement qu'en ser*
( I ) Tome 11 , pi{« Sm.
N Google
DE L'ARGENT, etc. 65
vaDt rindustrie * h papier de banque n'augmen-
tait pas le capital. C'est , comme je l'ai dit, un
simple abus de mots. Depuis , nous avons tu qull
considérait le papier de banque comme subsùtué
au numéraire , dont il doit épargner les frais
d'achat et de fabrication. II s'agit de savoir main*
tenant ce que deviendra le numéraire fabriqué.
, On ne le croirait pas ! ce numéraire ira à Yé-'
tranger , et ce sera au grand avantage du pays ,
qui pourra se procurer en échange des objets
nécessaires à sa coosommation.
Il faut encore suivre Smith dans ce raisonne-
ment extraordinaire , dont il nous fournira bien-
tôt lui-même les moyens de montrer la faus-
seté.
Smith prend pour exemple une nation qm
possède un million sterling de numéraire. Une
banque s'établit : elle émet en billets une somme
pareille. Deux cent mille francs lui suffisent pour
«ssurer le service de l'échange en argent , et
bientôtle papier est substitué ààta la circulation
an numéraire du pays.
Ainsi , à l'exception des deux cent mille fi-.'
que la banque conserve pour son service de
tous les jours , et dont elle a apparemment les
moyens d'assurer la rentrée constante dans ses
cofires, voilà un pays qui peut absolument se
passer de son numéraire, et oe qu'il a de saUux
5
N Google
6Ô LïVKT. t.
à fiûre «se ÎQoeotefiablemedt de Fettroye r à
l'-étranger.
Smith du meîtis le lui conseiHe. Voici main-
teannt me» oiiservanioDS. Le pays qui s'est ainsi
degm-DÎ de «on Bisméraire , a reçu en échange
des objets consommables. En très-peu de temp»
îl n'en reste aucane trace , non plus que da
Duméraire avec ieiquel on les a achetés. Que
la bai:q«e éprouve alors un échec , qu'elle Tienne
à perdre b cottfimooe , et elle la perdra indubi-
tablement aussitôt qu'elle ne pourra p4as écfaan<
ger à bureau ouvert , la banipieroute est iné-
vitable. Tous les povteurs de billets seront rui-
nés, et la nation appauvrie d'argent n'aura plus
ni moyens d'échange avec l'étranger , ni facultés
de travail dans l'intérieur. Il faut l'avouer-: quand
Snùth a tait consister tout l'avantage des ban-
ques dans la facilité qu'elles procurent d'expor-
ter le numéraire réel , il a cédé evenglémem aux
cODséquences d'un système dont il est incom-
préhensible qu'il ait méconnu le danger.
Mais non ; il l'a au contraire très-bien pr«-
vn. Il reconnaît que dans un pays eii la circu-
lation se feit en papier, le souverain n'a pres-
que aucun moyen de soutenir la guerre en pays
eijDemi, qu'il lui est impossible d'envoyer a
des alliés aucun subùde ; il va plus loin. Il
prévoit le cas d'une invasion , et je laisse à pen-
jNGoogle
DE L'ARGENT, etc. 67
aer ce «pu deviendrait ud paya dont la ncbewe ,
en quelque sorte imagioaire, pouirût tout ii
C(H4» s'évaDouir , kon pas k ix swte d'itp* ïd"
vision, maù par la seule crainte d'âne invanoo:
Appès -ocila conçoit -OD<]ae Smith coiip«iU«
■éneuseDMKità une Dation de substituer du papier
i toD DDméraire , et d'ftDvoycrce aayiérwre à
étranger! ,
Je tennÎDerai oe -que j'avitis ii dire d« l'uû-
Jité de l'argent et du papier de baoqae,«a9-
âdérés , oelni-Jà comme priecipe de réproduc^
tien , ceim-«i eataate suppléant de 4'ai^ent , par
quelles ot^erratioas sur -ud ,aBtre .pas*^ ^
Smnlh t où il noas donne les mo]r«aa de rempla>
eer le ansoérawe dans le cas où, coBU>e«o&«fn<-
mon , il «e poHrrintqull devto -rare, «i £» snp-
a posant'qaeforeti'arjçeatTieBBMitàmaDquer»
s dan8ttnp8ysqni^adequoi«n«cfaet^^(i)«f
» pays-trouvera plas.demoiyeasftetirsi^pléer'^
» ce défknt qu'à eekii de .presque tome Mj/tn
p man^imdise quelconque. » Mais encore nno
fois ,on ne^ait achetw^le l'argent qu'avecdes^Or
ductions du sol ou des -œanjliaodises , et -quand
on manque d'ai^atpGwr-océer des Bwi;ohandiBC8 ,
eommenf trouver dos marchamtesespour-adwiar
de l'argent? « Silesmcmèpes premièrefroiaDqiiest
(0T9«M IH> P»e« '9'
N Google
6» L I V R E ï.
» aax maanfactures , il faut que IlDdustrie sW'
» réte , si les vivres vienaent à manquer , il faut
» que le peuple meure de &iin. » Sans doute }
mais ni les vivres ni les matières premières ae
manqueront tant qu'où aura de l'argent^ car avec
de l'argent on exploite le terrain qui produit les
matières premières et les vivres , ou on les achète
i l'étranger, et avec des matières premières et
des vivres on fabrique. « Si c'est au contraire l'ar-
j> geot qui manque, on pourra y suppléer, quoique
» d'une manière fort incommode , par des trocs et
N deséchanges en nature. » Des trocs etdesécban'
ges en nature ! Y pense-t-on ! Et c'est à la fin du i S"
nècle , c'est lorsque toutes les nations commer*
Çantes ont éprouvé pendant trois mille ans les
bienfaits de l'introductioD de l'argent comme
monnaie , c'est lorsqu'il ne reste plus aux grands
peuples que ce moyen de splendeur , c'est au-
jourd'hui qu'on nous propose de revenir aux
échanges en nature ! Ainsi nous voilà retombés
aux premiers jours de l'enfance du commerce* !
Ainsi nos voisins, nos maux , riches du numé-
raire qu'Us nous auront enlevé , centupleront
avec cet agent puissant tous les produits de leur
industrie , tandis que manquant des objets de
consommation les plus indispensables , nous se-
rons , nous , rédiùts à faire des échaages en na-
ture. Des échanges en nature I Mais sur quoi
N Google
DE L'ARGENT, etc. 69
porteront-ils ces «changes ? Le fabricant de
drap paiera donc ses ouvriers avec des étoffes «
et ceux-ci leurs vivres en morceaux de drap bons
M faire des habits d'Arlequin , car enfjp des échan-
ges en nature supposent des divisions de valeur à
Iln6ni,et jenevoid pas, moi, ce que pourra don-
ner un artiste à son cordonnier. Si cet artiste est
OD peintre , lui fera-t-il son portrait ? et si c'est
un comédien , lui déclamera-t-il une scène de
Racine ?
Tel est l'aveuglement des auteurs de systèmes,
qu'ils sont entraînés malgré eux , malgré leur
génie, à des conséqueuces aussi déraisonnables.
Des échanges en nature ! M»is que donnerez-
vous, vous , écrivain profond, qui vous occupez
à rechercher les causes de l'opulence des nations ,
que donnerez- vous à votre porteur d'eau , à votre
perruquier , à votre tailleur , que leur donnerez-
vous en échange des services qulls vous ren-
dront? Leur lirez-Tous vos ouvrages? les grati-
fierez- vous de vos manuscrits? ou bien vous
procurerez-vous avec ces manuscnts une sorte
quelconque de marchandise plus susceptible
d'être st leur convenance? Mais quelle sera cette
marchandise ? Et vous en tiendrez donc magasin!
Je le dis hardiment. Rien de plus absurde
dans l'état actuel de notre civilisation qu'un pa-
reil sjstèoie d'échange. S'il était possible qu'une
ji-vGooglc
70 L 1 V R E I.
itaiioD ftït réduite h l'adopt«r, il feudràit bieotât
enacer son nàm Àe la Kste de3~ peuples oommer-
çsDs ; tous tes arts y retomberaient dans Teo-
feoce, on seraient abandonnés; on finirait par
s'j vêtir de la peau des animaux sauvages ; et si ,
daoà nn pareil état d'abjecticm , cette Dation valait
ericore là peine qu'on s'oocupit d'elle, ce qui
pourrait lui arriver de plus heureux serait de
passer sous la domination d'un pays étranger
dont elle deviendrait la colonie.
Encore un mot : « Un papier - monnaie , bien
Il réglé , poursuit Smith , pourrm , chez ati
» pareil peuplie, tenir lieu d'argent, oon-seu»
» lettient sans inconvénient , mais avec de grands
» avantages. » Un papier-moQuaie bien réglé ! , . .
dans un pays qui n'a plus de numéraire! Pour-
quoi Smith est-il mort sitôt ? H aurait vu ce que
c'est qd'QD papier -mOQDaie dans Ud pays où le
ilUméraitfe a été retiré de la circulatiob ; il aurait
vu coinmem il le remplace , et il serait venu nous
dire ensuite : ( i) u que l'attention du gotiverne-
u ment ne saurait jamais être plus mal employée
» que quand il s'occupe de surveiller la conser-
» vation ou l'augmenlatioQ de la quantité d'ar-
a gerit dans le pays. ...» parce qu'où peut tou-«
(0 Tome III, page 19.
N Google
DE L'ARGENT, «ç. 7»
jours le remi^acer avec àa papier • moQWiie. . . .
lùea réglé.
Cepeodaot , s'il état possible (faugmeoter «m
même de conserver le Duméraîre d'âne Dation ,
Gans réglemeiM, sans Ioïa^ aans eatraves! Oui ,
c'it était possible. ... ; laaia n'antidpoDS point sur
ce que j'ai à prouver dans les livres saivans, et
teroÙDons pw r«ualyas rapide de celui-â , afin
de nous mieux préparer aux développemens que
doivent offrir les autres.
L'introductioD de l'argent , comms moyeu
d'échange , est l'évéuemeotqw aie pluseonti-îbae
aux progrès du commerce.
L'importance que le$ gouvernemena attaohept
à la conservation et à l'augmentation de l'argent
dans le pays, n'est pas déterminée' par la valeur
des métanx précieux , mais par la propriété que
ces métaux possèdent , et que seuls ils possèdent ,
de pouvoir servir commodément de monnaie.
Le mot richesse , appliqué à l'argent qui cir-
cule comme monnaie ) doit s'entendre des repro-
ductions qu'il facilite en multipliant les échanges,
et c'est dans ce sens qu'un pays s'enrichit quand
son numéraire augmente , parce qu'avec cetio
augmentation de numéraire croissent toutes les
facultés productives du travail.
ji-vGooglc
73 LIVRET.
Ainsi les reproducDoos aDDuelles d'un pava
ne soat jamais que le résultat de la quantité de
numéraire qui y circule ; d'où il suit que plus la
vnleur de ces reproductions annuelles l'emporte
sur celle de l'argent que le pays possède , plus il
faut attacher d'importance à sa conservation. C'est
absolument l'inverse de la doctrine de Smitb ,
dans laquelle Vargent-monnaie n'est estimé que
pour sa valeur, tandis qu'il doit l'être beaucoup
moins pour sa valeur , que pour les valeut-s qu'il
crée en facilitant les échanges.
On supplée à l'argent par le papier de banque
qui augmente la richesse nationale , non de' sa
valeur nominale , mais des valeurs réelles qu'il
crée annuellement, en tenant lieu d'une plu»
grande quantité d'argent.
FIN Stl PRIHIia LITUR
N Google
LIVRE II.
Du G>mmerce.
J E me propose (TappUquer dans ce livre aux
diflëreotes partîesdu commerce d'une nadoD, les
prinàpes déduits dans le précédeot. J*j recber-
cherai en même temps comment le commerce
contnbae à la ricbesse d'un grand peuple. Les
relaUons très-intîmea de rindustrie avec l'agri-*
culture, et letu- importance respective n'étant
ps justement appréciées, je dois d'abord m'eflbr-
cer de les bien établir.Ge sera l'objet du chapitre
oùvant.
CHAPITRE PREMIER.
Le GonTernement doit-il enftoiirager le Commerce et
lei Fkbriqnea de préfërenoe k l'Agriculture ?
CiETTE question est encore une de celles sur
lesquelles le gouvernement et les écrivains ne-
peuvent s'accorder. Il importe de la résoudre.
Suivant les économistes, le travail des ouvriers
N Google
74 L I V n E I ï.
des manuractures ne fait <pie remplacer ce qn'ils
ont consommé de virres ea s'jr KTrant. Ainsi ,
dans ce système , l'industrie maDufacturière ne
peut rieo ajouter à la ric^sse aaiionale , ou n'y
peut ajouter que par des pnvations.
L'agriculture , au contraire , indépendamment
du salaire des ouvriers , donne encore un produit
qui ne remplace rien et crée une valeur nouvelle.
C'est donc une conséquence nécessaire qu'il faut
préférer l'agriculture aux fabriques.
Oui, dans ce système j mais je le crcùs faux »
absolument faux. J'insiste d'ailleurs sur le mot,
et avec ^ande raison ; car il y a des écrivains
qui , ne cessant de répéter que le système des
économistes est faux , emploient cependant, tout
ce qu'ils ont de talent poiu* prouver ensuite que
ce système est la plus belle conception de l'es-
prit humain.
Je suppose qu'il esiste une Bition purement
agricole , où l'industrie n'ait fait encore aucim
progrès. A l'exception desobjets de consomma-
tion iodispeusables à sa uibsistaoce., ce peuple
manque de tout. Je vais jusqu'à supposer qu'il
u'sst pas même vêtu.
' On conçoit qu'un pareil peuple aura beaucoup
d'oisif». Quelques- ans d« ces oisilB découvrent
■ÏMt d» £icr ht laiec des troupeaux ctl« Hb des
N Google
DU COMMERCE. 75
champs. Ed moÎD» de vingt m», toute la nation e«
habillée.
Je demande à ao écononùste n cetto aatiott
n'est pas plus riche qu'aupamaot. U n'hésita
point , et me répond que non.— Non? — Non.
Ce qu'elle a de phis en babiu , «lie l'a de motn*
en vivres. La valeur ajoutée au Itn et Ji la lùae eit
précisément égale à ce que les ouvriers ont coa*
tommé pendant la durée de l'ouvrage. La riohesis
du pays est toujours la même. —7 Toujours U
même ! mais s'ils fassent restés oisifs ces ou-
vriers , en auraient-ils consominé moins de vivrea 7
Lanaliooa donc de pliuceqn'îlsootprodnit-.eUa
est doué plus riche.
Regardes autour de vous ; sor cent objets qna
vous apercevez, il n'y en a pas un peut-être
qui soit le produit imundist de la leire. Ne
voyez-vous pas que dans l'état actuel de la eIviU>
sation , l'homme n'emploie rien ou presque rien
de ce qu'elle crée , tel qu'elle le orée? Ces mai-
sons qui vous abritent , ces h.ihits qoi vous ooii'^
vrent et tous parent , ces aKmens qui vous sub^
tantent, tout a subi les effets de Fiadsstrie, toat
a été approprié à vos besoins, à vos goût», i VOt
fantaisies, tout a été modifié, chan^, déna-
turé.... Et vous veneK tne soutenir que « mso«C
point là des richesses , paroe que ceui qui }et
ont produites b'om fitit q»e remplacer leur
ji-vGooglc
76 L ï V R E I I.
eonsommatioD ! quelles misérables subtilités î
Si l'industrie enlevait des bras à l'agriculture ,
et que la terre ne produisit plus de quoi nourrir
les hommes , certes , elle deviendrait nuisible.
Mais , oùriodustrie a - t-elle amené de pareils
résultats ? Eh bieu , puisque l'agriculture n'oc-
cupe qu'une partie des hommes qu'elle alimente ,
qu'est-ce que les autres ont de mieux à faire , que
de donner, s'il est possible, une nouvelle valeur
k ses produits ?
Ainsi , en admettant que le travail des ouvriers
lie fît qu'ajouter aux matières sur lesquelles ils
exercent leur industrie , une valeur égale à leur
consommation , ce travail n'en serait ni moins
précieux , ni moins utile , puisqu'ils auraient éga-
lement consommé dans l'inaction.
Mais je vais plus loin. 11 est faux que le travail
des ouvriers n'ajoute , aux matières premières y
qu'une valeur égale à leur consommation.
Je prends pour exemple un tisserand : il gagne
de quoi alimenter lui, sa femme et trois enfans.
Voilà donc cinq personnes que son travail fait
vivre : donc il remplace au- delà de sa consom-
mation.
Mais ce tisserand ne peut point gagner de quoi
alimenter une famille aussi nombreuse. Le croyez-
vous ? soit. Eh bien , je la restreins à sa lèmme.
Certes , n'étant plus que deux, ils joiiirom de
ji-ïGoogle
DU COMMERCE. 77
quelqpi'aisaDce , et la femme pourra vivre com-r-
mQdément sans rien faire. Or, cette femme, ali-
meatée par son mari , exerce de son côté uq talent
qui lui est propre ; elle fait de la dentelle. M«
direz -- vous , à présent , que cette dentelle rem-
place la consommation de l'ouvrière qui n'a rien
consommé , ou qui n'a consommé que ce que
rindustrie de son mari lui a permis de consom-
mer ? Son travail est donc une richesse créée ,
une richesse qui ne remplace rien , un produit
net, pour parler votre langage ; et il en est de
même de toutes les productions de l'industiie,
parce qu'il n'y a pas un seul ouvrier qui ne puisse
fournir à l'existence de deux personnes.
Il se présente une nouvelle (ïfficulté. Un
artisan gagne par son travail de quoi alimenta
une ou deux personnes, dix, » l'on veut , pet^
importe ; mais ce gain n'est toujours qu'un sa-
laire , une i-écompense. I^ propriétaire d'ui^
bien fonds au contraire reçoit du fermier au-
quel il l'afferme un produit quelconque, qu'il
n'a acheté par aucun travail , par aucun serr
vice , un produit net enfin. Il y a donc une
différence très-essentielle entre ces deux sources
de revenus , et la dernière est évidemment pré-
férable à l'autre.
Il existe entre ces deux sources de revenus
une différence essentielle } oui. Mais il est Çmiz
N Google
7» L I V R E I I.
que dans leur ïoflueace sur la prospérité publi*
que, l'une soit Aupérieure k Fautre. La diffé-
rence qui eiUte entre elles vient uniquemeoc
de ceqoe dans le travail des manufactures , c'«at
Pbomne q«ù fait tout , tandis que dans celui
de la terre 4 il ne Eût poesque rien. Il siùt de Ut
que le travail j^fnËqué à la terre est ÙKompa-
fablement le pl«s avaMageux daos Tétat de na-
ture oii la propriété n'eûste point encore. Mais
dès que la ptopriébé est établie , dès que la
fiieulté de £sposer d'un terrain est un draît
qn'cn achète , le prix qu'on eu donne rétablrt
érideopmenc {'«quilibre ; et toute diflereuce d«
produit ^f^ratt daos les resaltats , puisque les
bénéfices qoe proenre l'industrie sont , oon>me
ceux de la tente , achetés par un capital dont let
profits «e règlent -sur les risques du placement.
' « Le iFarailidee artisans et manufaoturiers ,
* dit 'le traduoteuT de Smith , (i) reœbourse
» ieS «alatres «t les prdfitâ de «eue qui «nt coo-
« péi>é à 4'oavrEtge. Il fournit anx ouvriers nofi
» récompense qu'ils ont achetée par leur-^aTaîl.
-»- '11 paie aux •entrepreneurs une-indemnité-qu'ils
«'«nt achetée par lenr -capital et le risque qu'il
» 4 couru ; maïs letravfôl des cidtivaKurs trprès
» avoir acquitté et cette même récompense et
■(i) Noteag, tome V, page a65.
N Google
DU COMMÏUCE. fg
» âette même nMlcmtiité , Tend oicore outre cela
» im produit qui n'est aohe*^ par «leini travail y
m par aaacan service , par aueao risque, na pro-
» d«it purenesit gratuit , ^^i sent «oosommé
» par §ens D'«y»Dt Dul^ment cooeoura à le
» fiûre naftre. n Un produit ^rement gratuitl
Eli ! niaîa , «st - oe que la terre rpâ le read , «e
prodnic ff-aSuit , n'a point été ac^iebée , payée
par UD capital en argent? est-ce que ee-ctipital
ne doit pas donner un profit , «t ce pro^fit qu'il
dœt dosuer , D'«st,- ce pas Totve produit «et ,
votre produit gratuit ? Voas dites «[ue œ pro-
duit sera consommé par gens frayant point
concouru à le foire naître ?sanft!^iMe ,«omme
le produit d'une manufaoture , dont le pro-
pnëtiùre n^djtkâte point par lui •- luème. Où
donc est la «^(férence ? -et q«e powTez-'vous
TOÙ* là que deux -ci^iuiuz ^irereement em-
ployés ?
J'ai cent mille écns : tous en avez Butaut;
nous voulons tom les deux utikseroes capitaux,
et les plaçant chacun sedcm -nos goûts , -nos -ba-
lùtudes. ou nos connaissances^; vous feiles,vOuS|
l'acqui^OD d'une terre , «t j'élève , moi , udo
manufactuFe. A la fin de l'anuée vous 'touchez de
vos fermiers huit ou dix mille-B-anos, et moi,
dix -huit ou vingt mille francs de mes géi-eura.
Que repréwntent pour nous ces deux somme»?
ji-vGoogle
èo L I V K E I 1.
MD produit oet , une rente ? non. Quoi donc ?
le profit de nos capitaux.
On aperçoit aisément pourquoi le capital placé
dans les manufactures , rapporte deux ou trois
fois plus que celui employé en acquisitions
de ten-es. Au reste , il suffît iû que tous deux
rapportent un revenu. Or , ce revenu , je le
répète , n'est autre chose que le profit des
capitaux.
Cessons de discuter sur le nom qiû lui con-
vient , et qui , après tout , importe assez peu ,
pour nous occuper de l'ublité de ce revenu , par
rapport à rétat.
Vous et moi avons k disposer à la fin de
l'année, vous, de ànq cents septiers de blé »
moi , de vingt-cinq pièces de drap. Ce sont nos
revenus en nature , tous frais et salaires prélevés.
Je suppose que mon drap vaut en argent pré-
cisément la même somme que votre blé : nous
envoyons le tout à l'étranger , et nous importons
en retour chacun i300 pieds cubes de bois de
construction. Je vous prie de me dire si tout
produit net à part , je n'ai pas autant servi l'état ,
dans cette opération, avec le produit de mon
industrie , que vous avec la rente de votre terre ?
Telle était l'idée que je m'étais faite des deux
prioùpales sources de revenus , la terre et les
fabriques, avant d'avmr étudié réconomie poU-
N Google
DU COMMERCE. 8i
tique dins les livres , et j'aurais alors aoutenu
inon sentimeot avec cette imperturbable con-
fiance , suite de la conviction la plus intime. Je
D'ai point changé de manière de voir ; mais fati-
gué de toutes ces distinctions oiseuses entre deux
sortes de revenus dont l'origine est évidemment
[lareille , dont les résultats sont absolument les
mêmes , et ne concevant point que des hommes
très- instruits aient pu errer à ce degré , ce n'est
plus qu'avec une extrême méftance que je hasarde
mon opinion : étrange et déplorable effet de la
lecture des économistes , dé n'oser point affirmer
des vérités inattaquables , et de douter de tout ,
ptème de l'évidence !
Le lecteur me pardonnera sans donte cette
digression , qui devait nécessairement précéder
l'examen de la question qui fait l'objet* de ce
chapitre.
On n'aperçoit pas très-aisément quelle est^
sur cette question délicate , l'opinion de Smith.
Il est cependant très- probable qu'il voyait dans
l'agriculture la principale source de l'opulence
d'un grand état j et comment interpréter autrè^
jneot tontes les sorties auxquelles il se laissé
entraîner contre lei peuples modernes, qui Tonti
dit-il, sacrifiée au oonunerce et aux manufac-
tares?IIest vrai qu'il établit ailleurs des prin-
cipes contraires à cette partie de sa doctrine j et
6
N Google
83 H V R E ï I.
aa,ai cette- facilité ({ue me donne Smith pour le
coinbaltre , je n'aurais jamais osé Fentrepreodre ,
hiea coDvaincu qu'oD ne peut l'attaquer avec
quelque espoir de succès, qu'en se servant contre
lui de ses propres armes.
Avant de reconunencer la lutte , je crois de-
voir établir quelques rapprochemens entre l'agri-
culture et les fabriques.
L'agriculture est de toutes les oceupatioos
auxquelles l'homme peut se livrer , In plus utile
et la plus honorable : la plus utile , parce qu'elle
tend immédiatement à sa conservaùoD ; la plu»
honorable , parce qu'elle est presque toujour»
indépendante et qu'elle engendre toutes les v«r-
tus, compagnes ordinaires des mœurs simples.
Maisl'agnculture, aussi ancienne que le monde,
vil , si l'on peut s'exprimer ainsi , de ses propres
ibrms , et n'a rien à attendre des hommes , qui
ont tout à attendre d'elle. Un laboureur cultive
son champ , parce rpi'H est sûr d'employer le
produit de sa récolte. Il n'a beeom pour cela si
de protection , ni de récompense. Plus la société
sera nombreuse , plus il aura d'intérêt à pei^sc-
tionner el à étendre son travail , et c'est déjà une
première vérité reconnue , que tout ce qui leod
à acorcritre la popul^ioQ , tourne att pro&t du
peuple des campagnes. , '
N Google
DU COMMERCE. 85
Ces observatioas dont on ne peut , je crois «
contester la justesse , en mnaqueraient absolu-
meu à on Toulitit les appliquer i rindustris.
L'bomme cultive son champ parce que le he-
•oin lui en impose l'obligation. Cependant c'est
bien moins pour loi un travail qu'un délasse*
ment, et ce travail simple , facile, il en a cou-
tracté l'habitude ei. le goût dès sa plus tendre
•nfanœ. II en est tout autremeut de l'industrie ;
•es progrès sont lents , les services qu'elle vend.
imnnfi appréeiés. Il a dû se passer bien de»
Mèdesavaotque les hommesaient pu s'astreindre
Hix travaus assujétissiuis et monotones qu'elle
emi^ ; et voilà pourquoi il n'existé pasuneséule
«ontrée où l'agriculture o'dit fleuri , tandis qu'il
en est un très -grand nrmibre où l'industrie «st
toujours dem^eurée au berceau.
L'agriculture se perfectionne d'elle-iuème, parce
que les ppooédésqu'elie emploie sonttrès^mples.
C'est une science en quelque sorte li>oalé , qi)i
ne connaît de règle que la pratique , varie sùi-
Ysnt les pajs «t les terroirs , et se rît des vaincs
diéoriei da eabioet. Il ne. faut ui livres povr ta
tépandre , ni raiiùfiti^s' pour la diriger. Laisaw
le cultivateur suivre en paîl les leçoss de «a
propre expérience; Sous le pj-étest* de I«i dviter
la sHTchfege des impôts indinecU i nelw arraohez
pas le ^ers ou la moitié àâ IM ^b*. v^iw appttlfz
ji-vGooglc
1
84 L I V R E I l.
80D produit net ; veillez, s'il est possible , a ce
qu'il ne manque dÎ de capitaux pour produire ,
ni de bouches pour cousommer , et l'homme des
champs vous béuira dans sou cœur, saus porter
la môiodre envié aux fabncansdes villes, quelque
protection que vous leur accordiez.
Mais l'industrie ni le commerce ne peuvent
avoir dans leur marche cette uniformité de mou-
vement qui dispense le gouvernement de toute
sollicitude. Leurs progrès tiennent à ceux de U
civilisation , aux arts , aux scieoces , à la naviga-
tion. Le gouvernemcnl qui ne peut presque
rien pour l'agriculture^ peut presque tout pour
l'industrie. Si la nation a des habitudes ou des
goûts susceptibles d'en retarder les développe-
mens , il doit employer tous ses soins à les com-
battre. Une machine nouvelle oflFre-t-elle les
moyens de simplifier le travail ? il en faut ré-
compenser l'auteur. Le talent et l'habileté des
ouvi'iérs laissent-ils eocore adésirer ? il convient
d'exciter parmi eux l'émulation. Ainsi le gouver-
nement est forcé d'avoir sans cesse les yeux ou-
Terts sur l'industrie, dont la marche incertaine
et capricieuse a souvent besoin de soutien ,et
presque toujours de guide;
L'agriculture , Kmîtée dans ses progrès ,
comme nous l'avons vti , l'est aussi et invaria-
blement par- l'éieadue dn pays. Dès que tfiut
N Google
DU COMMERCE 8fl
le terruin est cultivé « il semble qu'oD D'aïtrien
à prétendre dé plus. Tout en convenant que
les moyens d'exploiudion sont susceptibles de.se
perfectiuun^ , encore faut • il admettre qu'il
viendra un moment où il ne restera rien, ou
presque rien èf faire , et sur quoi voulez -rous que
s'exenx. alors la population du pays ? i
L'industrie qui dispose non - seulement des
productions intËgènes , muis de celles du monde
entier dont elle peut décupler, centupler la va-
leur , D'est limitée ni duns ses .progrès , ni dans
ses moyens de perfection. Soni domaine s'agran-
dit à mesure que les besoins se multiplient , ce
vaste comme l'ima^nation j mobile et féconde
comme elle , sa.puissancecréatncc n'a de bornes
que celles même du génie de l'homme , dont elle
reçoit chaque jour un nouvel éclat.
La conséquence naturelle. de.ces rapproche-
mens est que l'agriculture doit occuper le gou-
vernement beaucoup moins que les fabriques.
Il me reste à montrer jusqu'à quel' point ce ré-
sultat est contraire à l'opinion de Smith. >
« Dhns la majeure partie de l'Europe , ditcet
• écrivain , (i) le commerce et les manufactures
» des villes, au Meti? d'être l'effet de la culture
* et de l'améliol'alioa des campagnes ,eqi<>nt
(OTow. U,p.g. ,i8o. , -,
N Google
86 L I V R K I I.
a été l'ocea^on et la cause. » Ceci est trè« - fa-
Torable auK manufactures; tqaii lisons «e qui
suit : « Avec cela , cet ordre éumi comrsirc ta
t cours naturel des oboseï , «st nécesBaù«niflQt
» à la Ibis lent et incertain. Que l'on compara
t la lenteur de« progrès de ces pays de l'Ëu-
» rope dont la richesse dépende» grande psrtM
X de leur comnaeree et de leurs maonfeoturds ,
t aveo la marche rapide de boB ooloiàes dont
» la richesse est toute fondée fnr l'figriool-
» ture i etc. etc. » Dans un autre endroit , il dit
que la principale cause des richesses des colonie*
69t qu'elles n'ont point de mànulàctares. (i)
Smith convient que dans tous les états mo"
derues de l'Europe oe sont les fabiiques qui
ont donné naiesance à l'amélioration de la cuU
ture des terres; *t il ajoute qiie cet ordrè est
eontroîre à: la nature des choses. Mais n un tel
ordre eût été contraire à la nattkrecles ohoies*
il n'aurait pas eu lieu ; il n'aurah pas eu lîeo
dans tous les états de i'Ëurope à la fi>is; II n'y
8 de contraire à la nature des choses qu» oa
qui ifàit exccpiioQ à la loi ^néraie , et Smith
prEmd ici la loi générale pour l'exception.
' L'exemple des colonies tfà donvent leur pNis-
périté à l'agriv^huPe , est mal «^olsîet'iie prouve
(i) Tam. II, pag. 384.
N Google
DU COMMERCE. 8-?
rien. Ob b« peut pas oomparei- une colonie h Ik
tnc'trapole. Dans la colonie il y a tingt fot3,cem
fois pins de terres qu'on n'eu peat cultiver. Ces
terres sont vierges et très- fertiles-; leurs pto-
ductioBB ont le monde entier pour marché. Ob
n'y pourrait établir de faljri(|ues sans enlevai'
Ai& bras ï t'agriciiIt«Te , et l'on n'y songe Seule*-
iKcnt point parce i|ue là , la itieilleaf e fabrique
est la t*rre. Dans la tn^tropde au cooir^re ,
il n'y a point àé terres incultes. Les productions
indigènes 90m limitées, et coûsommées sur les
lieux. Loin qu'on y manque de braS pOnr l'agr?-
«nhnre , les manufactures ne siïfBseai point
ponr occuper les ôisifi». Or, je le denMnde de
nouveau , oit eondmt un pareil rapprochement?
Sïfâth nûu» ciie la thïoe coWïUie un pays oA
de lont t«mp9 Fâgrièuharft a été préférée à Vin'-
dosUie ,e\Mœ{iyis, du moins, no tel ordre est
coafottùe hi h ninuredes choses; mais qu'w-'t-il
{ffpdnit cet ordre si raerveilïeui ? « Lorgqa'en
B reiournaDFitateyre t(mEela)Vyurttée,tfnbo«Ame
» peotgsgnw «wCfcnIDe de qaoi acheter, le strii-i
» une petHep0#dondaria,ile9tfo«é6i«éBï.(iJ
» h» «ADàiùàédes artÏMâs y «se etK&te f^re,..i
» Us sont coDtinuellement à courir les itjes aVéô
• leurs méûtfts , offrant leul^ ^rviCA ef Va.én-
(0 Tom. I,pag. i44î etUÏ, v^Ai».
ji-vGooglc
88 L I V R E I I.
» d'iant , pour aiusi dire , de l'ouvrée. La poii-
» vreté des deroièi'es clauses du peuple , à la
N CliÎQe, pusse de beaucoup ce qu'où peut voir
» chez les tuitious les plus miséi'ables de l'Eu*-
jt TOpe Le mariage n'est pas encouragea
» la Cbiue par le profit qu'où retire des eofaDS,
M niais par la permiiision de les détruire ».. ..
Et c'est Smith lui-mcme qui dous douoe œs
horribles détails ! et il nous présente la Chine
comme un des pays les plus riches du monde !
En vérité rien ne serait plus propre à guérir une
nation de la soif des richesses.
Mais voici qui est beaucoup plus' extraordi-
naire : ce peuple, ches lequel l'aj-ricultureasuivi
l'ordre conforme à la nature des choses., aurait
cependant atteint un bien plus haut djigrd
d'opulence s'il avait eu d'autres lois et d'au-
tres institutions , (i)sijpar exemple t il eut
moins négligé le commerce •étranger. Eh»
sans doute; mais alors il n'eût plus été le peuple
agriculteur par eioellence , et vous ne l'auries
pas traité avec plus de ménagement que les na>
lions de l'Europe , où l'agriculture s'est élevée
en suivant un ordre contraire à la nature.des
choses.
Ce n'est pas tout : ce peuple chinois , si boa
(i) Tom. I, pag. 194. .
N Google
DU COMMERCE. 89
agriculteur , si rîclte , et où les ouvriers qui tra-
Tsilleot à la terre meurent de faim pour la plu-
part , ce peuple chiocis , « en fait d'ouvrages de
t maButaciures , d'industrie , etc. quoit^u'ioFé-
B rieur, n'est pas fort au-dessous des nations de
I l'Europe. » (i) Quand Smith a écrit ce pas*
sage , il avait apparemment sous les yeux quel-
ques - unes de ces étofîes de soie , dont les des-
tins font tant d'honueur aux artistes de la Chine,
ou quelque vase de porcelaine chargé de ma-
gou ; mais il aurait mieux valu qu^I n'eut pas
perdu de vue ce qu'il avait écrit ùlleurs : « En
» Chine, les artisans courent les mes avec leurs
a métiers , dfTrant leurs services et mendiant de
> l'ouvrage Le sort d'un lahouréur y est
» Hutant au -dessus de celui d'un artisan, que
M dans la plupart des endroits de l'Europe , le
» son d'un artisan est au-dessus de celui du la-
» boureur ». (2) Or , jugez ce que peut être en
Chine le sort d'un artisan , et par une suite né-
cessaire quels progrès y a dû faire l'industrie ,
puisque l'ouvrier qui j travaille à la terre est
bien heureux , quand il a gagné, ' le soir, de
quoi acheter une petite portion de riz.
Les progrès de l'industrie en Europe ont
( 1 ) Tarn. Iltpag. 66.
(a) T«in. m, pag. 541,
N Google
90 L I V R E 1 I.
puissammeot contribué , de l'aveu même de
Smith i( I ) à l'anaélioraiion des terreâ. Cet ordre t
quoi cju'ileD dise, est trés-coaTorme à lanaturo
des choses , et beaucoup plus que si l'agriculuve,
dans un pays quelconque', avait coutrîbué aus
développemens de l'industrie. En effet, il na
suffit point qu'un laboureur cuU)v« du lin pour
qu'on lui achète le produit de sa récolte. Il f«al
encore qu'il exbte dans le pays des ouvrier»
habiles qui possèdent l'art de travailler ce lin «
d'en faire du fil d'abord , et eOsuite de la 1<mIo t
des vêtements. Mais quand de 4els ouvriers
existent, les demandes de lin se mulUpUeDlf et
l'agriculture est là pour les recueillir et y satis-
faire. Ainsi ses progrès doivent toujours être en
raison de ceux de l'industrie , et <ieue marche esi
la seule que la raison avoue, conuitfl elle fst,l»
seule que l'expéneace confirq»)*
. D'ailleurs plus il y a d'ouvriers ^dans un pa^s^
plus il y a de consommateurs. Aussi* tout ee qui
» tend à diminuer le nombre des artisan» et des
» manufacturiers, tenfl à diminuer le marché în-
• térteur, le plus important de tous les mtrcbû»
» pour le produit brut de la terre , et tend par-.
M là à décourager l'ag^-iqulture. » ( a ) Ici c'est
Smith qui parle. Je n'ai rien à ajouter.
( i) Tome II,pa|;. 4i3.
(a) Tom. lu, pag. 55ï.
N Google
DU COMMERCK. 91
Si cependant on pouvait douter encore que
l'tDduslrie ne ootilribue Aux progrès de l'agritinl-
fnre , je prierais le lecteur de jeter nn coup d'œU
sur les principaux états de l'Europe. Partout ok
l'industrie est Aorissante , ragrienittire est avan^
cée ; ailleurs elle languit. L'Angleterre et k
Frauce sont les pays les plue industrieux de l'Eu*
rope, et atmâ compiràison les mieuï cuhire».
En Espagne et en Pologne; oii il n'esiste qu'un*
industrie grossière , l'agricultura est encore doi»
l'enfance; et remarques que je cite ici dernt pays
dont le sol est de beaucoup plus fertile que celui
delà France et de l'Angleterre.
J'ai déjà indiqué pourquoi les pays oà l'indut-
trie est florissante , sont ordinairomeoi les mieux
euItiTes. C'est que l'industrie ne s'eterce que sa*
les' produits de ta terre, et que plus elfe en con-
somme, plus il tkal tes multiplier. On peut en
donner encore une autre raîson. Dans les paysdo
fflarmfacttïreiiTègne une émulation générale qui
doitnéccssairementiournerSu profit de lasociéié.
Le cultivateur rivalise l'artisan, l'artisan le culti-
▼aleur j personne ne reste oisif. Ecoutez Smith
sur cet accord si favorable aux progrès de la ri-
chesse d'un pays, et qui ne l'est pas moins à la
conservation des bonnes mœurs parmi le peuple :
« Dans les villes manufacturières et commer-
j) cames.... le peuple est laborieux, frugal,
ji-vGooglc
9» L 1 V R E I I.
■» écoDome ( i ) Daos les villes qui ne se soa-
» lieniient que par la résidence permaneate ou
» temporaire d'uoe cour, dans celles de parle-
» meot, etc-.il est en général paresseux, débau-
j» clïé et pauvre. » Ailleurs Sraith (ait observer
que les environs de Madrid, de Rome, de Ver-
sailles, villes de consomiuatioD et non de fabri-
que, sont mal culbvés et presque abandonnés;
aussi atBrme-t'il qtie n l'expédient le moins pro-
» pre à encourager la culture du blé est de
» diminuer le nombre de ceux qui sont en état
n de le payer : politique aussi sage que celle
j> qui voudrait donner de l'extension à l'agricul-
■ turc en décourageant les manufactures. » ( 3 )
- D'oîi il suit que la politique la plus sage pour
un gouvernement est de donner de l'extension à
l'agriculture en encourageant les manu^ctures.
La question se trouve ainsi décidée, et ce n'est
pas moi, c'est Smith qui l'a résolue.
, (■} Tome II , page Sas.
(«) Tome I , page 333.
N Google
D U C M M ER C E. gS
CHAPITJIE IL
a commerce. — Csnse* de tes progrès en EtiTope. — Ce
qu'on doit entendre par le, mot capitaux, — Ce qae c'est
que l'-économie par rapport aux nations. — Conunetcfl
■ Indépendant et libre dans sa marche,
» groDil daos ses projets , plus graDd dans ses
w bienfaits , admirable dans ses travaux , ne
M coDDaïssant de bornes que celles que le glotie
» lui assigne , agent universel , âme du monde
m politique , le commerce scelle la grandeur de
» l'homme , et le rapproche de sa céleste ori-
» -gine, en opposant aux prodiges de la création
M les prodiges de sa propre industrie. ■ (i)
On juge de la richesse des notions par com-"
paraisou avec d'autres nations dont l'industrie est
plus ou moins avancée ; mais on n'apprécie ainsi
que très - imparfaitement les bienfaits du com-
merce , sans lequel l'homme errerait parmi les
Lois avec les bêtes sauvages , qu'il serait même
obligé de combattre ou pour se vêtir , ou pour se
nourrir. .
Quel immense intervalle sépare les nations
( 1 ) Etat coromeroial de la France an commencCRunt du
19* itècl* , par M. Blanc de Voix.
ji-vGooglc
94 L I V R E r I.
fàviËsées de l'état de déouement et d'ignorance ,
et de la barbarie de ces peuples de la Nouvelle-
Hollande, et dé tant d autres contrées où il
n'existe eneore ni indusuîe , ni commerce !
Vous appelez pauvre un artisan qui vit de son
travail ; vous concevez à peine qu'il puisse exis-
ter de condition plus misérable ! Que d'objets à
son usage exciteraient cependant votre envie , et
vous paraîtraient , ce qu'ils sont véritablement ,
des prodiges de l'industrie bumaine , si , trans-
porté tout à coup dans quelque pays barbare ,
vous étiez réduit , comme les peuples qui l'habi-
tent , à courir les forêts , demi -nu , pour exister
du produit de votre chasse ! Le lit sur lequel il
repose , et dont la laine a peut-être été tirée des
pays éb'angers, sa table , sa chaise , son miroir ,
son couteau , son verre , que de connaissances ,
que de travaux , tous ces objets ne supposent - ils
pas! Ëtces nombreux usten^les, d'un usage de tous
les momens , en fer , en cuivre , en acier , en bois ,
en os, qu'on a été chercher dans leur état pri-
mitif, ceux-là au fond du Nord, ceux-ci dans un
autre hémisphère , calculez , s'il est possible ,
combien d'individus ont été employés à les lui
transporter,.» les lui préparer. La maison qu'il
babite D'est pas b'e" belle i mais que de temps
e)le durera! Aes' htrÏHts sotit bien grosàers ; mais
avec quel art on les a' tissus ! dans combien da
N Google
DU COMMElRiCE. gS
jUffiBS ils ODI pusse , depats le cultivateur qui a
récolté le Ha ou qui a toadu les troupeaux , jus-
qu'aux ouvriers qui ont fiiçoDo^ la toile et le drap 1
Voyex- le prenant son modeste repas ; sa table «st
plus eommodéiDent servie que celle d'un chef de
bordes sauvages ; ses alimetis, moios nombreux,
sont mieux préparés. Pour en relever le gbût , de
précieuses aromates lui ont été appoi'lées de trois
mille lieues ; et cette jouissance qui semblerait
devoir être très-supérieure »ses faeultéa , est pré-
etsément celle qui lui coûte le moins , puisqull
peut se la procurer cbaque année par quelque^
b^ures de travail.
Tels sont donc les eflË^s de l'industrie , du
eommerce et de la civilisation qu'un homme la-
borieux , pris dans la classe des artisans qui n'est
pas à beaucoup près celle où le travail rapporte
I« plus , jouit aujourd'hui d'une Msanoe inoonaue
aux individus les pfus opidens des sociétés encore
au berceau.
Kouâ nous sOHvenoDs ées qofiua révolution»
sanrenues dons le système des échangée. Tant
qu'ils s'effectuèrent en nature , le commerce ne
put prendre aucun essor.. L'introduction des mé-,
tmx conune monnaie en détermina seule les
progrès , et rien n'y mit plus obstacle lorsque'
cesmétaux , convertis en pièces courantes , eur«pt
aÏBsi refauv «aractièr^ <i«Ft»in.
ji-vGoogle
©6 H V R E I I.
Mais dans les temps très-recule's où cette der-
nière révolution- arriva , ]a quantité de métaux
précieux en circulation étant peu coasidérable ,
leur rareté devait leur donner un ti-ès-grand prix.
Une once d'argent payait donc alors , très - cer-
tainement , plus de marchandises , ou , si l'on
veut , plus de travail que n'en paierait aujour-
d'hui une pièce de 6 francs , qui pèse aussi une
once, (i)
( 1 ) Les TaTiations qu'ont ëpranvéei ît» moanaiM Aamw
toua les pays , BODt très-indépeDdantes de celles survenues
dans la Taleur de l'argent. Il importe de ne pas confon-
dre ces deux clioses. La valeur de l'argent hausse OU
iMÎMe suivant qu'une quantité quelconque de ce métal ,
un marc , par exemple , commande plus ou moins da
travail. Or il est clair que quand l'argent était très-rare ,
î\ devait être plus rechercbé , et par conséquent avoir
plus de prix,
La valenr des monnaies , c'est-h-dire leur valeur no-
minale, dépend uniquement de la volonté du souTeTain.
Ainsi la pièce que nous nommons aujourd'hi 5 francs ,
pourrait être appelée demain lo francs, s'il plaisait an gou-
vernement d'en faire changer l'empreinte. Cette opération
n'ajonterait pas un millésime à sa valeur ; mais elle pr»-
cureraît • l'état le moyen de rembourser ses créanciers
avec moitié moins d'argent qu'il ne leur en doit. Ce se-
rait nne banqueroute de 5o ponr rooi et rien <le phia.
On peut juger du nooibre de ban querontes de cet te espèce-
qui ont en lien en France, par l'état actuel de notre monnaie
comparéekcelqu'elleétaitdanslea anciens temps de lamtv-
narchie. Sous Charlemagne , la livre d'argent pesait douze
•ocw. Ce qu'on appelle livre eujmint'liai ( ao'ioua > m»
N Google
DU COMMERCE. 97
Le principe ecoDomique qu'on peut déduire
de là , c'est que l'argent ayaut d'autant plus de
pige plus que le «ixième d'une ©nce, Wolre Iitm ne Tant
donc que la soixante - douzième partie de la livre de
CkaTlemagne , ce qui fait juste 73 banqueroutes de 5o
pour looi l'une dans l'autre.
La première eut lieu sou» Philippe I. Ce prince mêla
nn tiers d'alliage k la livre de Charlemagae. Au lien de
donze onces d'argent fin, la livre n'en contint donc plua
que S : donc sa Taleur fut rédnite d'un tiers.
C'est cette opération que les kiatorieas appellemtiiug''
mentation des monnaies. Il est aisé de conceToir pourquoi
on l'a si souvent renouvelée depuis.
Cependant toutes ces altérations de monnaies entraî-
naient mille sortes de maux. Le prix nominal des denrées ,
qui se règle snr la quantité d'argent fin que contient la
monnaie et nullement sur l'étiquette qu'il plaît au mo-
narque d'y apposer , éprouvait saus cesse des varia-
tions. Il en était de même de tous les produits du tra-
vail. Du reste nulle sûreté dans les transactions, nul cré-
dit dans le commerce. Tant d'inconvéniens dont plusieurs
siècles avaient donné la fScIieuse expérience , ont enfin
décidé k renoncer k l'altération des monnaies. Cette ré-
Tolution date maintenant de quatre-vingts ans. Quand
Colbert arriva au ministère , la livre d'argent ( ao sous )
contenait encore un peu plus du tiers d'une once, et l'on
disait du marc qu'il valait a6 francs. Colbert l'éleva il iS.
J'aime mieux croire que Colbert céda en cela aux pré-
jugés de son temps , que d'accuser un aussi grand admi-
nistrateur d'avoir considéré l'augmentation des monnaies
comme une bonne opération de finance. Je n en veux même
d'autre preuve que la circonspection avec laquelle il usa
de ce moyep qui devint *i funeste après sa mort. En ef-
fet aprè» lui on porta la valeur nominale du marc d'ar-
7
N Google
98 L I V R E I I.
Taleur qu^l est plua rare , il est absolument iodif-
férent qu'un pays commerçaut en soit peu ou
abondamment pourvu. Ce principe est rigoureu-
sement vrai eu théorie, 11 n'y en a p»s de plus
faux dans Tapplication.
Ce principe est faux dans l'application ,
i". Parce que la valeur de l'argent, dans uu
pays quelconque , ne se règle point seulement
sur la quantité d'urgent que possède ce pays ,
mais encore sur ce qui en existe dans l'univers
commerçant.
a". Parce que l'argent , bien que susceptible
de changer de valeur en raison de son abondance
ou de sa rareté , relativement aux besoins de la
circulation, a cependant une sorte de valeur fixe
qu'il doit à l'opinion , et qui l'empêche toujours
de babser ou de hausser de prix , dans la pro-
portion rigoureusement exacte de sou abondance
ou de sa rareté.
geat de a8 fr. a 40 : altérstion considérable , paisqu'elle ro-
TÎent b ans banqueroute de 3o pour 100. Tel était l'état
des choses k la mort de Loui» XIV.
Si je ne parle point de l'ahératian des monnaies dans
le coorg de cet ouvrage , c'est qn'U n'est pai a craindre
qu'un tel abos se renouvelle ; et je n'ai indiqué ici en
quoi il Consiste , qne pour empteber le lectenr de le con-
fondre avec la diminution Nurvenue Jans la râleur de
l'argent , diminution qui tient à des cause* tontes dif-
£ii<ates , c«Bune on le verra dans «e chapitre.
N Google
DU COMMERCE. X^^gg.
Qu'arriva-t-il donc lorsque les progrès de la
civilisation eurent accru la nécessiié deséchaDgea ?
Il arriva que l'argent o'étaDt plus sutBâant pour
les besoins de la circulation , sa rareté mit obs-
tacle aux deTeloppemens ultérieurs du travail.
L'argent dut augmenter alors de valeur ; mais
cette augmentation de valeur n'étant jamais en
proportion des besoins de l'industrie , ne pou-
vait produire qu'un bien très-peu remarquable ,
et surtout excessivement lent. L'industrie ainsi
gênée par le défaut de moyens de circulaùon , ne
peutmieux se comparer qu'à un jeune arbre plein
de vigueur, que l'on étreiudrait d'une forte liga-
ture. La ligature cédera , comme l'argent hausse
de valeur; mais sans ligature, l'arbre aurait cru
beaucoup plus vite , et de même avec plus d'ar-
gent , l'industrie eût doublé d'activité.
Je ne puis appuyer tous ces raisonnemeos que
sur un seul fait , mais qui semblera d'un grand
poids. Tout le monde sait combien le coomierce
iiit généralement languissant en Europe , pen-
dant tout le moyen âge. 11 &ut l'attribuer à l'état
de barbarie qui suivit le déchirement de l'Empire
romain. Ce ne fut qu'après les croisades , qui
6rent connaître aux Européens de nouvelles
choses , et leur donnèrent de nouveaux besoins ,
tpi'on vit les arts et l'industrie sortir euGndeleur
long assoupissement. La boussole fut employée ;
ji-vGooglc
100 L ï V R E I I.
on deconvrit l'art d'imprimer en caractères mo-
biles , celui de faire de la poudre à canon j ou
cultiva le mûrier , on essaya l'éducation des vers
à soie , on fabriqua le papier avec du linge. La
chute du gouvernement féodal qui tombait alors
de toutes parts , dut accélérer beaucoup ce mou-
vement général vers la production. Si donc l'iD-
dustrie ne s'éleva point tout à coup à un très-haut
degré de splendeur , il faut qu'elle ait rencontré
dans sa marche quelque grand obstacle, et cet
obstacle est le défaut de moyens de circulation.
Jusqu'à cette époque, l'argent avoit été fort
rare , sans qu'on en eût cependant ressenti le
besoin. A quoi eussent pu servir de nombreux
moyens de circulation , dans un pays où l'on n'a-
vait presque rien à faire circuler ? Il eu fut bien
différemment quand le commerce eut pria quel-
que activité. Alors le besoin d'argent devint
universel ; l'industrie , fortement garottée par
l'impossibilité d'elTectuer les échanges , languit
donc encore, et le seul soulagement qu'elle
éprouva fut , pendant tout le quinzième siècle ,
une augmentation très-légère et très-lente dans
la valeur de l'argent.
Je m'arrête ici , et demande pourquoi, à cette
époque où l'industrie était si fortement contra-
riée dans sa marche par l'impossibilité de mul-
tiplier les «changes , l'argent dont la valeur est
N Google
D U C O M M E R C E. loi
toujours, d'après les écrivaîas, es raison de sa
rareté , ue reçut pendant tout le cours d'un siè-
cle , qu'une augmentation presque insensible de
prix , au lieu de doubler , tripler , quadrupler da
valeur , comme la marche naturelle des choses ,
et les principes théoriques des écrivains semble-
raient le prescrire.
Question qui m'oblige à reproduire le prin-
cipe établi précédemment: L'argent, bien que
susceptible de changer de valeur en raison
de sa rareté ou de son abondance , relati-
vement aux besoins de la circulation , a
cependant une sorte de valeur fixe qu'il
doit' à l'opinion j et qui empêche toujours
qu'il ne baisse ou hausse de prix dans la
proportion rigoureusement exacte de son
abondance ou de sa rareté'.
Cette vérité d'expérience se confirme très-bien
par le raisonnement. Dans un pays où l'argent
acquerrait ainsi par sa rareté une plus grande va-
leur, il doit arriver quelque chose de fort étrange,
c'est que plus vous travaillez , moins vous parais-
sez riche. Si , par exemple , vous avez commencé
avec un capital de trente mille francs , et que
dans l'intervalle de votre établissement à votre
retraite , l'argent ait doublé de valeur , il faudra ,
pour que vous reliriez vos trente mille francs de
mise de fonds, que vous ajicz doublé votro
N Google
102 L I V R E I I.
capital. Or je dis que dans un pays où riodustiie
ne peut faire de progrès qu'à la suite de pareils
surhaussemeuB dans la valeur de l'argent , le com-
merce doit languir à jamais j car il est évident
qu'en admettant la possibilité de cette augmen-
. tation de voleur dans l'argeot , le plus sur moyen
de s'enrichir serait de garder par devers soi le ca-
pital numéraire qu'on posséderait , sans s'occu-
per aucunement de reproduction nî de travail.
Je prévois toutes les objections , et croîs pou-
voir y répondre. Quand l'argent augmente de
valeur , qu'importe , me dit-on , que l'on en ait
moins , si cependant on est plus riche ? Cela
importe beaucoup. Il est trcs - difficile de se
persuader , quelque vraie que soit la chose ,
qu'avec dix mille livi'es de rente on puisse être
iiossi riche que quand on en possédait numérî-
quemeu t le double. Telle est l'influence des mots
sur les idées. Ainsi, quand même l'argent aurait,
dans un pays quelconque , de la tendance à aug-
menter de valeur , cette tendance sera toujours
escessivement contrariée , si même elle n'est ab-
solument détruite , par la force de l'habitude et
l'influence des signes. Un ouvrier accoutumé à
gagner quarante sous par jour , voudra toujours
gagner quarante sous. Il en sera de même du fa-
bricant , du marchand , de l'homme public ; et
pour que votre argent double de valenr, il fau-
N Google
DU COMMERCE. io5
dra que sa rareté se soît fait sentir au pcàat de la
décupler cette valeur, et même de la vlngtapler,
théoriquement parlant,
11 me parait impossible de contester cette va-
leur d'opinion que possède l'argent, et même
tout ce qui en fait fouctioo. Les écrivains la né-
gligent absolument dans leurs raisonnemens ri-
goureux , dont ils tirent des conséquences à la
manière des géomètres. Cel usage d'appliquer la
méthode d'une science où tout est positif , à une
autre science où tout est variable , me semble
bien- mauvais! ; et j'aimerais autant qu'en écrivant
sur la géométrie , on s'imposât l'obligatîoD de ne
jamais employerle calcul.
Je reviens aux développemens de l'industrie
en Europe. La lin du 1 5^ siècle fut l'époque d'uù
événement à jamais mémorable qui agrandit le
globe , eu fit disparaître des peuples entiers , et
multiplia pour tous les autres les sources de la re*
production. Je n'ai à le considérer que sous ce
dernier point de vue , et sans doute ou voit bien
que je parle de la découverte de l'Amérique.
On connaît l'immense quantité de métaux pr<^
cieux que les conquérans du Nouveau-Monde en
rapportèrent. En moins d'un siècle , il y eut en
Europe vingt fois plus d'argent qu'elle n'en avait
jamais possédé. Il s'en écoula beaucoup dans
rinde et dans les autres parties du monde ; mais
ji-vGoogle
io4 L I V R E I I.
OD estîme que la quaatité d'argent uctuellepent
existaule en Europe, est encore dix fois plus
considérable qu'elle u'éuit avaat la découverte
de l'Amérique. Or , c'est à cette augmentation
de moyens d'échanges qu'il faut attribuer , en
très-grande partie , lesdéveloppemens prodigieux
de l'industrie depuis trois siècles.
Wons avons vu que pendant tout le cours du
quinzième siècle , à l'époque où l'industrie fai-
sait les plus grands efforts pour produire , l'ar-
gent avait éprouvé une légère augmentation de'
valeur , preuve irrécusable de sonlexcessive ra-
reté , comparée aux besoins du coounerce. L'in-
dustrie ne reçut de cette augmentation de valeur
qu'un secours à peine sensible : aussi ne fit -elle
que bien peu de progrès. Tout à coup le grand
instrument de la reproduction vient à se multi-
plier avec une fécondité qui tient du prodige.
Alors l'industrie, que rien n'arrête plus, prend
décidément son essor, et le commerce de l'Eu-
rope devient celui de l'univers.
Je ne connais dausi^istoire aucun événement
dont la cause et l'effet aient une connexion aussi
intime. Smith l'a cependant méconnue , et il le
fallait bien : autrement ît aurait infîrmé.d'un seul
mot toute sa doctrine.
Quelque désir que j'aie d'arriver le plus di-
rectemeut possible au but que je me suis pror
jNGoo<île
DU COMMERCE. io5
posé , je suis obligé de combattre cet écrivaio
chaque fois que je le rencontre sur mon pas-
sage. Si je négligeais cette attention , on se con- '
tenterait de m'opposer ses paroles , et je serais
ainsi jugé avant d'avoir été compiis.
Suivant Smith , l'augmentation de la quantité
d'or et d'argent en Europe , et l'extension de son
agriculture et de ses manufactures, sont deux
événemens qui , pour être arrivés à la même épo-
que, n'ont presque pas eu de liaison t un avec
l'autre- A quoi donc attribuer celte grande ex-
tension du commerce , qui se lie d'une manière
si intime à la découverte de l'Amérique? A la
chute du gouvernement féodal. Ici Smith s'appuie
de l'exemple de la Pologne qui est toujours ausâ
pauvre, parce que le gouvernement féodal n'y a
pointété aboli. Je répondspar deux observations i
d'abord , il n'est nullement constant que la Po-
logne soit aujourd'hui , comme l'affirme Smith ,
un pays aussi misérable qùil l'était avant
la déceuverte de V Amérique. Ensuite , plu-
sieurs états d'Europe sont restés très - pauvres y
quoique le système féodal y ait été aboli. Le
système féodal n'était donc pas le seul obstacle
aux progrès de l'iadustrie. Or , si les états dont
je parle sont resttts pauvres, c'est uniquement
parce qu'ils n'ont eu qu'une très-petite part dans
l'augmentation générale des capitaux métalliques.
ji-vGooglc
M)6 L I V R E I I.
ou qu'ils -n'en ont su tirer aucun parti iotéiieur ,
comme TEepagne et le Portugal. Smith dotme
de la pauvreté de ces Dations , une tout autre
raison. Si le système féodal y a été aboiî, on ta
remplacé par un système qui ne vaut guère
mieux. Mais ce système qui ne vaut guère
mieux que le système féodal , a pourtant enrichi
VAagleterre, et Smith se fait là des objections
qu'il est bien loin de résoudre.
La chute du gouveruement féodal a donné à
l'industrie une liberté de mouvement dont elle
avnit toujours été privée. Cette circonstance, qui
a accéléré ses progrès , n'aurait cependant pu les
làvoriser beuucoup , si des moyens d'échange
plus nombreux n'eussent contribué à faire cir-
culer et à multiplier ses prodhiits. Ces deux ëvé-
nemens ont aÎDsi concouru achuirablement aux
mêmes résultats , et quand Smith affirme qu'ils
n'ont presçue pas eu la moindre liaison l'un
avec l'autre , il ne prouve absolument rien , préi-
cisément parce qu'il veut trop prouver.
Au surplus , le vice du raisonoemeot de Smith
se décèle par les expressions mêmes dont l'écii-
vain s'est servi. Que signiBe ce presque jeté au
milieu de sa phrase comme pour déposer du
chagrin qu'elle lui a causé ? L'augmentation
de la quantité d'or et d'argent en Europe,
et rextensiçn de son agriculture et de
N Google
DUCOMM-ERCE. 107
ses fabriques, sont deux évéïiemens qui,
pour être arrivés à la même époque , n'ont
i>«BSQUE pas eu lamoinâre liaison tun avea
t autre. Presque pas ! il faut avouer que voïlJt
ua raîsoDoemembLeacoDcluaat.
Smîtli était très - persuadé que VaugmeotMion
des métaux eu Europe , produite par la décou-'
verte de l'Amérique , avait inûué sur les procréa
de l'industrie. Il aurait rougi d'affirmer positive-
ment le contraire. Forcé d'opter entre b vérité
et le sacrifice de sa doctrine , il a concilié du
mieux qu'il a pu l'une avec l'autre , et il est ré-
ftulté de celte espèce de transaction une phrase
louche, qui ne signî6e absolument rien.
Mais puisque Smith n'a point formellement.
nié l'inâuence de l'augmentation du numéraire
en Europe , sur les progrès du commerce , 11 l'a
reconnue , et de cela même qu'il la reconuatt«
quelque soin qu'il prenne de l'afTaiblir , j'affirme
qu'elle a été très-grande , et telle que sans cette
augmentation dans la masse métallique , l'indus-
trie serait restée dans l'enfance.
Le, sujet que je traite est fertile en difficultés;
J'aime mieux prévoir les objectioDS que d'avoir
ensuite à Y repondre. En voici d'assea importantes;
On me demande d'abord comment il se fait
que l'argent , après la découverte de l'Amérique,
ait succesùvement baissé de valeur , au pcùot qu'il
ji-vGooglc
ïo8 L I V R E I I.
en a trois fois moins aujourd'hui ? L'industrie ,'
conclut-on de là, n'avait donc pas besoin de nou-
veaux moyens d'échanges, puîscjue leurmultipli-
cité n'aservi qu'à les avilir .raisonnement spcuieuz,
et cjui serait parfaitement juste si la dépréciation
de l'argent s'était proportionnée à l'augmentation
de sa masse. Or , la dépréciation est dans la pro-
portion de trois ou quatre à un; c'est - à - dire ,
qu'il faut aujourd'hui quatre onces d'argent en-
viron , pour obtenir autant de travail qu'on en
aurait payé avec une once , avant la découverte
de l'Amérique. Mais la masse du numéraire ne
s'est pas augmentée dans la proportion de quatre
à un seulement, ainsi que sa dépréciation sem-
bleroit l'indiquer ; elle s'est accrue , au contraire ,
dans la proportion bien plus" forte d'un à vingt j
et cette différence très - essentielle , comment
l'expliquer , sinon par les besoins sans <»sse re-
naissans de la circulation et de l'industrie , qui
rendaient de pins en plus indispensable une aug-
mentation dans la masse générale de la monnaie.
Mais il était impossible que l'industrie , quel-
que rapides que fussent ses développemeos , par-
vîn 1 3 employer cette masse énorme de métaux qui
refluaient par torreos d'Amérique en Europe.
L'offre de l'argent fut donc toujours supérieure à
la demande , et de là résulta l'avilissement. Or de
ce que l'Amérique a approvisionné le marché de
ji-vGooglc
DU COMMERCE. 109
l'Europe d'un peu plus d'argent que l'industrie
n'en réclamait , on tire la conséquence qu'elle
n'en réclamait pas du tout. Je ne puis croire que
ce soit là de la dialectique.
L'industrie se serait passée d'augmentaboa
dans la quantité d'argent circulant , poursuit-on,
parce que celui qui existait étant plus en demande,
serait devenu plus précieux, et par conséquent
aurait acquis une nouvelle valeur. C'est l'argu-
ment que j'ai déjà écarté par des considération!
puisées dans le raisonnement, et qu'il faut à pré-
seni combattre par les £(its. L'argent qui a baissé
de valeur dans la proportion de 4 à i , avait aug-
menté en quantité dans la proportion de l à 20.
Donc n l'argent avait seulement quintuplé en
quantité , sa valeur n'aurait point baissé. Donc
encore, pour que la quantité de numéraire exis-
tante à l'époque de la découverte de l'Amérique
eût pu remplir dans les échanges 1« même ofSce -
que cette quantité quintuple , il aurait fallu qu'il
quintuplât en valeur. Or, pendant le siècle qui a
précédé rexploitalion des mines , à peine la valeur
de l'argent a-t-elle éprouvé une augmentatioa
sensible. Combien donc il eut dû s'écouler d'au-
tres siècles pour qu'elle doublât ! combien pour
qu'elle quintuplât ! Et cependant quels progrès
auraient pu faire le commerce et l'industrie ?
De tous les cvénemens qui ont suivi la décou-
N Google
ito LIVRE tï.
verte de rÂmérique , l'un des plus remarquables
est la baîâse de l'intérêt ta Europe. Jusque-là oa
n'avRÎt poÎDt prêté à moins de dix. Dépuis, l'in-
térêt a successivement baissé jusqu'à six, ûnq,
et même, dans quelques pays, jusqu'à trois et
deux. La réduction dans le taux de l'intérêt se
trouve ainsi liée à l'accrobsement de la quantité
de numéraire en Europe. Ces deux évéoemens
dont l'un semble la conséquence si naturelle de
l'autre, seront-ils aussi de ceux qui n'ont entre
eux presque pas la moindre liaison?
Nul doute suivant Smitb, Locke , Law et
Mcmtesquieu étaient pourtant d'une opinion con-
.trairei Smith les combat. J'ose croire qu'il serait
entré dans la lice avec moins d'asstirance , si ces
trois écrivains se fussent contentés d'alrîbuer la
diminution de l'intérêt à l'augmeDtaûoa de la
quantité d'argent en Europe , sans chercher à ex-
pliquer comment cet effet fîit produit. \à. leur
erreur est manifeste. « L'intérêt a baîssi; , dit
»' Montesquieu , (i) parce que le prix de toutes
» les choses augmenta, et que celui de l'argent
» diminua. « D'où il tire la conséquence que
l'argent ayant moins de valeur, on dut le louer à
moindre ptix , c'est-à-dire exiger un moindre
intérêt ; mais cette diminution dans la valeur de
(i) Eapritdeilois, Ht. XXII, cliap. 6.
N Google
DU COMMERCE. m
l'argent affectait également l'argent prêté etTar»
geat payé eu retour du prêt , c'eu-à-dire Tio-
téréij car eofîn, si les cent francs pour lesquels
TOUS me donniez dix pour cent avant la décotti-
verte de l'Améiique , ne valaient plus après, que
cinquame francs, de même vos dix francs n'en
valaient plus que cinq.La proportion restait donc
la même sans que le taux de l'intérêt baissât. Ce
n'est donc point la diminution survenue dans la
valeur de l'argent qui a fait baisser l'intérêt. Il n'y
a rien de plus évident.
Hume et Smith se sont prévalus de cette
erreur pour asseoir leur système. Mais en prou-
vant que Locke , Law et Montesquieu avaient
mal expliqué un fait incontestable , il ne l'ont pas
détruit , et il reste toujours constant que la dimi-
nution de l'intérêt en Europe a suivi l'angmen'-
tation du numéraire produite par la découverts
du Nouveau-Monde,
Il est étonnant qu'après avoir indiqué la véri-
table cause de la dinûnuùon de llntérét, des
éciivains ansû profonds que Locke et Montes-
quieu, aient aussi mal réussi à l'expliquer. L'in-
térêt a baissé , non * comme ils l'ont dît , parce qne
l'argent a pertlu de sa valeur , mais parce qu'après
la découverte de l'Amérique , il y en eut toujours
dans la ôrculation au delà des besoins de l'ia-
dustne. Ainù tandis qu'avant k découverte de
N Google
SIS L I V RE I I.
l'Amérique , il y avait plua d'emprunteurs que de
prêteurs, après il y eut plus de préteurs que
d'emprauteurs. La condition des emprunteurs
devint donc plus douce, et ce fut une coa9%-
queDCcmêmede l'abondance de rofTre, comme la '
modicité du prix d'une denrée est la conséquence
de son abondance au marcbé.
Lorsque l'on découvrit l'Amérique il n'y avait
guère en Europe qu'un milliard de numéraire.
Cette somme était insufBsante pour les besoins
de la circulation. Tous les chefs d'eotrepme»
fabricans,commerçans, cultivateurs, gênes par
le défaut de capitaux métalliques, se trouvaient
en quelque sorte à la merci de ceux qui en possé-
daient. Ainsi l'intérêt se maintint à un taux très-
élevé. Tout à coup la scène change. L'argent dé-
borde comme par torrens. L'agriculture, l'indua^
trie, le commerce , toutes ces branches de l'arbre
social , en reçoivent plus qu'elles n'en peuvent
employer. Alors les prêteurs subissent la loi que
trop long-temps ils ont faite, et l'intérêt diminue.
Il me semble qu'il ne fallait pas un grand effort
d'entendement pour expliquer un effet aussi
simple.
. Ladiuûnutionde valeur qu'a éprouvé l'argent,
depuis la découverte de l'Amérique , résulte ,
cK)mme je l'ai dit, de ce que l'Amérique en a
fourni cinq fois plus que le commerce n'en recla-
N Google
DU COMMERCE. ii8
; k dîftiioutioD de IHntérèt de ce quil y «
«rs-eQ plus de prêteurs que d'emprunteurs;
-ôrJ'wD de ces effets ne devait pas Décessairemeut
■ l'autre ; car si l'Amérique eût seule-
it (|aintuplé la quantité de numéraire qui exis-
B Europe, sa valeur n'auroitéjirouvé aucune
n, et cependant l'intérêt n'eu serait pas
moins descendu au taux où il est aujourd'hui
'Juis l'Europe î c'est que pour que l'argent baisse
,ét valeur, il faut que son augmentation en qnao-
rtké«oît rapide, et en quelque sorte prodigieuse,
■jm ipûii'a pu être produit que par un événement
tcoiuBA la découverte de l'Amérique , tandis que
tpOBç que l'imérêt diminue , il suffit que le mar-
rie soit toujours approvisionné d'un peu plus
jdWgeat que n'en réclame l'industrie.
Quand Smitb a obscurci une vérité bien évl-
.Jsmtr; il (but pour lui rendre toute sa clarté mon-
-4»ei) 'l'erreur du système qu'il a édifié à la place.
«Gct exnttien , cette fois , sera très-court, k A me-
fM''Sure que la quantité des fonds à prêter vient à
'»<4itrgetenter , (i) l'intérêt ou le prix qu'il faut
» -payer- pour l'usage du capital va ùécessaire-
» ment en diminuant. » Donc, induirons-nous de
f£i,^^«i8'ily a d'argent, plus l'intérêt doit baisser.
flHiiat do tout , nous dit Smitb : j'appelle fonds à
i:(0 TMiuII',pag.4&8.
N Google
ii4 h I V RE I t
préier i son pus l'argent , mais la marcliatMlisc.
■AÎDsi «e D'est pas l'altoodauce de Targent qui fait
.ibaisser l'intérêt <:le l'argent , c'est l'abonttanoe de
JaiBWChaadise. J'afiîrmeqUe ce raisonii£iiaeD;t est
■doos Siaitb(Iiv.3,cbap.5,pa«e^5du a*, voli}
Quoil o'est l'iibondance de la marchandise qui
règle le taux de l'intérêt de l'argent ? maîâ il a
ffltla les créer ces marchandises , et puisque c'est
leur abondance qui va réduire le uuxde l'io-
■térêt, avant qu'on ne les eût fabriquées l'iotérêt
,étût donc très - haut ? Or si l'intérêt. avait été
.très-haiU', on ne les aurait point fabriquées ;«q
'ne lee aurak poiot fabiiquées en abondance. Il j
a ^as ce raisonnement un défaut radical ; c'est
- -m qa'on appelle le cercle vicieux.
' Sans doute dans les pays où l'industrie ,«st
'tihsrisSQDte et les capitaux eu marchandises très-
■«OTnbreui, l'iotérêt est bas; mais c'est précifié-
-'meat parce que l'intérêt est bas que les travaâl-
leurs se multiplient ; et l'intérêt n'y est bas que
parce que l'argent abonde.
Voici le raisonnement de Smith : pins un .p^s
I possède de capitaux en marchandises, plus l'inté-
rêt y est modéré. Donc c'est l'abondaBce des mai^
: chaodiaesqai fait baisser le taux de l'intérêt. Sifàtli
prend l'eflèt pour la cause j c'est à cela que se
réduit son erreur.
Quand les produits de l'industrie ei du travùl
ji-vGooglc
DU COMMERCÉ. ti5
ttdg[lE!iràMotdknsuti pays, tous dit eocoreSttiïlh ,
it cequVmap^lecapitaaipécunraires y grossit
'» «o même temps, m (i ) Ainsi ce 'n'est poiot
^ 'Vaiccroisseaient de 1h qaaolîté dir numéraire ea
Europe qui a produit l'exieosidQ cl« son coni-
' -lileroe «t de ses ntitaufactures ; ce sont an' coo-
Irairo les pi'ogrèa de l'industrie et dn commerce
-qtn OBt ament; l'eugmentation de larfiramittî de
■naniér»ife€nEarope,etla découverte do l'Améri-
- ^tie!Toti)Our9mên»erpeHr;lacatisepourrefftt,
" Lmw^'un pays crott en industrie , In-quimtite
'de 'Onmérinrey ao'gmente, parce qu\mé partie
~; dbs produit* du travail va au-deliors , «t proctira
■in é«babge, de l'aident. Or cet argent Ammït
au pays de oonveout moyens de reprodactnn
■ipâ , 'à leur tour , amèneront de -nonveam reu-
'fyhB dans la masse du numéraire j ainâ la caàse
pt-imitive redevient successivement cause et efiet.
'Mais cette cause primitive est l'abondaDce de
■ fargéet ; car , -«More une fois , la grande eiteh-
sion du commerce en Europe n'a point précédé
- 'f augmentation des métauî ; c'est au contraire
' ^augmentation dans la quantité d'argent qui a
précédé feïtensioo de l'agriculture «t des manUJ
' fectures, vérité de fait devant laquelle croula
' tout le syfltème de -Smkh.
(() *nmtén,}tag. 3SB.
N Google
ii6 L I V R E. I I. .
Au reste , on vleat de voir que tout en con-,
sîJerant l' abondance de l'argent comme une con-
séquence nécessaire de l'abondance des marchan-
dises , Smith faisait cependant marcher de frout
Faboadance de l'argent et le taux modéré de l'in-
térêt. 11 jugeait donc ces deux circoDstaoces insé-
parables. Il est certain que partout où l'argeo^
abonde , Viotérét est bas. Les écrivains sortis de
l'école de Smith n'ont pas été aussi mesurés
que leur maître, et, comme il arrive toujours,
ils ont cDchéi-i sur ses erreurs. Voici donc |^ur
dernière découverte , que je consigne ici comme
UD témoignage des progrès qu'ils ont fait faire à
la science : l'abondance de l'argent rCinJlue
<jue faiblement , jiinflue peut-être pas du
tout sur le taux de l'intérêt.... Ainsi les ca-
pitaux en marchandises peuvent être très-
abondans et l'argent très- rare.
L'abondance de l'argent n'infiue poînt.sur
le taux de l'intérêt I Pourquoi donc le taux
de rintérêt est - il moindre en Angleterre qu'en
France , et moindre eu Hollande qu'en aucun
pays ? et dans quel pajs l'argent a-t-il été plus "
abondant qu'en Hollande , en Hollande oîi l'on
trouvait ditlîcilement à placer d'une manière so-
lide , à trois , et où le gouvernement a souvent
emprunté à deux?
L'abondance de largentrCinJUie point sur
N Google
DÛ fcokilÉRciE. ^17
tîntérêt l C'est pour cela , sans dôme , qne
pendant les quatre années qui ont suivi la chute
du papier - monnaie en France , les. meilleures
maisons ne trouvaient à emprunter qu'à l'intérèli
usuraire de deux et trois pour cent par mois. Or,
à mesure que l'argent a reparu , l'intérêt a baissé [
Admirez l'extrême justesse de celte assertiou :
^abondance de l'argent n'influe que faible-
ment, riinjluepeut - être pas du tout sur le
taux de l'intérêt.
Quoi donc ! le loyer des maisons , celui de»
meubles , des iostrumens , des livres , se règle
siir l'abondance des choses louées , et l'on vout
dra nous persuader que l'intérêt de l'argent, qui
est aussi un loyer, suit dans son cours des lois,
inverses !
Il est difficile de concevoir à quel point les
écrivains poussentle zèlequand il s'agit d'alarmer
sur les eftèts que produirait en France une grands
abondance de noméraire. Non - seulement ,
dîséot - ils , l'abondance du numéraire n'in-i
Jlue point sur l intérêt, mais encore elle ne
peut que faire baisser la valeur échangeable
de l'argent. Cependant la Hollande n'a point
éprouvé ces inconvéniens graves. Les quantités
immenses d'argent qu'elle s'est procurées par son
commerce de trausport , lui ont d'abord servi à
donner à ses capitaux productifs la plus grande
N Google
1^8 L I V H^E" t !. '
extension: Mnis pauvre de lei-rîtotre , pins pAUvre'
encore de pcftuluùoa, il élait impOiisikIe qn'el)«
tirât d'un rapitat numéi-aire considérable tottl:
l'avantage qu'il anrait pu jM-ocUfer à des nations
agricoles et manufactnFÏèresi La Hollande fut
donc réduite à prêter à l'étranger i eh bien, elle
lit des placemeus à cinq et six , et ce fut eecoré
pour elle une nouvelle source de revenu.
S'il était vrai que l'abondance du numéraire
dans un pays en fit baisser la valeur ét^ngeable ,
cet effet aurùt donc eu lien en Hollande , puis-
que la Hollande est la seule itatioo qui ait dft- ik
iou industrie la propriété d'uti capital Duak^-
raire très - sopérieUr » se» besoins j or si'cat
effet ne s'est pas vérifié eo Hollande oit iitiy
fl guère d'autre moyen d'employer uù éiipitiil
que la pèche et le eonanae^ee de ti-ansport, n'eSÏ-
il pas absurde de le redouter pour la France*,
pour la France , p*ys: agricole , pays «oanufae^
turier ■ pays d'uue étendu» immense et ê^àe
fertilité prodigieuse en comparaison de la HtA-
laude,pay»eBga peuple de treate mïHioimd'ba-
bîtaos , aetiffi , iodustrieu'X , et dont la ptuport
sont encore misérables parce qu'ils maoqaentde
moyens de travail ?
Nous ayons déjà vu pourquoi rargent baissa
UnU à coup de valeur après la découverts de»
laines j e^ cootmept eu eàt - il pu être autreowDt
N Google
DU COMMERCE. iig
l«r£i|a*6n mpiiM d'ua siècle jU quantité d'argaot
existante «o Europe fut presque vioglaplce ?
quelle industrie aurait piA 6uivi-c< dfipa $e& pro-
grès UB pftr«il débordemeDt de méttvis 7 Mai*
cet efTet une fois produit, il u'ett pas à pré?.
HUmer. qu'il «« renouvelle. Les tuineane reuckot
déjà presque plus : il faudra donc un [jouri le^
abandonner ; et cepeadaut l'iodustne tend à^
toutp paft à «'accroître. Voyex. l'Angleterre , la
Erapce , la Russie i l'Espagne elle -]jaàme,i paît-'
tPMt s'ouvre»! de pouvelles sources de ricbesses ,
partpi^t augmente l'ardeur de produire. La quism
diA .wwucrf^re qui circule aujourd'hui en Europe
j. sera doue Jiicutôt iosufOsante , et Smith l'su-
f9ÎtrU pu, nier, lui qui a remarqué le prêtai»
qHB.depuis UD àècle environ , malgré la quantité
.t|OajouF9 croissante des métaux es Europe , l'ar-
flfiOf, ^ait augmenté de valeur. Âuasi. les nations
«Pi éprouvent-elles plus que jamais lebesoia; et
fi'fls^Mi moment où elles redoubleat d'aetivitâ
Rt;4<f.tt.av4il pour s'en procurer, c'est lorsque
G« bçâoiu détennine les uneâ à. de grandes ma-
' aures somptumres, les autres à des transgresùoas
de.itraitQs et à des per5dies, c'e^t ce. moment
que l'on choisit pour apprendre à la France que
les'Citpituux &n luarcàifruilses penvetH étrm
■ tFèi^ aàomdans et l'argent très - rare , pou*
im apprendra. <fue jamais larQsM n'ejrt
ji-vGooglc
lao, LIVRB.I.I. -
d'un usage ift^ispensahle comme monnaioi.' ,
Mais avec qiioî donc , je tous prie ^ ferez^
vous de |a mpunaie , si ce u'est arec de l'argent,
et voulez-vous aussi nous ramener aux échangea ^
en nature?
il y a toujours assez d'argent dans un
pars , poursuivra le même écrivain , ^uan^
chacun en a la quantité que comportent sev ,
affaires et sa fortune. Belle «grande dé«on- •
verte assurément ! Ainsi vous ne voulez pas qu'un. ^
pays qui a l'argent nécessaire à son industriie 1
présente , cherche à augmenter ceue industria. (
par des importations d'argent qui lui donoen .
raient plus de moyens de travail ! Et quel qrst -i
le pays , s'il vous platt , dont toiu les capicalitteS . : ■
aient la qu<tniité d'argent nécessaire à leurs afr . ^
Jaires 7 Encore une fois, est-ee la Fraace-XHidi ■
l'intérêl a toujours été très -élevé, où il Tert..
aujourdlmi plus qu'autrefois? est-ce tBiêOTA. ■
l'Angleterre , dont la circulation repose sup uk
pivot de verre que tel événement probable petit* ''.
en un cUu d'o^l , réduire en poudre ?
Je conclus,!^, que sans la découverte du Non* ;
veau-Monde , les facultés reproductives du tra- '
vail restant les mêmes en Europe , nous ea ■
serions aujourd'hui , pour la richesse coqimer-.
oale, à peu près au point où nous nou&trou-* .
VtoDs avant ce grand évcDeqienl. i\. Qu'il cM .
jNCoogle
DU^COfttMfERCEl i2i
Ag'Yiat'éTéi de chaque Dation eiû |)àrticQUèi', ilo '
se pt-otiurer la plus-grsuade part poisîblé 'dùqs te
prôdtlitBQDtiet des tuiûes , etpàr suite , de coq- ''
serwrtfèa-précieosementle numéraire qu'elles '
possèdenti
"L'ai-gent de l'Amérique s'est successivemeot
répûm parmi les- nations de l'Europe , suivant '
qu'elles ont pu l'acheter. La Fraoce, riche en
productions dusol, devait, sans autre moyen de
prospérité , s'en approprier ficileméntune partie. '
L'argenty servit' ensuite aux développemens dé ■
l'iûdtistrîe ; mais d'autres peuples -s'élevèren»
oommeelle et p»r les mêmes moyens. Plus heu- '
retiT bu plus habiles , ces rivaux la dépassèrent
mélAe'iians leurs progrès , et sans la politique
tant'Uâmée, tant ridiculisée des gouvemaus ,
eH* -se' serait vu successivement enlever tout le
nUknétoire du pays, et, par une conséquence
inérûaMe j son marché intérieur.
Cest'donc la conservation et l'augmentation
du DUiBératre qui lui ont fourni les moyens d'at-
teindre au degré de prospérité où elle était par-
veone: Il n'y a pas une nation opulente en
ËuiKipe , dont oh n'explique ainsi les progrès.
Smith , qui ne veut point que la découverte de
l'Amérique ait influé sur les développemens du
commerce, se garde bien ,couuneon peutcroire,
de 'donne):, k la praspérité particulière /des na-
N Google
laa r IVRE II.
toOQS une pareille source. Aussi en a - t - il été'
chercher la cause ailleurs , et cette pnrûe de son
ouvrage n'en est certes pas la moins extraor-
dioaire.
Suivant Smith , le fonds de consommation d'ut»
peuple est ce qvà constitue s» richesse.... ■< C'est
k ce fonds quinourrit, habille et loge lepenplej
p Les gens sont riches ou piiuvres ^ selon que le
M fonds destiné à servir immédiatement à \mt
»■ consommation se trouve dans le cas d'être ap»
» provisionné avec abondance ou avec parei.1
» monie par ks capitaux, m
D'où il suit, et rien n'est plus vi*ai , que plu*
lane nation a de cajùtaux , plus elle sera rîebe,
puisque plus elle aura de moyens d'approvision-
ner son fonds de consommatioa t]và coosrtitue sa
richesse,
' Ici l'on serait tenté de croire Smkh rentré
dans la bonne voie; car que peut-il entendre
par celte obondance de capitaux, sinon l'aboa-
daace de l'argent , qui est le capital par cieei-
-lence , le capital sans lequel il n'y aurait ni io-
éustrie , ni commerce ? Mais il s'en faut bien qa^t
donne au mot capitaux cette interprétation ; et
Ttnlà précisémem l'une des principiiles causes des
erreurs eu il s'est laissé entratner^
Développons cecL
Pendant fort long-temps on n'a attodié ^avtra
N Google
DU COiyiIflERCE. 1^5
idée au, mol capital <jue celle d'une somine
d'argept employée , ou susceptible d'êire emr
pJoyée en reproductions utiles. On disait aine»
d'un négociant qu'il manquait de capitaux , ce.
(jjii signifiait qu'arec plus d'argent U ferait -de
plus grandes afEyres , aclièterait ou fabriquerait
plus de marchandises. On le disait dans le même
seoS' d'une nation. Le mot capitaux , eotendij
ainsi de l'argent , semblât ne devoir entraîner à
aucune iàusse conséquence. En effet , c'est tou-
tou»"» l'argent que possède un individu qui dé»
tei'miae l'étendue du conamerce qu'il peut entrer
prcndi'e , et ce qui est vrai d'un individu , de às\a. ,
dç i d« , l'est de cent , de mille , et par suite de
tçkutua peuple.
; « J!)ïaû^ tdiseut le» écrivains, quand on icmpnmte
un capital , ce n'est ni l'aident monnayé , ni le
ji^pier de confianoe qui en tient lieu , qiifou em-
jHfUAlc , c'est sa vatcur. Qu'un homme emprunte
çevlt mille francs pouf le commerce des cutonft,
ii ^mera tout autant qu'ooi lui prête cent miUe
irOQcs «a eotOD qu'en argent. Le véritable c»'
piul n'est donc pcnot Tai^eiit,. mais la mar-
;cfaa»dise. »
.:_ Point du tout : le véritable oa^tal est toujoun
l'argent , même lorsqu'il ne paraît pas intervenir
pour acheter la marchandise , comme damtl'éxemt
ide proposé , ce qui dfailteuFs . n'arrive guère^
N Google
154 L'ï VRE i I. '
Reioontez à l'on^ne de ce capital de cent mille
francs en COtoo. Celui qui Ta prêté 'en niiture
l'avait à conp sur acheté en argent. Voyez maio-
t0Dant ce qu'il Va devenir : avant qu'il n'ait reçu
toute la main-d'œnvre dont il est susceptible et
passé par toutes les roaÎDS qui doivent le conduire .
jusqii'ad consommateur, il aura été écliangé deux ,
trois, quatre fois, dii fois, peut-être, contre
sa valeur en argent, ou le double de cette va-
leur primitive. Or, il n'y a point de marchan-
dise à laquelle ceci ne S^applîque. Il n'y en a
point qui , dans le cours de son existence , depuis
la production jusqu'à la consommation , ne soit
l'objet de trocs dont l'argent l:iit toujours l'une
.des valeurs. L'argent est donc le capital essentiel ,
le capital par excellence, puisqu'il se reproduit^
dans tous les ,niarchés, qu'd les facilite tous, et
qu'il n'y a point, ou presque point d'objets,
échangeables auxquels il ne soit plusieurs fois
opposé lui-même comme capital échangeable.
Je dis qu'il n'y en a presque point, ce qui in-
dique qu'il en existe j et en effet toutes les fois
qne l'iudividu qui produites! aussi l'individu qui
consomme , l'argent n'a aucune fonction à rem-
plir. Aussi l'argent • monnaie ne servirait-il à
rien si chaque personne ne consommait que ce
qu'elle produit ; et l'on peut se faire une idée ,
parce seul aperçu., de sone^^irême utilité dans
N Google
DU COMMERCE. «5
les sociétés modernes où la plupait des pr«diùtl'.
duiravuil n'arriveut au cansomn^teur .qp'apir^ii'
avoir passé par une foule de mains , détçriiiiaé!
une multitude d'échanges, et franduLque]({ao£bi&;
ciat{ à six mille lieues. , , ■
C'était donc avec beaucoup de raison que par. ,
le mot capitaux ou désignait autrefois plus par-i
ticulièrement le capital numéraire. A la vé-.
rite on fappliquait aussi par extension à toutes
les valeurs du commerce» et plus or4iiiairç- :
ment aux hàtimeos qui servent de £ibrique&,
aux machines, aux ateliers et en génécal^à tout ,
ce qui est employé k créer des produits. Mais
comme ces capitaux productifs n'étaient, rel^-
tivjement à l'argent qui les avait formée et qui-
servait à les entretenir , que des capitaux sfiQOn- .
daires, on ne confondait point pour l'utilité lies.
uns avec les autres; et quoiqu'en parlant de la
fortune d'uu négociant on comprit sous le nom
générique de capitaux non-sèulement son ar-
gent, mais toutes les valeurs qu'il pouvait réaliser
en argent, en appliquant ce mot aux capitaux de
la nation , on le restreignait ordinairement à l'ar-
gent , qui est effectivement pour l'état l'unique
capital productif, puisque sans lui, il n'en exis-
terait aucun autre.
De ce que l'argent est indispensable à la for-
matictn de tous les autres capitaux , et de ce que .
N Google
ia6 L I V R Ë t t.
la quantité des produits de l'industne se propof -
tioDDe Daturellement à ]a quantité d'urgent qui
(nrcule,ODavaitpeDiié que plus une nation pos-
cédait d'argent, plus elle devait ou pouvait avoir
de capitaux productifs , et de là naissait la coq-
«équence qu'il fallait attacher du prix à sa con-
servation et à son augmentation.
L'argent reconnu ainsi l'élément, le préalable
des capitaux, à un écrivain avait dit de tel pays
qu'il manquait de capitaux , on en aurait induit
que ce pays manquait d'argent ; et si le même
écrivain, parlant ensuite du même pays, ei'it
annoncé que l'argent n'y était pas rare , il n'aurait
été compris de personne, et proLablemcnt oa
l'eût accuséde se contredire.
Aujourd bui toute cette partie de la langue
économique est cLangée. On donne toujours le
nom de capitaux à l'argent, mais on le donne
également à toutes les valeurs , sans distinction,
d'où il suit que dans le raisonnement on confond
le capital numéraire avec le capital marchandise,
comme si l'un n'avait pas plus d'influence que
l'autre sur la prospérité publique. C'est une suite
■de la première erreur commise à l'égard de l'ar-
gent marchandise , qui n'est , comme on l'a tu ,
ni plus précieux ni plus utile que toute autre va-
leur en marchandises. Ainû vous trouverez dans
tel ouvrage nouveau très -vanté , et qui ne sau-
ji-vGooglc
DU CO?.IMCRi:E. 127
rtàt trop l'être à plusieurs égards, que la France
manque de capitaux, ce qui e&t Trat quelque
«eus qu'on donne au mot cafàtauK, et vons lirez
«Dsuiie que ce n'est point parce que l'argent y
-est rare. Quoiqu'il en soit, vous concluercE de
là que par* le mot capitaux, l'auteur n'entend
point parler de l'argent ; vaais tous verrez bientôt
qu'il se récrie sur la difficulté d emprunter
des capitaux , sur l'a chèreté des capitaux ,
sur les capitaux çu' on enfouit dans la terres
et ù TOUS me demandez alors ce qu'il entend par
■ces capitaux qu'oa enfouit dans la terre , je Vous
dirai que je n'en sais rien , parce qUe je ne puis
icroire qnon ait jamais enfoui dans la terre des
urânes, des mécaniques et des ateliers de fabri-
cation.
De ce premier aperçu il résulte que si le
changement survenu dans la laQgœ éoenomique
-a des avantages , ce n'est pas du «oins -oeiui de
I la plus grande «darté , -puisqu'il «stdeveimà pen
pris impossible de s'entendre, <et ^ù*à tookh
d'accoler une note -su mot capitaux toutes lea
fbis qu'où l'emploie, jamais le iecteiu- ne 'pour»
se flatter d'être dans le secret de l'écrivain.
Voitâ de bien autresinoonTéniens. Le résiïltat
de la doctrine à laquelle cet abus 4b >mot capl*
tofix a <lonaé 'lieu-, est <|u'un pays croit en
pro^térité àmeHive-qoecesoapitauxaugmeateiit,
ji-vGooglc
i]R LI V KE 1 t.
qu'on doit sppeler capitaux tout ce qui a .<]fL]â
valeur, et que par coasûqueut g! uoe Diitîoa,
la France par exemple , coosentaît à éch*tig%r
ses deux milliards de numéraire contre dct(X
milliards et demi ou trois milliards de mar-
clifiodises étrangères , qui sont aussi des capitaux,
elle serait incomparablement plus riche après t^
marche qu'avant.
Ce raisonnement que j'emprunte à Similii «e
reproduira textuellement quand je parler^ ./inL
conlmerce extérieur. En attendant je laisse an
' lecteur le soin de décider jusqu'à quel point iipt
semblable moyen de. s'enrichir doit tenter Vfl.
pays, et je m'abstiens de toute réflexion, parce
que mon seul but en ce moment a été de préiuM-
DÏr contre l'étrange abus qu'on a fait du inpt
capitaux.
Mais il faut prouver , même d'après Smitfl ,
qu'en subordonnant la formation et l'accroiss!^-
ment des ateliers d« manufactures, des fabriqua
et autres capitaux productifs, à la conservatioa
et à l'augmentation de la somme du numérait-e
dans le pays, on s'en était fait des idées très-
justes.
Smith ^stingue deux sortes de capitaux. II
appelle capitaux fixes les bâlimens servant à
l'exploitation des terres , les ateliers de manu*
factures , les machines uiilw , les métiers et
N Google
D p C O M M E R C E. 139
kutres objets semblables , susceptibles de donuer
UD revenu sans cliaDger de maître j et capitausù
'Circulant les marchandises fiibriquées non en-
core vendues , les vivres oécessaireB aux ouvriers^
et l'argent.
Maia en établissant cette distinction , Smitli
semble reconnaître lui - même l'existence
d'un capital primitif qui doit être le cepita) par
excellence. « il y a deux manières diflërentes
» d'employer un capital pour qu'il rende un
» revenu à celui qui l'emploie , etc. eiCi ». (1)
Et ensuite il indique comment on peut faire de
ce capital, ou un capital fixe, ou un capital
circulant, ce qui annonce assez que son premier
capital est un sac d'argent.
Il n'est plus permis d'en douter quand on lit
dix pages plus loin : n Tout capital flxe provient
M originairement d'un capital circulant, et a be-
n soin d'être continuellement entreienu aux
fl dépens d'un capital circulant, — Aucun capital
» fixe ne peut donner de revenu que par le
» moyen d'un capital circulant, ta
En effet , la conséquence de ces deux axiomes
d'économie politique est que l'argent qui fak
partie du capital circulant , est indispensalild
non - seulement pour former des capitaux fixes ^
(1) Tsme H, pifjc 197.
jNGoogle
i3o L 1 V R E I I.
mais encore pour ea tirer un revenu , et c'est ce
dont personne ne doute ; car enfin , poui' monter
une manu facture , il faut commencer par se pro-
curer un capital numéruire , ordinairement très-
considéralile. Voilà donc , de l'aveu de Smith ,
l'nrgent préalable indispensable des capitaux
productifs. Or, si l'argent est le préalable des capi-
taux , et que tout l'argent du pays soit dès à pré-
sent employé à l'entretien des capitaux existant ,
concevez-vous la possibilité d'en former d'autres
sans accroissement dans la masse du numéraire ?
Il ne peut plus être ici question des moyens
que Ton emploie pour suppléer à l'argent , du
crédit , des comptes conrans , des banques. Ces
moyens auxiliaires ,'d'autant plus puissaDs que la
nation est plus ncbe , sont pourtant limités dans
leurs effets , et l'on ne pteut disconvenir , je
pense , qu'il n'arrive un moment où les besoins
de la circulation exigent impérieusement une
plus grande abondance de monnaie.
Le nierez - vous ? Mais alors je réduirai par la
pensée , à quelques cents mille francs , tout le
numéraire de la France , et je vous demanderai
comment vous vous y prendrez pour former des
capitaux et les entretenir.
r^e me dites pas que cette réduction dans le
numéraire rendrait l'augmentation des capitaux
impossible; car si quelques cents mille fraucs
N Google
DU COMMERCE. i5i
déjà employés ne suffisent point poar entrete-
nir les capitaux du pays et en former de nou-
veaux , Je ne vois pas pourquoi vous voudriez que
deux milliards, qui sont également employés,
pussent y suHire davantage.
. Combien j'abuse de la patience du lecteur , en
insistant avec cette opiniâtreté sur des vérités
qui ont peut-être , à ses yeux comme aux miens ,
toute la force de l'évidence! Mais qu'il ouvre
Smith ; qu'il lise les Ouvrages nouveaux , écrits
dans les mêmes principes ; les erreurs que je
m'efforce de combattre s'y reproduisent à chaque
page , et sous toutes les formes , et avec tout l'as-
cendantdu talent. Que d'individus avides de s'ins-
truire , croyant y puiser des connaissaoces , n'ont
rapporté de cette étude que notions confuses ou
fausses , que pnncipes abstraits , tous démentis
par l'expérience ! Comment espérer de les faire
revenir à la vérité ? Telle «st donc aujourd'hui
la position des écrivains qui traitent ces miiûères ,
qu'ils en disent toujours trop pour les hommes
qui en ont des idées justes , ou n'en ont aucune
idée , et jamais assez pour ceux dont l'opinion
s'est formée dans les livres ; et cette alternative
est cruelle , puisqu'en coiu-ant volontairement le
risque de paraître froids et prolixes aux uns , ils
peuvent à peine se flatter d'ébranler la convic-
tion des autres.
N Google
i33 L I V R E I I.
Smitli et ses partisans ne voulant point recod-'
naître que l'argent soit nécessaire à l'accroisse-
ment des capitaux productifs , et oiant , par cette
raison , que l'augmentation du numéraire en Eu'
rope ait cootribué aux développemens de l'indus-
trie, il nous reste à examiner comment , dans ce
singulier système , les capitaux peuvent s'accumu*
ier, le commerce s'étendre et les nations s'enrichir.
B Les capitaux augmentent par l'économie j ils
» diminuent par la prodigalité, « (i)
Il serait dilticile de contester la justesse de cette
maxime, présentée ainsi dans un sens général ;
mais quelle application Smith en pourra-t-il faire
au commerce et à la lichesse des peuples ?
« De même que le capital d'un individu ne
» peut s'nugmenter que par le fonds que cet indi-
x vidu épargne sur son revenu annuel , de même
n le capital d'unje société , lequel n'est autre chose
» que celui de tous les individus qui la compo-
M seul , ne peut s'augmenter que par la même
M voie. »
Le principe ainsi développé exige un examen
très - approfondi. Je prie de remarquer d'abord
que cet autre principe : tout ce qui contribue à
la richesse d'un particulier contribue à la ri-
chesse publique , est susceptible des applica-
( I ) Tome II , page 3aS.
N Google
DU COMMERCE. i35
tions les plus fausses. Pnr exemple , un pariicu-
lier qui recueille une succession s'eorichii, de
quelque part qu'elle lui vienne ; mais pour que
la valeur de celte succession puisse aussi être
ajoutée à la masse des richesses du pays , il faut
qu'elle vienne du dehors : autrement ce n'est
qu'un changement de propriété. Pierre a gagné
ce que Paul a perdu , et l'état n'a rien gagné du
tout.
Il en est ainsi de l'économie. L'économie con-
tribue a la richesse d'un particulier , parce qu'elle
lui permet d'ajouter chaque année à sou capital
ce qu'il n'a pas dépensé de son revenu ; mnis tan-
dis que ce particulier augmente ainsi son capital ,
celui d'un autre ou de cent autres diminue : car
du moment où le numéraire du pays ne reçoit
point d'accroissement , îl peut bien changer de
main, passer de la bourse du prodigue dans celle'
de l'homme économe j mais ou- ne voit point
comment toutes ces révolutions augmenteraient
la production , et par suite la richesse nationale.
11 est bien à remarquer que dans sCs raisonne-
mens sur l'économie qui enrichit les nations,
Smith ne les considère point dans leur commerce
respectif, ce qui serait très-différent, comme je
l'expliquerai tout à l'heure. 11 les prend pour
ainsi dire une à une , et c'est en l«s assimilant
ûolémeut à ehaque particulier » qu'il 'leiM' crie :
N Google-
i54 L I V R E I I.
Les capitaux s'augmentent par l'économie ,-
ils diminuent par la prodigalité.
Je ne coDçois pns qu'une nation , considérée
uniquement dnns ses relations intérieures , puisse
être ni prodigue, ni économe.
Econome!... je me trompe; elle peut l'être
dans le sens qu'on donne improprement à ce mot.
Un particulier a vingt mille francs de revenu ; il
n'en dépense que la moitié , et le surplus s'en-
fouit dans sescoffres. Voilà unhommeéconome j
mais cette espèce d'économie , si elle devenait
générale dans un état , y ruinerait bientôt l'in-
dustrie, et ce n'est probablement pas de celle-là
que Smitb a voulu parler.
Mab qu'enieod-il donc par son économie ? Ce
particulier qui a vingt mille francs de revenu , et
qui en épargne la moitié, me dira- 1- on peut-
être, au lieu d'enfouir les an mille francs qu'il
ne dépense point, doit les employer utilement
en les ujoutant à son capitfll, — Je vous entends :
vous voulez qu'il acbète de nouvelles terres , ou
bien , s'il est fabricant , qu'il entretienne un plus
grand nombre d'ouvners , et par conséquent qu'il
produise plus d'ouvrage. Dans les deux hypo-
thèses , la somme de ses revenus sera plus consi-
dérable , et l'état sera plus riche : voilà qui semble
très-clair.
Le particulier qui accnmule ainsi ses revenu*
N Google
DU COMMERCE. i35
augmente iadubitablemeac , chaque année , ses
capitaux , et il s'enrichit ; mais la somme des re-
productions reste la même pour le pays , et par
conséquent le pays ne s'enrichit point.
Vous n'apercevez peut - être pas comment la
somme des reproductions reste ta même ; c'est ce
qu'il faut tâcher de bien faire entendre.
Si le particulier cité pour exemple achète une
terre , ce n'est qu'un échange de revenu ', car cette
terre appartenait à quelqu'un. S'il améliore les
siennes , ou bien s'il place ses économies dans sa
manufacture , la somme des reproductions aug-
mente ; mais elle se serait également accrue , si ,
au lieu d'employer ainsi son revenu, il l'eût
dépensé pour son usage.
N'est -il pas vrai qu'avec les dii mille francs
qu'il économise , il aurait pu se procurer une
foule de jouissances dont il est maintenant privé ?
Far exemple , il marche à pied, au lieu d'avoir
un équipage ', il est mal logé , mal meublé; il n'a
ni pendules , ni glaces , ni soieries. Eh bien , qu'il
emploie , chaque année , les dix mille francs qu'il
épai^ne , à de pareilles dépenses , ta somme des
productions de l'industrie indigène croîtra pré-
cisément comme s'il eût fait travailler , dans ses
fabriques , un plus grand nombre d'ouvriers;
Seulement , dans le premier cas , il augmente
les capitaux, des autres , ta leur portant son ar-
ji-vGooglc
,56 L I V R E I I.
gent , tandis que dans le second ce seraient le*
autres (jui augmenteraienl les siens. Je vois là
une diflcrence très - essentielle pour lui ; je n'ea
aperçois absolument aucune pour l'état.
11 est donc constant que de quelque manière
qu'un particulier dépense ou emploie son ar>
gent , pourvu qu'il l'emploie , la somme des ca-
pitaux ue pont , à raison do cet emploi , ni aug—
mciiier, ni diminuer. Je ne crois pas avoir besoia
de rappeler que nous raisonnons toujours avpc
Smith , dans la supposition où les revenus sont
dépensés dans le pays, en objets de consomma-
tion produits par le pays : autrement la question
cliapgerait totalement d'aspect.
Ainsi , dans cette supposition , il n'y a ni éco-t
nomos , ni prodiguos. Le particulier qui vend sa
terre poiir en dissiper lo produit , fait une très«-
niuuvaise opération pour lui , mais absolument
judifTéreoie pour l'état. La terre passe eo d'autres
mains , et les revenus restent les mêmes. 11 en est
ainsi de toutes les prodigalités, quelles qu'elles
soient. Tel individu se ruine , qui en enrichit
.ciuquanie j et pourvu que le prodigue se ruine
en dépenses loades, les reproduolions du pays
ne cesseront pas un seul instant d'être aussi con-
.sidérables. C'est même quelquefois une nouvelle
source de prospérité publique, parce que les
prodigalités tournent presque toujours eu dcii»
N Google
DU COMMERCE. 157
nitif nu profit des arts et de l'industrie , et anié-
nent ou de grands talens , ou de grandes décou-
vertes, (1)
Quelques ^rivaios, persuades que la con-
sommatioD détermine toujours la production ,
ont pensé , au contraire , qu'uo moyen certain
de multiplier celle-ci était d'encourager celle-là.
Dans ce système , les prodigties seraient les bien-
faiteurs de In société , puisqu'ils donneraient Heu
k une reproduction qui n'aurait pas existé sans
eux. Ce système est faux comme celui de Smith
sur l'économie , et ceci prouve combien il est
difficile de se garantir d'un excès sans se préci-
piter dans un autre. La société est composée d'^
conomes et de prodigues , et de la résulte l'ac-
croiâsement de la production , ou , si l'on veut *
l'accuDiulatioa des capitaux productifs , que je
suppose toujours favorisée parla conservation et
l'augmentation de l'argent; Admettez que tous les
gens économes deviennent prodigues, il n'y aura
plus de production ; admettez que tous les gens
( I ) Les prodigalités considérées .soiia le rapport de la
morale, peuvent exercer Kur la richesse publique uua
Iniluenae tTes-défaTorahle. Il en est ainsi clu luxe quand
il atteint des classes auxquelles il devrait retter étranger.
Alors 1c luxe et les prodigalités ont pour résultat de di—
nnÎDuer lecrédit , et tout ce qui diminue le crédit dimi-
nue la richesse nationale ; mais ce n'était pas dans ce sen«
que je devais parler ici de U prodigalité.
N Google
i38 L I V R E I I.
prodigues deviennent économes , il n'y aura pins
de consommation. L'effet sera te même. Ces deux
systèmes sont donc également faux , puisque
tous deux ayant pour objet d'accroître la pro-
duction , tous deux , s'ils étoîeat pooctueliement
suivis , la réduiraient à presque rien.
C'est ce désir si naturel à l'homme de tout ex-
pliquer , de tout soumettre à des lois générales ,
qui a donné lieu à cette double erreur de théo-
rie. On a vu que des nations étaient riches en
f:apitaux productifs; on a voulu déterminer pour-
quoi elles l'étaient. C'est l'économie de» particu-
liers qui enrichit les nations , ont dit les uns ,
parce que l'économie seule accumule. C'est la
prodigalité , ont dit les autres , parce que sans
prodigalité on ne consommerait presque point;
et tous ont mal raisonné , parce que tous aTaient
mal observé.
Smith qui a si bien développe les heureul ef-
fets de la dÎTisioD du travail , n'a point prétendu
expliquer les progrès de cette division par des
principes généraux qui pussent coniribuer en-
core à l'étendre. Il n'a point dit : La division du
travail est la suite de tel calcul , il faut l'attribuer
à telle cause. Ici l'on admire sa réserve. « La di-
Jt vision du travail , de laquelle découlent tant
» d'avantages, (i) ne doit pas être regardée,
( 1 ) Tqbm I , pag;< 33.
ji-vGooglc
DU COMMERCE. iSg
M daos son origine , comme l'effet d'une sagesse
» humaine qui ait prévu , et qui ait eu pour but
» celle opulence générale qui en est le résultat.
M Elle est la consérjuence nécessaire, quoique
> lente et graduelle , d'un certain penchant na-
ît lurel à tous les hommes qui ne se proposent
n pas des vues d'utilité aussi étendues j c'est ce
» penchant à trafiquer , à faire des trocs et des
M échanges d'une chose pour une autre. »
On peut dire de l'accuniuliihon des capitaux
productifs , ce que Smith dit ici de la division
du travail , qui n'en est d'ailleurs que la suite.
L'accumulation des capitaux est la consé-
quçnce nécessaire, quoique lente et gra~
duellcj d'an certain penchant naturel à tous
les hommes ; c'est ce penchant à trafiquer
et à faire des échanges d'une chose pour
une autre. J'ajoute : et le sentiment de l'in-
térêt privé bien entendu, qui, tandis que
quelques hommes ne s'occupent qu'à dépen-
ser et à consommer^ en porte invinciblement
quelques autres à consacrer une partie de
leurs revenus à de nouvelles reproductions ,
afin d'augmenter leurs profits , et d'acque'rir
■ainsi les moyens de consommer davantage à
leur tour y car la consommation est toujours le
but du travail , et l'individu qui se prive aujour-
d'hui d'une partie de ses revenus pour accroître
ji-vGooglc
i4o L I V R E I I.
son capital , n'agit ainsi que dans la vue de hâter
le moment où il pourra ne plus travailler , et con-
sommer alors tranquillement , après s'être retiré
des affaires , et avoir assuré sa fortuoe.
Et c'est précisément parce qu'il y a ainsi beau-
coup d'individus qui ne font plus que consommer,
que tant d'autres peuvent ne faire qu'accumuler,
Remarquez que dans le système de Smith sur
réconomie , il faut , pour que la nation augmente
ses capitaux et s'enrichisse , que chaque individu
retranche sur ses consommatioDS ; mais sî per-
sonne ne consomme plus, que deviendront ceux
qui produisent ?
Ne vous embarrassez pas des producteurs , me
<Ul le défenseur de Smith : il sutHra que l'indus-
trie crée pour qu'on lui achète ses productions.
-—Alors, ne conseillez donc pas à ceux qui les
consomment , ces productions , de s'en passer ; car
enân ils s'en passeront oui ou non , et s'ils s'en
passent on n'en créera plus.
Je suis sellier , bijoutier , tourneur, fabricant
d'étoffes d'or , de galons, de broderies, peintre ,
graveur , musicien , comédien , tout ce qu'il vous
plaira. Les productions de mon industrie , ou
mes taleos , me sont payés par une foule de capi-
talistes qui dépensent ainsi leurs revenus. Vous
prétendez qu'ils sont des prodigues, des enoe-
BÙ8 de la société. Voilà donc qu'ils d«vienn«Bt .
N Google
DU COMMERCE. 141
«conomes ; mais qu'est-ce que je deviens, moi ,
sellier , bijoutier ? et quand je dis moi , vous eo-
teudez que je dis tous les selliers , tous les bijou-
tiers , tous les fabricans d'étoffes d'or , tous les
musiciens, tous les peintres , etc.
Les pnncipesque Smith a posés sur l'économie
des nations, ont pour fondement une distinction
très-subtile dans le travail qu'il appelle producùf
ou improductif, suivant que ses produits consis-
Knt en objets matériels , et qui demeurent , tels
que des meubles , des pendules , des étoffes , ou
bien en créations fugitives , telles que l'exéculion
d'un morceau de musique , la représentation d'une
tragédie , les services d'un médecin, d'un avocat,
d'un ministre. Cette distinction est essentielle-
ment fausse. 11 n'y a point de travail improductif.
Le travail n'a d'autre objet que d'augmenter l'ai-
sance particulière des membres de la société , et
par suite la nchesse du pays. Tout travail tend à
ce but , et tout travail est productif. Il y en a de
plus ou moins utile ; mais placer un menuisier ,
parce qii'il crée une table, au-dessus du méde-
cin qui ne crée rien , c'est abuser de» mots , et
les mettre à la place des clioses.
Au surplus , en admettant la distinction de
Smith; en admettant que , par suite de cette éco-
nomie qu'il leur recommande , les nations vins-
sent à se passer de médecins , d'avocats , de mi-
N Google
i4a L I V R E I ï.
nUtres, U sériât encore faux qne l'économie , dans
le sens qu'il donne à ce mot , pût ajouter à l'opu-*
lence des peuples. Cette opulence consisterait
alors uniquement en objets matériels ; c'est tout
ce qu'on en peut conclure.
Je croîs avoir suilisamment montré que l'éco-
nomie des particuliers * dans le sensque lui donne
Smith , ne contribuait en rien à raugmenlation
des capitaux j mais je n'ai pas prétendu par - là
qu'il u'cxistat point une économie pour les na-
tions , comme il en existe une pour les particu-
liers. Ce rapprocbement prêtait , au contraire , à
une comparaison juste , grande et lumineuse ,
qui a malheureusement échappé à Smith. Les
nations, considérées collectivement, composent
une grande famille , dont chaque membre se
conduit d'après des lois ou des habitudes qui lui
sont particulières. Les membres de cette famille
ne suivent pas tous des principes également sages.
Telle nation est prodigue , telle autre économe ;
l'une est légère , l'autre est profonde. Le» plus
sages proBtent des fautes des nations qui les com-
mettent, et les nations prévoyantes et indus-
trieuses s'enncbissent aux dépens de celles qui
n'ont ni vues , ni activité.
Appliquons ces remarques à quelques - unes
des nationsde l'Europe. Les nations imprévoyantes
ont été l'Espagne et le Porlugaij les nations éco-
ji-vGooglc
DU COMMERCE. 145
Qomes , la Hollande , l'Angleterre et la France.
Les premières se sont nppauvries, les autres ont
marché vers l'opulence, 11 y a donc une écono-
mie et une prodigalité des nations; mais une na-
lion n'est prodigue ou économe qne dans ses rela-
tions avec les antres peuples, et c'était ainsi que la
question devait être envisagée. J'aurai occasion de
la reprodnire en traitant du commerce extérieur.
Ainsi , et pour terminer ce que j'avais à dire
des capitaux, et de l'économie qui, suivantSmitlii
]es accroît, je pense eu résumé , i". que le mot
capitaux doit toujours s'entendre particulière-
ment de Targent , qui est rélément de tous les
capitaux productifs , et leur préalable indispen-
sable f a**, que l'accumulation des capitaux pro-
ductifs est la stûte naturelle d'une plus grande
abondance de travail , produite par l'augmenta-
tion de la quantité de numéraire dans le pays.
Quant à cette disposition du peuple au travail ,
qui croit à mesure que les capitaux augmentent,
elle est la conséquence ordinaire des progrès de
la civilisation qui multiplie les besoins , et force
ainsi chaque individu à tirer parti de- toutes ses
facultés , aân de pouvoir exister aisément et hono-
rablement. Ceci explique les progrès étonnans
-qu'a faits la Russie depuis un siècle , et l'extrême
rapidité de l'accumulation des capitaux productif^
dans les colonies nouvelles.
ji-vGooglc
(44 L I V R E I I.
Tout ce qui précède est relatif au commerce
en géoéral. Il me reste à parler dit comnierce ÎD-'
térieur , dont îl importe de bien faire seDtir le*
avantages.
II est incontestable qu'un pays , dont la popu-*
litlion est nombreuse , doit trouver , dans les pro*
ductions de son sol et de son industrie , às'appro-^
visionner de la presque totalité des objets oéces^
saires à sa coDSoromation. Le commerce intérieur
emploie, par cette raison, une très-grande partie
des capitaux qui existent dans le pays. Eu France,
il faut que ce commerce approvisionne trente
millions d'individus ; et qu'on juge de l'immense
consommation d'une pareille population !
Mais cette consommation est elle - même sus-
ceptible des'accrottre. Elle s'accroît mèmechaquc
jour , parce que chaque jour la civilisation fait
des progrès. Si donc nous comparons l'état d'un
peuple quelconque civilisé , avec ce qu'il était
au moment où il est sorti de la barbarie, nous
verrons qu'il a gagné en richesse tout ce qu'il
consomme au-delà de ses vivres ; et il est bien à
remarquer que chez uu peuple civilisé , la con-
sommation en vivres n'est la plus cousidérable
que pour une partie de la nation , tandis que
jKiur les classes supérieures , elle n'est pas le cin-
quième ,et quelquefois le dixième, le vingtième
de la consommation générale.
ji-ïGoogle
■ DU COMMERCE. 145
Ainsi , à l'exception des vivres , aussi indispen-
saliles à l'homme brut qu'à rhommeoivilisé,mais
qui sont difTéreos pour les deux , tout ce qui est
à notre usage aujourd'hui est une richesse con-
quise sur l'oisiveté, par l'industne, le travail et
le commerce j et de l'état primitif de l'homme à
l'abance actuelle d'un siinple artisitn , il y a , commo
je l'aidéjàdït , beaucoup plus loin que de l'aisance
de cet artisan k celle du monarque.
C'est particulièrement au commerce intérieur,*
quia de beaucoup précédé les échanges de peuplo
à peuple, qu'il faut attribuer cet acci-oissement
dans la richesse de l'homme. Retranchez, par là
pensée , des richesses de la France , ce qm pro-
vient du commerce étranger , ( j'en excepte l'ar-
geot ) vous perdrez quelques productions loin-
taines et de luxe ; mais l'abauce générale n'en sera
pas sensiblement diminuée , et la civilisation res-
tera la même.
On a évalué à cinq milliards cent millions lë»
revenus tant industriels que territoriaux de la
France. Le commerce étranger ne figure , dan»
cette somme , que pour trois cents millions envi-
ron. Rien ne montre mieux combien le com-
merce intérieur influe sur la circulation générale.
Siuith a prouvé par des calculs simples , maie
profonds , que de deux capitaux employés , l'ua
dans le commercov intérieur , et l'autre dans le.
N Google
i^G L I V R E I I.
coinmercé éiraoger , le premier devait donner à
l'industrie du pays Tingt-quatre fois plus de sou-
tten et d'encouragement que l'autre. C'est que le
Commerce intérieur, à chaque opération , rem-
place deui capitaux utilisés dans le pays , et que
ee commerce peut faire douze opérations , pen-
dant que le commerce étranger n*en consomme
qu'une.
Mais le commerce intérieur ne se sufHt point
à Im-mt^me. 11 lui faut des capitaux en argent ,
que le commerce avec l'étranger peut seul lui
procurer. Ce commerce est donc aussi tr«i-utile ;
U est même le véhicule et le soutien du commerce
intérieur , qui ne se serait jamais beaucoup accrn
s&ns les secours qu'il en reçoit.
II peut arriver cependant que le commerce
intérieur d'un pays soit languissant, quoiqu'il y
ait dans ce pays beaucoup de numéraire. Alors ,
ce numéraire ne circule pas ; il vaudrait tout au-
tant qu'il n'existât point. C'est la situation où s'est
trouvée la France après la chute du papier-mon-
naie; c'est celle où les moindres crises politiques
jettent les états dont une partie de la circulation
H fait en papier, et telle est l'Angleterre au mo-
ment où j'écris. Cette sîtuaûon est encore celle
des peuples qui ont des mines. L'argent qu'ils se
procurent ainsi , bien loin de tourner -au profit
de l'industrie , en est ordinairement le Séeu, C'est
ji-vGooglc
DU COMMERCE. 147
tpie U tioùon qui a des miiMs trouve , dans leurs
produits annuels, de quoi salarier Tudivers en-
ùer. Elle contracte donc le goût de la paressci
Oa pourrait dire de ces nations, k qui l'ameat
ne coûte que le peine de le dégager de sa gangue,
qu'elles ressemblent aux particuliers qui ont fait
subiiement fortune } rerement cela leur profite.
Au reste , la France éprouve encore aujourd'hui
une grande gène de circulation. II faut en cher-
cher la cause dans la révolution qui a renversé
le crédit , fait sortir le numéraire , et transporté ,
-des cités aux champs^ une grande parue des c»*
pitauz. Ce ne serait assurément point un mal
qge dans un pays agnco]e,à.e riches capitaËstes
résidassent sur leurs terres , .et dirigeassent eux-
mêmes les améliorations dont elles sont suscepti-
bles : aussi n'est-ce point là ce dont je me plains.
Autrefois , les gros propriétaires habitaient la
ville , où ils consommaient leurs revenus ; ces
•propriétaires sont aujourd'hui , pour la plupart^}
des paysans qui ne cousomment point , et ,n^
savent pas ce que c'est qu'améliorer. L'argent
qu'ils parviennent à amasser ne tourne donc au
profit ni de l'agriculture , ni du commerce ; ce.
sont des capitaux perdus pour la circulation , dea
capitaux morts. Et qui pourrait calculer ce qui
s'en est ainsi englouti dans les campagnes depuis
douze ans I
N Google
i48 L 1 V R E I I.
U faudra bien du temps pour réparer ce mal-
heur, et il Dous sera peut-être plus facile de nous
procurer du numéraire par le commerce étran-
ger , que de parvenir à faire rentrer dans la <»r-
culatioo celui qui en a été ainsi retiré.
Mais c'est à ce but que doivent tendre désor-
mais tous les etTorts du gouvernement. Le com-
merce étranger nous a long-temps approvisionnés
de capitaux; il peut nous rendre encore le mémo
service. J'examinerai, dans le. chapitre suivant,
quels sont les avantages qull procure ,et les dan-
gers auxquels il expose quand on ne le subor-
donne point à un système d'adminbtratlon appro-
. prié aux localités , aux temps et à l'esprit des
peuples.
ji-vGooglc
DU COMMERCE. ,49
CHAPITRE m
Da Commerce extérieur.
Smith appelle commerce étranger de con^
sommation celui qui a pour objet d'«pprovi-i
siouner le marché intérieur de inarchaDdises ou.
de productions du dehors. Je désignerai ce com ;
merce sous le nom plus simple de commerce ex-
térieur , qui comprend également le commerce
du dedans à l'étranger.
Nous avons vu , dans le chapitre précédent ,
qu'un capital employé au commerce intérieur
pouvait consomjntîr douze opérations , tancfisque
le même capital ,' placé dnus le commerce exté-
rieui- , n'en aurait consommé qu'une. Il semble,
résulter de là que le commerce inlérieiir est
beaucoup plus avantageux que l'autre , et la dis-
proportion est même telle que l'on ne conçoit
pasbiend'abprdpomment^esnégociana se livrent
au dernier,' .
Smith insiste beaucoup, sur cette dispropor-
tion. Ou ne peut nief qu'elle n'existe ; mais Hn-
convénieut qu'elle entraîne n'est pas aussi. grand
qu'il le parait. Un capital plapé dans le com-
merce intérieur , se renouvelant douze fois ^ans
ji-vGooglc
,5« L 1 V a E 1 1.
un an , donnera à chaque opération un pour cent
de béuéBce. C'est douze pour cent au bout de
l'année. Eh bien , employés le même capital au
commerce extérieur, il ne se renouvellera qu'une
fois peut - être ; mais si , par cette seule opéra-
tion , il vDus rapporte douze pour cent , et certes
il les rapportera , au moins , il est évident que
cette seconde manière de l'employer est aussi
avantageuse que la première.
Mais des deux capitaux que le commerce cxté^.
Heur remplace à chaque opération , il est incon-
testable , ainsi que ?mith l'établit , qu'un seul est
employé au soutien de l'industrie nationale. En
effet , que la France échange , avec l'Angleterre ,
cent mille pièces de drap contre deux cent mille
de Casimir , il est sensible que cette opération
est , pour chacune dos deux nations , moins avan-
tageuse que si elle avait pu l'effectuer intérieu- .
renient , pnisqu'alors le même pays eût possédé
uu capital de plus, et fait travailler le double
d'ouvriers.
Mais il n'est pas donné à un pays de réunir
tous les genres d'industrie. Il en est de particu-*
Hère aii terroir , qu'on essaierait vainement de
transplanter. On ne peut faire qu'en Flandre,'
et même dans une étendue de pays assez peu
considérable, les belles dentelles connues sotia
ïe poi» de Malines, L'Angleterre emploie' daua'
jnGooj^Ic
DU COMMERCE. i5i
^a fabrîfiauondft ses faïences des terres que notre
Bol ne fotimit point. Les échanges de nation à
nation , quand ils portent sui- des objets dont la
propriété leur est ainsi foi-oénieut exclusive , nç
peuvent tourner qu'à l'avantage des peuptes, et
cp cominerce est alors le plus favorable de tous »
^rce^qu'il n'eptraine ni rivalité , ni jalousie.
Le ,coniineix:e extérieur présente un autre pb-
jet d'utilité publique. C'est à lui qu'on doit |es
jii^rés de la navigation , ^ns laquelle le globe
n'aurait jamais été bien.connp. En,parcourant fe
niondç,l,'bo)Uni0.* apprjs à mieux observer. Les
science^,e( Ips.fii^E^.se sont enrichis de ses decoU-
veries ^ et )e$ luqiiècesse spot rép^qdqes en même
..temps que. lea mpyçD^ de tuif Uiplier les échange
ont ausqienlç., . . ji. ,, . . ,
Quoique le^^f^oînme^ avec l'étranger soit
ni9in,$ ava^tagçu^ quQ le commerce intérieur ,
\l est évident que celiù-c^ n'afirait presque point
fait d^ pijogr^^ s'il j>'eût,dftnné| (iei^ .auii.éçhanges
de nation à nation. Ce sont ces échanges (|)ii
,ont déternj^^,J^'p((Dpilpp,.gçqéfî(lç^ 4!"^^ I^'"'*
espace, de, marchiifidise pour lévaluer toutes les
anti^s.,, et p'est enspite la répartition de cette
marchandise entre tou$ }(:»_ peupjes de la terre
qui Ipuro permis d^: inM^tipM*?'' intjérieurement
leur tnivail , et par eonséqnent d'acqroître leur
rifibes99^. Âiisfit U Gonun^rce extér.i^ur.a-t-il tou-
ji-vGooglc
i5ï L 1 V R E I I.
Jours eu poar principal kut d'attirer l'argent dans
le pays , et l'on peut affirmer que toutes les fois
que ce but a été atteint , le conuuerce extérieur
a otTertde grands avantages.
Le commerce extérieur peut s'ef&ctner de
trois manières :
Une nation échange des marchancËses contre
des marchandises ,
Ou des marchandises contre de l'aient ,
Ou bien ea6u de l'argent contre des mar-
chandises.
De ces trois sortes d'échanges y la seconde
seulement est toujours avantageuse. Les deux
autres sont relativement favorables ou défavo-
rables , suivant les circonstances. Je vais les
examiner succinctement dans les trois sections
suivantes.
SXCTION PREHIÈIIE.
CommeiH cxUiîbui. •— Ëdungc A» nwfThinJliioi wntx*
■parcbandis».
Jz suppose qu'il existe une nation dont la
commerce intérieur ait atteint le plus haut degré
d'activité. Cette nation a découvert les moyens
d'abréger le travail j il est cher elle à meilleur
marché et plus parfait que dans aucun autre
N Google
DU COMMERCE. i55
pSys ; ell« n'a point , ou' presque point d'oisifs j
son numéraire suffit aux reproductions du sol
et des fabriques , et ces reproductions sont, dès
à présent , très-supérieures à ce qu'elle con>
somme.
11 est évident que cette nation pourra , sans
încoUTenient , envoyer à l'étranger l'excédant de
ses productions , pour eu recevoir en échange ,
d'autres productions que son sol et son iu4ustne
ne fournissent point , et qui ajouteront ainsi à sei
jouissances en mulûpliant ses moyens de travail.
' Je prends pour second exemple une naiion
dont l'industrie est également très-avancée , maïs
qui ne l'exerce en partie cependant que sur des
matières premières exotiques. Le principal but
de cette nation doit être alors de se procurer ,
avec des marchandises manufacturées , les ma-
tières brutes que son sol ne fournit point. Cô
genre d'échange lui sera évidemment u-ès-avan-
tageux j car avec une pièce de drap , par exemple^
ia/Qs laquelle il sera entré trente livres de laine ,
elle en achètera près de soixante - dix livres qui
lui donneront en bénéfice réel au moins une
autre pièce de drap.
Lyon tire de l'Italie et de la Sicile quelqueis
soies écrues qu'elle paye ainsi avec des produits
de ses manufactures. Sedan , Louviers payent
également en draps une partie des bines impor-
ji-vGooglc
i54 Ll V R E I I. ^
tées d'Espagne. Edëd nous échangeons ateC la
Dord des vins et des eaux-de-vies contre du ièi',
des chanvres , des muDiùons navales. Ces dîi^
^rentes sortes de commerce sont uès-favorabtes
à la France et les capitaux qu'elle y emploie ne
pourraient en être détournés sans lui porter uu
grand préjudice. <
Quels que soient les pays entre lesquek il
s'établit un commerce » dit Smith , (i) « ce com-
» merce. prpoure à chacun des pays deux avan-
» tages distincts. H emporte le superflu du pior
» duit de leurs terres et de leur travail , pour
» lequel il. n'y a pas. de demaodecbez eux ,-et à
» la placQ il rapporte en retour quelqu'autre
» chose qui y est en demande. *
D'aprè$, ce principe très-posibf , il semblerait
que tout échange de marchandises contre mar-
chandisçs. dùti ^j^re constamment fifvorable aux
pays entre, lesquels de^ tels, échanges se prati-
quent. C'est epcore uu.dça. résultits de la docr
trine de 6miih,.que l'expérience Infirme. Il faut
justifier cette ae^nion.! - ■ l, ■. .. !
. J'observe d'abord que Smith raisonne dans
Ja supposition que l'on n'exportera du pays que:
des marchandises qui n'y sont point en demande.
Or* cette supposition est fausse.
.. |i] Toias SI, page 41.
ji-vGooglc
DU COMMERCE. i55
lifiissez-à quelques négocians français la liberté
de commercer avec Loodres': qu'y feront -ils
passer ? des draps donl nos mBgasins sont rem-
l^is , des CBsimirs , des bosîns ? non ; ils ne trou-
veraient pas ù les placer. Que chai-geront-iU
donc ? vous ne le devineriez jamab : des chif-
fons des diifTons , vous dis - je i de ces vieux
morceaux de linge sales et à demi - pourris que
TOUS voyez ramasser dans les niCs par des femmes
à liottes, qui se di^coretif assez plaisamment dti
nom de lingères hpctit crochet. Or , ces chif-
fons , que l'on emploie âi la fabrication du papier,
et qui coûtent en France environ cinq francs le
quintal , se vendent eu Angleterre jusqu'à vingt
francs. •Voilà, n'est-il pas vrai , une belle spé-
Cttlation , et vous n'êtes pltis surpris de la préfé-
rence qu'on lui a donuéë.
Maintenant calculons ensemble tous ses ré*
siiUats. Le premier sera de nous rendi'e tribu->
taires des Anglais pour le papier ; car du moment
où ils pourront s'approvisionner de chifibns en
France , il est indubitable qu'Us les accapareront
tous afin de nous les renvoyer manufacturés.
Nous paierons ainsi \è papier quatre ou cinq fot«
plus cher. Peut-être considérerez -vous cette
chèreté comme un bien aujourd'hui ; j'y consens ;
mais un très-grand mal , à coup sûr, serait de
réduire à la mendicité les vingt mille ouvrier»
N Google
i56 L I V R E i I.
^e ce genre d'industrie fait vivre , et je vbu*
prie de décider à quoi od les emploiera, si vous
ne voulez pas qu'ils demaudeot l'aumône.
Me direz - vous que les proiits des négocian*
qui veudroDt nos chiffons aux Anglais com-
penseront tous ces incOQvéniens 7 Vous oubliez
apparemmentque nous serons obliges de racheter
ces mêmes chiflbns manufacturés , et je vous
laisse à penser à quel prix ! Maïs je ne vous ai
encore indiqué qu'une partie des résultats de
cette spéculation si utile. Ces négocians qui ont
obtenu la permission de charger pour Londres
vont effectuer leurs retours, lis reviennent donc
en France, où ils rapportent des basins, des
piqués , des mousselines , des velours,, de la
quincaillerie , de la sellerie. Cette fois ce sont
vraiment des objets en demande , et en cela du
moins Smith a raison; mais ces objets en de-
mande, qu'il devait être si avantageux pour l«
pays d'eiiraire de l'étranger , portent un coup
mortel à l'industrie nationale , et voilà qu'une
seule fausse mesure réduit au bout de. quelques
mois deux cent mille individus, à la misère.
■Je n'insiste point sur ces exemples que je
serai obligé de reproduire quand je traiterai des
prohibitions ; mais je les crois très - propres à
montrer combien la manie des systèmes peut eu'
traîner loin de là vérité des hommes à qui leur.
ji-vGooglc
DU COMMERCE. iSf
ll^meietleurtalentauraientdoDDétaBtdemoTeiu
de la répandre.
Il suit de tout ce que j'ai dit sur les échanges
entre natious de marcbaudises contre marchao-
dîses , qu'ils sont favorables toutes les fois qu'ils
donnent eu retour ou des marchandises qu'il est
impossible de se procurer dans le pays , ou des
matières premières.
SECTION DEUXIÈME.
Commerce «xtérienr. — Écliange do UaTchandites contre de
l'argent.
J'ai indiqué ce genre d'échanges comme étant
«oujours avantageux à la nation payée en numé-
raire. Il n'en faut pas induire qu'il soit constam-
ment défavorable à la nation qui paie ainsi. Par
exemple , la France achetant dans le Levant ou
en Espagne des matières premières, qu'elle ren-
voie ensuite manufacturées en Angleterre ou
dans le Nord, ne fait ni avec l'Espagne ni avec
le Levant un commerce onéreux, quoiqu'elle le
solde en partie en argent. En général il faut juger
du commerce d'une nation , non par ses relations
avec tel ou tel peuple , mais par l'ensemble de
«es importations etde ses exportations comparées.
Je développerai ceci ailleurs.
L'échange de uarchaBdises contre de l'aient
ji-vGooglc
,58 L I V R E 1 t.
est touîotii'fi avantageux à la natioD qui reçoit
l'argent , parce qu'avec cet argent elle peut ac-
crottre son iadu&trie et améliorer sea terres,
etque, suivant Smith, la richesse d'une nation
consiste dans le produit de ses terres et do
son trapoil.
On objecterait vainquent que l'industrie est
limitée dans ses progrès. Elle ne l'est pas plus
dans ses progrès que l'homme dans ses besoins.
Il n'existe pas une seule natiou où il n'y ait des
pauvres et des fainéans. Avec de nouveaux capi-
taux vous les occuperez ; et d'ailleurs dans les
pays qui croissent en richesses , la population
augmente tous les jours.
Parcourez la France ^ arrêtez-vous dans les
campagnes : combien de malheureux qui travail-
lent tout au plus no ou deux mois dans l'année !
ils vont nu -pieds , sont à peine couverts et
manquent de tout. Ne serait- ce pas un grand
biende procurera tant de braves gens lesmoyena
de «'occuper , et l'état n'y gagnerait- il pas autant
qu'eux ? ,
. C'est donc un arontage ré^l que dét^i^nger
des marchandises contre de l'argent , et Smith
• en raison de dire que dans un pays les gens
sont riches ou pauvres suivant <fue le fonds de
consommation est approvisionné avec abon-
dance. ou avec parcimonie par les capitaux.
■jnGoo»^Ic
DU COMMERCE. iSg
On ne concerraît pas comment, après avoir
posé ce principe, il a pu M>uteDtr qu'il était ab-
solument indînerent pour un pays de recevoir
en échange de ses marcban<£ses d'autres mar-
chandises ou de l'àrgebt , si l'on ne se rappelait
que par le mot capitaux il entend indiflërem-
rticnt l'argent OU la marchandise. Il faut lire dans
Fourrage avec quelle subtilité ît s'efTorce de
pi'ouver que le traité de 170? avec le Portugal
n'est pas très- avantageux à l'Angleterre , quoique
le commerce auquel ce traité a donné lieu pro-
cure annuellement à la Grande-Bretagne de
trente à quarante millions de francs en numé^
Faire, m Quand l'Angleterre' serait absolument
» exclue du commerce du Portugal , elle trou-
* verait très-peu de difficulté à se procurer an*^
» nuellement toute la provision d'or qui lui est
* nécessaire , soit pour l'orfèvrerie , soit pour la
a monnaie , soit pour le commerce étranger. ■ (i)
Si Smith avait été à la tète des affaires de son
pays , si , par exemple , il eût assez vécu pour
être témoin des embarras que le ministère et 1»
banque ont éprouvés dans ces derniers temps ,
il aurait tu qu'avec de grandes ressources, uni
commerce immense et le crédit le pltts étendu, il
n'était pas toujours trèâ-aisé de se proeurerda
(0 Tom» III, page iîy.'
N Google
^9o L I V R E I I.
Duméraire. « Oa a de l'or comme toute autre
» marchandise pour m valeur, pourru qu'oi;
» ait cette valeur à ea donner. » Smlih en re-
vient toujours là : on a de l^or pour sa valeur I
mais il faut la créer cçtte valeur , et quand on
l'a créée, ce n'est point encore une raison pour
trouver de l'or ; car il est nécessaire que ceux
qui le possèdent puissent et veulent s'en dessaisir,
.et l'expérience prouve 'tous les jours aux gouver-
nemens , aussi bien qu'aux particuliers , que la
chose du monde la plus difficile à trouver quand
on en manque , c'est de l'argent. « D'ailleurs le
n superflu annuel d'or du Portugal serait tou-
» jours envoyé au-dehors , et s'il n'était pas
» exporté par la Grande-Bretagne, il le serait
n par quelque autre nation qui serait bien aise
» de trouver à le revendre pour son prix , tout
» comme le fait à présent laGrande- Bretagne. »
Ainsi de ce que le Portugal doit être tributaire
d'une puissance quelconque , Smith conclut qu'il
est indifîérent pour l'Angleterre que ce soit d'elle
pu de toute autre. Si , par exemple , les Portu-
gais, aulieu de s'habiller avec des draps anglais ,
ne portaient plus que des Louviers et des Sedan,
le résultat serait évidemment le même potMr l'An-
gleterre. Il est vrai qu'alors ce seraient les fabri-
cans français qui auraient le béoédce de la main-
d'œuvre ; mais l'Angleterre , au lieu de recevoir
N Google
DU COMMERCE. i6s
l'or portugais de la pramère main , le rece-
vrait de la seconde. Que lui importerait de
le payer un peu plus cher! cette différence
est trop peu de chose pour me'riter l'attention
du gouvernement i et après tout il ne faut pas
que l'Angleterre conçoive la moindre inquiétuda
sur la provision d'or qui lui est. annuellement
Decessaire. Elle trouvera toujours très~peu
de difficulté, à, se la proaurer. J'y consens ;
mais voilà certainement une logique fort étrange.
Je conclus que le cODunerceei^térieur le plus
avantageux pour une nation est celui dont les
retours se font en argent « parce que l'aident
est dans les sociétés civilisées le soutien de l'in-
dustrie , le grand ressort du travail et le créateur
^par excellence,
SECTION TROISIEME.
Commerce eztfrieur. — Échange de l'argent contra de>
mardundiae*.
Li A section qui précède celle-ci pourrait, à
Ja rigueur , en tenir lieu j et en effet puisque
est très - avantageux de recevoir du numéraire
en échange de marchandises et de productions
du sol , c'est .une conséquence nécessaire que le
pays.se ruine en donnant du numéraire pour des
marchandises. Je ne. considère cependant pas
ji-vGooglc
i6a L I V R E I I.
encore ceuc vérité jconiiae suffisMmmçDt ,et9-
Mie , «t l'on me pardoooera quelques nouvelles
•onsidéralioD*.
I JfùdviàdicqtMla France at^tatU'dftns le Le-
vant et en Espagne , en numéraire , des matières
premières nécessaires k ses manufactures , ne
faisait point un commerce désaraniagcux. l«ar-
^ent dont elle se dessaîût de «etie manière<, lui
mntretoajonrs avec usure , et ce n'est , à (>ro-
prement parler I qu'une avanoe. ■ ■
Mai«.il o'«n serait pas ainsi ^ beaucoup près,
ta. Is-commerce français se procurait par le nuéme
moyen des mardiuocyees étrangères deaûnées'à
la consommation.' Le numéraire emploi^ 'à 'tes
acheter serait alors ipenfai sans retour* etlegoAt
de CCS marchandises se répandant de' jeart en
jour, il n'y aurût bientôt plu» assea d'argvntdans
le pays pour continuer de semblabte^acqiûsi»-
lions. Les canaux de la circulaûon ainsi 'dessé^
iités , le pays ne pourrait plus se souteair , ni ' pal*
sa propre industrie , ni par celle des natioiH
rivales, et tout y,marcheraîtàçraDds'pasivcr8 la
décadence i les sciences, lesaits, l&oomniet%e>e(
la population.
Smith ne parait point redouter de pareilsefTcts.
H affirme en conséquence : « que la masM totale
* du capital de l'Angleterre ne serait pas plus
» diminuée par une exportation d'or ou d^rgeot
N Google
IbV CÔMMEKCa iCS
i que par l'eiportatloQ d'uoe valeur égale eu
» toute autre morchaudise. ( i ) » 11 est Curieux
de voir comment il justifie cette asserûon : « Si
B une cargaison de ubac valant eu Angleterre
■» seulement cent mille francs peut ncheter',
H quand elle sera envoyée en France , une car-
» gaisoD de vin valant en Angleterre cent dix
> mille francs, un pareil échange augmentera de
» dix mille francs la masse du capital de l'Angle*
» terre.» Très-bien; et l'op<îration sera avaota^
geuse aux deux pays , puisque l'un estime antant
eent mille francs de tabac que cent dix mille
francs de vin , et qu'après tout il s'agit ici d'objeti
consommables et reproductibles, h De même à
» une valeur de cent mille francs eu or anglais
H ach^e des vins de France qui voudront en Au*
M gleterre cent dix mille ft-abcs , cet échange
n augmentera pareillement la maftèe du capital
» anglais d'une valeur de dix taille francs, h
Voilà , certes , un raisonnement très- faux , et qui
De supportera pas le moindre examen. Que res>
tera-t-il de ce capital de cent Sx mille ft-anca ea
TÏD' deux ans et peut'^tre huit jours après soa
entrée en Angleterre? Rïeo , parce que te vîa.
aura été 'bu. Or la France possédera eoc6re à
cette époque , et peut-être à jamais , les cent milité
. ;^
(OTom.in.pii;. 138.
N Google
i64 L I V-R E I I.
francs numéraire ayec lesquels ob aura, payé ceue
denrée , et .ce capital lui aura dcjà fourni. les
ntoyens d'améliorer ses vignobles, .de pei^fec-
tionner et d'étendre son industrie. Je ne conçois
.pas qu'une difTérence aiissi. sensible ait pu échap-
per à. Smith. ..
, Pounsuivons : « Le capital, d'un ppysest égal
». à la .somme des capitaux de tpus ses divers
» habitans, et la quantité d'industrie qu'on peut
» y entjçeïenir. anpuellemen^ est égale, à ce _que
1) peuvent^eotretemi; tqus.cesdilïei'^is.capii^uz
» ensenïblf. » Je,.pr.ie, Je. lecteur de . s'ai;r4t^r
i(^uumomentetde relire ce principe : lecapUal
d'unpays ff^(.(^g-a/»ietc.,]Vlwfliwaat,,ie le de-
mande : UQ homme qui se ^Qrait f^, .d^s idé,9S
justes dix laot capitaux ne; s'appuierait- il,.pQiDt
ici des propres eiprtîsMpns. de,jSmiih po*;r.Bu?n.-
trer que fowe e^portaiioft dfl numéf aire ».en dw»-
nuant la masse, du capital çssentÀeUement .pcp-
dnctir, doit néçessairepKpt Fpiu-ner.au pi^jjufdice
de l'indijstr.ie^aMoçplQ? ife dirait^il point ^wc
S^mth; /ja <fua^té,d'.indu.stne,^v'prt^eut.Gn-
tr^tçnif dans un pq.ys esf. ^gfllc.à Cfi^.çiue
pepverU entrç(en^r. tO;its les capitaujp de.ço
paySj et n'en concJuerait-il point. <^u'il ^ut,«oi-
gueusçment.garder l'argent qui est le cfipttAl çri-.
mitif , celui qui forme et entretient tous les autres
capitaux ? £b bien ! Smith «n tire, lui* d^^ in-
N Google
DU COMMERCE. i65
ductî<!>Qs' absolument contraires. Un capîtàlde
cent dix mille francs éo vin est plus considérable
de dii mille francs qu'ùù capital de cent mille
francs en or, La quantité d'industrie qu'on peill:
entretenir dans un pays est égale à ce qu'en peii-
T«nt entretenir les capitaux ; donc un capital de
cent dix mille francs en vin entretiendra plus'
d*iodastrie quun capital de cent mille francs en
or. Ce raisonuement est dans Smith. Il y est
comme je le rapporte. Smith croyait apparem-
ment que le capital de cent dix mille fraucs en
vin ne s'épuiserait jamais , et qu'on le ferait circu-
ler dans Londres pour tenir lieu de monnaie;"
èfti' énflb il est incompréhensible qu'un homme
de' ce génie ait pu penser que cent dix mille
frâtlcs' en'tedmestibles, susceptibles d'être con-
sommé^'én'huit jours , Serviraient l'industrie du
pays pht^(pe cent ihille francs en numéraire qui
p^ttrètiCraliOiemer éternellement.
' A mesure que nous avançons, le lecteur peiit se
Iconvainci* de la justesse de mes remarques sur
l^btts deà' Bdots ràdrchandise et capttâuàc em-
ployés pour désigner indistinctement l'argent et
«ut autre Objet échangeable. Qui aurait jahiai»
pensé qu'un principe pareil k celui-ci : plus une
nation àdcroU ses capitaux, plus eltèprôls-
pèroj eut dû servir à prouver qu'un pays s'enri-
chisiiit-en'p«rdàntle numérair» qti'il possède ?
N Google
,C6 L I V R È I I.
A présent OD n'en peut plus douter ; un capital
de cent dix' imlle francs en marchandises est p]u« .
considérable qu'un capital de cent nulle francs
en argent. Donc toute nation qui donnera cent-
mille francs en argent pour une valeur de cent
dix mille francs en marcliandisest ^w une-excel-
Jente opération ; et comme ce qui e»t vrai de
cent-mille francs l'est de cent millions, de cent
milllardr, la conséquence de t&Ut ceraisonne-
ment, comme je raîditailleur8,est que la France
pourrait se voir enlever jusqu'à la dermère pièce
de- son noméraire sans en être appauvrie d'un
denier. ' '
AiiJsi donc plus d'entraves au commerce exté*
rieur , pluâ de barrières, plus de prohibitions.
Laitons librement tout entrer , tout sonir.-
Quelle source de prospérité pdUr la France ! les
Anglais nous enverront leurs casinûrs , leurs
basins, leurs piqués ; nous leur enverrons notra
ouméraire. Ce qui se vend six francs, chez eux,
éû vaudra doufte ou qninxe «ben nçus.Au^u de
deux milliards en arjjent bou» en posséderons
quatre ou cinq en étoffes de goût,' en sellerie, eu
quincaillerie. Ncfus gagnerons à ce mart^ cent
p<>ur, cent.. ..'... et dan» cinquante ans laFrance
sera ttxie colonie ou une proyince de la Grande-
Bretagne.
Je lie me ani^ atiaclié jusqu'à présent qu'aux
N Google
DU QOMMERCB. ifij
pntntvpes en quelttuc. sorte «f coodaireft 4e ceue.
partielle lfl>dticu-iiMide SmiUt.flD voiià leprinoipr
foDdamentat.ul^qw l'a «Mtbli.•QD^^()d^otewr
dam utie,réoapUalaù«uii4rè«nnwtbodi^u«,ei uè^r^
bieR^raÔe <dM>.dci]nK.pr9aifC") Uvre« de J'iouiniif ^^
« .L'btflrièt ptixé. \m»éà:»& fiHfts^ihfniij^rtft
«iipréfarer.i;«l»{>li>i J^plm r«w:vkbk4ttr«ttliwin«r,
» nalionale, part» qt)'i<lfl»i.t9uJ6U)u Je pAb4prof.
».fitaWo.pQ^re*a,H,.,l,■MMJlM: .■ i- ..,.,,■>■ , .,> .:
îCe,pfiiiBpfi,i*«t jétr^ rf»9fii4érÂ.cwwui,,i«
IwM 4ei loitti Jlç, . sy^tènwaéfiÇffljOçiiqïKi, , H . e« .,dè«
lors très- im portant de rapprécieràsajiuwv^l^^i;.
. .Mai*j«,pfM4e,WMM}4ffli; WpjWf'*WiC9ïBt4ea
iJ.ad9<JQi»Pfixi«»iiWi^ C!PMX„UWbprâDés,de»snqr
Ts^m» dtt .dix-|ïHiH«tme «jècIç^.^'ipi^r^fpiiTÀ
doTaHis4(u> ew,fiftp<ïn;r^|i'bflinBi^» p^%.-
«tigAvâmiwçAiiiL'ui.M'vU.MViait.Uieu d« toutes le»
vontua., QU.lïS «i^i^ajt .(Ofife». (1 ae,.£4Mtf
|4mi'»i i|ffésâpl«jt ^ ïgpi;aje^,i^.r^|igiflp. Og:
Miraiti >p» jay^»ae K^u, bç^oùi ,. s<}.p4|s^, r^JoiS| ,et
4« gPutKi^i^miwti^rïp^^, Plions ^(say^.uD. i,ço-
IM»t ^ Q9rbi«¥iu SjHèwÇfl el Içs ùit^ ^pt ,j:9flj.
fornivik i^oqn^n^Dt. Je-reviem à Soiiitti. ...
XtwtJ/ïfe î^w-ÀBÉ? laissd^ sa pipmp. lfkpnf¥ê
porte nécessairement les possesseurs^ àç çflr
pitauffuàff^^F^fempiof le f>lifs Javçniitlo
N Google
i68 . L I V R E I I.
à ^industrie nationale i pai-ce qu'il est tou~
jours le plus profitable pour eux.
Ce principe décomposé exige l'examen des
deux questions suivantes :
En supposant que - l'emploi des capitaux le
plus favorable à l'iadustrie fôt aussi le plus pro-
fitable aux capitalistes , serait-ce une raisoo pour
qu'ils donnassent toujours cette destination à
leur argent ?
Est-ii vrai que l'emploi d'un capital le plus
profitable au capitaliste soit aussi le plus favora-
ble à l'industrie?
. La réponse à la première de ces questions est
très-simple; Il en est de ^intérêt' privé dans les
matières ds commerce , comme de l'intérêt prrvé
dans> tout oe qui tient à la mora-le; On n'est pas
toujours très-écbiré sur ce qui lui est favorable ,
et quand «w a ce genre de lumières , on n'eu
veut quelquefois point pro6ter. L'intérêt de
l'homme exigerait qu'il fût sobre , tempA-ant ,
borné dans ses désirs. Or combien y en"a-t-il
qui aient iCes vertus? >i
'< La répon^ à la 'seconde < question est plils
simple encore. Il est- faux que't'nnploi'd'un capi-
talle plus profitable pour celui qui le posséda
ioit aussi nécessairement le plus profitable à l'in-
dustrie. ■■
Rien d« -plus profitable aujourd^lnii pour -un
N Google
DU COMMERCE. 16^9
«apîtalîste , comme on l'a tu \ que de porter nos
chiffons en Angleterre , et rien de plus défavo-
rabie à rïndustrie nationale , puisque ce com-
merce entrainerût la ruine de nos papeterie».
Rien de phis profitable pour un capita-
liste que d'aller charger à .Londres des casi-
mirs et des étoffes de goût ; rien de plus défa-
vorable à l'industrie , puisque l'introduction en
France de ces marchandises causerait la diute in-
faillible d'une grande partie de nos manufac-
tures de lainages. ' '
Ainsi , bien loin que l'intérêt des capitalistes sa
trouve lié avec I*intérêt général , ils sont presque
toujours en opposition ; et l'on en peuttirercette
conséquence absolomem contraire à celle de la
doctrine de Smith , que sans' l'attention contî-
' nuelle des gouvernemens , le commerce esté*
rieur, au lieu de tourner au profit des nations}
serait pour la plupart une source de calamités' et
im principe de mort.
■ Supposons , par exemple , qu'il existe une nu-
ùon insouciante et légère , dont les goûts frivoles
la portassent à préiërer, même à qualités înfé- '
rieures , les marchandises étrangères , unique^
ntem parce qu'eUes seraient étrangères, n'est -il
pas évident que cette nation serait, avant ua
.demi-siècle , absolument dépourvue d'industrie y
et qu'elle tomberait par conséquent dans la dép«ni
N Google-
I70 L 1 V R E I I.
dioce des autres nations. de l'Europe ? II. serait
d'ailleurs assez digne de reoiturque , ^ je consir
déferais comme un grand trmt de caractère , ^ijue,
cette QatïoD eût la première élevé la voix en fa-,
veur de la liberté illimiiée dit ctonmerce, >
Je trouve-dans l'ouvragv ,da M, Canard « dçji
cité , cette remairque esseutifiUçmeiU. faus^. ^ ^
■ est dur i|ue toutes les ibis qu'uoiç qaUpn ti^e
» une matcljaodise de TétraBgçi: pJutQt qu<; de,
». la fabriquée, c'est (p»Vlle..y trouve son.ayan-,
Ml tage. .(^fi^ » M. Canard,pveod ipi upe trenU\^R^
d«. ooouuer^Qs , plus ou. jvojps, pQm' 1? nat,ipn,
eei qoi est , je . croii , un feu din^rrat.. Qijte qu^-.
qoesf'pavticuliers fassepâ .neiûr . df; l'^^^l^e^fe.
einquADte miliç fùèceti de velouRs^.ib gag^rppt.
àjCflivofic beaucoup. d'ar^qt, «(.plf^Çifl'pQt.tr^-..
bien .leurs maFcbaiidises.Mai& s|Lls,Qf; Içsi^iffi^^^.
pM>,faÎL.veDip de-L^odres .ce^ m^rcban4f^,es.,,^la.
naùoaie»,avrait fabriqac'e6ieiJe<mémc,)Hi,^u,
moins bien. .peii|it->êiJ'e:t piais-.eii6n,e|Iei)e^.i^i//;^-
fàJ^u£«s.r Notre «umériôn u,'?upijt pwitfujéftç.,
servir dalime^t'à l'iqdustcie. anglaise^ r< ^^ P!°iW<
aurioQS-^oeoupé.dis.wille .ouvres, de. p|j^,.,7/
niest demcpO'S.cdairxiveAQV.te» leSifoiâ.qi^ftiQQ
nation tire uoemii^JiltDdise deJ'étrdnger.pltilÔt
que ide. la, iabriquer. elle-même r ç'^t qu'elleij
trouve son avatitage.~Il i!est seulement qu'alors
ces eitractions de marcbandisct peuvent étro
N Google
DU COMMERCE. 171
profitables au petit nombre des capitalistes qui j
empIoieDt leurs foads , et c'est pri^cîsément l'uâa
des hypothèses où l'intërét de l'individu est direc*
temeot contraire à l'intérêt de rétac.
On voit de nouveau par là combien est d^ontj'
de fondement le grand principe île Smith : l'iri'
térét privé . laissé à sa pleine liberté , porto
nécessairement les propriétaires de capi-
taux à préférer templài le plus fm^rablé
à l industrie nationale. Mais <s>mmeDt> après'
avoir soutenu une pareille maxime , Smith a-t-ïl'
pu écrire ailleurs ? «Le seul motif qui détermine Itf
» possesseur d'un capital dans l'emploi qlill lah'
» de son ai-gent , c'est la vue de son propt-e'prb^'
» ât. (1) Il n'entré jamais dans iàp^Qs^e decaU'
M cui^ combien chaean des dil¥ët^s''geDt«9^
» d'emploi mettra diï travail productif en atidvité ,'
» ou ajoutera àtt viieor au pr(»dtiit ionuel des-.
» terres et du travail de son pays. »■ Non , fcertes.'
L'intérêt du pays' <ïst ce qui touche te mtnns le
c<»nmcrçan't. Il tie (but qtt'oavrir les yelii poar'
s'eaconvaiocre, «t rteâ tMJtiéiifîe'ttHeUx tes me--
sures sévères aui^ueHesl'AtltttîtllstnilitM eâtc^Hv
gée depecburir,*fià tfempêôher quêle négociaotr
ne sacrifie fItitérêt|>nblîodtisîén pi'Opre. '
Lorsque notre conimeroq au Levant ëtdh *a'
{}) Toiit..If*^a^.^; ,, . , , , ,/
ji-vGooglc
»7à l I V R É I T.
plus haut degré de prospérité , on s'élevait de
toutes parts coatre les réglemens qui forçaient
lesfabricaos de draps à leur donner telles dîmea-
sioDs , à se servir de telles matières, à suivre tels
procédés. De telsréglemeus devaient paraître ab-
surdes. N'était - il pas évident que , guidés par
leur propre intérêt, les fabricans se garderaient
bien d'altérer la qualité de leurs mai'chàndises ?
Oui, rien de pluS' évident.... daos les livres. Mais
dès que^'administrâtion^ moins sévère, eut cesse.
4e tenir la main.à la policé des fabrications , mille
sortes de fraudes se commirent. Nos draps , qu'on '
^faetait dans le Levant sans même ouvrir les
halles^ pei-dirent tout à ;coup leur réputation. Les .
demandes dimiauèi'eQt, et la France se vit enle-
yer ,.par des peuples rivaux, une partie de ce
çommerci» ,' qu'elle ourait conservé éxclusive-
ipeïit; sans les priot^pes libéraux de quelq,ues es-
prits, cbagrins. • ' . ■'
• Jfe.crqis 'pouvoir conclure que. le bOBriifterce
^térie.ur est toujours désavantageux» la naûon
qui paie eu aïg«Qt, quand ce^comm^ce consista
ç»' .marc^Aiidiseâ maoùfacturées ou ea produc- :
ùpps de^ûné^ à la consommation intérieure. Je
ne puis d'iùUeurs nyeux terminer cette section »
qii'an rappoitaat le passage où Smith décrit les
elDetsdela-dimisutiou-des capitaux daus le pays.
Ce morceau est très - «urieuxj je le considère
jNGoo<île
DU COMMERCE. 175
comtae une réfiitatioa aussi solide qu'éloquente
de la doctrine de Smith , et je ne me lasse poiot
d'admirer avec quelle fîtcilité oa peut réfuter
Smith par Smilli lui-même.
. « Si , dans un pays , les fonds destinés » faii-e
s subsister le travail Tenaient à décroUre sensi-
» blement , chaque année la demande de do^
M mestiques et d'ouvriers , d»m toutes les dxtfé-
» rentes espèces d'emplois, .seroit moindre
D qu'elle n'aurait été l'aiinée précié(J(;nte. XJa
» grand nombre de ceux qui auraient é.t^, élevés
» dans des métiers d'une classe plus reil|eT.é«. « ne
9 pouvant plusse prociirer d'ouvrage dapftleur
» emploi , seraient bien aises d'en tfouji^ej' dsos
X les classesinférieures. Les classes l^plqs,hasses
* se trouvant surchargées , non -, sculem^pt d«
■ leurs propres ouvriers, mais encore de ce qui j
* refluerait du superflu de toutes Içsaut^^s c^^gt'
» ses , il s'y établirait une si grande concurrence
aires ^ejsipiff. bornés
us inlséral;>lç. subsis-
lurait beaucoup ,qjifi,
lions , nepp^irraiaiîi
i, Bfais qn\ ocraient
ou bien à chercher
liant , ou ^n ç'abaa-
> donnant aux derniers des crimes^ La misère ,
» la faniine et la mortalité désoleraient bientôt
N Google
1,4 L I V R E I î.
» cette classe , et de là s'éiendraMfDt aux classa»
.» supérieures, jusqu'à ce que le nombre des
p babitaos du pays se trouvtt réduit à ce qui
« pourrait aisément snbusier par k quantité de
» revenus et de capitaux qui y seraient restés ,
» et qui auraient échappé à le calamité unÎTer'
M selle. ■ (i)
Osez faire l'essai des priiKnpes de SnûUi. Ren-^
dez le commerce extérieur abst^ument libre ;
le morceau que tous venez de lire sera dans Tingt>-
cioq ans l'histoire de la France.
Il me reste quelques observations générales
à présenter. sur le commerce extérieur. J'en tàià
l'objet d'une quatrième et dernière section.
BECTION' «OATRIÈIIK. '
Cvmmen» ffftiri«ii^ -JÉctwnaii^ Jm Natioiu, -^ TniU* de
Commsrce.
N'ous avons VU qull existait une économie des
natiobs , mais très-difTérente de celle que Smith
leur conseille. Smith entend par économie l'ac-
croissement du travail productif, du travail ma-
tériel , et la diminution du travail improductif
ou de pure iuteltigence. Il veut qu'une nation ait
(i) Tvm. It pa|{. 14&
N Google
DU COMMBRCE. .176
]>eaneoup d'artisana «t très - peu d'aniitCB ; des
meDuigMra.t des chsrpenùer» , des febricans , et
^ÎDt de médecîœ ,' 'd'avoeats , dlmmbus de let-
thes. Cet disUnctiona lont fausaea et dangereuses ;
je n'y rertendrai pt«s.
. . VlMci dam (ipelaeQS tme nation est économe.'
La France produit des vins ; ai elle échange Vvt-
«é«btatide'SB oomonuBotion contre desvins étran-
gers', il n'y a 1» ni écononne , ni prodigalité ; û
«Ue l'échange contre des matières premières on
de l'argent , il y a écononne.
La Suède est un pays pauvre. S^l voultût oon-
«ommer des vins de Franoret d'Espagne en grande
quantité , ilTaudrail qu'il l«s payât avec ton nu-
méraire : il serait prodigue.
L'économît d'une nation ooBstste à n'ac^ter
de productions étrangères qu'autant qu'elle «a
pevtipa^er avee 'les siennes. EUe consiste quel-
quefois à s'en passer absolument.
L'usage du ubac n'a servi qne les naûons qui
en récoltent. Il a été poar toutes les autres un
surcroît de dépense . et de dépense bien folle et
bien ridicule assurément. Celles qui se seraient
interdît cette jouissance bizarre auraient été très-
sages, et surtout très-économes.
Lorsque la France, après le traité de 1786,
sacriGa des millions à l'achat de marchandises an-
glaises « elle se paontra doublement înconsidérce
N Google
T76 "■ L.i V n E I î.
et doublement prodigue ; elle dounnit à une na-
ttiop eDoemie des moyens de puissance ; elle ploil'
geait daoa la misère une partie de sa populatiod,
' et la plus intéressante , la plus industrieuse.
Quand une nation s'interdit une production
'exotique , ce . n'est ni une mesure hostile , ni un
monopole; c'est tout simplement Un ^cte de rai-
son et d'économie. Si un particulier n'a que cetJt
'louis de revenu , voulez - vous qu'il roule e'quf-
page? et parcequ'il marche à pied, ameuterez-
TOus contre lui , dans la rue , les ouvriers en car-
Tosserie ?
^ Il y a des nations, qm sont , comme lés par>- .
-liculiera , forcées d'être économes ; mais il n*y eii
A point qui ne puisse , avec de l'ordre et ud bon
-système d'administration intérieure, atteindrea
■un très > haut degré de prospérité relative.
Et c'est dans ce sens qu'il faut entendre ces
principes de Smith , quoiqu'il leur en donne un
très -différent 1 les capitaux augmentent par
^économie , ils diminuent par la prodigalittf.
• — Tout prodigue parait êtfv un ennemi pu-
hlic et tout économe un bienfaiteur de là
société.
il arrive quelquefois que deux pays, quoique
-♦rès -voisins , ne sont point appelés à cohifuércel-
«asaïKble. Tels sont ïa, France errAnglêtorrè.
ji-vGooglc
DU COMMERCE. 177
Nous n'avons aucun hesoia de l'AngleteiTe avec
laquelle tout échange en marcliandises ne peut
que nous être désavantageux , et nous ne par-
Tiendrons jamais à lui fournir plus de vins qu'elle
n'en extrait actuellement, puisque le traité do
1786 , qui réduisait les droits à moitié , n'eu fit
pas exponeruue barrique de plus. Dans cet état
de choses tout traité serait défavorable à la France,
«t les deux états n'ont rien de mieux à faire qua.
de se conduire intérieurement chacun comme
i^s l'entendent.
Mais il est d'autres pays qui , quoique sépares
par de grandes distances y peuvent établir entre
eux des relations respectivement très-utiles j et
tels sont la France et la Russie. Ces deux nations ^-
par la nature de leur commerce , sont en quel-
que sorte dans la dépendance l'tme de l'autre ;
et pourraient , si elles voiJaient s'entBudre , se
passer du reste de l'univers. La France envoie
en Russie des vins,, des eaux- de -vie, des bois
de teinture , des étoffes de soie , de la bijouterie,-
des verrez, des glaces, des dentelles, des toiles
fines , des modes, La Rusûe envoie eu France
du chanvre , du Un , des cordages , du goudron ,
des mâts , des bois de construction , des toiles
à voile , du suif, de la cire jaune , du tabac *
de la rUibarbe , et toutes sortes de fourrures et
de peUeteries. Par un de ces contrastes quiçon-
N Google
1--SÎ L I VUE I I.
tribuent à riiarmonie générale, îl se trouve que
l*s productions qui abondent dans l'un de ces
pays , sont précisément celles qui miinquent à
Tauti-e. U est dès lors évident que toute relation
entre eux doit tourner en définitif à l'avantage'
des deux peuples , et l'on se demande comment
il se fait qu'avec tant de raisons de s'unir par un
traité de commerce , il y ait toujours eu entre
les deux nations si peu de rapports directs.
L'opinion de Smilb est contraire aux traités
de commerce. Smilb , qui voyait des monopoles
partout, a jugé que les traités de commerce de-
vaient gêner la concurrence , et par conséquent
tourner en définitif au préjudice des peuples. U
ne veut pas non plus que de deux peuples qui
peuvent, par la nature de leurs productions ou
le genre de leur industrie , commercer ensemble ,
l'un s'approvisionne chez l'autre de préférence
aux nations qui ne commercent point avec lui.
C'est ainsi qu'il blâme l'Angleterre de traiter les
vins de Portugal plus favorablement que ceux de
France , quoique le Portugal qui s'tipprOTLsionne
exclusivement en Angleterre et lui envoie tout
son or , ait des droits très - apparens à cette prédi-
lection. Un pareil système de réciprocité n'est,
suivant Smith , « que la routine grossière de la
m plus basse classe des artisans qu'on a érigée en
j) moxime politique pour diriger la conduite
N Google
BtJ COMMERCE, 179
H cl'uD grand t^iat^ air les artisaos de la dernièiâ
» classe sont les seuls qui se fassent une règle
» d'employer de préférence leurs pratiques. »(i)
ïl n'y a , Je crois , aucune espèce de logique dans
ce raîsonnemenl , et il est peu convenant de
tourner ainsi en ridicule, par des coniparaisons
objectes , les seuls liens qui puissent rapprocher
les peuples, et rendre durable U paix des natioas.
Ed traitant du commerce intérieur et du com-
merc> extérieur , je n'ai dû les considérer ni l'un
ni l'autre sous le rapport des connaissances qu'ils
exigent de la part des hommes qui en font leu£
état. Envisagé ainsi, le commerce avec rétrangei*
«st très - supérieur au commerce intérieur, dont
la sphère, singulièrement rétrécie , est toujours
circonscrite aux échanges d'un canton, d'un^
province , et tout au plus du pays. Le commerce
extérieur constitue au contraire une science très-
importante qui exige beaucoup d'étude , une
longue expérience , et que l'on ne possède jamais
bien si l'on n'y apporte une aptitude d'es*
pnt particulière. Les relations des nations entre
elles, leurs besoins, leurs moyens d'échange,
les lois de commerce qui les régissent, les di-
verses productions des contrées lointaines , la
différcDce des changes , des monnaies, lesgraades
N Google
i8o L I V R, E II.
opérations de banque , les assurances , les prises ,
vmlk le domaine du commerce extéi-ieur ,' 4^ilà
les objets sur lesquels il faut que le négociant
maritime exéroe son g^nis, et' génie est vérita-
blement le mot. Aussi le grand négociant est-il
fort rare , surtout aujourd'hai que chacun en
prend le nom.
Je résume en peu de mots les développemeps
que renferme ce chapitre.
Le commerce extérieur emploie moins de car
pîtaux et donne lieu à moins de travail que le
commerce intérieur ; mais il contribue puissam-
ment aux progrès de ce dernier en ralimentant
d'argent et de matières premières. ,
Tout commerce extérieur est ruineux quand
il enlève au pays plus d'argent qu'il n'y en fait
entrer.
ji-vGooglc
du' commehèe.
CHAPITRE IV.
. DitComin^oe d« Trvu|)ort. .... .
On nomme commerce de transport celui qui se
compose du Iransport des marcliandises , îudé-
pendamment de leur production et de leur con-
sommation. Ainsi , le commerce de transport sup-
pose'toujours trois nations^ celle qui vend, iceUe
qm traiisporte » et celle à qui l'on transporté.
On'vbit'qué ce genre de commenté est abso-
lument distinct'du commerce intérieur et du
commerce extérieur, et qu'il n'exigé d'autres ca-
'pitaux que' ceux nécessaires à la oonslruciîon et
à l'entretien des navires qu'il emploie. Montes-
quieu l'appelle cominerce d'économie , parce
qu'en effet c'est celui des nations a qui l'écono-
mie est indispensable. Mais toutes ces définitionii
sont peu exactes , et nous verrons dans un mo-
ment que le commerce de traasport , loin de se
borner au voiturage des marchandises , en exige
souvent l'acquisition , et peut employer ainsi des
capitaux très-considérables.
Lé commerce de transport remplace , à cha-t
cune de ses opérations , comme tout autre com-
N Google
i8a L I V R E l I
merce , deux capitaux ; muis aucun ne donne de
(julien à l'industrie du pays. Un navire français
va charger k Hambourg des toiles qu'il trans-
porte à Cadix , d'où il rapportera à Hambourg
des vins et de la laine. Cette double opération
n'a procuré à I9 France que le bénéfice du fret ,
tandis que la Hollande et l'Espagne ont renouvelé
chacune un capital. Il est évident que si, au lieu
d'employer ce navire à faciliter les relations de
deux peuples étrangers, l'armateur à qui il ap-
partient , l'eût destiné au transport de marchan-
dises nationales, ilaurmt fait une opération beau.,
coup plus utile au pays, puisqu'alorsilcùtcontri-;
}>ué à y multiplier le travail.
Il suit de là que s'il existait un pays dont le
territoire, baigné par la mer , fût généralement
ingrat , la population peu nombreuse , et l'indus-
trie languissante , ce serait au commerce de transT
port qu'il devrait de pri'férence employer ses
capitaux. Ce peuple , en le supposant particuliè-
rement propre à la marine, pourrait se rendre
insensiblement maître d'une partie des transports
du commerce de l'univers. Il s'interposerait ainsi
dans toutes les relaliops de peuple à peupler; et
^ns courirdc risque , sans presque faire d'avauces ,
)l lèverait sur chaque contrée un tribut eu nun»é-
_ faire, qui aiigmentecait conlictiellepiept. ses ca«
pitapx,
ji-vGoogle
DU COMMERCE. 185
La mnrcbe d'uD pareil peuple vers l'opulenc^
serait d'autant plus accélérée , qu'il aurait nioii)9
de besoins. Si même il était possible que le goùf
de la simplicité s'y conservât , it deviendrait bien*
tôt l'un des plus riches du qioode ; et sa marine
lui donuant une grande puifi»ance extérieure ,
quelques marchands sans territoire , et presque
sans industrie , âniraient ainsi par faire trembler
tous leurs voisins.
Je viens de tracer , s»ds ip'en apercevoir , l'his-
toire rapide des succès de la Hollande^ mais sa
prospérité n'a duré qu'un moment , et il est aisé
d'en assigner la cause.
Le transport des marchandises n'est devenu
l'objet d'un commerce national que par l'irapré"
voyance des peuples; il devait donc cesser aveo
elle. La Hollande , avant Cromwell, faisait une
partie du commerce de l'Angleterre. L'acte de
navigation , qui fut principalement dirigé contre
sa marine , lui porta un coup terrible. Depuis ,
les autres nations se sont également éclairées sur
leurs vrais intérêts, etellesODttravaillédeconcert
à se passer de la Hollande ; aussi, depuis prèsd'ua
siècle , sa prospérité a-t-elle toujours été en dé-
clinant. Il lui restait cependant le cabotage fran*
çais , dont elle avait la possession presque exclu-
sive , et auquel elle employait il n'y a pas encore
bien long - temps près de mille uavirei pr au*
N Google
i84 L I V R E I t.
née. La révolution lui a enlevé ce dernier avao- ■
lage , et nen n'annonce qu'elle puisse désormais ■
le recouvrer sur aucun peuple.
Cependant , on ne peut nier que le commerce '
de transport n'ait été très - utile à la Hol-
lande. Les capitaux que ce commerce lui avait
procurés excédaient tellement ses besoins , qu'elle
plaçait annuellementdessommes considérables à -
l'étranger. Suivant Smith , le taux de l'intérêt n'y ■■
passait guère trois pour cent , et le gouvernement '
y empruntait à deux. Mais celte prospérité ne '
pouvait survivre au commerce qui lui avait donné
naissance, et précaire comme ce commerce , elle
disparut avec lui.
On aurait au surplus une idée fausse du coin-
nierce de transport, si l'on supposait qu'il se fît
immédiatement de la nation qui produit à celle'
qui consomme. Le plus souvent la nation qui
transporte achète la marchandise pour son propre
compte , et l'assortît ensuite , diez elle,, à d'autres
marchaudises étrangères. Or , c'est cette rétmiûn r
de. productions différentes, celte espèceide' foire.'
où l'on trouve des marchandises de toutes les oa-^.*;
lions , qui attire des voyi^urs et des demandés
de tpus les pays. Mais si ce commerce exige aion, ^
de plus grands capitaux que celui de transport 'l
proprement dit , il n'en est pas moins metquiti :
dans son objet, puisqu'Dprùs.lom_, la nation .qui :
ji-vGooglc
DU COMMËÏl'CÈ. i85
le fait -n'a droit qu'à un benéfic'b die courtage, tou-
jojH-s très-tnodique.
Ensuite , il est bien à remarquer tjue ce com- '
meice ne peut avoir lieu <jne dsns uci pays abso-
lument de'nué d'industrie, et c[ui se pourvoit à l'é-
tranger de tous les objets 'nécessaires à sa propre
consommatioD. Autrement, la rétinion de taUt ;
de productions de l'industrie i-ivale, nuirait né- -
cessairement à la Tenta taût intérieure qu'eité-
riçpre de ses propres marchandises ; et là nation
serait obligée de renoncer à ses manufôèturtes.''
On dira peut-êtrq que Cette réunion accrdîtrait
au contraire feur'débouché. Il faudrait pour cela
que les marcbandises indigènes fiisseùt sùpé-' ■
rienres en qualité àui- productions de l'iudus*
trie étrangère, et alors ce seraient celles-ci qui '
resteraient ^vendues. On n'en ferait" donc pluis
Tenir. ,,...,.,,,.... i .
Il feut opter. Une' nation' qui se livre au com- '
merce dé transportdoit renoncer à'toute indus- ■
trie , et rcciproqueraebl une nation ' qui veut
êtreindustrieuse ne.doït point spéculer sur la vente '
des marcbandises étrangères. ' "
Rendons cette vérité' plus sensible par un
exeniple. Des négocians ont la liberté d'ouvrir à
Bordeaux^ pendantun temps donné, une foire
générale où seront admises , sans distinction,
toutes lesproduciioB» de l'industrie étrangère. '
ji-vGooglc
i86 LIVRE I r.
Les casimirs anglais , les baains, les piqués y Ciga-
reot à côté de marchandises nationales de la mêioe
espèce. Je demande auxquelles les étrangers don-
neront la préféreDCe ? je demande auxquelles
nous la donnerons nous-mêmes?
II est évident qu'une pareille foire , si elle du-
rait toute l'année , frapperait de mort une très-
grande partie de nos manufactures, sans procui-er
^ aucune de nos productions de plus grands dé-
lioucfaés.
Quels que soient les bénéfices du commerce
de trausport , il est donc constant qu'il ne con-
fient point à une nation agiicole et manufactu-
rière. La véritable source des richesses pour une
telle nation , c'est la reproduction et le travail. U
faut qu'elle donne à ses capitaux cet emploi , et
qu'elle songe à transporter et à vendre ses pro-
pres marchandises , avant de s'occuper à trans-
porter et à vendre celles des autres.
. En France , où l'on est très - porté à juger par
comparaison , sans tenir aucun compte des diffé-
rences de temps ou de localités , il existe encore
aujourd'hui des partisans du commerce de transe
port, qui, séduits par l'ancienne prospérité de
Ja Hollande , imaginent qu'il serait très - avanb»
geux de se livrer chez nous à ce genre de spécu-
lation. En conséquence , on a proposé de l'en-'
Çpurager , en rappelant quelques institution»
N Google
DU COM-MER-CE. 0?
ancieiiDes , -qui D'avaient même pas élé créées
dans celle vue , et doDt le rétablissement entrait
perait aujourd'bui mille sortes de désordres et
d'abus. -
Je ne puis mieux comparer une nation agri->
cote et manufacturière , qui emploie ses capitaux
au commerce de transport , qu'au propriétaire
d'une terre fertile , qui la laisserait en frîcbe
pour louer à d'autres propriétaires ses chevaui;
de labour et ses iustrumens aratoires.
Un des grands motifs que l'on fait valoir en
faveur du commerce de transpiH't , c'est qu'il esC
singulièrement propre à former des matelots;
maïs, comme l'observe très - bien Smith, (i)
< le même capital peut employer tout autant de
» batimens et de matelots , s'il est placé dans le
» commerceétranger,oumémedansIecomniero0
» intérieur, par cabotage , que s'il était employé
v dans le commerce de transport. >i Et en effet*
on ne conçoit p^s comment nous formerions plus
de matelots en tenant la mer pour le compte de
l'Espagne ou de la Hollande , qu'en naviguant
pour notre propre compte. Je pe vois dans ces
deux espèces de navigation aucune différence,
sinon que dans le premier cas nous serions en
quelque sorte aux gages des nations étrangères.
N Google
i88 L I V R E I I.
et qne dans le second au contraire nous ne
nous occupons plus que de notre propre com-
merce.
11 existe cependant un commerce de trans-
port vrdment utile , et auquel une naùon indus-
trieuse peut se livrer avec avantage. Je suppose
qu'un navire parte de Marseille , pour Ham-
bourg, avec une cargaison de vins et de savons.
S'il ne trouve pas au lieu de sa destination des
matières premières qui conviennent à la France,
il y prendra un chargement quelconque pour
l'Espagne , d'où il rapportera , à Marseille , des
laines en retour , et la France , au moyen de cette
double opération , aura véritablement fait un
commerce avantageux , puisqu'eu définitif elle
R donné des productions de son sol et de son
industrie, pour des matières premières néces-
saires à ses manufactures.
Le commerce de transport , né de l'impré-
voyance des peuples , comme je l'ai dit en
commençant ce chapitre , ne peut plus offrir
que des avantages très - bornés. Toutes les na-
tions maritimes ont eniin senti l'importance de
la navigation et s'y sont livrées. Elles sufliront
bientôt à leur propre commerce. Alors , chaque
nation naviguera pour son compte , et le com-
merce de transport se confondra naturellement
avec le commerce extérieur.
ji-vGooglc
Mais en attendant , on peut décàder en prio-
àpe c[ue le commerce de transport ne convient
point à la France , et qu'il ne faut l'encourager
que dans le. seul cas d'excepUon où il est indis-
pensable pour soutenir quelqu'autre branche de
commerce , soit intérieur , soit extérieur. Nous
Terrons ailleurs en qjioi peuvent consister les
laveurs qui lui sont alors nécessaires.
N Google
t i V R Ë t t,
CHAPITRE V.
Du Coiilmerc« ie l'Inde.
J_jE commerce de l'Inde fait naturellement
partie du commerce eitérieur , et doit se jugei'
d'après les mêmes principes. J'aurais pu, par
cette raison , me dispenser de lui consacrer un
chapitre particulier. Je m'y suis déterminé parce
que ce commerce exerce une grande influence
sur la prospéiité du pays , et qu'il a été défendu
avec beaucoup de chaleur par des écrivains qui
me paraissent l'avoir très-mal jugé.
C'est une vérité incontestable que le commerce
de l'Inde enlève annuellement à l'Europe des
sommes immenses. On ne peut même faire
ce commerce qu'eu argent. A l'exception de
quelques productions de nos contrées, telles que
des vins , des eaux-de-vie , du corail , etc. au-
cune de nos marchandises n'y trouverait de dé-
bouché , et rarement elles excèdent en valeur
le dixième des cargaisons.
Les marchandises manufacturées que l'Eu-
rope tire de l'Inde consistent principalement «a
mousselines, en toiles * ea nankins, etc. Elle
N Google
t) U C O M M E îl C Ë. igt
en reçoit également du thé , du café, du sucre,
des épiceries , de l'indigo , des soies écrues et du
coton.
Le commerce de l'Inde a contribué aux pro*
grès de l'industrie en Europe , en lui proposant
en quelque sorte pour modèle des productions
d'une nouvelle espèce , qu'elle s'est efforcée
d'imiter ; nous lui devons les mousselines suisses,
les toiles peintes , les porcelaines. Nous lui de-
vons encore la prospérité de nos colonies , puis-
que c'est de l'Inde qu'elles ont reçu la culture
du café , du sucre et de l'indigo.
' Mais s'il est reconnu que malgré tous les
efforts de l'industrie européenne , nous n'imi-
tons que très-imparfaitement les marchandises
de l'Inde j si malgré ces imitations plus ou moins
heureuses , nous continuons à nous aller appro"
visionner à grands frais sur les lieux , ïl est sen*
sible que les avantages de ce commerce ne peu*
vent , sous aucun rapport , en balancer les in-^
convéniens;
K Le commerce de l'Inde, en ouvrant un
» marché aux marchandises de l'Europe , dit
» Smith, (i) ou ce qui revient à peu près aa
» même , à l'or et l'argent que cesmarcbandisea
» achètent , doit tendre nécessairement à aug-
{ 1 ] Tom« III , page 47. '
N Google
jga L I V R E 1 I.
» menter la produciioo annuelle des mai-chaQ'*
» dises de l'Europe , et par cons^queut la rl-
> chesse et le revenu réel de cette partie du
» monde. ■ Je n'entends absolument rien à ce
raisonnement. D'ubord l'Inde n'ouvre point un
marclié aux productions de notre industrie puis-
qu'il fout y porter de l'argent. Or l'argent qu'on y
porte est nécessairement enlevé au soutien de
l'iodustrie du pays. // ne revient donc pas à
peu près au même d'y porter de l'argent ou
des marchandises. Comment peut-on avancer
ensuite que le commerce de l'Inde doit teodre
à augmenter la production annuelle des mar-
chandises eu Europe? n'est-il pas évident au
contraire que ces mêmes marchandises cesseront
d*être recherchées , lorsque le consommateur
pourra s'approvisionner en productionsde l'Inde,
qui sont à la fois plus belles et moins chères?
Rappelons-nous que bien avant la révolution,
les femmes avaient abandonné le satin et les
soieries , et les hommes la batiste pour porter
de la mousseline des Indes. Aussi les manufoc-
tures de Lyon épi-ouvèrent- elles un échec ter-
rible , puisque le nombre des métiers s'y ré-
dui^t successivement de treize mille à neuf. Et
c'est ainsi que le commerce de l'Inde tend à
augmenter la production annuelle des mar-
chandises de l'Europe.
N Google
D U C O M M E R C E. igS
Cette asserlioD de Smitli est si coairaire à la
vérité , qu'en se la permetlant il acrudevoif
aller bien vite au-devant de l'objection. « Si
» jusqu'à {>réseDt le commerce de l'Inde a causé
» si peu d'augmentation dans la produclion des
jt marchandises de l'Europe, il faut vraisembla-^
ji blement l'attribuer aux entraves dont on a
» partout accablé ce commerce. ■ Les entraves
dont on a partout accablé le commerce de l'Inde
en ont diminué les effets iacheux. C'est un très-
grand service qu'elles ont rendu à l'Europe. Si
le commerce de l'Inde avait été encouragé , si
les marchandises qui en proviennent n'eussent-
pas été chargées de droits prohibitifs, elles se
seraient multipliées au poÎDt d'étouffer absolu-
ment l'industrie indigène. Ce commerce , au
lieu de nous coûter annuellement douze ou
quinse millions, nous aurait alors enlevé , en uû
demi -siècle, les trois quarts de notre numéraire
ârculant. Les marchandises de l'Iode n'ont donc
augmenté ni peu , ni beaucoup la production
annuelle de celles de l'Europe ; elles l'ont au
contraire diminuée, et il était impossible qu'il en
fût autrement ; car enfin la consommation a des
bornes, et il est sensible qu'une femme qui se
pare avec une robe de mousseline fabriquée dans
l'Inde , sert beaucoup moins l'Industrie uatiouale
que si elle portait du taffetas ou de la batiste.
N Google
194 LI V R E I ï.;
., R^ytialav^t soutenu iWMitSnùUi.qoe:le>aoni-
tnejFce deJ'Jnde Detait,poiiitdéraToral>IeÀ TËu^
WJpff. Les r»Uow jqv^U dounç pour justiGer «o«
f>piaioa sooC «pé(»eu»e^ J'ù vu des kcieursl fyù
lie I9 pi^riageâieat point $'y laisser eatrotacr,: Je
Tfiis eu mquer l'examen. - »
. .ii,Lfa.ooqsoDifnatioo que nous fàisonsdestnar-
f, chaodi^es 4^ l'Iiuie (1) ne doû pa» nuire «
j» ootre îadustrie i car avec quoi le^ pa^^os'
|t DOus ? nWtTce pas avec le pris de nos àa-
|) Ti'ages pocuU eu Amérique ? Je Teuda à un
» Ë^tagnol pour cent francs de toile, et j'euToie
» cet argent aux Indes ; ub autre envoie aux
« Indejt la même quantité de toile en nature :
a luietmmen rapportons du thé. Ekt-ceqK'aa
n fond notre opération n'est pas la même ? est-
P ce qu« nous n'avons pa» également cdnvertt
M en. thé une valeur de cent francs en- toile ^
n npu« ne différons qu'en' œ que. l'uu' fiât
ji ce changement par deux procédé» , etiquc
1» l'autre le ËiUpar le m<^eu- d'un seul. Sup-
M' poseï que les Espagnols , au lieu d'argent',
y 19e donnent d'autres marchandises dont Tlndt
a soit curieuse : e»t*-ce que j'aurai <timinué lot
• ' travaux de la nation quMid j'aurai porté ces
' ( r) HiitDÎre pUlotopU. , lit. V, tom. I, pag. aï^ , Uî*
ji-vGooglc
J
DU COMMERCE. tgS
% nMrohaqdiîeMaiixfaide*?nVst-oepMh'méma
N chose .que n< j'y aTÛa porté. n<ta produotûnu
* en oalure 7 Je paits: d'Europe m«cdéa mar-
(t chandisM natlonalcB j je le» vais dieng«r 4aM
■ la mw du Sud contre, dos pîaitpes'} je poru
* ces piastres aux Indes : j'en rapporta descboseï
» utUes ou agr^aUcs : ai- je. rétréci riadUstrie
a de l'état ? non ; j'ai étcnda la eoiMOiumatioii
» desesprodiiita, etj'aimalùpliéaeajooissanceai
ir En. dernière analyse , que l'argent soit ou n«
a soit pas ■emçiojé conune -gage ÏDtermédîatreî
■ j'aiéchangé directement ooiniËrtctemeotaveo
a. l'Aiàs dca tâioscs lundks contre deAcboaas
* . uanellm , non industrie contre ion induatrie^
M naea productions contre ses produetiona. » ■
' Jlai copié',]» passage en entier., quoiqut
nn peu long, afin de n'en point détmn«IVffi»
par des moroelleiiMBs. J^nvite le lectenc à s'en
Ihcd pénétrer. Maintenant revenons sur cka»
CBoe de ses parties. - ■■<
. . -'. ^■■. «Je - Tends à uk EspagDc4 pour «eot
> francs de toile., et f envoie oct- argent auc
*t liides. Un aubra envoie aux Iodes la même
9 -quantité de toUe en natare. Lui «t ntoien
■m. rapportons du thé. Est-ce qu'au fond aotr«
». opération n'est pas la mém^? > L'opératioii
«tt absolument la même ; mai» la preniièreaeu-
lemeDi peut av<Hr lien t et par ooaséqueat' la
N Google
J96 L I V R E î r.
rapprochement' est fauz. Supposons qu'3 son
exact. Vous et moi possédons cTiacup une va-
leur de cent francs en toile qui excède Is cod-
sommatioadu pays, et qu'il faut échanger dé
la manière la plus utile. Voilà, n'est-il pas vrai ,
la question. Je vends ma toile À un espagnol
qui me donne' cent francs en numéraire. Vous,
vous envoyez votre marchandise dans llnde ,
et l'on vous fait passer en retour du thé : huit
jours après l'arrivée de votre thé , îl n'en reste
pas une feuille. Non - seulement mes cent franu
en numéraire existent encore dans le pays, maïs-
employés au soutien de l'industrie indigène , ils
ont déjà rapporté le double de leur valeur par
des exportations avantageuses. Je demande le-
quel de nous deux a opéré le plus utilement
pour l'état.
.,..(( Supposez que les Espagnols, ail lieu
» d'argent, me donnent d'autres marchandises
» dont l'Inde soît curieuse ; est-ce que faurai
» diminué les travaux de la nation quand j'aurai
» porté ces marchandises aux Indes ? » NoOk,
mais VOUS les diminuerei en rapportant de llndc
des mousselines , des nankins et des toiles qui
feront baisser la consommation des marchandise!
nationales susceptibles d'en tenir lieu.
« Je pars d'Europe avec des ttiat-
» chandifecs de maoufaaui'e nationale : je le«
N Google
DU COMMERCE. 19?
t Tau changer dans la mer du Sud contre des
Ji piastres : je, porte ces piastres aux IndesjSj'eà
N rapporte des choses utiles ou agréables : ai- je '
X rétréû l'industrie de l'état ? n Oui; parce qu«
ces choses utiles ou agréables aue tous rapportes
^e contrées lointaines , pourraient être pro- '
duites ou remplacées dans le pays , et que ce»
piastres avec lesquelles vous les avez achetées , '
auraient enrichi l'état en y multipliant le travail ,
si vous ne les aviez point employées à salarier
l'industrie in<Uenne.
' « En dernière analyse , que
s l'argent soit on n« soit pas employé comme
a gage intermédiaire , j'ai échangé directe-
» ment ou indirectement , avec l'Asie , de»
,]) choses usuelles contre des choses usuelles,
» mon industrie contre son industrie , mes pro-
» ductibns contre ses productions. > II n'y a
point de commerce , quelque ruineux qu'il soit ,
qu'on ne justifie parceraisonnement, et la seule
conséquence qu'on en pmsse tirer , s'il est exact,
ç'e^ que nous n'avons rien de mieux à faire que
_de porter aux Anglais ou aux In»^ens nos deux
milliards d'argent monnayé , pour avoir en
échange des marchandises quelconques. Cette
opération ne vous paraîtra peut -être pas trés-
itvantageuse. Pourquoi ? en dernière analyse ,
, vous T£aure% fait gu'un échange 4irect ou
N Google
19» î Ll'V RE. 1 li-i
4 i/tdirect de ch<ysas.usueUes contre âss^hoMM-
usuelles y de woCr» mduttne contro lindus*.
trie étrangère t de vos preduetions coftèr»
ses prodacUeaa- i . «t Rsynsl tous -démentror»
4{ue TOUS en seres beaucoup plu» lîdies.
. ASaU que vent- u dODC prouver par tonteffoos
•uliùlités ? que l'argent qn& nom enroyotiB- daui
l'Inde estle résultat des Iiéuéfices denotrecoat'
uierce étranger ? Eh bien , cet ar^^ent ea est- il
moins précieux? devons- nm» le prodiguer?;
dievons-nous, parce qu'il aoaa Tient idiidebon,
et que noua ue le poasédonsqite.d'bier ,eofàire
un mauvais em|Joî et renoncer, à tous les avan-
tages qtie l'agriculture et le commerce .iotérieup
«o retii^eraient nnous l'afonnoDs à nos capiuux "h
Quoi ! paroe que 1> France importe anouellem
meut vingt millions en numéraire que. les na-^
lions étrangères paient k son iodostrie , il faudra
qu'elle envoie cMtre senune dans l'Iotle ! il &udra
qu'elle adùta aveo se» bénéfice» At» nMrclian:«
dises qui ue lui sont point ntiles , et dont l'usage*
doit diminuer ses propres reproduetioiiftindus^
trielles!.... et l'on viendra nom sostmirque c*
cam'mtTCç ne présente <p]c des avantage« ! Mai»
quels scHU-il« donc cesavants^es?
. S'il ii'jt 3vaît dpas l'univers que deux {mysooBi'^
inerçaBs , UFraoce etrinde , et que laFrasoe pro<
dwiitpfu^ qu'elle ne consommât, certes, il ^U->
N Google
Dû C (î-Trf'M'E R t E. tg^
êéim cônlre des proditcfiotls de l'indiifst^ in'
^ieBde.MùsVes^cbtfDgesDe-seferaiemdkirs qu'en
IDMtibaadéiesjilsn'apptniVriraïeafpas plus lin pays
que l'autre. llstourDeraieirt au contrant à l'avan-
tage de tous deux , puisqu'ils y multiplieraient res-
psctivementles ino;^na de tf iïvatl. Or, lesécliangcis
eotre la France ecl'Iade ne souùeilneat aujour-
d'hui que l'industrie de l'un dés deux pays , et ce'
paysestrinde. Doncils ne sont avantageux qu'a
Ilndej «lonc l'exportation du Ottmeraire , que I^
commerce de l'Indeetîge, est fUoesteà TEurope.
Je stippose qa'îl existe une udtîOD dont l'iodus-
nie «soit si avancée , ragriéulturé si ftoris^nte , et
hi capitaux si considérâmes , qu'elle n'ait plus
aucun progrès à espérer. Cette' ùbfiôa , par le
résultat de- ses échanges, importe' chaque anbétï
TtDgt'Ou trente millions en ouméraifé , donfelle
ne peut tirer îniérieurement aucun paru utile.
Que cette nation' place dtfflS le côminei'ce de
flade , une pbrtion de se^ profits annuels , rien
d« fnieus, pai'ce'qti'après tout il ne faut point
enterrer son argent ; mais ce qu'elle en expor-
tera amn if«n appaavrira pas moins l'Europe ,
et ce commerce lut deviendra défavorable à elle<
m^e,' du moment ok l'Europe appauvrie ne
pourra pins l^Dtretenir de Uumé^aire'. (lie lui
deviendra même araiit , ù , pïir «xeid^lé'it^ mftr<
N Google
soo LIVRE II.
chandises de l'Inde y sont recherchées de préfô^
reace aux marchandises iadigènes , parce qu'alors
Qu emploiera à se procurer celles - là une partie
des capiuux destinés auparavaDt à la reproductloa
de celles-ci.
Smith prêche aux Dations réconomie ; il vent
qu'elles épargnent sur leurs revenus pour ac-
crottre leurs capitaux. Si l'on suivait i-igoureuse-
ment sa doctrine , il n'y aurait plus de travailleurs
improductifs , plus de médecins, plusd'avocats,
plus d'hommes de lettres. Les nations seraient
transformées en artisans ; et votlà maintenant que
d'accord avec un écrivain déclamatcur, il leur
conseille d'acheter à grands frais des marchandises
de luxe , qu'on ne peut même pas payer en mar-
chandises du pays!
Smith s'élève contre la prodigalité. Le com-
«leice de l'Inde est la prodigalité de l'Europe.
Llle est même la seule donton doive redouteriez
suites , parce que l'argent qu'on fait passer dans
l'Inde s'y euglouiit et ne reparaît jamais.
Les nations de l'Europe pour lesquelles le
commerce de l'Inde est devenu un besoin , res-
semblent à ces particuliers qui consument leurs
revenus en dépenses frivoles , et 6nissent par
contracter à tel point le goût des jouissances de
luxe , que pour y satisfaire , ils aliènent leiu^
capitaux et se ruinent.
N Google
DU COMMERCE. aoi
Oo^aluc le numiépaîre de l'Europe à dix mil-
liards six. ceDtinînioDS.(i)SupposoDsqiie les mines
soient tout à coup abandonDéea , et l'ëpoque où
ilfuudra reQoncer à leur exploitation est peut-
être beaucoup plus prochaine qu'on ne pense,
continuera-t-on le commerce de l'Inde ? Il peut
facilement enlever à l'Europe jusqu'à quatre- -
TÏn^ millious par anuée ; réduisons cette somme
h trente millions : au bout d'un siècle , l'Europe
se possédera plus que sept milliards ûx cent mil-
lions ; en trois siècles , elle sera absolument épui-
sée de numéraire. Je demande aux partisans de
Rnynal et de Smitb ce que deviendra alors non
le commerce de l'Inde , auquel nous serons bien
obligés de renoncer à défaut de moyens d'é-
change , maïs notre propre industrie. Smith ré-
pond quil nous restera la précieuse ressource
des éclîanges en nature , et celle bien plus pré-
cieuse encore du papier- monnaie. À cela , il n'y
i) absolument rien à dire.
De toutes les marchandises que nous devons
au commerce de l'Inde , celle qui donne lieu k
une plus gi'aade exportation de □uméraire , c'est
le thé. Le traducteur de Smith évalue à trente
raillions de livres pesant la quantité que l'Europe
^ t ) Voyn le Mémoire tris-bien fait de M. Cerhoux
tnr let dangera de la démonêtisatioB de l'or.
N Google
301 L 1 V RE VI.
en im()orte annuellement. Au éommencemelùt 3a
ùècle dernier , elle ne passait pas' cinq cents idil-
liers. « Cependant , il' est vraisemlblable que \s
» prodaciion de celte feuille est encore bien !ia-
» dessous de ce que lu cooscimmùiion- dbit lui
■ demander un jouf. » Le tfadacteurajoute :(ï)
m Ce seul article a établi entré la Cbiné et l'Eu-
» rope un lien qu'aucune i^ërolution bnmaine
■ ne saurait rompre, et qnfi cHncuo des peuples
» qui y touchent a un égal intérêt' à tnaintebir. »
Ainsi , il est de l'intérêt de la Fiance , qui ntf
peut rienToufoir en marchandises à la Chine , de
lui acheter beauconp de thé ; ainsi, la Fi-âtice , otl
l'agriculture et l'industrie ont de tout temps
éprouvé la disette des capitaux , n'a rien dé miêUz
il faire que d'employer ceux qu'elle a en acquisî-'
tiods de thé»!.. Il faudrait aimer prodigieusement
cette boisson erotique pourgoûter un pareil rai-
9bnnem«nt.
Mais quel avantage tronre-c-on donc h ce que
la France consomme du thé ? Nos ouvriers s'en
poi*teront-ils mieux ? travailleront-ils avec plus
de ïèle? Si TOUS appreniez qu'un riche partie».
lier , cédant au déstr déréglé d'une imagination'
en délire , eût jeté au fond de la mer dix , douze
millions , plus ou moins, ne considérerïez-vous
N Google
DUCOMMERCE. io5
pas cette action comme un traie de foUe? Ne dé*
pIpreri«z-vou» pas la. perte d'un ai si riche capi-
tal , avec lequel on uiriàt pu donner du trarail à
quelques millteff» d'indÏTiduB, et par oons^queut
augmenter la rickesM du pays 2 £h bien , quello
lUfTérence y a - 1 - il pour la France entre douza
millions jetés au fond àa 1» mer , et douze mil-
lion» employé» à acheter du tlté ? Qœ restera-
t-il de ce thé , dan* le pays , an bout d'un an ? et
encore une foi», quel ataotage y a-t-ilà ce que
la Frauee consomme ^ tb« 7
Je le répète : il en est des nations comme des
particuliers; plus uo: partim^er a de besoîbs,
moins il est riebe. Qu'un partieulicr , dont le re-
venu n'excède pa» p i cm mitlv éeu» , veuille rou'
1er équipi^ , il aliénera son capital, et se ruinera.
Les nations âe rEnrope qni eiODsomiilen^ du thé
et des mm-dkanduMS de l'Inde , ressemblent à ce
particuUer ^ ph» «liss e» oetUDmmeBt , plus elles
aliènent de oapiiiRni, eipHrcoméquentplus elles
s'appauvrissent.
Le commerce de l'iiuie, auntomenl de k ré-
volution , faisait sertir de la France environ dàx-^
huit millions, (i) Les nuircbaigkKses' iBanufactu*
rées âgoraiiiDt^àns eette somme pour un peu
( 1 ) Voywi l'ôuTrage Je M. Magnien sur le commerop
4m Frftnçaî* , au-d«là 4n Cap de Boaae-£«p£raDC».
ji-vGooglc
»ot ' L I V R E ï l; .
j>lua de deux nùBioiu ; le reste était en argent.'
LarFrance envoyait à l'étraDgep,sor 3es't%toar$,
pour une valeur de six millions. Ainsi , ce com-
merce lui coûtait Qet eaviron douze millions.
' Les toiles de coton, les mousselines-, les nan-
kins et les étoHes de soie , constituaient les sept-
huitièmes des retours. Le surplus consistait en
bois d'Inde, soies, coton , drogues pour la tein-
ture et autres matières prenûères.
On peut esbmer à plus de trente millions la
valeur des mousselines , toiles de coton et autres
marchandises de luxe , que le commerce de l'Inde
fournissait annuellement à la consonmiHtion de
la France. Ainsi , ce commerce avait le double
eiTet de la priver annue^pment d'un capital da
douze millions numéraire qu'elle aursit pu uti*
liser dans ses fabriques , et d'enlever à ces mêmes
fabriques une reproduction annuelle de trente
millions de valeur en marchandises de luxe. Il est
impossible de concevoir un commerce dont leg
résultats soient plus désastreux.
' La question du commerce de l'Inde , réduite
ainsi à ses véritables élétaens , est extrèmemest
nmple. Le commerce de l'Inde enlève- t-il à
l'Europe ses capitaux ? Oui.— Ces mêmes capi-
taux pourraient - ils être employés à des repro-
ductions locales ? Oui. — L'usage des toarclian-
disesdeTInde a-t- il diminué la consonunatioa
N Google
DU f OUMERGE. «o»
ct«5-B(iarehandi8es de l'Europe 7 Ouï. — Àinii dooc
le. .commerce dellode a concouru de deux ma-
nières à réduire les facultés reproducùves d«
notre io^trie ; 1 **. en lui enlevant des capitaux j
3°, en augmentant la consommation des produc-
tions exotiques ? — Pful doute. La question est
juge'o.
N Google
»i6 LIVRE I t.
CHAPITRE VI i
Du Commence du .Coloniei.
Il s«rnt superflu derépéter, après Montesquieu,
Smith et tous les écrivains qui ont parlé des colo-
nies, que l'espoir de trouver des mines détennïoa
seul les premiers établîssemens des Européens
dans l'Amérique. Cet espoir plus ou moins déçu ,
on songea que la terre pouvait offrir d'autres
trésors. Un sol vierge promettait de récompenser
largement les travaui de la culture. Des pro-
ductions lointaines , recherchées de tout ruDiversj
j furent transplantées et réussirent. Ainsi s-'ou-
vrit pour les peuples de l'Europe une nouvdls
source de jouissance etdepro8pé':ité;etdetoutea
parts arrivèrent des aventuriers attirés par l'aHrait
de l'indépendance et la presque certitude d'ttoe
fortune considérable et rapide.
Les gouvernemens sentirent alors la néceKité
de faire tourner au profit du p^s des émigration!
qui l'appauvrissaient de bras et de capitaux;
« Vous voulez , dirent les chefs del'éut à ces fvr
gitifs , abandonner pour des contrées lointaines*
la terre qui vtAis a vu naître: biea kn» de s'ep'
N Google
DU COMMinCE. 3Q7
poser à vos projets , le gooveraement prétend
l«s serTÎr. Maître âa pajrs poav^aa où voup ailes
tenter la fortuoe , U vous conce'dera autant de
terrain que tous en ' pourrez exploiter; mais il
ne vous sera permis d'y exercer d'autre indus-
trie que celle particulière à leur culture. Voua
n'aurez ainsi ni maaufactures,iù fabràques. Les
objets uéces«aires à votre coo»(MBDi«tion TtHissor
ropt fournis par la métropole, qui vous acbèter<
en retour les productions de .votre sol , et votis
les acJiètera. toutes. Ces lois qu'elle vous impose
sont celles auxquelles vous éûet assujéiîs ep
Europe, où vous ae pouvies coofiomnier que
des Biardumdises du pays. Elles s'accordent avep
votre intérêt , puisque vous aurez plus de terra
qu'il neT<Mis sera potùbled'fïoinisttreen valeur,
et que vous ne sauriez éLever des fabriques saQS
^¥e( de bras k sol qui les rédame. A ces con-
ditions i vous ne changerez ni de patrie ni de
HOwremienieBt Celui sous lequel vous êtes né ne
oewera point de tous ccmâdérer eoBUue ses en-;
£t08, et vous aiu«s toujours les mêmes droits à
aa protection. Votre {M'ospérité deviendra b
nenae, et il travaillera à l'accroîtra pu* tous la»
mojrsna qui sont en son pouvoir. Voua aures
besoin d'esclaves , il veillera à ce que vwia en
soyiaz pourvu. Votre fortune nnissante poutra
porter, ornlvageà des nations rivales quienirft'
ji-vGooglc
30S LI Yl?;!?, II.
prendroDt sur voire liberté : n'appréhendez rjeti
de ieiirs elTorts ; la mère-patrie vous défendra
contre ces peuples ùgresseurs ; elle vous garan-
tira de leurs attaques pnr des ouvrages construits
et entretenus à ses frais : ses troupes gardei;ont
votre territoire, ses vaisseaux préserveront vos,
côtes. Vous n'attrez à vous occuper que du soin.
de multiplier vos reproductions : vos enPai^s se-
ront même dispensés de servit l'état ; ou plutôt
ils ne pourront mieux le servir qu'en vous se-
condant dans vos travaux j rendez-les donc fr-uc-
tueux : surtout n'oubliez jama^ dans cette terre
lointaine oit vous allez chercher dés richesses ,
que c'est à la protection de la métropole que
vous devez les moyens de les acquérir, et rap-^
portez - les lui uA jour pour la dédommager d^
^otit ce que vous lui aurez coûté, »
Les gouvernemens de l'Europe se sont cod-
duîtË envers leurs colonies , précisément comme
à le discours qu'on vient de lire avait réelle-^
ment été tenu. J'aï beau y réfléchir : l'espèce de
traité qui existe entre les colonies et leur mé->.
tropole , ne me parait désavantageux ni aux unes,
■ni aux autres. Smith en juge tout autrement. La
^conduitedes gouvernemens lui semble mesquine
et oppressive. Il n'y voit qu'une suite ■ de ce
• système rétréci des gens à boutiques etautres
» gens du métier qui veulent s'cssurer te mo*
N Google
DÛCOMMERCE. 509
* nopolc d« leurs pratiques. » (i) La clause du
fitmeux acte de navigatioa qui coosacre ce mo*
Dopole est UDC clause de gens à boutiques , et
U eti revient toujours aux gens à boutiques.
Il faut examioer avec quelque ,-itteDtioa les
rusoDS sur lesquelles Smiih appuie un seutî-
meat aussi extraordinaire.
■ Le monopole du commerce des colonies
M opprime l'industrie de tous les autres pays ,
j) et principalement celle des colonies , sans
» ajouter le moins du monde à celle du pays en
» faveurduquel il a clé établi , mais au contraire
» eu la diminuant, a {%)
t>€ monopole du commerce des colonies
tmprime ^industrie de tous les autres pays.
Le monopole du commerce des colonies n'op-
prime l'industrie d'aucan pays ; seulement il
lavoriaecelle de la métropole , et rien n'est plu»
juste , puisque c'est, la métropole qui a créé la
coloitte, et que c'est encore elle qui la protège.
.... Il opprime principalement l'industrie
des colonies. La colonie ne peut prétendre
. ^'à la vente de ses productions : la métropola
les Im achète toutes. La colcinie' n'a donc aucua
intérêt à comukercer directement avec l'étrangeF;
(t) Tom. m , pag . 4i>a,
(a) T«m. ni , p>g. 595.
N Google
3ity LIVRE 1 I.
mais quand il serait vrai qa'ellc perdtt aiitsi'qAH-
'<|at chose , il d« faut pas ouBUer que c'est niJe
des coadiùoas du traité , et que la colonie creéà,
• accrue et défendue par la mctropole, doft ,
d'une &çon quelconque , la dédonunager dé ses
sacri6ces.
/j6 monopole des colonies , loin (Tafoutér
il tindustrie du pays , la diminue. Il faut
tvoner que voilà un monopole bien désastreux j
il ruine à la fois les colonies , les pays étrangers
Ctla métropole. Les nations sont bien aveugles!
■ Comment Smith a-t-il pu avancer que le sys-
tème colonial diminuait l'industrie du ^ays ?'te
commerce des calonies se fût uniquement en
marehandises nationales. Le commerce dès co-
lonies prooure donc du travail aax fabriques du
pays ; il n'en peut donc pas diminuer TindiU-
trie. Il me semble qu'il n'y a rien de plus éti-
âenï,Tnéme ea mathématiques.
< L'Espagne et le Portugal, nous dit encore
9 Smith, (i) éutient des pays de manufactures
■» «vwu, qu'ils eussent aucunes' colonies. Ils ont
» l'uo etrauire cessé de l'être depuis qu'îIs'Ont
m les colonies les plus riches et les plus fertiles
» du monde. » Ce n'est point le commerce de
r£spagae avec les colonies qui a fait tomber
(i) Ton». lu, p«g. Sgj. ■
N Google
DU COSf MEACE. att
U^ quRufàouirc».; -SoilUi le savait •taèt» bisn.
J(,laduUr^, de l'Espagoe et du I^>rlugal a tuf^-
inurs été. en décluuiDt depuis la découverte da
ïfj^Hveaa -.Monde , parce que l'argent des mioes
fproctu*éàce« deux peuples les moyeDad'nobeter
au-debors tous les objets nécessaires à leur cod-
.sopuiuftiou. lIsenoDt fait ataii le plus mauvais
. emploi , et l'or qui euricbit les auii-es nntioos est '
précisément la cause de: la ruine de cclles-aî*
J^e$ colonies ne sont pour rien dans cerésult»!.
P'alU^urs de deux choses l'une : ou ces colome»
sont apprqvistoonée» eu marcbaudises du pays ,
. <fu )Men on leur porte des nurcluHidbes étran-
gèi^s. Dans le premier cas , ce commerce est Jù-
jfor^ble ^ la métropole ; dam le second iM'«st
^ ^ux nations qui ont fabriqué, «t cette doublo
l^y^potbèse qui prouve que leGommeroe desco-
^^Quies accroît oécessaicement lindiistne de l'Eu-
rope , prouve apsû que le .monopole tant blâmé
.. par^nûtb, peut être bon à quelque ebose-; ca^
. if est évident que si l'Espagoe et le Perto^ ap-
provisionnaieut leurs colonies eii marchaadist.'»
. fadi°èaes, \p pays fabriquerait au moiss celles>]à.
^ . « Les colonies européennes n'oot encore 5a-
. r mm, foiimi aucune force militaiiTe pauv la
-.M^. défense de la métropole. (t) Leur forceimli-
CO '^•o^- lU, psK. laS «t 4ofi.
N Google
313 L I V R E ï 1.
» tifirc n'a encore jamais été sufllwite pour Içfit
» défense propre ,«i dans les guerres différeiues
a idans lesquelles leur mère -pairie a été eij-.
V gsgée , il lui a nillu en général distraire fine
» partie très^oosidérable de ses forces millulres
a pour défendre ses colonies. » Cinquante pages
plus loin , Smith suppute ce que les coloeies de
la Grande-Bretagne ont coûté à la métropole,
et il trouve que dans une seule guerre elles ont
occasionné une dépense de quatre-vingt-di^mil-
lions sterling ( près de deux milliards. ) ?I'est'il
pas bien extraordinaire, nprès cela, qu'il re-
proche aux gouvernemens de l'Europe des me-
sures qui , sans diminuer la tichesse des colonies,
peuveot entendant dédommager la métropole
de sessacri6ce«?
La conséquence à laquelle ces raisonoenwn»
conduisent Smith , c'est que les gouveroemenç
de l'Europe feraient très - bien d'abandonner
leurs colonies. J'examioerai , en terminant <ce
diapitre, quels seraient les résultats d'une pa-
reille disposition.
L'un des principaux avantages du commerce
des colonies , c'est de donner lieu à une grande
navigation , et d'entretenir un nombre immense
de matelots. Ce motif sufiirait seul pour justifîer
le système colonial. La défense de terrer et de
vidSoer les sucres dans les colonieB anglaises fut
N Google
DU COMMERCE. 2i5
piiacipalemeat déterminée par cette considéra-
tlbii', et ^n effet , si trois cents navires péavènt
^[il-ovisioiinér la Grande - Bretagne de siicrâ
raffiné, il' en faudrait plus de sept cents pour lui
a^lKirtëf le' même sucre, brut. Cette défense
A'éiiblé point dans les colonies françaises, et
Smith abus approuve beaucoup de n'avoir pas
Siiitê,'encela, l'Angleterre. C'est préciséuien»
dé quoi il faut nous blâmer. De pareilles fautes
décèlent toujours les gouvernemens impré-
vbyâiis^ Si celle-ci n'eût pas été commise, la
siaribé française aurait aujourd'hui moins d«
peine à trouver des matelots, et nous serions
aussi redoutables sur mer que sur terre. i
. 'Smith s'élève avec une grande force contre la
dëf^se générale faite aux colonies d'établir des
manufactures. Il regarde cette défense comnlt!
tfàé'marque injuste. et odieuse de servitude. U
f(ê conçoit pas qu'on puisse forcer les colons U
ne s'occuper que de la culture de leurs terres.
i Efaipéclter uu grand peuple de tirer toiit lè
i'^parrlt qu'il peut de chacune de aes propres
* producnons, (i) ou d'employer ses capitaux à
» son industrie de la manière qu'il croit lui être la
>> plus avantageuse , c'est une violation manifeste
> des droits les plus sacrés des homntei. n
^'(i) Tomelir, pag. 55i flîgi. .' '
N Google
âi4 tî Vl^E' ï I.
Soixante p^gf^ plus loin, Stuiih notts apprefld
que toute industrie locnle ' serait ruineuse pOui*
les colons. « Dans les colmiies nouvelles , f agi-i^
» cnltore enlève des bras à tous les autres ém-
it ploîs , ou les détourne de l'idée de se livrer
» à toute antre piofessîon. Iljr a peu de hras
» qu'on puisse réserver pour les fabriques
» de nécessité, etaucuns poarcelles dagré~
p ment. Les colons trouvent mieUx leur compte
» à acheter des autres pays les ouvrages de fabrî-
j) ques de l'un on l'autre genre que de les fabri-
» qaer eux-mêmes. » Ainsi après avoir di^clamé
contre les monopoles, Smith nous prouve que
CCS monopoles sont des mesures sages qui ne peù-
venttournerqu'à l'avantage des peuples. Est-il pos-
sible d'être plus inconséquent , plus mal adroit ?
Pour prouver que les coloùies ne contribuent
^oint à lu richesse de leui'mèrC- patrie, on cité tous
les jours l'exemple des Etats-Unis, dontl'indé.
pendance n'a bausé , dit-6n , aucune diminution
dans l'opulence de la Grande-Bretagne. Cette
«éparaiîon a méoie été pour l'Angleterre , seloa
quelques-utis, udé source de prbspérité. Smitlï ,
dont on invoque ici l'autorité , est beaucoup plus
circonspect, et c'est à tort , je crois, qu'on se
prévaut de son opînîont II redoutait ccmame un
autre , et par d'excellentes raisons , les suites de
la révolution d'Amériqiie; aussi développe -t- il
NGoQgle
DU CCHVIMERÇE. jî&
1^ ap loog « QompieDt cinq éyinemeag, ^v'oa
>l, nVv^tpa^ prévue (j) oqt concouru tr,è^bei^
«. reqscDMDt pour empêcher lu Gr3ude.-Sreugiie
» de.s'ea resscDÙi' d'uoe mauière aussi seasibU
» qut'oD s'y «tait géuéralcmeot attendu, x 11 est
d'iiiHeiu-s digue de rnuarque que dans ces cIda
nouvelles causes de prospérité qui oot ttés~
heureusement concouru à dédommager l'Aor
gleierre de la perle de ses colooies j ne figuré
pas l'extension «ju commerce de l'Inde. Or, ce
commerce qui est ruineux pour l'Europe , oe fait
point encore ressentir ses funestes effets à l'Ao-
.çleterre. Les possessions de la Grande-Bretagne
dans rinde la rangent même , à l'égard de ce
conunerce , dans une cathégorie particulière , et
l'Angleterre y transportant les capitaux qu'elle
employait dans ses échanges avec l'Amérique, ne
prouve absolument rien , sinon que, quand on
perd une- colonie, il est bon d'en avoir d'autres.
lin exemple mieux choisi et beaucoup plu»
concluant, c'est celui de la France dans son état
actuel. Avant la révolution nous vendions à l'étran-
ger «notre consommation prélevée , (3) pour
i5o millions de denrées coloniales- Aujour-
.d'bui nos colonies dévastées ne sufTisent même
(i) Tome ni,p*g. 58S.
( -1.) Vuyez l'ouvrage ilc M. P•^^il lur.lc» Cnlaniet.
ji-vGooglc
3i6 .;4.JtV,'R/Bi } r.'.T
poiat à la consommatioDijptv.rietfre. f^.qf^.ffffgfp^
â<ioc obligés de dous a^^rfîtisioQD^r. ,c^u-,1^
peuples rivaux. Lg dijfrérence,;ï»iuja(l9. qifl|<e«»
resuite au préjudice de Ja Fraqpe , est dq.^uj
cents millions au tnoÎDS, et cel-le3ellçe^pli|(}^ç,^&
fisammeot Tétat languissant de QOtrq .çopvpenct^
Il faut examiner actuellement ce quR.devien?:
drait le commerce de l'Europe, nvec l'Aitiérique,
si, cédaut aux i-eprésentiitîqns de âmitti,;Jef
métropoles accordaient l'iadépeadanceiù Wr$
colonies. ' ■,
Je remarque d'abord qu'une pareille jaiffliva^
devrait être générale ; autrement la colicuiic-qui
se détncherait de la métropole ,,s'ezpos«rMt à.
devenir la conquête de quelque pnissaoceétrw
gère, dont les principes seraient moinslibdraulc,
et tout ce qu'elle gagnerait à ce bouleversement,
ce serait de changer de uiaEtre.
Je suppose donc que , d'un commun accord* .
toutes les nations qui ont des colonies leur, don- .
nent l'indépendance ; j'ajoute, pour mÏQux entrer
dans l'idée de Smitb , qu'au système colanial
actuel succèdent des traités de comnieL'Qe. roi)dé&
sur des bases propres à assurer aux anciennes,
métropoles un commerce avantageux. « S'en sé-
» parant ainsi de bonpc amitié , (i) l'afleciioo
(i) T«m. Ill.pag. 407.
N Google
du' fco'M'M'ETltE. art
<tf'ïrttaï**Hé dei Colonies î>our leur rafre-patriè
<i»''répl:^bdi*aît toute sa forcé. 'Ce senûineDt les
4- dîsposet'àît âOo - seulement à respecter pen-
V'JaDtuiie suhë de siècles le traité de commerce
ij 'coia^ti avec nous au moment de la separatibii,
» taïiîS encore à nous favoriser dans les guerres
v misai bien que dans le commerce, et au Heu
K'de sujets tUrbûlens et facûeux, à deveairnos
jt alités les plus fidèles , les plus généreux et
« les plus afiectîoanés. On verrait revÏTré entre
» les métropoles et leurs colonies cette même
»■ *spice d'afleetion paternelle d'un côté , et de
>' >espéct mial de l'autre , qui avait coutume de
«■ rè'gOei' ' entre celle» de l'ancienne Grèce et les
«métropoles dont elles éuiient descendues. »
£n lisant Smiili et les écouoniistes , il faut ton-
jours être en garde contre la séduction de leurs
tableaux de famille ^ et contre l'aitrait de ce
mîeni imaginaire qui est l'ennemi dubien,et dont
nous avons fait pendant dix ans une si terrible ex-
périence. Si tous ces systèmes nouveaux étjùent
stisceptibles d'application , il n'y aurait bientôt
rien de plus accompli que la nature humaine. On
verrait cesser tout à coup les rivalités des na-
tions, leâguerres. Les hommesseraïeot tous bons,
tous justes , tous parfslits. Il ne paraît pas que
riiamantté soit très-empressée de prendre cette
route.
N Google
3id L I V R Kj I ï.
Jereriens aux colonies. Smitb a fait-an roman I;
ce n'est point ainsi qu'on s'éclaire. D'abord il
n'existe pas le moindre terme de comparaison
«ntre les colonies des anùens , qui éiaieïit de
flûnpies émi^ations d'individus , déterminées par
un excédant de population , et les colonies mo-
dernes , dont le but unique est l'extension du
twmmerce. Il n'est donc pas vraisemblable , quel-
que régime qu'on donne à celles>ci , qu'elles aient
jamais pour la mère-patiie ce respect filial dont
parle Smith ; sentiment grand , noble et géné-
reux , absolument étranger à nos mœurs. Les
rclittioDsde peuples à peuples ressemblent beaut
coup aujourd'hui à celles d'individus à individus ;
l'intéi-êt seul les détermine. Or , quelles relations
avantageuses aux nations de l'Europe pourra-t>iI
exister entr'elles et les nouveaux gouveruemens
de l'Amérique ?
~ Remarquez Hen qu'aujourdliui les colons
n'ont ni industrie , ni manufactures, et que c'eeft
h la dépendance dans laquelle ils se trouvent de
nos arts et des productions de riiurope, que no«»
devons les principaux avantages de no» relatiodS
avec eux. Rendus à la liberté , ils élèveront d^
fabriques, et apprendront à se passer de nous. .
Au lieu de nous vendre leurs denrées de préfé-
rence aux étrangers , ils les échangeront contre
les productions de l'induiîtiie rivale , qui s'aCcor-^
ji-vGooglc
DU COMMERCE. «19
derOM' mieux avec leurs besoins , JeuK gofttâ ou
leurs fiiDtaitiïes. Le résultat de cette double ré*
Tolatioa e^t qu'il nous faudra pnyér en nomé-*
faire les sncrf^s et les cafés nécessaires jk uotre
floosommatioa ; et alors le commerced'Améri-
que sei>a absolumeat semblable à celui de l'Iode j
avec cette différence cependant qu'on se pass»
de mouâselînes et de scbalts beaucoup plui oisé-
tneot que de sucre, et que le commerce d'Amé-
rique pourra enlever asDuellement à la Franco
cent cinquante millions , au lieu de douze qu4
noàs coûte celui déjà très onéreux des grandes
Indes.
. Pourquoi le commerce d'Amérique n'entraîne»
t-il point aujourd'hui les inconvéniens que je dé-
tins ? C'est qu'il ne peut se faire, qa'en marcliaa-
dises, il faot nécessairement que les colons notu
donnent leurs denrées en échange des produo*
lions de notre industrie. Ce commerce a tous les
faons effets du commerce intérieur , et véritable*
ment il n'est pas autre choses Saint-Domingue est
une portion de territoire ajoutée à la France.
Tandis que les colons y travaillent à la reproduo
don des denrées qui conviennent à nos goûts et k
nos besoins, nos ateliers s'occupent de la repro->
diïctton des marchandises que ces colons recher*
chent. C'est un double «ccroissemeot dans les fa-
iLOiUés respectives dur travail , tut Tarllable lurcroU
m Google
)9o 'li ï VKc ^i;i
lile richesse ; ei il est ici d'autsnt- plus piféciéttt (
^iie nous ne consommons point tout c<t '^0%
produit. La réexportation .innaelle d'unC'vïiUur
de plus de cent millions de denrées colotiià'l'rt I
était doàc une cOnqnête sur le mimûniire ïlé fe
traagei- et sur les productions de son ïafTnstviiïi iii
je De vois pas comment nous serons pltis'nclteii /
«juandnous aurons perdu , avec ces cent mîlliod^
de profit aOQuel , la (acuité de payei" en ïnaréhâtiy
dises uatiotialcs les sucres et les ËafësqUe noui
consommons. ' ' ■ ' '
Dans le commerce actuel des colonies , tout' est
profit pour la France. Les marchandises qu'elle
y envoie annuellement s'élèvent à prèsdequatirej
TÎngt millioBS. Que d'individus cette reproduc^
lion occupe et enrichît! Mais ce n'est pas là lesciiî
av,auiage de ce commerce. Où se dépensait âru-'
trefoîs la majeure partie des fortunés acquises
daos DOS colonies? En France. La plupm- des
riches propriétaires n'avaient viêtae jamais mis W
pied dans leurs habitations. Ils restaient en France j
eùdes géreurs intéressés leur faisaient pjlsser lenriS
revenus. La colonie n'était même pour ces géreursi
et pour les propriétaires résidans, qu'une terrft
d'exil. Ils travaillaient donc avec d'autaOt pluS
d'ardeur, qu'ds étaient plus empfèsàés de la^:Iutt-
ler. Alors, ils-revenaient en France, où ilsirap-f
porlment, avec l'amour. du pap , d^tûmenséa
N Google
DU ^COMMERCE. oai:
«^pU^ttXr, piQur servir d^alimeatà l'iaduatriâ de U
.; ËD,sera-t-il ùoti , quand tou$ awez.rSDdu.
l'Û^t^pe^viaiice aux colonies? J'aidéjù ditqu'aloiii
e|^ &e su (HroQt à eUes-mémes. Vous d'hutcz dono
plu», aufîmi motif de liens solides. Mais au lieu de '
çc rsi^ct filial que Smitli veut qu'elles conaer»-
ventipoiur la mère -patrie, qui nous assurer»
qu'içlles ne cbercheroat pas un jour à l'opprimer ?
l^ reconnaissance est rarementla vertu des par*
ticuliers ; l'ingratitude est toujours le défaut dei '
peuples. Us oublient les servîces.de IeurS:Coopi-
tpyens ; ils n^cojinaisseat leurs propres grands
bomioes. Ils les méconnaissent au moment où.
lej^^oire brille du plus bel éclat et Smith
T^u.t que., pendant. une suite de siècles., de».
QfJonies.se souviennent de leur patrieptimitive*
Je le répète, Smith a fait un roman. - -
. ,M, Cannrdiwrtage encore ici l'opiniondupro
|fl$sçwi''i'E(dimhour^> llvaméme.plusloin: «IHui
» , çc^viéni^nt qui résulterait de. la. suppression
». àm commerce colonial n!est que passf^r ,
». comme ,t0jus.le$ désavantages delà circulatîoa
■ . du if;9^vail. Les fonds prendraient bientôt . ua .
B. .filtre cours , et. l'équilibre se rétablirait. .(7 4) » -
Q^'^tnce que. M. Canard entend par la supprtV'^
i)pp,ducpmmejrce de? colonies? LesToods, di^ih
prewh'^i^t up autre, cours., M. CaDiK-d. sHp»
N Google
33S L I V R E ï t-
pose apparemiœDt <fu« nous pouvons aûjour-
dlim nous passer de deorées coloniales } moî»
noas Doos eo passoDs s* peu , qu'elles nous ren-
dent dès à présent tributûres de l'étraDger.Or,
Tarseot que ces denrées nous coûtent aonoelle*
ment est enlevé au soutien de l'industrie , qui
«miloie par conséquent moins de bras et produit
moins de licbes»^. Est-ce U ce que M. Caéavd
entend , quand il dît que réquilibi-e se rétsJ>K'
rait? Est-ce là aussi ce qu'il appelle un încoaTé*
nient momenUné ?
Supposons que la France puisse réellemèiit se
passer de denrées coloniales , la perte de nos oo*
looies serait encore une source de calamités. Qae
deviendraient tous les individus que ce eomnuive
alimente , les navires qu'il entretient , les <s^ita-
iîstes qui y emploient leur argent , les fabricMis
dont le travail passe en Amérique 7 Les fotids ,
nous dit M. Canard , prendront un autre coups ,
et il nous cite l'exemple de l'Angleterre av«c les
Ëuts • Unis ; mais aurons-nous , comme fAngle-
, terre, le concotirs fortuit de àoq évéctemeas,
tous d'une grande importasce , pour faciliter l'é-
coulement de nos marchandises et l'emploi de
nos fonds ? Y a-t-il encore en Europe quëlqu'état
à démembrer , comme la Pologne , et sOuMUes-
nous , ainsi que les Anglais , maîtres d'une partie
. de l'Inde , qui deviendrait pour .eux une rich4
N Google
DU COMMERCE. aaS
«olopie «-«'ils Tonlaiem donner à leurconmercc
une autre dii'ectioa ?
,. Jone puis résister au désir de prouver au lec-
teur que le système colooial , tout oppressif qu'il
p&ïvH à Smith , a cepeDdant trouvé des déren-
ieurs.
' H NosooIoQÎes des Antilles sont admirables.
'»- Elles ont des objets de commerce que nous
- » n'avons ai ne pouvons avoir ; elles manquent
- ^ de œ qui fait l'objet du nôtre.
M Le désavantage des colonies qui perdent la
' a liberté du commerce , est visiblement corn-
» pensé par la protection de la métropole qui
' Jt les défend par ses armes ou les maintient par
' » su lois.
» L'extrême éloignement de nos colonies n'es!
- M poiot un inconvénient pour leur sûreté; car si
, n la métropole est éloignée pour les défendre ,
. « les notions nvales de la métropole ne sont pas
: i moins éloignées pour les conquérir.
a Cet éloignement fait que ceux qui vont s'y
, « .^blir ne peuvent pricndrë la manière de vivre
Il d'nn climat'si difl^reot ; ils sont obligés de
M tirer toutes les commodités delà vie,'du pays
. » d'où ils sont venus.
•"L'objet des coloiiies est de faire le Corn-
• merce à de meilleures conditions qu'on ne l«
'' » fahuvec les peuples voîsias avËc les(:|U4ls Xùvs
N Google
«i L ïV R fi i I.
» les «vsMtges sOfit réclfH-oqaei. On à éutili
M que la métropole seule pourrùt négocier dant
M la colonie , ^ cela avec grande rabon « parce
jt que le faut de l'élablissemeat a été l'extenùoi^
» du conunerce , noo la fondation d'une ville ou
M d'un nouvel empire. »
Les cinq paragraphes qu'on vient de lire sont
extraits d'un ouvrage dont le temps rûrù(ie la ré-
putation à l'étranger , tandis que les écrivain»
cherchent à la miner chez nous. Il est vrai que
l'auteur est Français. Or , nous n'aimons long-
temps rien de ce qui est indigène j c'est le prin-
cipal trait de caractère de la nation. Aussi ne pa-
rait-il pas une brochure sur l'écODomie politique',
où le grand homme ne soit outragé. On ne peut
donc plus'le citer sans faire rire de pitié les écrï-
Tains , et voilà pourquoi je diffëre tant à le nom-
mer. C'SST MOHTES(2UlEU.(l)
Je temunenù ce livre par l'aperça rapide det
véritéa que j'ai cherché à y établir.
L'agriculture n'a besoin d'aucun secours du
gouvernement. Elle suit dans ses progrès ceux
de l'industrie et du commerce. Le meilïeur
(t> StpritdMltft*. Ut. XXI, ^ap.
N Google
T)U| COMMERCE. «g5
fl^^p^^.i^ncourager e«t d^eaawrager^les iàa«
|ity,f^ctiji^». , , . . .
'< IjAcomitterceiméneiir est lé plds avantageux ;
{Mwje que c'est celui <pii occupe le plus de bras.
U att^sMeii raisonde rsccroïsseniéat du nu-
méraire.
r'Un'pàys'nè peut augmenter son numéraire ^ue
par le commerce extérieur ; le commerce exté-
q«ur doit tendre vers ce but. Tout commerce-
eànérieur , qui nécessite l'exportation du numé-
rale , est ainsi directement contraire an principal
<^je^ dé ce coomierce , et ne peut qu'appaavrîr
IS'i^atioD en diminuant ses moyens de travail. '
Une nation qui veut jouir de tous les lav^n-
tages que lui donnent son territoire et son indus-
trie , échange l'excédant de ses marcliandises
contre une pareille valeur d'autres marchandises,
étrangères. Cette nation n'est ni prodigue , ni éco-
nome. Une nation économe échange de préfé-
rence l'excédant de ses besoins, ou une partie de
cçVexjeédant^ contre du numéraux. Elle Acquiert
ainsi de nouvelles sources de revenus ; elle s'en-
ricbit. Une nation prodigue échange et con-
somme à tout prix i elle aliène son capital ; elle
*e' ruine.
Le commerce de transport ne convient qu'aux
états pauvres qui n'ont ni territoire , ni popula-
" i5
jï Google
336 L I V R E I- 1.
tion , DÎ industrie. II serait défavorable à la
France.
Le commerce de Tlnde enleTe annuellement
à l'Europe des sommes immenses en numéraire.
Il y répand le goût des marchandises étrangères ;
il paralyse ainsi une partie des manufactures in-
digènes. Le commerce de l'Inde ruine l'Europe.
lie commerce des colonies est très-aYantageirc
pour les peuples qui en possèdent. Les colonies
sont une partie de territoire ajoutée à celui de
ces peuples. L^ndépendance des colonies serait
lin acte de déraison de la part des métropoles.'
Elle n'est sollicitée que par l'imprévoyance , ap--
pujrée de fausses idées de justice et de liberté.
FIN DU DEUXIIHE LIVRBi
ji-vGoot^lc
LIVRE III.
Du Système commercial.
J E crois avoir prouvé , dans le premier livre ,
que l'argent est l'instrument indispensable de loi
(ârculatioa et de la reproduction.
J'ai essayé de moutrer , dans le second , com-
ment la prospérité du commerce était liée à la
conservation et à l'augmentatiou de la quantité
de numéraire dans le pays.
11 me reste à parler des institutions que ce pria,
oipe rend indispensables. Ce sera l'objet de ce
livre , dans lequel je m'occuperai plus particuliè-
rement de la Friioce.
CHAPITRE PREMIER.
Long-temps après Tintroducùon des métaux
comme monnaie , lorsque l'industrie commenc;ilt
à»e perfectionner, il arriva que quelques peu-.
N Google
J28 L 1 V R E U I.
pies plus adroits , plus laborieux ou plus ricLes
en produciioDS du sol que les autres , devinrent
les pourvoyeurs de ceux • ci. Le résultat de ces
premiers. échanges fut d'appauvrir de ouméraire
les Dations qui n'avaient aucun autre moyeu de
faire le commerce extérieur. Cependant , on cou-
sidérait alors i'argeut comme la richesse unique.
Les gonvernemens ue purent tolérer que des re-
lations qui tendaient à eu dépouiller l'état , se
fxmtinuassem librement. On chercha donc à les
restreiudre , et pour parvenir à c« but , ou nlma-
j^a nen de mieux que de placer aux confins du
pays, des barrières qu'il ne serait plus permis au
commerce de franchir qu'à de certaines coudi-
ttons.
On expliquerait ainsi , d'une manière très-
■plausible , l'institution des douanes , s'il n'était
question que de bâtir un système ; mais les faits
s'élèveraient eu foule contre celui - ci. Bien loin
donc que les douanes aient servi le commerce
■u moment de leur institution , tout annonce au
contraire qu'elles en ont retardé les progrès.
C'est qu'elles n'eurent d'abord d'autre objet que
d'accroître les revenus du souverain , et que tout
impôt sur le commerce, lorsqu'il n'est point dé-
terminé par des vues de commerce , doit uéces-
SÙrement tourner contre lui , et par une suite iné-
vitable , contre le pays qui le crée.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL, jag
Ce n'est que depuis quelques siècles que lm>-
dustrie a fait de grands progrès dans l'Europe,
et que chaque Dation a pris SOD raog, comme na-
tion manufacturière. Autérieuremeut, l'iadustrie
était à peu près ]a même chez toutes : les échange^
devaient donc plus particulièrement consister en
productions du sol qui varient avec les pays ; et
encore même ces échanges ne pouvaient - ils pas
être très-multipliés.
On n'aperçoit pas quel intérêt aurùt pu porter
les peuples à restreindre des relations déjà trèsr
hoi'nées , et qui augmentaient leurs jouissances
sans occasionner à aucun de préjudice sensible.
Les droits de douane furent donc primitive-
ment établis dans la vue unique de procurer au
souverain un revenu. Quelques bureaux , placés
à l'extrême frontière, devaient, «ans engendrer
de grands frais , en assurer la perception. On
n'avait point alors à se préserver de la contre-
bande, et par conséquent il ne fallait qu'un très-
petit nombre de commis. Cet impôt était ainsi un
des moins onéreux à recouvrer.
Si l'on pouvait douter que l'institution des
douanes n'ait eu cette origine , je prierais de con-
sidérer qu'en France , à l'époque où Colbert fut
nommé contrôleur-général, les droits se perce-
vaient principalement sur les marchandises na-
tionales à la sortie , tandis que les productions do
■ji-vGooglc
35o L I V R E I I I.
llndustrie élrnogère entraient presque tontes eu
franchise.
Un renversement aussi absolu des notions
Commerciales les plus simples , prouve que les
douanes n'avaient été considérées par le gouver-
nement, jusque-là, que comme source de reve-
nus ; et je crois avoir eu raison de dire qu'elles
tournèrent ainsi au préjudice du commerce, dont
elles retardèrent nécessairement les progrès.
Mais il devient absolument impossible de con-
tester cette assertion , lorsqu'on réfléchit aux
douanes intérieures , qui subsistaient encore en
France il y a quinze ans. SI l'objet des douanes
n'avait pas été purement fiscal, celles de province
à piovincc n'atiraient jamais survécu à l'indépen-
dance de ces mêmes provinces. A chaque aug-
uicnlation de territoire , on aurait reculé la ligne.
Elle se serait ainsi toujours trouvée sur l'extrême
frootlère, et le commerce, au lieu d'être entravé
dans ses communications les plus naturelles,
écrasé par la multiplicité des droits , et vexé par
des visites qui se ré[>ét;iieDt à l'infini , aurait pu
s'étendre an-dchors , et rivaliser dans tous les
marchés de l'Europe avec les productions de l'in-
dustrie étrangère.
Ces droits intérieurs éi aient essentiellement
destrnctifsdu commerce. On voit, dans un mé-
moire adressé eu i65g au cardinal Mazariu, et
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL, ^i
recueilli par Forbouoais , qu'une balle de came-
lot de Lille, pesant deux ccDi trente-deux livre»,
payait eu divers endroits, pour arriver à LyOn ,
plus de 300 fr. , sans compter les deux droit» de
la douane de Valence et les six deniers pour livre,
■Une balle de soie, venant d'Italie, et que Vwi
réexportait manufacturée , payait dans trois bu-
reaux. Des droits aussi multipliés devaient aug-
menter le prix des marchandises de dix ou douze
pour cent, quelquefois du doublej et alors
comment espérer d'en trouver le débouché à
l'étranger ?
Tel était l'état des choses en France , lorsque
Colbert arriva au ministère. On conçoit qu'un
pays dont l'administration intérieure était si peu
éclairée , n'eût encore atteint aucun degré de
prospérité. Aussi n'avions-nous alors ni marin*; ,
ni industrie, ni commerce. Nous lirions de V<^-
tranger presque tous les objets de coosomma-
tion indispensable. La misère était générale, et
pour me servir desexpresùous mêmes de Cçlbert,
on ne savaitàquoi employer « cette grande troiipe
» de fainéans qui rempHssaieot la France , et de-
» meuraient inutiles , et les bras croisés , au liçu
» de l'enrichir de leur travail. »
Cependant , tandis que la France restait ainsi
oisive , et semblait renoncer à tous ses avantages
naturels i, plusieurs nations voisines avaient alLciiat
ji-vGooglc
a53 L 1 V R E I I I.
le plus liaut degré de prospérité relative. Quoi-
que déchues de leur aDcieune splendeur , depuis
la nouvelle direction du commerce de l'Inde ,
Venise, Gênes et les principales villes d'Italie ,
se partageaient encore le commerce de la Médi-
terranée. I^a banque d'Amsterdam avait déjà im
demi-siècle d'existence j toutes les mers étaient
couvertes de bâtimeus hollandais ; l'Angleterre ,
dont l'esprit était exclusivement dirigé vers le
commerce depuis la reine Ëlisabed) , commen-
çait à se montier mauuracturière. Charles il ve-
nait de confirmer le fameux acte de navigation ,
seul , mais inappréciable bienfait de Cromvïell.
Enfin , et de quelque côté que l'on jetât lei yeux ,
à resception de la France et des érau du Nord ,
encore plongés dans la barbarie, l'Europe offrait
de toutes parts le spectacle de peuples indus-
trieux , actifs , rivalisant d'efforts pour étendre
leur commerce , perfectionner leurs manufac-
tures et s'emparer des mers.
Cette opposition humiliante entre la France et
les autres nations de l'Europe, toutes moins favo-
risées qu'elle pr k nature , dut enflammer le gé-
nie patriotique de Colbert. Ce grand bommeavait
le senûment des ressources de son pays ; il jugea ,
dès le principe de son administration , du degré
de prospérité auquel il pourrait atteindre. La
cause de la langueiu- du commerce national de-
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. a55
vÏBt IVïbjet de toutes ses recherches. Il la'tfoura
dans les vices d'un tarif qui grevait indinërem-
meot dé forts droits , l'entrée des matièi-es pre-
mières, et la sortie des marchandises indigènes;
dans- la multiplicité , dans la variété, dans l'incer-
titade de ces mêmes droits. Il la trouva dans l'état
d'abandon des manufactures ; enfin , dans l'igno-
rance absolue où l'on était alors des moyens
d'économiser le travail et les bras , en se servant
de mécaniques déjà usitées dam plusieurs autres
pajs de manuractures.
Le principe du mal une fois connu , il devenait
plus facile d'y porter le remède. Colbert accorda
des encouragemens à l'industrie. Les ptincipales
manufactures reçurent des gratifications. Il fit
venir de l'étranger des métiers dont il consentit
à payer chèrement le secret , bien sûr que cette
avance rentrerait avec usure. D'habiles ouvriers
iiirent appelés d'Italie et de Flandre. Ces droits
n multipliés , et qui vanaient sur presque tous
les points de la frontière , furent réunis dans un
taiif unique. On y réduisit considérablement
ceux imposés sur les marchandises nationales à la
sortie. Les matières premières furent diminuées à
l'entrée. Un autre tarif, postérieur au premier de
trois ans , chargea les manufactures étrangères.
Tant de soins , tant de prévoyance , ce pouvaient
être infructueux. Aussi, moins de dix aas après
N Google
a54 L I V R E I I I.
l'enirôe de Colbert au ministère , on comptnit
déjà diins le royaume près de ciaquante mille
mpliers à laine , et le commerce des soies s'était
accru au point fju'il rapportait à lelat annuelle-
ment plus de cioquimtc millious.
Ce|)endant , il ne fui pas possible à Colbert de
supprimer les douanes iniérieurcs. Desministi-es
non moins zélés que lui pour le bien de l'état ,
échouèrent depuis dans la même entreprise ,
quil était réservé à d'autres temps decousommer.
On voit que les douanes ne prirent un carac-
lère commercial en France que sous Colbert ;
aussi le servireul-elles puissamment dans le pro-
jet qu'il avait conçu , et qu'il exécuta , de rendre
la France l'une des premières puissances mari-
times et commerçantes de l'Europe. Le grand
siècle lui doit une partie de sa gloire; il était ré-
servé au nôtre de chercher à enlever à Colbert
une partie de la sienne.
Smilb, qui n'est bien souvent que l'écho des
économistes , niême sans qu'il s'en doute , nous
assure de la meilleure foi du monde que les
opérations de ce grand homme n'ont pas tourné
à l'avantage de sa patrie ; et il s'appuye sur le sen-
timent des hommes de France les plus éclai-
res. Or, ces hommes de France les plus éclairés
sont les économistes , et entr'autres le docteur
Qucsuay , leur chef, avec lequel Smith était
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 255
très- lié. On voit pnr-tù ce qu'il Hiut penser de cet
accord entre les hommes les plus éclairés
de la France , pour déprécier l'un des plus
grands administrateurs (jui aient jamais existé.
Les hommes de France les plus éclairés n'ap-
partiennent à aucune secte. Ils rendent ù Colbert
la justice «|ui lui est due, sans s'inquiéter de l'o-
pinion de quelques esprits à système. Ils le ju-
gent sur ce qu'il a fuit, et non sur ce qu'il leur a
plu d'établir. Us voient ce qu'était la France au
moment où il prit les rênes de l'administration ,
épubée d'argent , sans marine , sans industrie ,
sans commerce , et le haut degré de gloire et de
prospérité auquel elle s'est tout à coup élevée par
la puissance d'un grand roi, secondé d'un grand
ministre. Ils voient que ces institutions tant blâ-
mées ont constamment accru la richesse de la
France ; que des institutions semblables sont en-
core le plus ferme appui de l'opulence de l'An-
gleterre. Ils le voient , et ne conçoivent poiot le
goure de plaisir que peuvent trouver des Fran-
çais à déprécier un des hommes qui a le plus
contribué ù la gloire de leur nation , et qui éuit
Fiançais lui-même.
Il est certes fort triste que Smith ait pris l'opi-
nion de quelques écrivains malades pour celle
des hommes les plus éclairés de la nation , et
que , dans un ouvrage célèbre , il nous ùt ainsi
N Google
336 L I V R E I I I.
dénoncés à l'Europe et à h postérité, comme un
peuple aveugle et ingrat , qui méconnatt les ser-
vices de ses plus grands bommes.
Je sais bien que Smitb nous fait gloire de cette
ingraiitude ; mais il viendra un moment où Smitb
lui-même sera jugé , et celte opinion qu'il prête
aux hommes les plus éclairés de la nation , res-
tera comnie un monument de notre légèreté et
de notre inconséquence.
Je continue l'bistorique des droits de douane
en France , que l'on comprenait tous , avant la
révolution , sous le nom de traites. Quoique
Colbert y eût introduit de grands changemens ,
comme on l'a vu, et que ce soitseulementdapuis
son administration que nous ayons un système
commercial fondé sur des douanes, il ne lui fut
pas possible de le porter au point de perfection
dont il est susceptible. Cinq provinces seule-
ment admirent le tarif uniforme qu'il voulait
rendre commun à toutes, et ce tarif lui-même
laissait encore à désirer. Il résulta de cette espèce
de scission entre les provinces , une bigarrure
cboquante dans l'administration des douanes du
royaume. On distingua les provinces des cing
grosses fermes régies par le tarif de 1664-, de
celles qui refusèrent de l'admettre , et qu'on ap-
pela du nom de provinces répute'cs étrangère^.
Celles-ci conservèrent leur ancienne législation
N Google
DU. SYSTEME COMMERCIAL. 257
fiscale. Trois autres provinces restèrent au - deI4
de la ligne , eu vertu des couvenlious qui eurent
Ken lors de leur réuDioo à la France, et Turent
appelles étranger effectif ; noms barbares , s'é-
crie assez ptaisumment M. Necker , qùî ne ren-
dent la langue fiscale ni fort claire , ni fort élé*
gante.
' Ces noms ont disparu avec les (fisÙDctiônsqui
y avaient donné lieu. On peut voir dans l'ouvrage
de M. Necker sur l'administration des finances*
et mieux encore dans Forbonnais , combien
l'introduction d'un régime uniforme approprié
à la France , était désirée par toiis les hommes
^Etat , et que de tentatives infructueuses furant
faites pour arriver \ ce but. Mais cet objet très«
délicat touchait aux privilèges des provinces ; il
exigeait les plus grands méoagemeus : d'un autre
côté le souverain y trouvait un revenu. Tant
d'intérêts dî'flërens à concilier expliquent la lon-
!gue existence d'un système essentiellement vî-
icieux , mais que le temps semMait avoir con-
sacré , éx auquel il était devenu impossible d«
remédier sans exciter (^s iuécontentemens et
peut-être même des troubles.
Quoi qu'il en soit , ce qtte Colbert avait ppo«
jeté , ce que tous les ministres qui vinrent après
lui , et M. 'Necker surtout , souhaitaient ardem-
ment d'exécuter , la révolution l'a produit rt
ji-vGooglc
a38 L I V R E 1 1 I.
pouvait seule le produire. Il n'existe aujourd'hui
qu'un tarif uniforme pour toute ta France.
Les barrières intérieures ont toutes été anéan-
ties et reportées à l'eitréme frontière , où elles
forment ainsi un cordon qui ceint le pays dan»
sa plus grande circonférence. Le tarif nouveau,
loin de gêner le commerce national , ne peut que
le servir et l'étendre. Les produits de l'industrie
indigène , les seuls qui fussent taxés avant Col-
bert, et que ce ministre ne dégreva pas tous,
sont aujourd'hui absolument exempts , ou sou-
mis à des droits très - modiques. Il en est de
même des matières premières à l'entrée. Ainsi
les droits ne frappent à l'exportation que sur
quelques- unes des productions particulières à
notre sol , et dont il est par conséquent impos-
sible que l'étranger s'approvisionne ailleurs ,
telles que les vins , les eaux -de -vies , et encore
ce* droits sont-ils très - modérés. ( i ) Les mar-
chandises grevées à l'entrée sont celles dont la
consommation intérieure , si elle devenait trop
considérable, pourrait paralyser notre propre
industrie. Les droits sont donc sagemeùt cal-
culés sur le danger de leur introduction ; et
quand ce danger est tel que le préjudice suivrait
( I } Le YÎn le pins Imposé doit 7 fr. par muid , et
l'eau de vie a5 centim. Le muiâ est de i/|4 pot* faisant
aSS pintes , ce qui revient k 368 litrea un ciaquantièm*.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 239
immédiatement, sans ofTrîr aucun but d'utilité
qui le compense , oq arrête rimportutloQ par
une proIiibitioD absolue.
J'ai dit que le tarif actuel , loin de gêner le
commerce , ne pouvait que le servir et l'étendre.
C'est que les bases en sont généralcmeot bonnes.
Il n'en faut pas conclure que le tarif ne laisse
absolument rien à désirer. Les cliangemens qui
y ont été apportés depuis quelques années prou-
vent que le gouvernement 8'occuj>e avec persé-
vérance de tout ce qui peut contribuer à la pros-
périté du commerce , et l'on est mainteoaDt en
droit de conclure que sous très-peu de temps
cette partie de notre législation commerciale aura
atteint tout le degré de perfection dont elle est
susceptible.
Telle est en peu de mots l'analye du système
commercial actuel de la France. Celui de l'An-
gleterre y ressenrtble beaucoup , avec celle dif-
férence cependant que les droits de douane for-
ment en Angleterre une partie esseolielle du
reveau de l'état. Les autres puissances de l'Eu-
rope se sont successivement modelées sur l'An-
gleterre et sur la France , dont elles n'auraient
pu , sans s'exposer à une rniue inévitable, laisser
librement entrer tontes les productions. Cet
exemple était bon à suivre; mais comme les
meilleures iasiiuitious ont aussi leur côté di'fa-
N Google
a4o L 1 V R B I I t.
Torable et qu'on abuse de tout , même des chose*
les plus uûlei , ou a quelquefois fait servir les
douaues à des ressentimeDs nationaux. Alors
elles ODt change d'objet. Je consacrerai les cha-
pitres suivaus à Teiaraen de tout le système com-
mercial. Je ténnioe celui-ci par une obserratiou
générale : Le gouvernement , dans l'institution
de ce système , qui a été présenté comme une
Tiolation de tous les droits du citoyen, comme
un monopole odieux, me paraît essentiellement
paternel. J'y vois un chef de famille éclairé , qui
mieux instruit que ses enfans de l'état de leur
fortune, leur indique, avec les moyensdela con-
server et même de l'accrottre , quelles sont les
dépenses qu'ils peuvent se permettre, et celles
dont ils doivent s'abstenir : heureux les enfaus
que de fausses idées d'indépendance et de bon-
heur n'arrachent point au joug de la soumisàon !
heureux les peuples auxquels on ne cherche
pointa persuader que leurs Igis sont des inepties!
N Google
DU SYSTEME COMMERCUL. 3^1
CHAPITRE II.
Droits d'entrée et de sortie. — Crédits des droits. -•
Entrepôts. — Gratifications et prîmes.
t_VE que j'ai dit dans le chapitre précédent des
di'OÎts de douane prouve que ce serait se mé-
prendre étraDgemeat sur l'objet de leur institu-
tion que de les considérer uniquement couuue
impôt. Je dis uniquement , parce que ces droits
ofTrent aujourd'luii deux divisions bien distinctes
qu'il importe de faire remarquer , et que voici :
Dans la première de ces divisions , il faut
ranger les marchandises qui sont tarifées dans
des vues de commerce et plus ou moins imposées,
suivant qu'il est plus ou moins avantageux d'ea
restreindre l'importation ou lexportaiion. Je
rappelle ici, i". que les matières premières à
l'entrée , sout ou absolument exemptes ou assu-
jéties à des droits modiques , calculés dans l'in-
térêt combiné de l'agriculture et du commerce ;
3**. que les marchandises manufacturées étran-
gères , admises aux droits , payent 8 , i o , 1 2 , et
rarement au-delà de 1 5 pour cent de la valeur;
5°. et euHn que les objets tarifés à la sortie ne
16
3^3 L I V R E I I I.
doiveDt qu'un )>our cent de la râleur , et plus
gém-nilement demi. JVd excepte les bois qui ,
à raisOQ de leur utilité dans l'intérieur , ont été
tarirés à 4 ^^ même à 5 , suivaot l'usaj^ auquel
ils aoot propres.
Avant d'indiquer les marchandises qui appar-
tïcnueut à la seconde division , je crois à propos
de faire connaître quelques-unes des considé-
rations qui ont influé sur l'assiette des droits.
Lorsqu'une marchandise permise à l'expor-
tation est susceptible de difTéreos degrés de
maiu-d'œuvre , plus elle en a reçu, moins elle
est imposée. C'est ainsi que les fers en gueuse
paient 5 francs lO centimes par quintal (i) et le
fer blanc a francs 55 centimes seulement. C'est
encore ainsi qu'avant la loi du 8 floréal an 1 1
le sucre d'origine nationale payait à la sortie ,
savoir : brut, lo pour cent de lu valeur ; terré ,
5 pour cent seulement. Ce n'est pas tout : quand
ces exportations s'effectuaient par bâiimens fran-
çais , le droit était réduit à un et demi. Cet exem-
ple est trps - propre à donner une idée de la
taxation géuérale des marchandises , qui a été
calculée, le plus possible , de manière à servir
i la fois l'agriculture , Hudustrie et la marine.
( 1 ) Il n'agit ici et dans tout ce chapitre , da ^iatkl
Sécimal éiLDivaUnt à ao4 liv- poid« de mars.
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCIAL. 245
Ed voici quelques autres : le tabac îndigèue
en feuille paie à la sortie 7 francs par quintal;
le tabac fabriqué 5i ceotinies. La cire blaoche,
qui a été travaillée , n'est tarifée qu'à i franc
3 ceotimes. Ivoire jauae, qui est matière brute,
doit 10 francs 20 ceutimes. Ou pourrait multi-
plier ces exemples à l'infini. 11 est plus simple
de recourir au tarif, et j'y renvoie.
Les marchnndises qui appartiennent à la se-
conde division sont celles qu'il n'estpas possible
de prohiber absolument , mais dont il serait
dangereux que la consommation vint trop à s'ac->
croîU'e. Ces marchandbes sont elles-mêmes de
deux sortes. Ou nous pouvons nous les pro-
curer par notre propre industrie , ou nous ne
le pouvons point. Dans le premier cas , le droit a
pour objet d'écarter la concurrence étrangère.
Dans le second , ce droit qui est toujours pro-
hibitif peut être plus particulièrement considéré
comme impôt de consommation, il &ut rendre
tout ceci sensible par des exemples.
Nous faisons la pêche lointaine, celle de la
baleine , de la morue , etc. ; mais soit que nous
n'employions point des procédés convenables ,
soit que nos bâtimeos pêcheurs ne naviguent
point avec assez d'économie , nous ne pouvons
étedilir le poisson salé à un prix aussi modique
que les naùoDS rivales. D'un autre côti , la pêch*
N Google
344 L I V R E I I I.
natioDslo ne suffît point à la consommaiion. Il
faut donc recourir à celle étraDgère ; mjiis il est
évident que si elle était admise librement dans
le marché intérieur, oo la préférerait à la pêche
îadii'ène , dont la ruine serait ainsi infaillible.
On prévient cet inconvénient en imposant le
poisson étranger à 4« francs par quintal, (i) Ce
droit, très - considérable , rétablît à peu près
Téquilibre. Ainsi encouragés , les ai-maieurs re-
doublent de zèle et d'industrie afin de multiplier
leurs expéditions. Chaque année ils acquièrent
de l'expérience , et insensiblement notre coq-
sommation en poisson étranger diminue.
Les colonies françaises suffisaient autrefois à
la consommation intérieure , et procuraient en
outre à la France un revenu de plus de cent
millions qu'elle échangeait à l'étranger contre
des productions exotiques , des matières pre-
mières et de l'argent. Nous avons vu que bien
loin de donner encore lieu à un commerce aussi
avantageux, nos colonies ne fournissent même
phis à la totalité de notre consommation. On y
supplée par dés achats à l'étranger ; mais ces
achats sont ruineux , parce qu'ils enlèvent notre
numéraire. Or on empêche que la consomma-
( I } Depuis que ceci est écrit , le droit a été lédait k
moitié à cause de ]a guerre.
N Google
DU SYSTEME COMMERCrAL. 245
ùon des denrées coloniales ne devienne trop
considérable en les chargeant toutes d'un droit
assez fort pour en angraenier le prix d'environ
a5 pour cent, et comme il est juste de fournira
nos colonies les moyens de réparer leurs dé-
sastres , les productions qu'elles nous envoient
sont traitées beaucoup plus favorablement. C'est
ainsi que le sucre terré , importé des colonies
françaises , n'est imposé qu'à 5o francs par quin-
tal , tandis que la même qualité de sucre étranger
doit 75 francs.
Les autres marcbandises qui appartiennent à
cette division sont celles que nous n'avons aucun
moyen de produire , et dont le droit est cepen-
dant proliibitif , parce que leur usage , s!il de-
venait trop général , pourrait entraîner les plus
fôcheux résullau. Ce sont principalement les
tabacs (1) et les marchandises de l'Inde. Le tabac
en feuille importé par bâtiment étranger est ta-
rifé à 100 fr. le quintal ; par Bâtiment national il
ne doit que 80 fr. Les droits sur les marchan-
( I ) Je range le tabac dans la clasae des marchaDdises
qae nom n'aront aucun moyen de produire, quoiquo
nous en récoltions. C'est que les tabacs indigènes ne peu-
vent donner de bons tabacs fabriqués que par ]e mélange
arec des feuilles exotiques. Ce qu'on récolle de tabac en
France est d'ailleurs peu considérable relativement i la
t générale.
N Google
a/i6 L I V R E I I I.
dises (le l'Inde varient selon leur espèce et le
plus ou moins d'intérêt que nous avons à les
écarter de nos marchés. Le nankin doit par mètre
UD droit de 35 centimes ; celui sur les toiles de
coton se perçoit dans le rapport combiné de la
dimension et du poids , c'est-à-dire que de deux
pièces dont les dimensions sont égales , la plus
lourde est la moins imposée , parce que l'étofTe
est plus grosse. Le droit sur les toiles de coton ,
siusi calculé , est de 5 centimes par mètre qunrré ^
pris autant de fois qu'il y a de mètres quarrés an
kilogramme. Il revient de sO à 35 pour cent de la
valeur. Je ne pousserai pas plus loin cette no-
menclature, que j'aurais même beaucoup moins
étendue si je n'eusse cru devoir donner une idée
géuâale des bases du tarif.
Il résulte de ces divisions , ainsi que je l'ai
annoncé, deux espèces de droits bien distincts.
Les uns ont pour objet unique la prospérité du
commerce j les autres tendent également à ce
but ; mais tout en l'atteignant , ils procurent à
l'état un revenu. On est donc autorisé à les con-
sidérer aussi comme impôt. Quelques personne»
n'envisagent les douanes que sous ce dernier
aspect. On est même parti de ce point de vue
Aux pour faire observer que les frais de per-
ception s'élevant assez généralement au quart
des recouvremens et quelquefois à beaucoup
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL, a^?
plus, c était de tous les impôts le plus onéreux
nu pays. Rieo ne prouve mieux à quels écarts
on se livre quand on parle ou qu'on écrit sur
des matières que l'on ne connaît point.
Ou a prétendu que la perception des drrùts
de douanes , en Angleterre , ne coûtait pas plus
que celle de tout autre impôt. C'est que les frais
de recouvrement ne s'élèvent point , pour les
impôts indirects , dans la proportion des sommes
perçues. Or les droits de douanes , en France ,
à l'exception de ceux imposés sur un petit nom-
bre de marchandises , sont généralement très-
modiques; aussi les douanes ne peuvent-elles
guère rapporter 3u<delà de 40 millions brut. Leur
produit serait même beaucoup moins considé-
rable , si nous n'étions pas tributaires 'de l'étran-
ger pour le tabac, les toiles de coton, les den-
rées coloniales et la pêche. En Angleterre , au
contraire , les droits de douanes sont exhorbitnns.
La plupart des marchandises éb'angères sont ta-^
lifées à plus de soixante pour cent de lew va-
leur. Nos vins , nos eaux -de-vie et les produc-
tions de notre iadustrie, dont l'importation n'y
est pas défendue , n'j sont admis qu'à des con-
ditions beîincoup plus défavorables encore. H
en résulte que TAngleterre doit à ses douanes
tin revenu annuel qui s'élevait, il y a vingt ans,
à 60 millions, ei qui depuis a triplé. Ot^ sup*
ji-vGooglc
a48 L I V R E I I ï.
posez que les droits de douanes y soient tout à
coup réduits à lo pour ceut , taux commua des i
nôtres , lea frais de perception resteront les I
mêmes, et alors au Heu de n'enlever que lef
vingtième ou le quinzième des produits , ils
absorberont le quart, comme en France, saa
qu'il s'en suive aucune défaveur pour Vu
titution qui serait à peu prés aussi utile J
OOQ moins indispensable, lorsque loin de r
porter un revenu elle occasionnerait une.J
pense.
Quelque modiques que soient gcnéraleJ
les droits de douanes en France , i
cbargé de denrées coloniales ou de tabacj
cependant donner Heu à des perceptions dJ
juille francs, et même plus. Si les négocia
reçoivent dépareilles cargaisons étaient ol
d'en acquitter les droits au moment mén
elles arrivent, moment qu'on ne peut paJ
jours prévoir, il en résulterait des gènesl
préjudiciables au commerce. Le gouverna
prévient cet inconvénient par un crédit del
mois, qui peut s'étendre à quatre pour les svq
destinés aux radineries, et jusqu'à douze j.
les tabacs; et il arrive ainû très -souvent qua
niarchandise est livrée à la consommation avi|
que le9 droits n'en aient été perçus.
ji-vGoot^lc
DU SYSTEME COMMERCIAL. 249
Ici le lecteur m'interrompt et me demande
comment il est possible que nous fassions nvec
l'étranger un commerce de transport utile , si
toutes les ninrcliiindises qui entrent en France
sont également assujéties aux droits , soit qu'elles
restent diins l'intérieur , soit qu'on les renvoie à
l'étranger.
Cette difficulté est fondée; mais le gouver-
nement l'a prévue. Quoique le commerce de
■ l'étranger à l'étranger ne soît pas le plus favorable
, de tous, que même il détourne en général les
. capitaux d'un emploi plus avantageux pour le
pays , il est quelquefois indispensable de s'y
livrer. Je reproduis, avec de légers cbangemens,
l'exemple que j'ai cité dans le chapitre du com-
merce de transport. Un navire part de Bordeaux
pour Amsterdam avec une cargaison de vin : s'il
ne trouve pas au lieu de sa destination des ma-
tières premières qui conviennent à Id France ,
il y chargera des marchandises manufacturées
provenant du duché de Berg , des instrumens
aratoires , ete. , des toiles de Silésie , etc. Ces
marchandises importées à Bordeaux, ea seront
ensuite expédiées pour l'Espagne , et le navire
qui les y voiturera rapportera des laines en re-
tour. Ainsi au moyen d'un double échange, la
France aura véritablement fait un commerce
mile , puisqu'on définitif elle a donné du via
N Google
a5o L I V R E 1 1 I.
qu'elle récolte au - delà de sa consommation ,
ponr des madères premières nécessaires à ses
manufactures.
Mais si les marclwndises prises à Amsterdam
par le navire qui y est arrivé avec une cargaison
de vin , devaient être directement U'Rasportées
en Espagne , ou ne pouvaient séjourner en
France qu'eu payant des droits , on conçoit que
ce conuuerce deviendrait beaucoup moins avan-
tageux , et que le plus souvent il serait même
absolument impossible.
Pour obvier ù cet inconvénient , on a établi
dans les principaux ports des entrepôts où s'em-
magasinent les marchandises étrangères dont
l'emploi n'est point encore déterminé. On nomme
entrepôt , en matière de douanes , un Heu vaste
)Bi commode où le commerce a la facilité de dé>
poser les marchandises importées dont il ne peut
point se défaire sur-le-cbamp. L'entrepôt est
fermé à deux clefs qui restent entre les mains ^
l'une de. la douane , et l'autre du commerce. Sa
durée est d'un an. Le négociant a ainsi tout le
temps Décessairc pour donner à sa marchandise
le débouta. le plus avantageux. Les droits ne
s'acquittent qu'au moment où il livre à la cou-
tômmation intérieure. S'il préfêre réexporter, il
n'en doit aucun. Ces facilités sont très - avanta-
geuses, puisqu'elles laissent au négociant les
N Google
DU SYSTEME COMUIERCIAL. aSi
moyens de trafiquer librement de l'étranger à
l'étranger, sans même exiger poiir le commerce
avec l'intérieur l'avance quelquefois très-consi*
dérable des droits dus eur les marchandises qu'on
y destine.
Toutes les marchandises qui doivent des droits
sont admissibles dans l'entrepôt. On y admet
également plusieurs espèces de marchandises
prohibées , dont la vente à l'étranger peut nous
procurer des retours avantageux , et généralement
toiites celles connues sous le nom de mardian-
dises de traite. EoGn il existe plusieurs emrepôts
que des considéradons d'une grande importance
ont fait ouvrir aux marchandises prohibées sans
distinction. Marseille doit à son commerce avec
le Levant cette faveur très -distinguée qui est
d'ailleurs susceptible des plus grands abo» , et à
laquelle aucun autre port n'a les mêmeâ droits.
Indépendamment de l'entrepôt dont je viens
de parler , et qui exige , comme on l'a vu , le dcr
placement de la marchandise , il en existe un se-
cond , particulier aux denrées coloniales fraip-
çaiseâ. Les formalités d* éelni - ci , moîas nom-
breuses , s'accordent davantage encore avec les
intérêts du coiiunerce. Gel entrepôt a lieu dans
les magasins mêmes du négociaiit , qm est seules
ment tenu d'acquitter les droits an moment où û
dispose de sa marchandise. Sa durée est aussi d'un
ji-vGooglc
aSa L I V R E i I I.
«D. Lorsqu'au lieu de livrer à la coDsommuiion ,
on réeT|>orte, le drottde consommatiou u'est pas
dû. C'est un nouvel encouragement donné à nos
colonies. On appelle cet entrepôt ^c(i/"j pour le
distinguer du premier , qu'on nomme entrepôt
L'institution de l'entrepôt , l'une des plus heu-
reuses du système commercial , appartient à Col-
bert i mais depuis près d'un siècle elle étaàl tom-
bée en désuétude. Cest l'administration actuelle
des douanes qui l'a fait revivre. Le commerce
lui doit cette faveur , et presque toutes celles dont
il jouit. Toutes les fois que des facilités lui sont
nécessaires , l'adminbiratioD les provoque ; c'est
la plus belle partie de ses fonctions, dont on
n'apprécie en général ni l'importance , ni l'utilité.
Un des moyens employés par les gouverue-
mens pour encourager certiines branches de l'in-
dustrie , qui ne pourraient se soutenir si elles
étaient livrées à elles-mêmes , c'est celm des gra-
tifications, plus connues sous le nom de primes.
Les primes sont précisément l'opposé des droits.
On les accorde à l'importation des matières pre-
mières, dont le besoin se fait particulièrement
sentir , ou à celle des productions qu'il est de
l'intérêt du pays de se procurer directement. On
les accorde aussi à la sortie des marchandisea
NGoogk
DU SYSTEME COMMERCIAL. a55
ninnufocturées qui ne pourraient point , sans
ce secours , trouver de débouchés à l'étranger.
Dans tous les cas , elles favorisent l'iodustrie , et
l'on aperçoit qu'il doit être posùble d'employer
très-utilement un pareil ressort.
Smîtfa se déclare contre celui-ci. Il range les
primes dans la classe des profusions , toutes les
fois qu'elles n'ont point pour objet inmiédiat la
défense nationale. Encore n'est-ce que par une
faveur très-insigoe qu'il excepte celles qui ont ce
but, H et çuc peut-être, dit-il, on pourrait
alors justifier, (i ) En dernière analyse , il pense
ft qu'il est presque toujours déraisonnable de
» grever l'industrie générale pour encourager
» celle de quelque classe particulière de maou-
» facturiers. »
J'ai souvent combattu Smith , et je le combat-
trai encore en cet endroit. Cependant, je me ran-
gerais assez volontiersà son opinioosur les primes,
s'il la généralisait moins. Il est constant que I'od
a souvent fait de cette institution un abus déplo-
rable. La prime était - elle donnée à l'exporta*
tion , on trouvait les moyens de la toucher , et on
n'exportait point. Il en était à peu près de même
à l'entrée. Quelquefois les primes s'accordaient
en raison du tonnage des navires ; alors on en
( I ) Totn. III, pag. laS.
N Google
a54 L I V R E I I 1.
exagérait la coatïneoce. Ce genre de gratiHca'
lions avait Heu en France , avant la rëvolution ,
pour les navires employés à la traite , et l'on ne
peut nier que plusieurs ne se la soient fait adju-
ger sans y avoir le moindre droit.
J'ai rapporté quelques-uns des ioconvéniens de
l'iastitution ;mais il est aisé d'apercevoir qu'Us ne
lui sont point inhéreas. Une administration éclai-
rée pourrait facilement les prévenir , et la ques-
ùon est de savoir si l'institution est vicieuse en
elle-même.
Smith lui reproche de grever l'înduslne gé-
nérale en fÙTeur de quelques manufacturiers. Il
n'est ici question ni de grever l'industrie géné-
rale , ni de favoriser quelques manufacturiers; iJ
s'agit au contraire d'examiner s'il peut être utile
au pajs de soutenir, dans quelques circons-
tances, une branche d'industrie dont la chute
entraînerait celle d'un conmierce avantageux ,
de la soutenir, dis- je, non pas aux dépens de
l'industrie générale , mais en faveur de cette
même industrie. Je suppose que la France ,
possédant 1* commerce exclusif d'un pays quel-
conque, plusieurs nations rivales cherchent à
le lui enlever ; or , ces 'notions ne peuvent
offrir à meilleur compte qu'une sorte de mar-
chandises. Que fait l'administration en France ?
Elle accorde une prime à l'exportation de cette
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. a55
même sorte de marchandises. Les négociana
français peuvent alors l'élablir à un prix pliu
modéré ; ils écartent ainsi toute concurrence , et
demeurent seuls maîtres d'un marché qu'on vou-
lait leur ravir, et dont on aurait peut-être fini par
les expulser absolument sans cet acte d'habileté.
L'exemple que je propose n'est point commd
on pourrait le croire une hypothèse créée à plaisin
Les Anglais l'ont réalbée vingt fois dans le cours
du dernier siècle , et presque toujours contre les
Français, qui n'entendent absolument rienàcette
espèce de guerre.
Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insister
pour convaincre que les primes , au lieu de gre-
ver l'industrie , la servent toutes les fois qu'on
ne les détourne point de leur véritable destina*
tion, et qu'on sait les employer., D'ailleurs, avec
quoi les acquitie-t-OD ? Avec le.produit des droiu
imposés sur des marchandises de luxe dont il in^
porte de restreindre la consommation. Les cent
mille écus que vient de' payer un navire Arrivé
des Indes, serviront peut'être d'encouragcanent
à des fabriques qui s'établissent. Le: remède se
trouve ainsi naturellement placé à câté du mid,
et ce sont ceux mêmes auxquels on aérait fondé i
le reprocher qui le réparent. Je ne vois pas oom^
pient un ordre aussi admirable pourrait en ries
préjudicier à l'industrie.
ji-vGoogle
.56 LIVRE I I I.
C^wndant , je le répète , les primes donnent
lieu à }}eaucoup d'abns. C'est une însûtutiou quiî
ctige la plus gramle habileté , et dont il faut tou-
jours user avec réserve. Mal employées , des gra-
tUicatiODS auraient le double iaconvécient d'aug-
menter les impôts , et de favoriser la paresse ou
l'ignorance des fabricans. Bien loin de servir fin*'
dustrie , elles en retarderaient alors infaillible-
ment les progrés.
Voici l'état actuel de la législation sur cette
partie de notre système commercial '- La loi du
S floréal an 11 accorde aux raffîneurs, pour le
sucre en pùn qu'ils exportent , une prime de
35 francs par cinq myiiagrammes. Cette prime
n'est , à proprement parler , qu'une restitution
des droits payés à l'entrée , et même elle est in-
complète. Deux arrêtés du gouvernement , l'un
du 9 nivôse, l'autre du 17 ventôse an 10, accor-
dent des eocouragemehs à la pêche de la baleine
et de la morue. Ces encouragemeus sont, pour
la pêche de la baleine , une gratification de 5o fr.
par tonneau , et pour celle de la morue , une
prime de 5o fr. par homme d'équipage , quand
cette pèche a lieu au grand banc , et de 1 5 fr.
quand elle est faite au banc de petite pêche. In-
dépendamment de cette prime , qui se pâte au
départ , il revient encore aux armateurs , par cinq
myriagrammes de morue , savoir :
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. nSf
I*. lafr. quand les navires cflèctucnt leurre-
tour aux colonies , ou que la momeyest expédiée
de nos poru de l'Océan , après avoir été importée
en France..
a*. 6 fr. pour celles exportées des ports fran-
çais de la Méditerranée , en Espagne , en Por-
tugal , en Italie et dàlis les Echelles.
5°. Et S fr. quand la morue est exportée des
lieux de pèche , en Italie , en Espagne et en Por-^
_tugal.
Le but de ces encQuragemens est de muldplier
les armemens pour la pèche , aCm d'arriver ait
point de nous passer de l'étranger , dont nous
aommesaujonrd'huitiibutait-M.IIs ont également
pour objet de fbi'mer des matelots , et dabS ce
cens , ils appartiennent à cette classe de primes
que Smith juge susceptibles do faveur , parce
qu'elles t«)deut à accroître les moyens de défende
nationale. Je tenuiae ceque j'avais à dit** des pri-
mes , en priant d'observer que celle accordée à
la pécbe de la baleine , et qui se calcule sur le
tonnage du navire , ne peut aujourd'hui donner
lieu k aucun abus , parce que la jeauge des b^ii-
mens se &ic contradictoirement par deux admi-
nistrations chargées de veiller aux- intérêts du
trésor public , la marine et la douane.
Ce chapitre ne contient que des observations
très-communes , que tout le monde pouvait iâire,
»7
N Google
;£» LIVRE IM.
et tfae sans doute on a déjà faites. Il n'appreddra
nea à bvstuxmp de lecteurs, qui ne uoDcevrbiit
jnéme pas que j'aie pu écrire de pareille^ inuti-
lités. Je voudrais les supprimer ; mais j'ai la
preuve qu'il existe en France des hommes d'ail-
leurs très-éclairés , des administrateurs , etc. , qui
sont absolument étrangers à notre système com-
jDQercial , et a'eo soupçonnent même pas les poiqts
fondamentaux. Dans des ouvr^iges encore rô-
cens, on conseille sérieusementau gouvernemeat
d'exempter à la sortie les marchandises de fabrt-
catioD uatiouale, (qui ne doivent rien) et de
rendre franches à l'importation les matières pre-
mières. ( qui ne sont pas tarifées. ) Je vais plus
Ipia : il y a des hommes publics en France qui
^e savent pas que nous avons des douanes. Cette
ignorance est la preuve de l'extrême indiflerenoA
avec laquelle ou s'occupe chez nous des iosûtuv
Ùons qui ont la prospérité du pays pour objet.
Ce chapitre subsistera donc , et probablement il
trouvera des lecteurs qui me pardonneroot de
l'avoir conservé.
J'examinerai dans le suivant la question de«
prolùbitioDs ; c'est la plus imporuue du système
cyiomercial.
N Google
DU SYSTEME GOiVIMERClAL. 359
-^-" -■.■■' - ' . 1 [— I — rma:
CHAPITRE IIL
Des Prohibilioni.
OooiQUE je D*aie point encore parlé des pi-ohi^
bidons , on p«ut dès à présent soupçonner leur
noùf et leur but d'utilité. La prohibition à la
sortie empêche que le commerçant étranger, par
des spéculations habiles, ne nous dépouille des
matières premières qui servent d'aliment ù notre
jodustrie ; celle à l'entrée écarte du marché inté-
neur les marchandises que la modicité du prix ,
«t peut - être la supériorité de la fabrication , te-
iraient préférer à celles de nos manufacturés. Les
prohibitions sont ainsi doublement fitrorables à
l^industiie indigène , puisqu'elles servent d'une
part à l'approvisionner de matières brutes , et
de l'autre , k ce que ces matières travaillées ne,
Btanquent point ensuite de consommateurs.
Les objets prohibés à la sorûe de France sont,
fntr'autres.Iesdrilles, les bois de construction,
le bois merrain , avec lequel on fait des tonneaux ,
le chanvre, le lin, les métiers pour les fabriques,
les peaux de lapins , etc. Les marchandises dé~
Rendues à l'entrée sont en plus grand nombre.
N Google
3«o L I V R E I I I.
Jlndique seulemeat les principales «spèc«s :
Etoffes de laiae et de cotoo , ce qui comprend lé
Casimir, le basin , le piqué, le velours et la bon-
neterie î étoffes de goût , comme mousselineite ,
nankinette , etc. ; lalaïence , la sellerie , la quia-
caillerie , la verrene et le tabac fabriqué.
Les prohibitions sont -elles utiles? telle est U
question qn'ou fait tous les jours , qu'on trouve
discutée dans tous les livres, et qui n'est résolue
nulle part. Je dis qu'elle n'est résolue nulle part ;
car que prouvent des solnùons qui se contredi-
sent , et dont aucune n'a pour elle l'évidence ? Je
vais hasarder quelques réflexions.
La probibition à la sortie empêche le cultiva-
teur et le propriétaire de matières premières , d'en
tirer un parti aussi avantageux que si la concur-
rence était libre. On ne peut nier que cet efTèt
n'ait lieu ; mais le préjudice que la prohibition
cause ainsi à quelques individus , ne tonme-t-il
pas , en dernière analyse , au profit de Hudus-
trie nationale ? C'est œ quHI s'agit d'examiner.
J'ai déjà parlé de l'efl^tque produirait la sortie
des chiffons. Je suppose de nouveau qu'on la per-
mette » non k quelques négocîans , mais à tous.
Les chiffons valent en France 5 A", le quintal j la
concurrence étrangère les feranionterà ao.llen
résultera sans contredit un bénéfice très-considé-
rable pour ceux qui vendent des chiffons ; mais
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCIAL. î6'i
privées de cette matière première , avec quoi s'a^
limeoterODt dos papeteries? Rien ne s'opposera ,
dira - 1 - on , à ce que \es papetiers s'approvbion-
neut de chiilÔDS à ce prix. Sans doute ; mais voua
paierez alors le papier quatre fois ce qu'il vaut
aujourd'hui. Quel avantage s'easuWra-t-'îl pour le
pays?
Je vais plus loin. La concurrence ètapt libre ,
les étrangers vous enlèveront vos chifTons , et
comme ils oat plus que vous l'aFt d'écoqomïser
le temps et le travail , ils vous forceront à le«
leur racheter manufacturés. Ainsi , en aduiettant
que la vente des drilles ait procuré à la France
cinq millions, il faudra que la France en donne
quinze pour racheter du papier. Il n'y a pas là de
quoi s'applaudir beaucoup , je pensa , de la des-
truction du prétendu monopole.
Autre exemple ; Nous prohibons à la sortie
le bois memûn, avec lequel on fait des tonneaux
Ce bois est très-rare , très-cher , et le plus sou-
vent , malgré la prohibition , nous en manquons
pour les récoltes. Quand vous en aurez permis
l'exportation , les étrangers viendront l'enlever ,
et si vous en éprouvez ensuite la disette , comme
il arrivera indubitablement , ils vous feront payer
les tonneaux quatre fois, dix fois ce quHs vous
les auront achetés. Me direz - vous , avec Smith ,
que les propriétaires de bois merrain ue les ven*
N Google
a6> El V RE I I I.
drQQt pas à rétraoger, parce <}ue tîntêrêtprhê
laissé à sa pleine liberté, porte nécessaire^
ment les possesseurs de capitaux h préférer
V emploi le plus favorable à l'industrie natio-
nale ? Croyez - moi , ne vous y fiez point , et
gardez vos tonneaui.
On voit par ces deux exemples que les prohî-
Liiions à I» sortie favorisent \p consommateur en
même temps qu'elles servent le pays. Nous nous
convaincroDS dans un moment que les prohibi-
tions à l'entrée conduisent au même résultat ,
relativement au pays , mais par un chemin qui
semble contraire, c'est-à-dire, en lésant en
apparence le consommateur.
Nous ne pouvons aujourd'hui recevoir de l'é-
tranger des étoffes de laine. Prenons donc pour
exemple du casîmir. Tout individu qui veut s'ha-
biller de cette étoffe, est obligé de la payer qua-
rante sous par aune environ de plus que si ja
prohibition n'existait point. C'est saos contredit
un inconvénient. Voyons si quelqu'avantage ne
le rachète pas.
Remarquez d'abord que , sans la prohibition ,
TOU£ n'auriez point de casimir français; earilest
évident que , ne pouvant soutenir la concurrence,
les fàbricans seraient ruinés ; et chacun d'eus en-
traînerait -dans sa perte un grand nombre d'où*
N Google
DU SYSTEME COMMERCTÂL. a6S
mer» « - dont la meadidié deviendraU rwoique
ressource,
, Je prie d'observer, en second lieu, que les ca«
nmirs ÎDirodaits de l'étranger dans le pays , de-'
'paient être payés d'une manière quelconque.
Aujourd'hui , par exemple , ils ne pourraient l'être
qu'en numéraire. Les partisans du système que
je combats ne cesseront de répéter que ce n'est
point un mal , parce qu'un capital eu Casimir sert
autant le pays qu'un capital en argent ; et moi je
ne cesserai de soutenir qu'un pareil paiement se-
rait très-onéreux à la France , parce qu'avec son
capital en argent elle aurait créé d'autres capi-
taux productifs, tandis que son capital en Casimir
ne créera rien et s'anéantira très - promptement :
c'est maintenant au lecteur à prendre un parti,
' Mois en admettant que le capital en numé-
riûre avec lequel vous pourriez payer le ca|)ital
en oasimir,ne fût pas plus utile que cetui-ci , tou-
jours est^il qu'il aurait été plus avantageux de se
procurer ce Casimir dans lepaysméme, puisqu'a-
lors l'opérauon eût appartenu au commerce inté-
rieur, et que chaque opération de ce commerce ,
d'après Smith , remplace deux eopitaux natio-
naux. Certra, le bénéfice qui en serait résulté pour
le pays dédommagerait bien le consommateur
des 4o sous que lui aurait coûté de plus par aune
dp Casimir saticmal peut-étrt «d peu moioS'bfaa.-
N Google
26i L 1 V R E r I I.
Les proliîbitions à TeotréeMMit, dit-.on , des
moDOpoles îmagiiKS eu faveur des manuCicbi-
riers, coaire Les consomiiuiteurs : point du tout.
Les prohibiiloiis serveot le» coDsoramateura
comme les maoufacluriers , par la grande raùeB
qu'elles serveot le pays. Ce fabrioaut de casimir
que DDUs avons ruiné en pemeitaiit l'entrée des
marchandises anglaises, u'était-il pas coDsomm»<
teur comme vous, et même beaucoup plus que
vous? Ne faisait-il pas travailler , avec les pro-
fits de son industrie, uee foule d'ouvriers qui
seront désormais réduits à la misère ? N'avatC - il
pas des capitaux qui vont s anéantir ponrlepays?
?{'entreiGnait - il pas par son luxe , par ses dé*:
penses , un nombre considérable d'individus ?et-
vous tout le premier , peut-être , qui êtes ou son
géreur , ou son commis , ou l'iDstitateor de sea
enrans,ou sou architecte? Vous voy«zdoncHen<
qu'en lui retirant les moyens de travailler, sous
le prétexte de faire gagner quarante sous par
auae à tous ceux qui achètent sou casinur , vous
nvez ruiné non - seulement Im qui I* &biique c»
Casimir, mais encore plusieurs de ceiixqiû l'an-
raient.acheté, puisque ceuxrlà mèines devaientà
ce fabncant une partie d« leurs moy«is d'exi»-
tence.
Que £iiies-vous quand vous achetez .du casimir
anglais ? vous donnez du soutien à l'iodusirie du
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCtAL. aSS
pea^Ie tpii le produit. EU bien, payez-le sans re-
gret quarante sous de plus par aune , et procurez
dutraTÙl à des Français qui sont vos compa-
trioiee» *t que vous préf^'CB saas doute à de»
étrangers.
'Mais est-il dose oéceasaire , me demande t-on , >
que des manufacturiers français fabriquent du
Casimir? «i puisqu'ils ne peuvent |>as l'établir' à
ausei bon morclié que d'autres peuples, ne vau-
drait-il-pas beaucoup mieux qu'ils exerçassent
Jeun industrie plus utilement ?
Plus utilement ! et sur quoi voal«z-TOUs donc
qu'il» Texertwnt ? Fabriqueront - ils , comme il y
deux siècles , des étoffes -à fleui-s et à ramages,
dont persDone ne «e souciera , ni vous , ni les
étrangers ? Vous avez contracté le goût du casi-
imr : ils cbercbent à le satisfaire. Us ne peuvent
mieux employer, lours capitaux. Je dis plus : tl*
n'ont que ce moyen de lesemployer^car enfin « la
coosommation a des borneSiCt s'ils ne itibriquent
paa du casim^ , ils ne fabriqueront- rien du tout.
H Au moyen de serres chaudes, dit Smith, (i)
» -de couches , de châssis de; verre , on peut &ire
» crt^tre en Ecosse de Ibrt bons raisins, dont on
u peut faire aussi de fort bon via , avec trmte
» fois peut- être autant de dépense qii'il en coû* ■
(i) Tome in» pt|« 64 ■■ •
ji-vGooglc
a66 LIVRErtt
M terail pour s'en procurer de tout anssï bon de '
» 1 étranger. Or, trouverait-on bien raisonnable
• un règlement qui prohiberait l'importation' de
» tous les vins étrangers, uniquement pour en-
» courager à faire du Bordeaux et du Bourgogne
> eu Ecosse? » 11 faut avouer qne voilà un sin-
gulier rapprochement. Or , Smilh en lïre la'con-
séquence : « que quand un pays a sur un autfe la '
^ supériorité de la fabricstion , il est toujours
> plus avantageux pour celui-ci d'acheter du pre-
>» mier que de faire soi - même. » Conclusion
fausse , destructive de toute industne , et qui re-
vient au raisonnement suivant : L'Angleterre fa- '
brique le casimir mieux que la France ; donc il
serait contre lïntérét de la France de chercher' à
en fabriquer elle - même , afin de se passer un'
jour de l'Angleterre. Ce raisonnement tne paraît
très- peu concluant , et je crois qu'il ne peut être
goûté que par un Anglais.
Au surplus, le pays qui voudrait suppléer ,
par des moyens factices , à des productions étran-
gères qu'il ne pourrait établir chez lui qu'à grands
frais , ne ferait point une mauvaise o[>ération , s'il
n'avait pas d'emploi plus utile à donner à ses ca--
pitaux ; mais l'exemple cité est ridicule , parce'
qu'il porte sur des productions du sol qu'on ne'
peut jamais remplacer. Je suppose donc qu'une
nation riche de cent millions en 'numéraire 'a
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCIAL. 267
trois nÙIlîoDS âe fonds morts, et beaucoup de
bras à employer. Une Dation voisine fabrique uoe
étofTe nouvelle , dont l'usage panrït devoir s^n-
troduii'e chez la première : je demande quelle
conduite celle-ci doit tenir.
La question est délicate j réfléchissez-y bien.
Je la résous d'après les principes de Smith, et
je dis:
i^. Un capital de trois millions en numéraire
n'est pas plus uùle qu'un capital de trois millions
en étoffes.
3°. Quand une nation est en possession d'une
fabrication quelconque , il vaut mieux acheter ches
elle que de fabriquer soi-même.
Donc In nation qui a trois nùllions dont elle
ne se sert point, n'en peut faire un meilleur em-
ploi que de l'échanger cootre une pareille valeur
en étoffes ; et le marché se conclut eutre les deux
nations.
Au .moyen de cet arrangement, l'une est plus
riche de trois millions en numéraire , et l'autre
de trois millions en étoffes ; mais quand ces trois
millions en étoffes sont consommés, il se trouve
que la nation quï a placé ainsi son argent n'en a
plus à employer de la même manière ; et là voilà
désormais réduii:e ou à se passer de la marchan-
dise .dont elle s'est fait un besoin , ou à se la pro-
curer en, aliéuaut ses capitaux.
ji-vGooglc
a68 L I V R E I r T.
Je résous maînteDant la question d'après les
priûcipes établis daos cet ouvrage,
i". Le numéraire est le plus précieux des ca-
pitaux , parce qu'il les crée tous.
3°. Toutcommerceextérieurestruineuxqaand
il se fait en argent.
En conséquence , la Dation citée pour exemple
commence par prohiber la marchandise dont elle
prévoit que la consommation lui enlèvertiit son
numéraire. Ensuite , comme elle a quelques mil-
lions qui dorment et des bras inaciifs , elle em>
ploie les uns et les amrea à la fabrication de cette
même marchandise. Ses premiers essiûs ne sont
pas brillans ; cependant elle s'en contente. Peu k
peu cette partie de son industrie se perfectionne ,
et bientôt elle parvient à établir la marchandise à
un taux à peu près aussi avantageux que la nation
voisine. Alors elle en possède la fabrication ik
jamais. Elle est plus riche , puisqu'elle a plus de
travailleurst et elle ne dépend de personne.
Cette nation, dans la conduite que je lui prête ,
me paratt écononake et prévoyante. J'y vois l'image
de la France^ écartant de ses marchés des objets
étrangers qu'elle peut Ëibriquer elle - même; et
je nesaurùs croire qu'on préfère h cette politique
sage et justifiée par l'expérience , la conduite lé-
gère d'une nation qui, ne voulant ptûnt se con-
tenter de ses propres producùoiu , aliénerait ses
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCIAL. 269
capitàui pour s'en procurer de plus parfaites.
Sinilh emploie pour justifier la nation qui
achète à l'étranger les objew qu'elle ne peut pas
établir à un prix aiBM modéré , des argumeos
brillans , mais faux , contre lesquels je dois pré-
munir le lecteur. < La maxime de tout chef de
» famille prudent (1) est de ne jamais essayer
» de l^ire chez soi la chose qui lui coûtera moins
» à acheter qu'à faire. Le tailleur ne cherche pas
s à faire ses souliers , mais il les achète du cor-
» donnier ; le cordooaîer ne tâche pas de faire
» ses habits , mais il a recours au tailleur
» Ainsi, quand. un pajs étranger peut nous
^ fournir une marchandise à meilleur marché
* que noua ne sommes en état de l'établir non»*
» mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui
D achetions. > Ces rappt-oâhemens , d'ailleurs
très-ingénieux , ont le grand défaut de ne point
-s'appliquer à la question ; Smith n'en tire , par
cette raison ,que des conséquences erronnées. Le
tailleur ne cherche point à faire ses souliers t
pourquoi? parce qu'il ne pourrait se livrer à ce
travail sans penlre un temps très -précieux, qu'il
sait employer plus ntllemeut. Aussi ne sera-c«
point Un imprimeur , par exemple , qui cher-
chera à faire du caûmir , ce qui serait extrava-
( I ) T«m. ni , ps|;. il.
N Google
stjo L 1 V R E X ï L
gant ; mais un fabricant de lainage y auquel il
reste des capitaux iùactifs. Or , ce f»bricant , qui
«e Hvre ainsi à ud nouveau genre dladustrie , ne
renonce point pour cela à celui qu'il exerce dès
à présent } seulement au lieu d'occuper ànquante
ouvriers , il en emploie soixante. C'est une aug-
mentation de travail pour lui comme pour la na-
tion , et par conséquent une augmentation de ri-
chesse. Remarquez bien , je vous piie , qu'il n'a-
vait que ce moyen d'utiliser ses capitaux ; car il
làbriquait en draps de quoisutfireaux demandes.
11 fallait donc qu'il fabriquât du Casimir, ou qu'il
ne fabriquât point. Décidez : que vouliez - vous
qu'il fit?
Mais il est évideot que ce fabricant n'aurait pu
soutenir la concurrence de l'étranger , si vous
aviez admis celui-ci dans le marché intérieur.
Or , vous l'écartez par une prohibition ; il n'y
a pas de mesure plus conforme à vos vrais înté^.
rets.
Pour que le rapprochement très-hrillant , mais
très - faux , de Smith , fût susceptible d'applica-
tioD , il faudrait, i^. que les capitaux du pays
fussent tous employés; a*, que ce pays n'eût pas
un seul oisif. Or, ces deux suppositions sont
inadmissibles , et du moment où il restera seule-
ment un capital de mille écus et dix fainéans , je
demanderai toujours pourquoi on n'emploierait
nGooj^Ic
DU SYSTEME eOMMERCUL. a-^
.pas ce capital et ces faloéans à produire du oaà-
iair,,plu0tque de les laisser. ioactifs.
Smith nous persuadera-t-^I , avec son cordoo-
uier qui se ruine en faisant ses habits, qu'il pas-
sera par la tête de nos- imprimeurs, de nos tan-
neurs,, de nos architectes, etc., d'abandonner
leur profession , quand ils y sont sufUsamment
occupés , pourentreprendre des essaisde casimir?
Mais cela est absurde.
L'exemple du chef de famille, dont la maxime
est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose
qui lui coûtera moins à acheter qu'à faire , con-
duit à la même solution , et bien plus rapidement*
Certes , un chef de famille dont tous les enfans
feraient utilement occupés , aurait grand tort de
les détourner d'un travail avantageux pour les
employer à faire leurs habits , ou tel autre ou-
vrage intérieur ; mais tint qu'il y a parmi eux
quelques oisifs , c'est une très -grande économie
pour la maison qu'il tire parti de leur temps,
Ainsi , en supposant que dans une famille de
huit personnes , il y ait deux filles que les travaux
du ménage ne réclament point , ce sera un grand
profit pour cette petite république, qu'elles s'oc-
cupent à filer la toile avec laquelle leur mère et
leurs sœitrs s'habilleront. C'en sera un également
qu'elles la façonnent ensuite elles - mêmes , ainsi
Que leurs robes et leurs ajustemens , quoique
N Google
373 L I V R E I I I.
des couturières les ilssent beaucoup mieux et en
bieo moins de temps. iJbe famille qui aupaifcet
•ordre inférieur mériterait sans doute d'être nûiil-
■méè sage et économe. Eh bien , ce qui est sagesse
«t économie dans une Aimille , doit être aussi sà-
'gesAe et ëconomie dans une nation ; et je vous lè
'ilemande de bouveau , en connaissez - tous une
«enle où il ne reste des capitaux et des bras
oisifs?
■ Les gouvernemens, dit M. Canard î (71.)
n s^nquiètent de voir qiie les Individus se four-
M nissent , pour leur consommation , de marchan-
> dises étrangères. Ils s'imaginent qUe ces imi-
n portations fontlanguir les manufactures natit^
R nalés t font sortir l'argent , et diôainlient Iti
» niasse des ricHessçs. Mais il faut considéra
» que toutes les fois que l'on préfèrfe tes itiaf-
p clumdbes étrangères à celles du paj^ , ééit
» que les étrangers les vendent moins cher', k
» qualités égsJes , que les industrieux nationaux.
» 11 en faut alors conclure qu'il eigt pliïs avanta^
» geux pour la nation que cette marchandise toit
» faite par des mains étrangères ; et si les iùdus-
» trietix ntitionanx , malgré l'avantage qu'ils O^t
» toujours sur les ouvriers étrangers , leur lais-
H sent le cltamp libre , c'est qu'ils ont trouvé
» plus avantageux d'appliquer leur genre, a'iii-
M dusirie à une autre branche^ c'est qu'culiu ils
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 275
" 8M"**" davantage à faire autre chose. » Ib
gagnent à faire autre cliose! mais cène aonipoiia
les ourrient qui gagnaient à fiiire autre cUose ,
qu'on a été chercher pour fabriquer du ca»mir :
«t ces ouvriers, auxquels vous procurez tout à
TOtre aise de Touvrage , gagneraient si peu à faire
autre diose, que si vous les empêchez de fabri-
quer du Casimir , ils mourront de faim.
La prohibition des bleds , sur laquelle On a tant
^rlt, doit se juger d'après des principes beau-
coup plus rigoureux que celle des autres matières
premières. Celle-ci est bien autrement.précieuse,
puisqu'elle assure la subsistance publique. Ce-
pendant , il est des circoastances où l'exportaliou
ne saurait, être un mal ; mais on . n'^n pourrait làire
un.pnncipe çonstantde législation, satiss'expQser
aux plus grands désastres.
. La liberté des. grains favoriserait l'agriculture
aux dépens de l'industrie , parce que le bled de-
Tenant nécessairement, plus cher par Ja concur-
rence des acheteurs , tous les salaires augipçqte-
raieot. Les cultivateurs gagnant plus d'un çôt^,
dépenseraient davantage de l'autre : jusqi^'ici je
n'aperçois aucune utilité réelle.
La valeur du bled exporté rentrerait , il e^t
vrai , en. marchandises ou ei) numéraire^ mais cet
marchandises et ce numéraire, nous pouvons nous
Ia^ procurer avec les productions de notrç indiis-
18
ji-vGooglc
a74 L 1 Y R E I 1 I.
trie , et beaucoup plus sùremeot , beaucoup pltlS
constanuneDt , parce qu'en maûcre de fabrique^
il D'y a point d'aDoées de disette à craindre. Sup-
posez une pareille aunée et l'exportation libre , Isi
étrangers accapareront vos bleds ; ils les accapa»
reroDt même dane des années d'abondance. Vous
leur rendrez alors en un an ce que vous aures
gagné en dix : heureux si la pénurie n'amène .
pasdcs bouleversemens dans le corps politique!
Car le peuple est , dans tous les pays , porté à h
révolte , et quand il manque de pain, cette dispo^
ntion se change en frénésie.
Si tous ceux qui conseillent de laisser sortiv
librementlesgrains, répondaient sur leurlétedei
effets d'une mesure aussi délicate , je doute qu'ils
fiissent très-empressés à en solliciter l'eiéeutiouj
On a écrit deux cents volumes sur la libre ex-*
portation du bled. Je n'ai pas prétenda résoudre
une question de cette importance en deux pages;
D'ailleurs , elle appartient plus à la poliliquS
qu'au commerce , et s'écarte par conséf^ent dtt
noD sujet. Je m'empresse d'y rentrer.
Il Doe reste à examiner conuneot Smith juge
quelques prohibitions fameuses , en leur appli-
quant ses principes.
Smith condamne la prohibition du Dumerainf
à la sortie. C'est une conséquence de sa doctritie
dans laq^ielte cent miile £raaes en argent ne ser»
N Google
DU SYSTÈME COMMERCIAL, s^â
Vept fas plus le pays que cent inille francs en
marcbandises. Quoique je n'approuve assurément
point celte manière de considérer l'argent , la
prohibition du numéraire me paraît «n «t^nérai
peu utile. Il importe sans doute d'empêcher qull
ne sorte ; mais ÏI faut en pfévenir l'eiportatioa
Botrement que par une prohibition qu'il est d*ail-
Jeurs bien difïicile de faire exécute*-. Lorsque
toutes les parties de votre système commercial
seront bien eu harmonie , le pays n'achètera à
l'étranger que dans la proportion de ses ventes.
La prohibition du numéraire deviendra ainsi sans
objet. Mais tant que la nation aura à payer une
solde en numéraire, il faudra néctàsairement
qu'elle l'acfjuitte, et la prohibition ne servira
qu'à lui rendj-e la Êraude familière , en lui faisane
un -besoin d'y recourir.
Ces observations généralement fondas sont
susceptibles (}e quelques modifications , suivant
Je» circonstances. Dans des momens de troubles,
ou au conamencement d'une guerre , quand heau-
.coup d'individus sont disposés à s'expatrier , il est
Mge de prohiber la sortie du numéraire. De
grosses sommes franchissent alors assez difîiàlfc-
ment les bari-ières, parce que l'on connaît le»
passages , et que le service des lignes redouble
d'activité. Pour éviter les dangers de la contraven-
tion, les parùculiera aiment nùeui convertir le:u-
N Google
ii7fi L ï V R E 1 I I.
argent en marcliaodises nationules qu'ils expor-
tent , et sur lesquelles ils consentent à perdre
cinq ou six pour cent. Au commencement de I*
révolution , il s'est fait quelques envois de ce
genre ; il est 1res - fiiclieux qu'ils n'aient pas été
beaucoup plus considérables.
La proliibitioD du numéraire à la sortie d'Es-
pagne est la plus ridicule et la plus absul'de que
je connaisse , non pas parce qu'elle a pour objet
'd'empêcher que le numéraire ne sorte , mais parce
qu'elle n'empêche pas qu'il ne sorte.
Smith , généralement si contraire aux prohi-
bitions , s'y nlODtre favorable relativement à
l'importation des métiers propres aux manufac-
tures. En France , nous les prohibons à la sortie ,
parce qu'il ne nous paraît pas ti-ès-utile d'enrichir
les étrangers des moyens que nous avons d'éco-
nomiser le travail. Smith incline , lui , pour qu'on
les prohibe à l'entrée. Cette opinion est bien
extraordinaire.
Lorsqu'il s'agît de métiers dont tout le monde
connaît le secret , il serait effectivement ioutila
d'en favoriser l'importaûon ; mais l'exportation
doit toujours en être prohibée , malgré Smith ,
qui s'élève avec force contre les peines auxquelles
elle donne lieu en Angleterre, (i) La fabrique
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 277
de bonneterie de Ly<Hi pl'ospériiit à l'époque oi»
Louis XV permit l'exportation des métiers. L'Es-
pagoe , le Portugal , la Russie , l'Allemagne et la
Pinisse en tirèrent liuil cents de cette seule ville ,
et ne demandèreot plus de bas, (1) Aussi ses fa-
briques éprouvèreDl-elles, un échec terrible , quq
bien des années n'ont pu réparer qu'imparfaite^
ment.
Je trouve dans une note du traducteur da
Smith , des détails très-iutéressans sur la prospc'
rite croissante de la Kussie. L'importation de»
draps s'y étant élevée, en 1796, après de six mil-
lions de roubles en valeur, Paul I*^ crut devoir en
encourager la fabrication. Le traducteur nous ap-
prend lui - même « que les peuples nomades dea
M frontières de la Chine , qui n'étaient pas dans
» l'usage de tondre leurs troupeaux , fournirem
» aux nouvelles manufactures du pays de quoi
» remplir leurs magasins pour deux ans; qu'ainsi
» Paul 1*' donna de la valeur à un produit qui
j> n'eu avait aucun. » Une mesure qui conduit a
, pie. pareils résultau , fait certainement l'éloge d*
l'administration qui la prescrit. Eh bien , l' auteur
■ de la note n'y voit qu'une conséquence de la
doctrine mercantile qui subjugue tous les gou-
uaitemtnt <lu RKône,
■vGoo^lf
378 L l V R E I I I.
vememens de £ Europe. Que voulex-rous que
je lui réponde ?
' ' Smith s'<-teaâ beaucoup sur I» proliibition des
laÏDes à la sortie d'Angleterre. C'est de toutes les>
prohibitions celle r|ui a donné lieu ans lois les
plus sévères j aussi la blâme - 1 - il sans niénuge-
mcnt. On est oaturcllémeot porté à induire de
là que la libre exportation serait , au moins selon
Smith , trcs-avaotageuse à l'Angleterre ; et l'on
pourrait, en effet , trouver fort extraordinaire
qu'il ne pensât pas ;jinsi. Or, on va voir dans
quelle contradiction il tombe.
Le motif de la prohibition des luines est la
grande utilité de cette laatïère premièi'e , avec
laquelle l'Angleterre occupe deux millious. et
demi d'individus , ( le quart de sa population ) et
manufacture pour une valeur annuelle de quatre
cent quarante millions de francs. Ce, motif ne
semble d'aucun poids à Smiih ; il veut que I«
commerce des laines soit libre.
%
Mais si ce oommen-ce était libre , la France et
toutes les nations qui ont des manufactures dé
lainage, iraient s'en approvisionner en Angle-
terre; Le pays se verrait ainsi enlever des ma-
tières indispensables à ses fabriques. Les expor-
taùoQS eo.étofies de laine , qui vont au)Ourd'hni
{1 plus de deux cent nùllians 1 seraient peut - êtrO
N Google
DU SYSTEME^ COMMERCIAL. 279
Fv4uit«3 au-qluf L3 peut-être faudroit-ily renoncer
absolumeDt.
. Saos doute , celte liberté , qui serait si funeste
à l'ioduslrie, tournera du moins au profit de l'ai
griculture. Les propriétaires de bestiaux les.miJ-
tiplieront'. Ils augmenteront ainsi le produit des
récoltes , et l'Angleterre trouvera , en vendant
des produits bruts, ce qu'elle aurait gagné eq
ycodant des productions manufacturées. Point
du tout : Smiih se donne la peine de nousinfor-
mer c que si la quantité des produits annyiels «
» pu se ressentir quelque peu des réglemens
M proliibilirs , elle ne s'en est pas trouvée beau-
» coup dihalnnée. m"(i)
Il est difficile après cela d'apercevoir comment
la liberté du commerce des laines , ne devant pa»
augmenter la production, pourra dédommager
des pertes de l'industrie. Peut-être encore cette
liberté , en rendant la concurrence plus grande ,
donnerait-elle au moins aui cultivateurs la facilité
de vendre plus cher? pas davantage. En effet , la
eoncurrence est dès à présent poussée aussi loin
qu'elle, peut s'étendre, parce que la production
est très- inférieure ara demandes, (û) /
( ■ ) Tom. m, png. 483.
ta) Cest le Iraclucteiir de Smitli lui-mènie qui non*
informe «!• cette païUcularité dao» s» 18' ii«lB h î**
aoelle je lenTOtC]
N Google
38o . L I y ÏV E J l ï.
D*UD outre côté, Smith assure que la prohi-
liilioD n'influe eu rien sur la qualité de la laiue ,
les soins qu'on donne à l'animal pour bonifier
son corps bonifiant aus» sa toison.
Ainsi , la liberté du commerce des lùnes ne
contribuepait ni à augmenter le prix de cetie
matière première , ni à multiplier sa reproduc-
tion , ni à en améliorer la qualité.
Son résultat unique sera donc d'enlever à
l'Angleterre une exportation annuelle d'étofles
de lafne , estimée plus de deux cents millions.
Or , je demande comment l'Angleterre réparera
une perte aussi considérable; je le demande au
traducteur de Smith , qui voit partout les fâcheux
effets de la doctrine mercantile de l'Europe ,
m^me quand cette doctrine enrichit évidemment
les états , comme l'exemple de la Russie nous l'a
prouvé.
Je demande surtout ce que deviendront les
deux millions et demi d'individus qui sont main-
tenant occupés à manufacturer les laines. Us tra.'
vailleront à la terre , me répond le traduc-
teur de Smith. Ils seront ainsi bien plus
utiles J me crient tous les économistes ; ils
donneront un produit net. — Us travailleront
à la teri'e ! vous vous chargerez donc d'augmen-
ter pour eux le territoire de la Grande-Bretagne.
ï4on , ils ne travailleront point à la terre ; il*
N Google
DU SYSTESïe' GOTiiMEàciAL. aB^i
mourront de faim , et c'est votre doctiiiie crrblir, '
ïiée et crueilè quieo sera la cause.
Après avoir prouvé , comme il le feit , que là
libre exportation de la laioe n'en aagmenteraît ni
la production , ni la qualité , il me paraît incom-
préhensible que Smith ait pu s'élever contre la
prohibition. Je ne conçois pas qu'on pousse ja-
mais l'aveuglement plus loin.
Que penseraît-OQ en Angleterre d'un membre
du parlemeat qui dirait aux chambres assem-
blées : « Messieurs, votre commerce d'étoffes dà
» Jaine crée annuellement une valeur de quatre
j> cent quarante millions ; il occupe deux mil-
» lions et demi d'individus. Vous devez tous ces
u avantages à la prohibition de la laine. Je de-*
» mande la suppression de cette prohibition. >
Je suppose qu'on lui laisse la parole ; il con-
tinue :
• Vous croyez , peut-être, messieurs , quie la
» libre exportation vous dédommagera des pertes
» de l'industrie. Il faut vous détromper : la li*
n berté n'augmentera ni la production , ni la qua-
» lité , ni le prix de la laine ; et quand vous auret
» adopté ma proposition , il vous restera à don-
» ner du travail à deux millions et demi d'ou-
» vriers , et un commence de quatre cent qua-
» rante millions à rétablir. »
Je doute qu'on fût curieux d'en entendre da-
ji-vGooglc
383 t I V R E I 1 1
vanU^ , et probablesteot l'orateur aurait méâîoi>
crement à se louer de sa harangue. Or , cette hk'r
raogue est mot à mot dans Smilii. Faut>il Vétoo-
ner après cela que les Âuglais le prisent si peaj
Au surplus , Smith , qui partout ailtetirs s'élève
contre les: droits , pense qu'il conviendrait' de
substituer à la prohibition des laines une forte
taxe. C'est ce qu'on appelle transiger avec ses
principes. Smith n'est pas conséquent. La libcné
du commerce des laines est utile oui ou non. Si
elle est utile, il la faut pleine «t entière^ si elle
ne l'est pas , il faut l'interdire.
Smith a eu occasion de parler de Montes*
quieu , et l'on imagine bien qu'il n'en parle que
pour le rc-futer. Cependant il y met des égards
et n'innsie point. Le traducteur de Smiili insiste^
loi , beaucoup plus. < Jl n'y a pas jusqu'à la dé-
» fense d'exporter les laines , (i) jusqu'à celle
» de transporter le charboa de terre autrement
H que par mer dans la capitale , et autres réglei-
N mens de cette espèce dont Montesquieu n'ait
» entrepris de faire honneur à la poltùque au-
s glaise. » Sans contredit ; oii est le m^al 7 De
«e que le traducteur de Smith ne partage pas
l'opinion de Montesquieu dans une malièreoù
presque tout est encore problématique , s'en»uit-
-^-— ■ ■ ■ »—
( 1 } Tome V, note 31., paga ao3. ..
N Google
DU SYSfTEME COMMEKCIAL. a85
îl abMlameDt quC' Montesifuieu se soit troupe ^
Mdntesquieu loue la proliibitïoo des laioec ,'
pwer qb'elle a eODtnbué à la richesfie de I'Âd-
gteterre. lia raisonné en cela d'aprèsl'expérïeace,'
qi^'îlvBBt toiijoura mieux consulter que les livres ;
ec quant à la défense de transporter le charbon-
diins la capitale autrement que par mer, qui nous
dit que ce règlement n'a pas un objet politique ?
qui ^nous .dit qu'il n'a pas été rendu dans la vue
d'accroître la marine de l'état? sernil-ce doacua<
règlement si absurde que celui qui [H-octu«rait>
à un pays maritime les matelots indispensables'
à «a défense ? et Smiib ne fait-il point pressentir
qne tel a été effectivement le but de celui sur
Ift troDsport du cbai'bon de terra? k Le eom-t
» 'luerce deS' cbarbons , qui a lieu de Newcattle
» à LondiTes,(i) emploie plusde bâtimensettte.
«'matelots que tout le commerce. de transport
M. de l'Augleterre. » ?t'en doutons point : ce ré-'
glemeot est très-sage , et quand Montesquieu ea
lâisait Itoaneur » la politique anglaise, il avait
d'excellentes raisons pour cela.
« 11 est remarquable , poursuit le tradoeteu*
»,de>Smitli, de votmn é<»'ivain français touri
» memerson esprit et sa raison pourexaherla
« police.abenrde et oppressive de TAngleterre *
{ij TonwII.pBge ^s.
ji-vGooglc
»84 t I V R E 1 ï r
» et l'auteur aDgIaîs supérieur aux préventhoos^
» nalicMutes comme aux préjugés de l'babitudev
» exposer au plus grand jour les vices et les i[i<>
■ coovéuieDS de ce système ruglemeotaire. > l\
y. a quelque chose de plus remarqunble : c'est do-
voir uu écrivain fraoçtiis , traduisaot Soûih, tour-
menter son esprit et sa raison , pour exalter
uu écrivaÎD aoglais aux dépens de Moutesquieu.
Smith accuse Colbert d'avoir le pccmîer douutt
l'idée des prohibitions, (i) Smitli oublie que l'acte
de navigation est antérieur à Tadmiaisiration de
Colbert ; et quelle prohibition que cet acte !
Quatorze pages plus loin , Smith nous apprend
que les moindres droits auxquels fussent assujéties
les marchandises de France , avant la guerre do
1779, étaient de soixante-quinze pour cent. Je
lis dans un mémoire encore récent du commerc^L
de Bordeaux, que les droits imposés à reni4:é&
d'Angleterre , sur nos vins, s'élèvent à cent trente-»
deux pour cent de la valeur \ ceux sur les eaux*>
de-vie à cent soixantC'trois sept onzièmes I « De
> leur côté , ajoute Smidi , les Français ont }«
» crois maltraité tout autant nos denrées et noK
» manufactures. » Smith se trompe. Nous avons «
comme l'Angleterre , prohibé les marchandise»
qui pouvaient porter un coup mortel à notre in-
,(> ) TQKie 111, pa^e 83.
N Google
DU SYSIÏME COMMERCIAL. »B5
dustrie'; mais jamais on n'a perçu , en France ,
des droits aussi monstrueux. Cent soixante-trois
«ept onzièmes pour cent de la valeur ! Je rap-
idité que les plus forts droits du tai-if actuel sont
dé aoà aSpour cent. Après cela,il esitrèi-curieux
d'entendre Smith vantei' n la liberté générale dd
M commères de l'Angleterre, (i) liberté au
u moins égale à ce qu'elle est dans tout autre
» pays. )t 11 n'y en a point où les gênes et les en-
traves soient plus multipliées qu'en Angleterre.
Les objets fabriqués , dont l'entrée y est permise,
ne sont admis que par certains ports. Ils ne peu-
vent ^re chargés que dans des balles du poids db
plas'de deux cents , ne contenant que la mém«
espèce d'étoffe. Les marchandises étrangères
trouvées dans l'intérieur du royaume , sans mar-
^e qui indique l'acquittement du droit d'entrée ,
sont confisquées , avec amende de cent guinées
par pièce. Les contrefacteurs de marques sont
punis de mort, (3) etc. Je ne blâme point les
Anglais d'avoir fait de telles lois. Au contraire ;
mai» je trouve étonnant que Smith vante la li-
berté du commerce de son pays, tandis qu'il
n'y en a point où le commerçant soit aussi gêné ,
«ussî accablé de formalités qu'en Angleterre.
( ■ ) T«in. ni , pag. lîgî.
(î) Voy» le MémoÛA dt H f onttfRRjr de Kouénsurle
THitida 17S6.
N Google
586 L I V R Elit
Smiih consâdère l«s proliibitions comme Aei
mesures hostiles qui amènent dps représailles «
et dont l'etfetestde causer un préjudice à toutes
les Dations. I^es prohibîttous ne sont point des
mesures hostiles , et les uiitioas qui les envisagent
ainsi s'en font une idée fnusse. Quand Colbert
arriva au ministère , il trouva la France dans un
état de dénûment absolu. Il lui interdit des dé-
penses qu'elle était hors d'état de continuer. Se»
lois furent des lois somptuaires , non des actes
d'hostilité, et je pense après tout qu'une nation
n'est pas plus coupable de s'interdire des produc-
tions qu'ellen'a pas le moyeu de payer, ou qu'elle
ne peut payer qu'en se ruinant, que ce le serait
un particulier qui s'interdirait le vin ou les spec-
tacles par des raisons d'économie.
Je ne nie point cependant que les prohibitions
n'entraînent quelquefois après elles des inconvé-
niens. C'est le sort attaché à toutes les institu-
tions j mais les inconvéniens des proliibitions ont
été eiagérés. Nous vendons toujours autant de
vin , autant d'eau - de -vie , que si le commerce
étJÛt libre, et nous fabriquons de plus beaucoup
de marchandises , qu'il faudrait , sans la, prohi-
bition , acheter à l'étranger.
Je dis que nous vendons toujours autant de
vin j car le traité de 1786 avec l'Angleterre n^en
fit pas ejjporter une barrique de plus , quoique
ji-vGooglc
DU SYSTEME eOMMERCIAL. iSj
les droits fussent réduits à moitié. Je renvoie itux
mémoires du commerce de Bordeaux , où ce fait
très-inicressaot est coiisigoé.
Des prohibitions di.'term)nées , non par des
Iwines Dalloaales , raaiâ par l'iotérét des peuples ;
soDt toiijonrâ otites ; seulemeat il faut les res-
treindre daus de justes bornes. Le mal toucbe nu
bien , comme l'abus à l'usage. C'est aux gouver-
oemens à bien étudier le pays , afin de ne recon-^
Vir aux prohibitions qua quand l'intérêt national
ba faitiiue nécessité.
Je termine cte chapitre par l'analyse très-suc-
ûxicte des développemens qu'il présente.
Suivant Smith , une nation a toujours tort d'es-
sayer de faire chez elle ce que d'autres nations
font mieux ou à moindres frais.
Une semblable nation ressemble à un tailleur
qui voudrait faire ses souliers.
Mon opinion est absolument contraire. Selotl
moi:
C'est un acte d'économie et de prévoyance ,
dans une nation comme dans un chef de famille ,
de chercher à faire intérieurement ce qu'il fau-
drait acheter au-dehors.
De pareils essais tendent toujours à augmenter
la richesse des nations, comme celle de Ja famille,
|>arce qu'il n'y a ni famille , ni nation , dont les
N Google
a88 L I V R E ï I l.
traTaîIleurs ne puisseut crotlre eo nomLre , eit
talent et ea iodusirie.
AÏDÙ , les prohibîtïoDS sont utiles , toutes les
f<ûâ qu'elles faciliteut aux oatious les moyens de
BubveDir à leurs besoins.
Encore uo mot. Je compare une nation qui
achète au-dehors, avec soo numéraire , des ntar-
cbandises qu'elle peut fabriquer elle-même , quoi-
que moins bien , à un jardinier qui, mécontent
des fruiu qu'il récolte , s'en procurerait de plus
succulens chez ses voisins , eu leur donnant en
échange ses inslriunens aratoires.
ji-vGooglc
BU SYSTEME COilMBRCUL. VSg
CHAPITRE IV.
Oe la Frttid* et de la Contreband». ,
Oif se sert assez ÎDdîfferemment de ces deux
mots, pour exprimer une cODtraventioa aux lois
de douanes. CepcDdant, la fraude s'eDteudpIus
particnKèrement des droits , et la coutrebaude
des proh'ibitîoDS.
Quelqu'opïnion que l'on professe en écono-
mie politique , on ne peut se dissimuler que la
fraude ne soit un mal. 11 ne s'agit plus îo d'exa-
miner si l'institution des douanes est bonne ou
mauTaise : elle existe ; le gouvernement la croit
utile ; dès lors il faut la respecter , et se confor-
mer aux lois qui ta concernent. Toute infraction
à ces lois est un délit public jusûcîable des tri-
bunaux , et surtout de l'opinion.
La fraude entraîne d'ailleurs une foule de dé-
sordres jelle favorise la mauvaise foi au préjudice
de la probité ; elle accoutume le négociant à
transiger avec sa conscience. Si les gains de In
fraude ont de l'attrait , c'est un attrait per6de ,
qiû ne donne presque jamais ce qu'il promet.
.« Un chemin infaillible à la banqueroute , dit
19
N Google
39» L 1 V R E I I L
» Smîtl) , c'est le commerce de coDtrebandiçr «
k le plus hasardeux de toas. Smidi ajoute, mais
» aussi le plus lucratif quand l'afRure réussît. »
Et c'est pafce qu'on se flaUe qu'elle njussîra ,que
tant de gens prennent ce métier.
La contrebande a d'autres iDconvéoiens en-
core. Elle enlève des bras à l'agriculture et à l'in-
dustrie. Les malbeureux qui s'y livrent, s'ils
prospèrent un moment, finissent presque tou*
jours par devenir des malfaiteurs et des scélérats.
On a surtout observé ces effets dans les environs
des ports francs. Les facilités que ce» ports of«
fraient à la fraude y faisaient afSuer les àventu-
fiers de tous les pays. Les campagnes se peu-
plaient de vagabonds qui donnaient l'exemplo
de tous les vices , et remplissaient le pays de
désordres.
D'un autre côté , la fraude prive le trésor pu>
blic de recouvremens auxquels il adroit. Envi-
sagée ainsi , elle est un vol.
La fraude et la contrebande , indépendamment
de levr effet sur les fabriques qu'elles ruinent ,
sont donc des délits très-repréhensibles , contro
lesqueb l'opinion doit se prononcer forlemeot *
a6n d'éviter , s'il se peut , que les tribunaux no
«oient forces de déployer , contre ceux qui les
commettent , toute la rigueur des lois.
£o Fi'ance , la contrebande a psn d'activité i
N Google
Dtj SYSTEME COMMERCIAL, agt
la sohte. J'en excepte trois espèces de marchan-
Hisês : les drilles , les bleds et le numéraire , quand
il est défendu. La contrebande en bled a lieu
particulièrement sur les frontières de l'anciennâ
Belgique; celle des drilles, qui servent. Comme
je l'ai ditt à la fabrication du papier, se pratique
du côte de Boulogne et de Duukerque. Le numé'^
raire sort partout , et des trois espèces d'objets
que j'ai indiqués , c'est le plus difficile à arrêter.
La contrebande en chifToiu a beaucoup d'at"
trait, à cause du'haut prix de cette matière pre-*
mière en Angleterre. Dans l'an 6, de gros spécu-
lateurs entreprirent d'approvîùonner ce pays de
nos chiffons. La prohibition mettant obstacle à
leurs vues, ils extorquèrent des bureaux d'un
ministre , aux attributions duquel cet objet était
mémeétranger, la permission d'expédier par mer,
d'Ostende , DunVerque , etc. , à la destination de
Bouen , le Havre , Marseille , Nice , trois mil-
lions pesant de drilles. Les «mployés supérieurs
de l'administration des douanes , placés aux'lieux
de départ, conçurent des soupçons sur la réa-
lité des destinations indiquées. 11 leur parut
étrange que des envois aussi considérables de
inatièi«s premières s'effectuassent pour la Médi-
terranée,' malgré les circonstances de la guenra
qui rend;iient les communications maritimes pres-
que impossibles. Ils apprirent que ceBmâmescbif*
N Google
aga L ï V R E I I I.
foDS, qa'oa expédiait nussi pour RoueD,Ie Havre «
ftTaient préôsémeDt été acheiés de ces côtés, et
àe là traosportés par terre & Dunkerque et Oy
teode, lieux forcés de Tembarquemeot. Enfin *
l'accaparement des chifTous avait été si rapide »
qu'en trè$ - peu de temps leur prix s'était élevé
de 5 fr. à i5. Us en valaient alors trente à IjOD-
dres. Tant d'indices de projets de fraude déter-
minèrent l'administratioD des douanes à solliciter
la révocation de la permisàon accordée, qui fut
effectivement snnullée sur le simple exposé des
fait* j mais alors plusieurs navires avaient déjà
■été expédiés. Un autre , tout chargé, était prêt ï
sortir dii port d'Ostende. Quoique la révocatioa
de la permisMon lui eût été signifiée , il n'en
persista pas moins dans son projet de mettre à la
voile , et il l'aurait exécuté la nuit même , à. on
n'eût menacé de le cotder au moment où il appa->
reillaitpuursortir.Enfin, comme on l'avaitprévui
aucun des navires expédiés n'arriva à sa destin»
tion. Les propriétaires produbireut , au bout de
quelques mois , des certificats coustaiant ou que
ces navires avaient été pris , ou qu'ils avaient fait
'naufrage , ou que des mauvais temps les avaient
forcés de jeter à la mer leurs cargaisons. La vérité
est qu'en sortant d'Ostende , ils avaient été droit
à Londres.
J'ai rapporté toutes les circonstance» de ceue
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. agS
fraude , parce qu'elle est très - propre à donner
une idée des moyens qu'emploie la' contrebande
en grand , et qu'elle fait connaître en même
temps combieu il est utile que radmiuîstratioa
.ait sans cesse les yeux ouverts sur les opérations
du commerce. Elle sert aussi à démontrer que
$intérél privé laissé à sa pleine liberté , ne
conduit pas toujours nécessairement les pro-
priétaires de capitaux à préférer l'emploi le
plus favorable à l'industrie nationale, comme
le prétend Smith ; car la spéculation de ces acca-
pareurs de chiffons ne tendait à rien moins qu'à
augmenter de cent pour cent le prix du papier
en France, peut-être même à en occasionner une
disette absolue ; ce qui leur importait assurémeot
fort peu.
Ou ferait un volume , et même un volume
très - intéressant , si l'ou voulait rendre publics
tous les moyens de fraude que l'administration
ne cesse de déjouer. J'en citerai encore un qui
prouve combien la fraude est ingénieuse à trom-
per la surveillance administrative. Les marchant
dises qu'on expé^e d'un port de France pour un
autre port de France, n'étaient pas toujours vi-
sitées avec Autant de soin que celles importées ou
exportées. Ces marchandises ne sortant point du
pays, il semblait effectivement assez peu essentiel
de s'assurer de l'exactitudA des dttclaratioos. De«
N Google
B94 L ï V R E I 1 1,
oostrebandiers voulurent profiter de ce défïmt
de surreil trace, pour pratiqueruaedoublefiraudfe
«gaiement lucrative , et que toîcÎ ï Its décla -
reot , à Ja doaime de Rouen , euTOjer à Bor-
deaux une quaulîté quekooque de barriques de
«ucre ; oo leur remet , suivant l'usage , l'expéA-
tion indicatire de l'espèce et du poids de la mar>
«bandise qui doit ainn entrer à Bordeaux , en
«xempiion, puisqu'elle vient de France. Or y ces
barriques , expédiées de Rouen et déclarées con-
tenir du sucre , renferment au contraire des ma<
tières premières défendues àlasortie, des drilles,
du bled, etc. Le navire à bon) duquel elles sont
chargées, va donc relâcberanx lies de Jersey où
il les dépose , et il y prend en échange pareille
quantité de sucre , qu'il introduit ensuite à Bor-
deaux , avec son expédition de Rouen. Ainsi se
pratique la sortie en contrebande de matières
premières prohibées , et l'entrée &a France , en
exempuon de droits , d'une marchandise forte-
ment imposée. Cette manoeuvre très - habile fiit
cependant déconcertée par la douane de Rouen ,
qui la découvrit. Il ne parait pas que depuis on
«it tenté de la renouveler.
Ces détails , qui sont ai;ides , qiti sont mémo
minutieux , prouvent la ne'cessité d'une surveil-
lance très^vère ; et quand le coomieroe se plaint
esemraves dont on le char|^ , c'est bien moint
n,gj,.e(JNG00gle
DU SYSTEME COMMERCIAL. sçjS
l*admi[)istratïon qu'il eo devrait accuser que lui-
même , puiscpie ]fls mesures de précautiou ne
sont jamais détermioées que par des abusdecoD->
fiance.
C'est un fait malheureusement trop avéré, que
beaucoup de maisons de commerce se livrem
aujourd'hui à la fraude. Ces maisons ont leur»
«gens secrets , et des Iiommes sûrs. Arrêtez- vou»
ces agens conduisant des voitures chargées de
contrebande? ils ignorent d'où ils viennent, oji
ils vont , et ce qu'ils transportent. Pf'essayes
point de les faire parler, vous n'en obtiendrez
rien. On leur a promis une récompense s'ils
b^nsportaient tel nombre de ballots , jusqu'à
telle distance ; voilà tout ce qu'ils savent , tout
oe qu'ils vous diront , et demain ils recommence-
ront le même métier , et pour les mêmes mai-
sons , qui n'eo couservent pas moins leur répu-
tation parce que leur secret est bien gardé.
. U ne faut cependant pas croire qu'elles tien-
nent à ce seu'ct par un sentiment de honte.
Non : la fî-aude n'en inspire point. Dans la mo-
rale actuelle , on est honnête homme quand on
ne trompe que l'état. Si l'on tremble de se faire
connaître pour fraudeur , c'est que le métier a
beaucoup de chances , et qu.'il n'est pas précisé-
ment le plus.propreàfortifieif le crédit. L'on se
cache donc uniquement pui' iutéiêt; mais la lor-
ji-vGooglc
296 L I V R E ï I I.
tUDe ou la banqueroute arrive , et âlore plus de
mystère. Le» baoqueroutek ont aîn» révélé bieo-
des secrets.
II est malheureux que l'opinion ne se pro-
nonce p.i5 davantage contre un métier vriiiment
odieux , qui conduit à l'oubli de tous les prin-
cipes. Cette disposition à l'indulgence passe du
commerce diras la société , de la société dans les
tribunaux. Le fraudeur trouve grâce partout;
partout c'est lui qu'on plaint. On ne voit pas que
la conséquence nécessaire de cette indulgence
coupable est de rendre la fraude beaucoup plus
générale , et que l'habitude de frauder avec le
gouvernement , donne celle de frauder avec tout
le monde.
L'importance très-marquée que le gouverne-
ment attache à la répression de la contrebande ,
ne permet plus aux tribunaux d'éluder aussi ou-
vertement l'application des lois qui ta punissent;
mais leur partialité a été poussée au point que
dans les affaires de quelqu'importance , sur vingt
jugemeus, il y en avait ordinairement dix - huit
dont le tribunal suprême était obligé de pronon-
cer la cassation. A la fin de l'an 7 , un receveur
des douanes fut assailli chez lui par une troupe
de contrebandiers. II veut se barricader ; vingt
coups de fusil partent à la fois , et le malheureux
tombe mort derrière sa porte. Les assaillans furent
N Google
BU SYSTEME COMMERCIAL. 197
déchargés de toute accusation , sous prétexte qu'il
était impossible de décider par tjui avait été
-porté le coup mortel!
W est arrivé sous mes yeux un événement beau-
coup plus extraordinaire. Les employés avaient
arrêté un contrebandier, Espagnol d'origine, qui
faisait la fraude en France. Ce misérable profita
d'un moment où l'on ne songeait point, à lui, pour
assassiner l'un des emplovés qui l'avaient saisi. U
ne put cependant s'évader, et traduit en prison ,
il avoua son ci'ime. (fêtait , disait-il , une insti-
gation du diable. Il en demandait pardon à
la vierge Marie. Le jury déclara qu'il n'j avait
pas lieu à accusation !
Je choisis ces' deux faits entre mille , et je les
ûte de préférence , parce qu'ils se sont passéa
dans des divisions auxquelles j'ai appartenu.
En France on n'a jamais considéré la fraude
comme une action désbonoranre. Avant la révo-
lution elle était sévèrement punie, et beaucoup'
ti'op , parce qu'elle n'avoit guère alors d'autre
résultat que de porter préjudice au fisc. Cepen-
dant les particuliers s'y livraient aveuglément.
Ou n'y voyait qu'un moyen de léser le fermier ;
et c'était à qui serait le plus hardi , le plus adroit
et le plus alerte.
Aujourd'hui il n'y a plus de fermiers, ei les
droiu ont tm but commercial. Mais ce sont tou-
N Google
39.S X I V R E I I I.
^urs dçs droits. Cependant la fraude s*exerce
plus particuUèremeut sur les marchandises pro-
liibées à l'entrée ; et ce n'est pas seulement con-
tre le commerce qu'il faut se tenir en garde.
Il y a des pays où la fr.iude est le patrimoine
exclusif de quelques vagabonds qui s'y livreat
pour dernière ressource. Dans ces pays un fonc-
lionnaîre public, un militaire, un marin qui pro-
tégerait la fraude se déshonorerait même à ses
propres yeui. Bien loin d'en donner l'exemple,
il contribue donc à la préveiûr. Dans ces der-
niers temps cette louable émulation s'est plusieurs
fois signalée en France. Avant dix ans , elle y
sera générale.
La derniùrc loi rendue contre les contreban-
diers inflige la peine de mort, à ceux qui font
tfsagç de leurs armes. On a prétendu que cette
loi était cruelle. M^is un contrebnadier pris les
armes à la main est un homme en rébellion ou-
verte contre les lois de son pays. Il n'y a pas
de délit plus grave. Le contrebandier qui fait son
métier avec cette intrépidité est capable des plus
grands ciimes , et quand il tue un foucûonuaire
public , chargé de faire exécuter et respecter les
]pis, il est encore plus coupable qu'un assassin.
Il ne doit donc pas être puni moins sévèrement.
Ainsi cette loi est très -saga. Je dis même
qu'elle est très-modérée j C4r poiu" en éprou er
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. ag<>
toute la rigueur , il faut que le contrebandier
çe< voit 6«m de «es armes , et c'e^ encore un
moyen de salut qu'elle laisse aux malheureux
dont ce métier n'a pas fait des scélérnts.
- Mais si les lois péiaales diminuent le nom*
-bre des coQtrebandiers , il est à craindre que
cet effet no soit que momentané. £b augméo*
tant, les risques du métier , on ne réussit quel*
quefois qu'à doubler l'audiice de ceux qui lé
font, et en même temps leurs profits. Ives loi«
pénales ne remplacent donc que très.-im[>arfui*
tement l'esprit du commerce ^ et c'est l'esprit
du commerce qu'il faut surtout s'efforcer de faire
naître eb France.
On parle de la contrebande qui a Ueu en
Angleterre. Elle y est aussi très - active. Mais ïl
est à remarquer que la réaormité des droits lui
donne un attrait qu'elle n'a au même degré dans
Bucub autre pays. D'ailleurs la contrebande
s'exerce peueu Angteterreàreotréesur les mar-*
ehandises manufacturées , c'est absolument le
contraire en France. En fraudant sur du thé , sur
des genièvres , le contrebandier anglais prive
le trésor public de sommes qui lui reviennent f
c'est un grand tnal. Eu France le contrebandier
ruine l'induatrié ; le mal est bien plus grave.
Mais pourquoi cette différence? elle tient à
plusieuiv Gomei;^ La prioâpale est dans le cÂ-
ed^Google
5o« 1 I V R E I I r.
ractère de la nation qui la pone à ne trouver
bien que ce qui est étranger. On peut aussi
l'expliquer par le peu d'accord qui règne ea
France entre les écrivains sur le meilleur sys-
tème de commerce à suivre. En Angleterre , à
très-peu d'exceptions près , le régime prohibitif
est réputé le seul bon. C'est un principe en
quelque sorte national , que chaque individu
révère et explique à sa façon. De là cet accord
parfait entre le commerce et le gouvernement j
Cl tous deux arrivent au même but , la prospérité
publique , parce que tous deux y tendent de
concert.
11 en serait aiasi en France sans les écrivains
qui tourmentent l'opinion en tout sens et four-
nissent des armes à l'intérêt privé , presque tou-
jours disposé à s'élever contre l'inlérèt public ,
avec lequel il s'accorde si rarement. Je ne puis
mieux justifier le reproche que j'adresse ici aux
écrivains que par l'extrait d'un mémoire très -
singulier dont j'ai dû la communication à des
circonstances inutiles à rapporter. Ce mémoire
était d'un négociant impliqué dans une affaire
de contrebande qui pouvait avoir des suites ter-
ribles , piirce quHl y avait eu des employés de
tués. L'affaire s'était passée antérieurement à la
loi qui veut que les contrebandiers pris les arme»
à la main soient jugés par les tribunaux ^é-
NGoo<île
DU SYSTEME COMMERCIAL. Sor
ciaui ;«t portée devant un jury , il s'agissait de
décider d abord s'il y avait lieu ou non àaccusatioD.
L'auteur dii mémoire commeaçaît par ëcaner,
autant qu'il était eu lui , le soupçon d'avoir pria
part à une affaire de contrebande j mais sentant
l'insuffisance de sa justification , il abordait pres-
que aussitôt la question de la culpabilité morale
de la fraude , bien sûr que s^ parvenait à mon-
trer la contrebaude conune répréhensible aux
yeux de la loi seulement , ÎI ne serait point
reptis de l'avoir enfreinte , par des jurés qui ont
la faculté d'absoudre sur riotention.
Ce plan de défense arrêté , l'auteur du mé-
moire ne s'occupait plus qu'à extraire les écri-
vains dont les principes tendaient k prouvei'
l'utilité de la contrebande. 11 en citait d'abord
trois dont l'autorité lui semblait d'un grand
poids, par des raisons qu'il développait fort
longuement et que je suis forcé de passer sous
silence. En opposition sur bien des points , cet
écrivains s'accordaient pourtant en ceci , que le
système commercial tend directement au but>
contraire à celui de son institution. L'auteur du
mémoire copiait textuellement la conséquence
de leurs raisoonemens , et cette conséquence
était toujours qu'iV fallait acheter auic An-
glais ce que les Anglait ont l'art de/abrif
Iguer mieux que nous.
N Google
5oa L I V R E I t t.
Après ces troU ^nrains , l'auteur du mé->
moire en nommait huU ou dix autres auxquels
il empruntait des pages entières cgalemeut favo-
rables à son plan de défense. Avec l'un de ces
écrivains, îl calculait de combien le système
Gommerciat augmentait anaucllement les dé-
penses d'entretien , et il trouvait que c'était de
4 francs par individu. Revenant avec un autre
sur le même calcul , il ne lui était plus pos-
sible d« douter que la prohibition des marchan*
dises anglaises ne coûtât à Partisan le plus
pauvre envirx>n 20 francs par année , ce qui,
en supposant bi perte égale pour chaque iad!^
vidi» , causait au pays un surcroit de dépense
Bnnuelle de 600 millions ! Enfin l'auteur du
tnémoire , toujours s'appuyant sur les écrivains,
montrait dans le système commercial la causé
de nos banqueroutes si multipliées , celle de
rimmorabté qui devient de plus en plus générale,
l'ori^ne de toutes les gtierres , etc. etc. , et il
arrivait à conclure que puisque le système com-
mercial entraînait, de l'aveu des écrivains,
d'aussi ^ands maux , il n'y avait rien de mieux
à faire pous les prévenir que de se reMcher sui*
l'exécution des lois que ce système consacre.
Mais ce n'était point assez. II fallait trouver
dan» les écrivains quelque principe plus positif
sur l'utilité de la contrebande ; car jusqu'ici elle
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCIAL. 5<>5
tl'était démontrée que par inductioD. L'auteur
du mémoire , coutinuant de citer , poursuivait
ainsi : * L'importatian des marchandises étrao-
» gères , qu'une fausse politique a fuit prohiber,
» est Uu bieufait pour le coosommateur et ne
■ porte point préjudice au commerce! n On ne
pouvait rien de plus formel. Je [vie le lecteur
de ne pas perdre de vue (jne ce sont toujours
les écrivains qui parlent et non l'auteur du mé-
moire. Cette distineûon est très- essentielle à
iâire.
Voici la dernière autorité invoquée dans le
mémoire. L'auteur continuait de copier textuel-
lement h Si l'on venait à bout de tenir rigou-
w reusement lamaîo à l'exécution de notre taiîf ,
A et d'empêcher absolument la contrebande ,
• les besfHus du oonsommateut! Aéraient à loitk
» d'être satisfaits, les manufactures et les capi-
K taux qui les font mouvoir seraient si inca-
» pables de répondre à leur dem&nde , gue la
» crise la plus violente et peut-étre le fctt*
N versement de tordre social devraient S'en-
» suivre d'une pareille rigueitr et de l'état dé
ji dénûmfint où se trouverait toute lu France, m
Après cette découverte précieuse , l'auteur dii
mémoire cessait de garder aucune mesuif!. Ca
n'était plus un accusé qui cherchait à se justifier
d'avoir fuit la fraude , c'était un honuue qui au-
N Google
5o4 ,L I V 1[\ E XI I,^ . ,,
rait volontiers demandt-une statue pour ('aTÇif
'ftîte , satls la -loi dout il rectoutait l'application.
Il ce niait 'donc plus le corps du dûïit que pour
- la forme , regrettant hautement de n'avfur
^oint commis une iurraction aux lois <|ui aurait
contribué à prévenir la cnse la plus -violente et
peut-être le renversement de l'ordre social.
L'issue de ce procès importe ici irès-pt^u. Je
la tais : je tais également le nom des écrivains
et les titres des ouvrages cités' par l'auteiir 4u
mémoire. Seulement je garantis l'exactitude des
morceaux qu'il en' a extraits et aiixquèls H ' ne
s'est pas permis de changer un seul mot. J'ajoute
que ces écrivains sont tous des hommes recom-
m&ndables pr leur talent et leur patriotisme ; et
certes ils étaient bien loin de prévoir, en écri-
Tant , qu'on se prévaudrait un jour de leur opi-
nion pour enfreindre' des lois que sans doute ils
respectent , tout en n'en partageant pas l'esprtt.
Il faut cependant l'avouer. Il est impossible
que les faux raisonnemens des écrivains n'aient
pas pour résultat d'accroître la contrebande. Tm.
eu oeoasioD d'enfairepubliquement la remarque
à l'auteur de l'un des ouvrages dont il est ques-
tion dans ce chapitre , et quand il a répondu t^uè
la fraude nêtaitpasdéternùnêepav quelles
écrits que les Cfmtrebandters ne lisent pointi
U- a dit une chose très - peu sensée j car il n'y i
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 5o5
de bandeit de contrebandiers que parce ilu'il
exùte de gros apcculiitears qui les paient, et il
n'existe de tels spéculateurs que parce qu'ils sont
bien assurés du débit de leurs marchandises. Or
Vous ne pouvez que le favoriser ce débit , et con-
sidémblement Taccroitre, vous qui présentez lin-
troduction des marchandises étrangères comme
un bienfait public , que dis-je , comme le seul
moyen de prévenir leS crises les plus vio-
lentei et le rencersement de toi-dre sociale
Ainsi vous affranchisses le consommateur de ses
■cmpule»; ainsi le négociant se détermine à en-
freindra une loi que sans vous il «ût respectée.
Quel bien peuvent produire vos ouvrages qui
compsnse de si grands mans ? (i)
La consécpience de ce chapitre est que si la
commerçant français n'observe pas très - fidèle-
ment les lois de douanes , c'est moins i lut
qu'il en faut faire te reproche qu'aux écrivains.
En effet ces lois l'obligent à des formalités gé- -
nantes ; elles le forcent à sacrifier son intérêt par-
(■] L'écriT«in aaqael y'êàttue ici la parola a cm jetar
iManeaup de défaTcar mr mon opinion , «n imprimant
qae fêlait iaUrttsi à défendre tel systima d* préférene*
à tel autre. A-t-îl tooId dire par-U qu'un Lomme attaché
k l'administra [ion n« ponyait rien écrire d'utile aur l'ad—
«ùnïatratioD ? 11 faut aToner qu'une pareille lexique dé-*
•ti< HM bien grande diaatM 4f bM* raÎMonemew I
30
N Google
5uG L I V R E I I I.
ticulier à llntérèl de tous. Comment les aime-
riiit*il , quand il n'a même pus )a salisfaction de
pouvoir les croire utUes à l'état ? Lesnégocians
judicieux disent bien avec Montesquieu, que si
les lois génentle commerçant, c'est en faveur
du commerce ; et Montesquieu' n cela de boa du
moins qu'il inspire l'iimourdu pays. Mais Montes- 1
quieu n'est plus lu. On lit les écrivains aali-admi-
uîstratifs , on lit Smitb : or ces écrivains nous ap-
prennent qu'il est de rintérêt national d'aclieter
au <^ehors ce qui coûte moins à faire venir qu'à
fabriquer , que l'argent n'est pas plus précieux
qu'aucune autre marchandise , qu'il -ne faut ni
r^glemens , dî douanes , ni probibitions< Toutes
ces institutions sont présentées comme des mOi- ,
nopoles odieux. C'est à qui les tournera en ri-
dicule. Que voulez-vous que dise le commerce-?
Lie commerce ne prétend pas en savoir plus que
des corporations savantes , et plusieurs corpora- >
tioos savantes professeat i:ettâ doctrine. i . :
N Google
DU SYSTEME COMMEftCIAL. 307
CHAPITRE V.
De la Balance àa CômmerM.
Kl S donne le nom de balance du commerce
à la comparaison des importations et exporta"'
tions annuelles du pays. Quand la somme de»
importations l'emporte , on dit que là balance
est défavorable. Elle est au contraire appelé»
favorable, quand ce sont les exportations qui ont
été plus considérables que les importations.
Ainsi tonte balance défavorable suppose une
solde en nrgent payée à l'étranger par la nation
qui a cette baboce. On conçoit que dans l'an-
cien Système commercial qui faisait consister la
richesse des peuples uniquement dans l'argent^
indépendamment de sa faculté reproductive, la
balance du commerce devait avoir une grande
importance. Tous les efforts des gbuvernemens
tendirent donc à rendre leurs balancés respea-
tives favorables » et comme le commerce inté-
rieur ne pouvait point augmenter la quantité dti
numéraire dans le pays i on crut qu'il n'y avait
de commei-ce intéressant potu* un état que le com-
merce extérieur.
Celte opinion n'*tait pas fondée. Mms la po-
N Google
5o8, LI VR.E IM.
KtiqueàlBqu^leelU donna lieu produisîtlepln^
GTaôd bien. Que falIeil-U au commerce iatârieuc?
De l'argent ponr eatreteoir et créer de» capitaux.
Les mesures auxquelles les gouvernemeDa s'ar*
rétèreot , étaient trè9-i>ro[H«s à l'eu approvi-
sionner. Le motif de ces mesures importait dè^
lors on ne peut pas moins , puisque le résul-
tat en était évidemment avantageux. .
Mus, avec le temps « Tadministraûon s'était
éclairée. Le prix qu'elle attache & la conservation
et à l'augmentation du numéraire , n'est donc
plus fondé sur la valeur de l'argent , mais biea
sur la propriété qu'il a , comme monnaie , .de
mukiplîer toutes les sources de richesses. On o'»
pas vu , on n'a pas voulu voir ce progrés naturel
des lumières. En feignant de croire que l'admiy
BÎstration était toujours guidée par les anàens
prinâpes , ses cfforb pour rendre la balance fa^
vorabledevùenteFfecùvement paraître beaucoup
|dns lïdîctiles j ctd'aôllears , du moment où J'en
ve voulut point tpie l'argent contribuât aucune-
meutàleriabessedupays, rien ne paraissait plus
inoùle que ^ c^njier it L'y multiplier. Les M-
lances du oontmeroe fiiretit donc comprises dans
l'anathèaie ïaocé contre toiu le synèane commer-
râl i et depuis quarante ans, il n'est plus permis
d'en parler que pour livrer à la risée pubUf^ue
tous ceux qui j croient.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 309
CependaDt, radmiahtratioQ n'a pas plus vaiié
sur ce point que sur toutek ks ntarea parues et
ast politique. Elle en toujours peraUadâé t^'mw
balance favorable est un - s^e de pr<»péril4
Chaque année elle présenté aa gouvernement 1*
résultat de la balance giénémle, bravant aÎDtl le
lîdicnle de l'opiûioa , et l'autorité d'aîUtur* res*
pectable de tant d'éerirkiQB qui let^ireot raïne'*
ment de leurs lumières.
Comment a-t-ôn attaqué la balance ? D'ebbrd
on a prétendu qu'il était impossible de laeonst»i-
ter. On a dit ensuite que ceue ôpéntiDa, en la
supposai» praticable , ne devaù seirir • rien^j
qu'il Vy avait point de balance défavorable, et
que de deux pays qui commerçaleot enseinble,
il était certain que l'un ne doannit jamais pku qt^
l'autre.
Mais il nes'agissaït'pointdesavoirùr'undeceB
pays donnait pi us que l'autre ; il s'a^pssaii de coi^
paître , au contraire «lequel dea^eox pays payait
en marchandises, et de combien il s'en fallait qu'il
lïe 'payât tout en marchandises.
Suivant Stnith, il est absolument indiffécent
qu'une nation' paie ce qu'elle achète à l'ékan^r*
en orgeat où eo màrohandiaes-: alors il.n'yadiç
balance ni favorable , ni défovorable ; alors rien
de plus ridicule que des éuu 4e baUnce» çiéti
comptes aunuela de i
N Google
«lo - L I V R E I ï I.
D'uD autre côté , Smith décrit très - ^loqciem<
ment tous les iSobeux eflets de la dimioutiot) du
uuméruire daos uo pays. Il importe dooc d'en
prévenir récoulenjent ; mais on ne peut savoir
quecetécoulemeDtalieu,on n'en peut connaître
le^ causes que par la balance du commerce. La
balauce du commerce est donc bonne à quelque
chose. Il faut donc des états de balance, et des
comptes annuels de balance.
Ces contradictions très - réelles rendraient la
question assez diflîcile à décider , si le lecteur
n'était dès à présent en état de la résoudre en
deux mots. Tout-commerce extérieur qui exige
une exportation de numéraire , devient ruineux
s'il se prolooga , parce qu'il enlève au pays des
mpyeufîde reproduction et d'échange. La balance
du commerce a pour objet de prévenir ces efïèts
désastreux. Elle en donne les moyens : donc elle
e^t utile.
Ces vérités ne sont que la conséquence des
principes que j'ai établis dans. le livre premier ,
sur l'utilité du numéraire , comme moyen d'é-
change , et créateur du travail. J'espère leur
donner un nouveau degré d'évidence par des
applications à des faits positifs , puisés dans les
balances de l'Europe. Je vais commencer par exa-
miner les principalesobservationsde Smith contre
la balance proprement dite.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. %ii
a Uu commerce qtiî se Tnit Datarellemenl et
» régulièremeiit enlre deux places, (i ) sans
'»■ moyens de contrainte , est un commerce avau-
■» Ugeux à toutes deux. » Smitli raisonne tou^
ionrs dans la supposition que les échanges de na-
tion à nation doivent se juger d'après les mêmes
règles que ceux de particulier à particulier. Cette
'supposition est fausse. J'ai six francs dans ma
poche ; je les échange contre un ouvrage de Jit-
■téralure qui me convient. Je fais par cela même
un marché avantageux , et mon libraire égale-
ment. Mais il n'en est pas ainsi de deux places
étroDgères qui commercent ensemble j et dont
l'une envoie à l'autre de l'argent. Cet argent est
nécessairement enlevé au soutien de Tindusti'ié
du pays qui s'en dessaisit. C'est donner un capiiid
susceptible dedurertoujours,etqui crée anniie1<-
Jement dix , vingt ou trente fois sa valeur, pr^ur
ttn objet'de revenu qui se consomme en un ius-
UAt.' lln'y a pas de marché plus disproportionné.
Mab comment se fait-il qu'un particulier qv&
lâouDe de l'argent pour des marchandises , ne
^se point ÙD^ mauvaise opération, tandis que
cette même opération est désastreuse pour les
|>euples ? '
f i) Tome m,pRg. iSS.
N Google
Cette queftioe est ,tr«a-iitipoi:tmtç.,y9i^ ipa
réponse: , i , ., „ ,,,, .
L'argent qu'un particulier .«dépense _fâit,jpVliQ
jdeson revenu ou de son capital ,. ce. t^uie&ttnès-
dïDërent. S'il fut partie de son reveqti, il.peu^
l'employer satu inoonvcaient^s'il tîutpaii^i^ da
^n capitiil , il se ruine.
Cependant , l'argent qu'uii parûouUer d^peqsç
est censé rester dans le pays ; et quAod ce -p^rti^
culïer dissiperait tout son capital , celui d|i pays
ue diminuerait pas pour cela, ciunnie je çvçw
l'avoir démontré ailleurs.
Mais l'argent , considéré par rapport, au pay«.«
fait toujours partie dit capi^l national. On ne
peut donc en envoyer à l'étranger sans dimiDuer
ce capiul, et p»r conséquent tans appauvrir If^
nation.
Il n'y a qu'un seul cas oi'i Targenl soit vcrua-
blemept revenu pour le pays ; c'est quap^ < J^
résultat de son commerce extérieur lui doDog
une balance favorable.
Une nation sage et économe convertit cet^
partie de sou revenu en capital, aulieudeladiss
siper en acquùùùons de marchandises étraugèrest
qui ne peuvent que diminuer la consouamatioo
de celles qu'elle fabrique , et introduire dans le
pays le goût d'un luxe suborneur, et l'amour
«pti-national des productions ei^otiques, -
■etJN Google
DU SYSl*E^E'OÔMlVÎEàCUL. 5i'î
.'"« ha tlocliîtie de' la' balancé" (!ii cÀmineroe
» suppose que quand deux places cominercent
4'''I\iiic^Hvec l'antre , si là balance est égale oei
n dëiix parts , auijuné des deux' nations ne péri
)i-diinè gagne; (i)mais que sMà balance p^nchç.
.« 'd'on' côté, à uù certain degré , Tune de ces
a places perd , et l'autre gagne à proportion de
.jr ce dbat la balancés'écàl-te du parlait équilibre, n
Quimd la biilance est ogiile entre deux places , oa
dit qu'aucune des deu% ne pe rd' ni ne gagne- Smith
«'éverliïe à prouver que rien n'est plus IViui ; que
deux places qui comnoercent entr'elles, en sup-
pos^Bt' la' balance égale , gagnent évidempient
toutes deux , puisque leurs capitaux sont em-
ployés; qu'ainsi ctiacune d'elles aura une porûoB
A<e ses babitans qui tirera de l'autre sa subsistance
et son i-evenu. Smith est ^ côté de la quesbon.
Quand on dit que la balance est égale entre
deux places , et qu'on ajoute qu'aucune dés deux
ne perd'ni ne gagne , il est évident qtfon n'en-
tend parler que des capitaux. Il serait par trop
ridicule de soutenir que deux places qui com-
mercent ,' et s'envoient respectivement pour dettt
ou trois millions de màrobancUses plus ou moins»
n'aient trouvé liucuD avantage à les fabriquer.
Alors ce commercé n'aurait pas eu lieu ; otur
( I ) ToM« 111 , pug. 135,
ji-vGooglc
5i4 L I V R El II.
tout, travail exig« salnire , ot doit dooaer profit.
Supposons que deux villes , l'une d'Angleterre
et.l'aiure de-Fraace, ont chacune nn.millioD de
capitaux, avec lesquels elles fabriquent et s'en-
voient chaque année pour. quatre millions de
productions manufacturées. Afin de rendrei fita
facile l'iaielligence de l'hypothèse que je crée-,
ces deux villes seront Southaïupton et Rouen.
XiSur conuoterce dure ainsi dix ans. Chtkcuue d«
ce» villes envoie à l'autre, et en reçoit précisé-
meat pour quatre millions de marchandises , et
l'aisance y est générale , parce que lent {Hrofits d«
ce commerce y font vivre iine foule d'iodirvidus ■,
fabricans, marchands, ouvriers, etc.> C'est' en
cela,que consistent ses avantages. Cependant' la
balance est égale , et l'on dit qu'aucune des dent
places ne perd ni ne gagne , ce qui signifie seule»
ment que leur capital reste le même , et eU' efîet
il est toujours d'un million.
Mais il arrive qu'au bout de dix ans , Tune dsË
' deux villes, Soutliampton , par exemple, ayant
découvert de nouveaux moyens d'abréger letra*-
vaîl,ou s'étant perfectionnée dans son industrie^
ctLvoie à l'autre pour 4 millions 200 mille francs
de marchandises. Rouen, cette même année, en
expédie encore pour 4 millions; mais n'ayant
•lucuQ- autre moyen de solder les 300 mille franfl*
de surplus , elle les paie ta- numéraire- '
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 5i5
ArrétoDS-Dons îcÀ , et coQsîdéroDS l'état oii se
.trouvait ti6s deux villes. Southnmpton a vendu
pour deux 'Cent mille francs de plus qii'eMeu'a '
acheté ; son capital sera donc d'un million deux
«eot mille francs. Celui de Roaeo n'est plus aa
oomtrail-e <jue de huit cent mille franc». La ba»-
lance de cette ville est devenue défavorable.
Je voos prieimaintenant de calculer les effets
lie l'imprévovance de Ronea. Les marehaudises
qu'elle s'est procurées avec ses deux cent mille
franos en numéraire , seront consommées auboiU
de quelques mois , et réduite d'un cinquièmedan»
«ou cupit^i], au lieu de fabriquer désormais pour
iioe valeur annuelle de quatre millioos, la villa
ii!eit .'pourra plus produire que pourtnois millions
deuK cent miUe francs. Soutliamptou , nu conr
U'oire , ttura- acqub les moyens de fournir la
mardiéde'près decinq milhons en valeurs. Pous-
sez ma supposition aussi loin qu'elle peut s'éteo-
dve : Rouan perdant chaque, maée une 'partie
de .«on Dupàal, verra dinûnuer de' plus eo plti«
ses moyeoa de travail , jusqu'à, ce qu'épuisée d«
ounMraire , elle reuoaee forcémexit à tout co^t
xuArce , à toute ^industrie, taudis que Southamp-t
ton, qui aura doublé ses capitaux, pourra. pror
duire à elle seule potir huit millions' de marcban-
dises V et s-'ouvrir^de nouveaux débouchés fiveo
d'autres villes de l'Europe.
ji-vGooglc
3i6 LIVRE III.- (
"■ Tetssobtlesdflètsii'uDebaUiice'deooaauMrce
Snccessivcrmcnt égale , favorable et dûravorable ,
cmt% dem places. Le raiBoaaeaKnteuleniém*
poor deux Dations-, suis beancoup plu» fort,
parce qu'il serait impossible que de d«uK: villes
qoi eonmiercezit easemble , Tune épuisât l'autre ,
il moins que celle-ci ne poussât l'impreTf^anoe
jusqu'à la folie , tamJis qu'il est très * concevable
qa'Dne nation devenue la trîbo&ùra d'uDenalioo
rivale ,'fiaisse pr être absolument dépouiUëe de
feon numéraire , et réduite à IHmpossibilitédeemo»-
linuer aucun échange. '
Ainsi , il est vrai de dire que quand deux places
DU deux nations contmerccnt l'une avec l'iiuti-e, si
la balance est égale , aucune des deox nations- oc
pei-d ni ue gagne ; mais que si la "balance petiràv
tFun câté à un certain degré, l'une des natioafe
perd, et l^ntre gagneà proportion de ce dont k
balance s'ée4rte du parfait équitibre. La doctrine
de la balance est, selon Saâi^, la chose Japiui
absurde qui soit au nvondei C'est -lui '«|«i< l'a
rendue absurde en l'interpréuaffetusemetit «t
ridiculement. La question de' la balance du «M»-
uerce est encore neuve } Smitfa ne l'a màmep»
•bordé«. '
C'est stirtout par l'arme du ridîcwle que l'on a
attaqué le système de la balance' ducommeros.
|4oas avons vu la relif^ioa^ ce qu'il y a de plua
N Google
DU SYSTESIE COMMERCIAL. 5iff
sacré iparmi !^ bommQs , suecomlteir ^après qaa*-i
ioFZe sicfJes desplendeur, dans uoe-lutte pveîlle.
Cotaaœbttine^ûiupleiusiuutîoa d'admimstrailoiji
cnramerciale , toujours mal expliquée et a^a).
détenéw-, nurait-elle résisté, davantage 7 ■
Siie système de la balance était fondé , dtsiùt*
en , et l'épète - 1- qq epcore tout les jouri;-, lorsr
^u'un peuple a une balauce favorable, il faudrait
jaécesfiluil-emeDt que quelqu'autre l'eut défavo-
fable. U se trouve au contraire que tous. les- peur-i
fias l'oat favorable ; donc rien n'est plus ridi(^e
que la balauce du commerce ; donc la balança
4u- ciODunerce est un être cbimérique.
>■ llestimpottùblederaisonaerplusiqal.Certes,
M laquaotit» de numéraire ciroulaitt dans l'fU'*
gApt) iétait limitée , et qu'elle .ne f&t plus iuscepr'
-table de s'boertritre ., mie pareUle argumentatioii
afeniïtvocichuDte. Maiti depuis trQÎSsflièdeS;, c*
xiuai^îre:a toujours été en augmentant ; il au^A
xaftntewDooretoufries jours. 11 y a peu d'états qq'
ïlaropey àeax exceptés, dont la quai^tité d'argent
De -devâeiiBe chaque année plus aoasidérable,<t
ToiBi'poupqu<H tous les peuples de l'Europe^
deux exceptés s ont oonst^ument gagoé depuis,
trois siècles, en commerce et en industrie. U^
doue très- naturel que leur balaocesoit favorable.
It B'jaliimcoQtrBdictienTniabsui'dité.. .
Lorsque fi^nécique a été découverte, il 9^
ji-vGooglc
5i3 L t V R E t i t. '"
t)tit ea Europe neuf cent millioos de numéraire
•eulement. Li'Euro|>e en poësède anjoHrd'bui-dix
milliards six ceoi mîllious. (i ) L'ÀmérîqHe a dono
augmeoté le numéraire de l'Europe de près de
dix milliards. Elle l'a donc plus que décuplé. -SU
liiea, qu'y a-t-il d'étonnant que tous les peuples
aient eu , depuis cette époque , une balance fmO"
rable ?
C'est l'Espagne , c'est le Portugal, qui onlftro'
curé cette balance favorable^ Ce sout ces deux
"puissances qui la procurent encore tous les jours
aux nations avec lesquelles elles commercent'»:
Mais ni l'Espagne, ni le Portugal, par la naturo.
des choses , ne peuvent avoir de balance. L'argent
est , pour ces deux nations , ce qu'est l'étain pour
l'Angleterre , le fer pour la Suède , les vins pour^
la France, Elles en récoltent , si je puis me ser-,
vir de cette expression , Toit au - delà de ce qiM
leur coDsomraation exige , quelqu'usage màmO'
qu'elles eu fassent ; il faut donc vendre lesurplos.
!Le mal est que l'Espagne et le Portugal vendent
au-delà dé ce surplus , et qu'au lieu de faire seff«>,
vir l'argent de leurs mines au développement de.
l'industrie indigène , en facilitant la circulation etr
la production , elles trouvent plus commode d'à-?
ch«tei' au-dehors , avec cet argent , das marcbaa—
(i) Voyea l'euvrtj;* de H. Gerboux d^a cité.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 5f^
«Iwca.quIelIesauraieDl ainsi le* moyens décrier
eUeB-mâmes. Oi" , quel est l'état'de l'Europe qui'
pourâ'flit awasi' long - temps temr impunément
une pumile couduite ? Je dis impunément , car
l'Espagne- et le Portugal, quoique très -pauvres,
paiXQ qu'elles manquent d'industrie , conservent
cependant encore leur rang dans l'Europe , tan-
dis que toute autre nation dont le numéraire
s'écoulerait avec la même rapidité , redeviendrait
sauvage au bout d'un demi-siècle.
Oa a fait un autre raisonnement. Si Ib ba-
lance de tel pays , a-t-ou dît, était réelle ,ce
pays qui a depuis cinquante ans une balance
favorable de tant de millions , posséderait au-
jourd'hui , à lui seul , tout le numéraire de
TËurope. Cette objection est fondée ; mais que
prouve-l-elle ? que le pays auquel on l'applique
a mal calculé sa balance, qu'il l'a -exagérée. Tac-
cordece point; rien de plus.
Oui -certes, les nations ont înal calculé leur
balance. C'est par des exagérations ridicules ^
dont on se faisait des moyens de popularité à
la tribuiK , que tant de balances favorables otK
été proclamées devant les représéntans des peu^
pies, et consignées dans un si grand nombre
d'ouvrages: Mais quand un particulier fadf^ron ,
riche de cent mille livre» de revenu , annoncé '
fastoeiuemeat.que o« cereoti passe na^millioii -,
ji-vGooglc
Saù t rvRE 11 r. '
fiint-U 1 àcausfr desti lôiirbe, lui refïtsefin^RKl
les c«Dt mille livres qo'il poK«de ?
C'est pourtant «iasi qu'on raisonne jiresque
toujoure, et Toilà de quelle manière on est par-
Veou àrtdiciiliser une des plus «of^fs institutions
de récDDomùe des peuples mpdenios.
Dans un ouvrage aHonyine i mais attribué ï
l'Auteur trts-ebnnu du Tableau de la Grande»
BrelagniCj oo At^ié quolqaca faiu cuncuxquî
teodeiH à proavei'-que'les' calculs de In balance
du C(Hhôieree ne 'portnit|>BS toujours sur des
bases bien certaines , «t quil iaut en ^éùéviA ne
méfiet' de Jenrs résultats. Le relevé du coiuœeroe
duPottugal en %'jSrf ,prii'aux doilaaés d'Angle-*
terre, différa d'un tiers de' pareil î-efcve fiiitpar
la factorerie anglaise d« Li^beode. Un autre
relevé des douaofa aniglai^ en'i7SS , donnait
à rAoglèterre:siu'>I1rJande une balance défavo*
rable , et le relevé- deq douornos d'Irlt^de pre-
sentnt de sod c^té tine balance d^vorable a
l'Irlande contre l'Angleierre: Ce$ deux faits que
j'àdmicts sans verilicatïon ni eonteststion , prou-
TMU que ds quatrg rdevés dé douanes , deux
au moms'ont été mal ftiu', tous peut-être. J'ac-
corde encore oe foiat , j-'accorderiii ntème , si
l'on veut , que de pareils relevés sont très-diffi-
Ôtes à bien faire, et j'en tirerH h'coqséquence, non
pas<^'ils ne peuvent servir ji rien, mus qu'il iàufc
N Google
qa^ l^a&iùVBlratioo UsvaiUe à leuc donner plili
d'exaciilude. -,
, Au,«ur|>lus.U se.peiu très,- biea que. l'An^Ie-
tef re et )L'I,rLuide , trouvaot pour U même jukavf
)ii)ç lialutuie res[»«cûv«ineiat dé£tv«E>)ble , cts^m
est absurde , ne se soient cependant que trèsr
jieu élpi^nées de la véck^. Je suppose , que leur
^aUnce p^etend^ç défayoral)le »^it de quelques
<cent8 mUi^ francs, oa même d'uumiUion, cette
.différence a>st pvesque rien sur un commerc»
annuel de plusieurs centaines de nûllion# j et il
^ sufH d'unetrès-peme erreur commise des deux
côtés , mais ^n sens inverse , pour faire paraître
extrayagans des calculs, à ceja près très-exaqtset
.toujours fort utiles. , .
Quel est l'objet d'une balance ? cW bie*
moins de connaître le résultat de la solde quede
savoir quelles sont les niarchandises dont ^'ac-
quisition ruineuse a mis dans le cas de la payer;
Or cette indication, i} n'y a que la balance qui
puisse la donner, ...
11 importe également peu de. savoir si le moo-
^t de nos ventes à l'étranj^er f)st de quelqi^
chose pluâ fort ou plus i^ible .que les années
précédentes; mais il importe beaucoup de vaiUer
à ce que les achats ne surpassent point les veptes»
et quand Us les surpassent, de savoir pf^rquoi
. ils les surpassent.
N Google
,. ^oiM. reoommeDçot» l'ailoéev Lt»-'£tAtsHÎlè
Iul^nc« de l'ex«mce qui vieptde ûmnsdRtpiNb-
dtùu : la balaDM est <l&{îtvor^le. Ejleii'eat» dé
5o ou ^o rotltioDS, somme immense <{u'iLaifaH&
ou qu'il faudra payer en uuméFftirei Od paroôiiijt
les états t ou compare. D'où vûm cstM dis|lro^
portion , cette marche rétrocède ? c'est- qu« le
^oÛL de la natioe pour les marcbaudMcs étriiflr
gères a toujours (;té oroissant ; e'est qu'eJlea iu-
porte une grande quaDtité de marcbandisftB db
luxe doDtelln se passait auparavaut, deaxttoUsV
selines, des Daokius, des schalls ,ou des objets
d'une c^DsommatioQ dispendieuse et su]îe^uei
^u thé , du tabac. D'un auti-e côté ou reootàoatt
que les exportations ool diraioué dans une pro-
^orùoa sensible. Les ëtraugers ne veulent {iluB
de iips draps. D'autres branches de commerce
sont également tombées. AÏDsî instruite ^ Ytàê-
juinistration prend les mesures que nécess'hent
las ciroonstauces Ëllç s'efforce de diriger 'les
goûts- et la mode sur des marchandise» de l'iii^
dusirie iodigène. Elle aifgmente par des ré]^e-
meas sages ou des droits , le prix des prodiiè>-
tions exotiques dont il importe de restreindili
la consommation. Elle dooue la' première aCi
pays l'exemple des privatloQS qu'elle lui impose.
L'administration reclierch^ ensuite la cause du
discrédit daus Içquel BOfmarchaodisessODttoin-
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 5^5
liées. ÂrT^abger. Elle la tronvedansT l'abolition
deré^eniem qui pr^enaient les fraudes^ dtttk
H> dé^t'de sorveillaDce peur les mnnnfactures.
^ nouvemix ré^emem remplacent les onoiens;
Muâ» tes manufactures manquent eocor&d'ému-
fatiftAv L'adaÙDistratton l'excite par des encou*
Tbgvqieas, par des concours publics on le prix
sen'l»TéiQOinpense de l'habileté de l'outrier et
dsi l'économie du 'fabricant. Ainsi ge ranime
riodustrie , et le résultat de tant d'efTot^ est que
hi'balanceserétablitetque bientôt «lie redevient
£n!orable.
Jb demande quels moyens mirait l'a^nHâis-
trafooo d'obtenir de pareils effets , si elle n«
«CfinMïsait point l'état exact de la balance. La
JKilaïKe est donc utile? J'ai beau examinefla
^esiàoQ- sous toutes ses faces , j'arrive toujours
-il là même solutioni . v. ?
:■ -.Mus il est essentiel que les états de balatiti^
«(neiA.rédigé» avec exactitude. Petivem^s l'^lp*?
Cetix qui ont affirmé qu'il n'y «vaif point di
)>ÀI;«ice ,ont sotnenn également que clés rel«rés
de-douanes seraient toujours erronés. Ub sesoât
fondés nu- les contradictions de queltpifes ba^
lances j sur l'absurdité palpable de leui's i^uli
tats, et voulant en indiquer la tiaatë, ils otA
cru l'expliquer «fuae manière trés^plamible eb
U motiTam sur l'inexaeiiiudè de» déclàp^oos
N Google
5M ■■. . LIVRE; 114. - '
du commerce qui servent dia bose-àla pciuep-
tioo ^es droits^ ' . ' "
Toutes ces observations sur rinexacùtudeidot
balanqes , ^oot fautives et ne prouvent' rien* Il
aurait mieux valu s'occuper des moyeas de fitii^
cesser cette îoesActitude que d'eu induire iqu'^lle
existerait toujours, et qu'elle existait^dans. tew
les ; pays , ce qui est faux. -
J'ai déjà dit qull était souvent arrivé .à l'ad-
mioistraûoQ et à des membres du gouTarnemeut
d'exagérer les avantages de la balance , uniquo-
ment pour donner une meilleure idée de leurs
travaux et se populariser. L'inexactitude -de la
balance était alors volontaire , et l'on a'en peut
absolument rien induire , je pense , contre son
Utilité.
Quelquefois aussi son inexactitude procède j
fmmme on l'a observé , de la fausseté des déc)»-
raûoDS. C'est particulièrement dans les pays où
les droits sont perçus ad valorem que cet in-
convénient est senùble. On a remarque qu'eu
AugleteiTO les estimatioBs étaient généralement
inférieures à la vérité de soixante-dix pour
cent. Une aussi grande diiïérence devait influer
beaucoup sur les calculs de la balance, sans
•voir cependant d'effet bien sensible quant aux
résultats , puisqu'elle avait lieu à l'importatioir
comme i l'exportation. ,
N Google
DU SYBtEMB' COMMERCUL. SaS
■'-'Mais il'dûtét^ fecite 'de pr^Tenir par iin bbb
système d'admiDistration intérieure ces "^Valna-
tions ftùiive3,et l'Angleterre en a très-Biea
ifoiivéi les ftioyenfi quand elle a établi' la taxe
MlaÙTé a«x frais de convoi.
'>' 'En France- les droits se perçoivent gênéralè-
mettt ou poids. Le négociant déclare )a quantité
de ses marchandises que l'on vérifie ensuite. Dés
peines stivères préviennent tout abus, et C'est
ttde vérité constante qne sur mille déclarationâ ,
il'nV eti a pas quatre infidèles. ( i ) ^ ■ ■
' ' Quelques marchandises à la sortie , et un assez
gratid nombre de matières premières à l'entrée , se
dijclarent à la valeur ; mais comme ces marchaù-
tlisesne doivent qu'un droit de balance qai n'ex-
cède pas la six centième partie de leur valétir; le
n^ociant n'a aucun intérêt à la déguiser. Ceséva-
4titmonB sont donc également exactes,
" ■■ D'ailleurs» la loi laisse au préposé vérificateur
}6 faculté de garder pour son propre compte, en
^Avant le montant de l'évaluation ^ et le dixième
«n 'SUS , la marchandûe dont l'estimation lui
paititt 'i^ntive. J'exerce depuis long-temps des
( I ) Il s'agit ioi dea déclarations d'entrée ou de oortië ,
})on de celles relatÎTes au cabotage; et d'ailleurs ce a'ost
point à l'aide de fausse* déclaralions que les négocînija
'<{tA se'HTrent h'ia'frdnde, la consomment. Ce oioyeo,
«ipoaeiait à trop de risques.
N Google
5a(5 Lï V KE lï t
ibtieTÎom de donaoes; je n'ai pajiend»r«r«aisoti'-'
tré de yérIGcaieur qui ait eu roQCâMdâ'd'aset''d8(
ce droit. ... ;-■, ,(
Les états de balunee sont rédige ea'FvsÀe»
avec «ne attention particulière. C'est tioe tbatî*i
tion dont on charge dans chaque buT««u- de
doXianes des employés intelligens qui fontà: lo'
fin de chaque mois le relevé des registres de rtf-
cette. Leur travail est n&ture'Ueipeiit contrôlé par
lès bordereaux de mois auxquels il faut qu'il se
rapporte. L'employé supérieur charge de viser'
les étau de balance.les vériGe article par article.
Ces états passent ensuite à l'examen du cbefdç
l'arroodissement qui en fait l'envoi. Enfin l'admi-
nistration des douanes a dans son bureau central
à Paris, des commis quis'assurent de l'exactitude
des perceptions', et ce n'est qu'après cette tripTft
vérification que les étatsdè balance arrivent dané
les bureaux du ministère où on les dépouille.
Je ne prétends point qu'avec toutes ces pré-
cautions, il ne se glisse aucune erreur dans uQ
travail qui consiste uniquement en chiffres et en
calculs. Je dis seulement qu'il doit s'y en glisser
très-peu, et j'affirme qu'elles ne peuvent pas in-
fluer sensiblement sur la masse des résultats.
Ainsi, quand le uiiDistrc de l'intérieur ù la
fin de l'exercice , dit à la nation : vous avez acheté
à l'étranger tant de milliers pesant de deiiréM
N Google
DU SYSTEME^ GOM]V|E;rcUL 5a^
pffpiùw^eftl'oaneai croire à eanjft^rttoa..,. ..„
Il est vrM que dans les relevés de la bftlaa*».»
feiudït. ll.enré^ulte unJaécpmpteesseDÙeJ,; tam
«» p«iil l'évaluer, D'ailleurs la.frajide.en jn?r-.
chapifise» , ne s'exerce, guère qu'à l'eptrpe, EJlft
di^imule 4dm uae prùe desmarcba^difesîrçlie-
tées à r«tr.ii)ger,el wad par coQspquent^ çendr*^
Wb^Unce ep apparence plus ,favorab(e. L^r? doofi
que les calculs de U balance la présentent comïu^
défavorable, ce résultat n'est malheur^usenieot
que trpp exact, et l'pnpeuty ajouter foi. (ï ) j
Doi^je répéter après tous le? écrivains ,qu^
Hnt traité de la balance , qu'elle, est pour diaqij^
^îiiop le résultat de ses ^relations cotpmercialos
wep tous les peuples, et qu'ainsi une balance déiy-
Vf>Ff>3j4ç 3Y**î ""^ P^y* P*"*- ^'""^ un. bien, si. elle
proOT^e une balance fayorable avec un autre.
r^^otre.coTOOiei'ce au Levant i^ous coûtait annuel-
jbmefit avapt la révolution , suivant le» relevés de
Rolla»ul,. environ ig millions, et, ce çomuierce
. <. i), Je prie le \aifltsar k qui cM dé»elo(ipeineiis -tut
l'attention que l'op apporte en France a. U rélaclioa des
ilaU de balance du commerce ne paraîtront pa* iiiffisans
ie lîre dan» l'ooTrige si connn «t «i «onvenl cité , de M.
■jt»w*.jy, U arte.où il«»po«! >«» rai»6n» qat dbivent
ï#M(^«,iUf rwwiti(ude^do sqn umil. ,
ji-vGooglc
ia« ' L IV RE t II. ' '^
itÊk'fmct de» phu avaatageiFx'!) la Pr^ace. ^e&ï
qv'avec ' le» matières premières' (jlii <ioid^bkaTetif
M9Tetoik9i elle occupait une fotfle' d'bùvrfèr's ^t'
4e ai*naf«ct«res dont les productions envoy^fea
ensuite à l'étranger faisaient rentrer'avec dt> grds
bénéfices le«' 19 millions (^'elle avait cTabord
avancés. ■ ■ .■..■!■
Ilrésulte de» mêmes états de balance publiés
pom' les années 1787» 1788 et 178g, qu'en For-
mant des trois une anDee moyenne , la France
avaitune balance favorablede près de 38 mitriona.
La guerre fit momentanément cesser les rela-
tions extéiîeui^s, du du moins les restreignit
beaucoup ; cependant il fallut acheter des sub<
nstances à l'étranger , solder les troupes en pays
ennemi, et Ton exporta des sommes considéra-'
blés en numéraire.
Pendant la paix, le commerce a repris «inel-
qne acùvitéi mais la rareté de l'argent s'est fiiît
constamment sentir, bien moins à cause de sa'dl-'
nùnution i>éelle, que parce qu'une grande partie*
du numéraire a été retirée de la 'clrculaiÏQn; '
D'un autre côté lesoolontesne produisent pre*.
que rien , et n'ayant plus ce moyen d'éobange
avec l'étranger, il ^ HHlix le remplacer par du nu-
méraire.
La. balance de oommeroe de l'an & a donné.
VQ déficit au préjudice de la Fraoce, de 54 mit«-
N Google
BU sY^j^E^mic^rnsmci/Lh. fof
^ff ,.y^HF;. , Çcïiijaot r^a ^, le amaastcc-^èsp
«tfipd^p^Qii^liMÔtJftconsMWttMiotiyraiiB'IaibaM
J^mp^ Ipinde 5erjétablirA.cloDDi9UDd^âdcd0ttà»
il^lHoii9sur4i7 niillioDs d'éblianges^ l -' ^ . >
, Je. k répète oncore. CeS£ prograssioa^tUms lé
déficit de la balnoce, provient principalement dffi
la perte des cplooies. Nous sommes acmellemint
forcés d'acheterà l'étranger des productions don<i
sousF^ltions jadis au delà de nos besoins; eco«
seiit «ibjet nons enlève des sommes iaiAenstsv
En résunté» radministralion doit aur états de
]:)al,aDçe,la conDiùssance exacte de h situation ' dw
contm^rce Dational. Ainsi la lialance du <!Om-'
iQCroe est très-utile parce qu'elle indique lemal
quand il eiiste, pourquoi il existe, et qu'eHfiiW
cilite de cette manière les moyens ' d'y ponett
. Je .terminerais ici ce chapitre, si je né croyai»'
□^c«S8atre -de rappeler très - sommairemeat au-
lefitA^ quelques- uns des principaux poiots die
la doctrine de Smith aur ce sujet. '
Lorsqu'à la fin de l'année, noua avons trcqtûa
la certitude que nous sommes tributaires dé l'é*
traager pour une somme de do mUKonis plus
au moins, Smith et son traducteur ne veulent
point que ce soit un mal. Si le gouvernement en
Doncliu que le commerce extérieui'Dous devient
N Google
55o" ' 'hrVH.% Vl'ii '.-■■■ :ri-
défiivanh\e,'eétte induction est umtiStMif«i.i(_i^
XI ne fimr pmm seloD-eu.empêcW-^ueJ^ttan.
tk>Q otHisoinme du ofê et (ki tW , quoiqu'elle
acbàw ces dm éearées ea anmcraîre-t /MVVMA
çu'un capital en thé et en café, ^ha^■h^it.
J0ors iwbèveDt la destnictk)a-, est évidemment,
tout aussi utile au pays ^u'un capitalennu^
mértùre, qui dure des siècles et reproduit aor'
naellemeot trente fois sa valeur. JWattention:du<
gowemement ne saurait donc jamais- étrty
plus mal employée ^ue tjuand il s'occvp»
âe surveiller la conservation ou l'aceroisserr
jnent du numéraire dans le pays. D'ailleurs-
en achète du numéraire (fuand on en man-
çue, tout aussi aisément que d'autres mai^
chandises. II est vrni que quand on n'a point
assez de marchandises indigènes pour acheter
les productions exotiques dont on s'est fait un
besoin , ïl doit être quelquefois assez diflifùle
d'en trouver pour acheter de l'or. Mais alors on
s'en passe. L'essentiel est qu'on ne manque qÎ
de thé , ni de café , ni de marchandises de goût.
Une nation ne peut doue mieux employer son
numéraire, qu'en faisant venir de telles marchant'
dises à grands frais des contrées lointaines. Lors-
que tout le numéraire du pays aura été dépensé
( I ). Je cite ttxtaellemrat.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 53.*?
en ab^i^tions de cette utilité ,'il aeni tonjout^.
aS8«z temps ée reooDcer à un commerce aus^
avttntqgetifiii^ et ^ue chacun des peuples çuî s'y
Htfrent a un égal intérêt à maintenir f «[uaat-
aux ■ééhoDges de riméneur, ils se feront très-
bien ennature, comme au temps det patriarche*,
eU'bien en papier-monnaie, ce çui offre etf
cûTe ntoins dinconvéniens , ainsi que l'on»
prôuv<é les billétsde Law, ceux dea EtatSrXJiù»
A hos «ssignata. Alors Le pays aura attetat 1»
âtakitûum de 1& prospérité, ija balaaee du corn-
met-ce qni a pour objet de retarder ee fortuné
mbmeot , est donc éTidenuneat une înstitutioa
déplorable. La balance de commerce est la
chcfse la plus absurde qui soit au monde* -
N Google
' (Li'V RE ï 1 r:
CHAPITRE vr. ;
fin Système commercial dana se» rapporU Kjec la
Marloo.
«I'ai annoncé dans le chapitre premier de ca
livre , en développant tes priocâpes g^oéraiix qui'
Mrventdebase au tarif, que les droits avaient ét«
calcule'» ,autaiu que possible, de manièpe à serviit
à la fois l'agriculture , la marine et Hodusuiel
Cette asMrtionestngourensementvraie. Copen-
dantil n'y a qu'un très>petit nombre de marchaQ(>
dises dout les droits vaneat selon qu'elles sont
importées par bâtimens français ou par bâtîmen»
étrangers. Ces marchandises sont à l'entrée le
tabac qui doit par bâtimens français So francs lé
quintal décimal, et par bâtimens étrangers lOO
francs, La même distinction existe a la sortie pour
la résine. Exportée par navire français elfe doit
So centimes. Le droit «et double quand l'expor-
tation s'effectue parnavire étranger.
La raison de ces différences de droits «et Rt)p
sensible pour qu'il soit besoin de la donner. It
est évident qu'elle a pour objet de multiplier le
nombre de nos navires, et qu'elle est très-pi'Opre
à atteindre ce but , puisque le négociant (jui eoH
N Google
DU SYSTEME COmOEWClAL. KS*
ploie des bâtimens oationaui jouît ainsi d'une
prime^ lui permet de vendre sa marchandise
à meilleur, niarché, ou. de faire yn-plu» gros
bénéfice.
Mais il fallait à la marine d'autres encpiârage-
tnens. Je reprends les choses de plus haut.
L.a Hollande est la seule nation de l'Ëuropa
qui ^t dû toute sa prospérité à sa mariné. Att
^ommeuoement du dix - septième siède, elld
^aiidéjà en possession du commerce de trans-i
P(»-t4e l'univers. Sa puissance porta bientôt om-
brage à J'Angleterre, et tel (ut le motif du fameut
apte, de navigaùon qui depuis l'éleva elle-mémà
à uil si hatu degré de splendeur. -
, . T(Urt le monde connaît Iw dispositions de cet
aae. Les bases en sont fort simples. II intei^
Wut commerce dans les c<^omes de la Grande^
Bretagne, et le cabotage de la métropole, aux
nftwes dont les propriétaires et les trois qnar^
d9 ré<[nipage ne sont pas sujets de l'Angleterre:
U rem. que l'importation de plusieurs marchan.^
diaes. qu'il désigne et qui sont toutes d'encombre^
ment , ne s'efFectueque par des navires nationau»
ég^went montés de manns dont les trois quaru
^loivenLètre Anglais. D'autres dispositions rel^-
ttves au cabotage prescnTeni que le transport dé
quelques marchandises d'un très -gros volume
-n'aura lieu. que par.mer, «tel est côliù r^l^if
ji-vGoogle-
S54 l* 1 V R E 11 1.
«nx oWlxMM de terre dont' la Toiuui^é «ecapc
de l'ama de Smitli , ùnâ que noes l'jiwuiS'iiéji
vu , via» de bûtùneiu qae tout le commeree' de
traDMOrt de l'Angleterre. C'est ce même régler
neatdont Montesquieu a aï jnMemeoi fnt boa->
neur à la politique anglaise-, et qui a détermiiié
M. Ganiier à mettre Smitli qui le bUtme au-^Ies^
nu de Montesquieu.
L'acte de narigation de l'ADgleterre remonttt
à l'administration de- Gromwell. Après sa nïort;
Charles II le confirma. Qociqu'il ait éprouvé
plusieurs mocfificatioos, les bases en sont r^stëeè
Bttaetes,etil est impossible de ne pas le consldé^
rer comme l'une des principales causes de lapros*
përitédommereiale et maritime de rAogjeterrs^
' Snnth afHrme que l'acte de uaTignlion a ^H
contraire aux progrès do commerce exténeof.
Ce sont porûculièremenl les dispositions relatives
an commerce des colonies qu'il improuve: Jv
crois avoir répondu dans le chapitre qui les cdb^
cerne au reprodie de tyrannie qu'il adresse aux
métropoles. Je n'y reviendrai que ponrmonttef
cncor« une fois combien il est aisé de soutenir
les opinions les plus contradictoires en s^appuy^nt
de l'autorité de Smith. « Dam> la vue d'exécuter
». unprojetdepuremoHceetdcpnre J3lousie,(i)
(i) Sniitli,tom. UI,p3g. 3Ca,
N Google
DU SYSTBMB COMMERCIAL. $iS5
«iic^ui d'«iolura satant que- posaiUc touttts les
I* «utres aatioas d^ prendre quelque part dadt
m ■ lecommeree dei ooloDÏes, l'ADgleterre a, selon
«„tôaie apparmee, sacrifié oon-seulemeiMt une
»• partie de l'avantage absolu qu'elle arait à reti*
t, nr«a communavec toutes les autres nations,
•' de ae commerce patticulîer, mais.encore ell4
» s'est assiijétie dans presqae toutes lels autres
« braaobesdecommerGeàuDdésarantageabsola
» et-en mdmetempsà un désavantage relatif . n
U D'entre point dans mon sujet de discuter le
peu de fondement de toutes ces distiactions qui
sont faussas , et n'ont été imagiDéea que pour
fflubrouiller la question. Je me borne à bien éta-
blir l'opinion de Smith sur l'acte de navigation.
Ob vient de voir qu'il l'attribue à un projet de
pure malice et de jalousie. Maintenant U va
s'etTorcer de prouver qne l'aete de navigation n'a
contribué en lien à la prospérité maritime de
l'An^elerre. k Pendant la guerre de Hollande »
» sous le gouvern^uent^le Gromvrell, la ma~-
» rùie anglaise éuitsupéiieureà^ ««lie delà Hol*
H- lande, etdanglsguerrequi écJataaueommena
» cernent du règne de Charles II , elle était au
n moins égale, (i) peut-êtresupérieureanxmaf*
p rines réunies de la France et de la Hollande.'
(■)Toiii.ni,pig. 964-
N Google
|S6 tTV R E ît L
M A pùne «ajourdliai {«eitt'-étrO sa sàipënorii^
» paratirait-elle plus grande, ou moins si lama-
u rioe de Hollande était maultMiaDt propèrûbn-
B née au commerce actuel de cette république ,
y comme die l'était alors. Or , dans aucubë de
> ces guerres, cène pouvait être à l'actedenàTi*
,• galion qu'elle dût cette grande pnissauce ma^
» rilimei etc. etc. »
Sans doute , le lecteur est frappé comme mol
du défaut absolu de logique qui distingue tout ce
paragraphe , encore plus mal pensé qu'il n'est mal
écrit. A peine aujourd'hui peut-être i^A^riâÙi.,
la supériorité de la marine anglaise paraU
trait^lle plus grande , au moins si la ma-
rine de Hollande était maintenant propor-
tionnée au commerce actuel de cette répu-
blique. Qu'est - ce que tout cela âgnifie ? qoè
•L la Hollande avait continué à prospérer', la
marine ai^laise n'aurait sur celle de cfc pays
aucune supériorité ? £h bien , pourquoi la iila-
ifiue boUandaise a - t - elle décliné ? Fï'est - ce
_pas parce que l'Angleterre l'a exclue de ses ports?
Pourquoi l'Angleterre, au contraire , a-t-elle vu
croître sa marine ? N'est- ce pas parce qu'elle a
été forcée de faire elle-mêine son propre com-
merça de transport, qui avait été jusque-là le
patrimoine de la Hollande? Or, ce doubIerésnt>
V)t , qui l'a produit ? L'acte de navigatio». L'acte
N Google
DU SY6TBMB GOMMEjVCIAL. SS^
tpapMDaç 4e l'Angleterre. II ÊtUàii ètn Sbnth
pi>i^ teDtQx 4'<^bwwcv uoe véâté de eette évi-^
dçDW,
.11 eift ^'ailleurs fiiux que la mamie oi^aiso
n'fùt pas ,.relatiTeaieBt , augmenté eu force depuis
Tacte de. uavigatioa. C'est un Sait iBatéi-iel dont
<fa peut établii' la preuve en quatre lignes ; et
quoiqu'il n'y ait dans cette prospérïté maritime
1^. l'Au^çterre rien qui nous humilie , aiasi que
î'e^père le prouver dans le diapitre suivant , je itae
dj^eoserai de jusUSer mon assertion , qui ne se
justi^ déjà que trop par elle-même.
AJoà opa content d'avoir présenté l'acte dé
99vigation comme un traîtdepure malice et da
jpiousie» &nith a encore voulu-aous persnader
qvte cet acte n'avait en rien contribué à la prospé'
i^(ié nviritime de l'Angleterre. Après cela, tes mor-
^^Ui tuivaos pourront paraître assez curienx.-
■ La défense de la Grande-Bretagne dépend
a. IfeviCDup du DCHobre de ses vaisseant et de sef
• matelots. C'est donc avec raison que l'acte d«
». navig.ation cherche à donner aux vaisseaux et
« aux matelots de la Gruide-Bretag^ le mobo-^
« pôle de la navigation de leur pay5tetc.(i)— »
u Lorsque cet acte fut dressé , )ea Hollandais
.0)S«>itb,tom.UI|pag.74> . - ■' ^
N Google
538 ... .t.I V R K m. , 1
» étalent , comme ils le sont eucore aujouriitilii ,
H les grands voiinriers de rf.uropei Celte dUpo-
B siûon einpèchii q,ii'<ls ne fusMiot aussi ^ux de
H la GrJiude - Bretagne , etc. (i) — Quelques*
u unes des dispositions de cet acie célèbre ont
» été probiblcmeat le (J'uît de l'animosité na-
» tioniile. £llcs sont ntianmoîas aussi sages quo
si elles eussent toutes éié dictées par les plus
■nùr^s délibérittions et les intentions les plud
raison niables. La baine aaiionalo avait^lors ea
vue précisément le même but qu'eût pi^ so
* proposer la sagesse la plus réfléchie^ c'estrà-
» dire , l'atTaiblisseuent de la marine de 'Hol--.
X lande, etc. (a) -r L'acte de aavigatioa a pu,
» mettre quel qu'obstacle au commerce extérieur.
■ Avec cela , comme la sûreté de Pétat^st d'uns
M plus grande importance que sa richesse, l'acte
M de navigation est peut-être le plus sage de tQU^
» les rcglemens de commerce de l'Angleterre. (3)
. A présent , le lecteur peut se détermioer pour
ou contre l'utilité d'un acte de navigation , et it
quelque parti qu'il s'arrête, il aura l'autorité da
Smitti eu sa faveur , puisque Smith a souteuu les
deux. opioioBS contraires.
(i) Tnm. in, pafî. ■;5.
"■(■») léflm, |»«g. 77.
(3) Idem, pag. 79.
ji-vGoogic
l)U SYSTEME COMMERCIAL. tSç,
J^mTC à la FrnncG : à l'epoquo où l'acte d«
Bffvigaùon dé rAnfjIcierre fat rendu, la Hollande
étail «Q possession de ooire commerce sussi Tiied.
«fue de celui de la Grande-Bretagne. La Fraiico
tt'lmita cependant point son exemple. L'éiat de
BOn-e marine ne pouvait dons le permettre. Ciu-
Cfiiaoté ans iniparavant seulement , Sully avait
«atnepris (f en créer utifi; car dé son temps nous
n'en ariona vérilablemeni point. Mais on n'établit
de- marine que par le commerce , et Sully n',ii-
t&f^hait poiut au commerce l'idée de la prospé-
rité du poys. Il faut dire aussi qu'arrivé n )a tête,
des affaires après de longues guerres civiles , il
dm plus nalurellement s'occuper de l'agriculture i
à laquelle ces temps de désastres sont toujours si
fiinestes: Cependant; les étrangers aviticnt étàblî
des droits d'ancrage sur nOs bâtimens qui mouil-
laient dans leurs ports. Henri IV sentit la néces'
site d'oser de répi^sailles. Un édit fut rendu dans
tiet objet: Cet cdit , qui pttssa conire l'avis de
Sully , et malgré l'opposition des parlemens ,
pi'ouve que la France n'a jamais été la première
à donner l'exemple des prohibitions et des me-
sures fiscales ; et j'insiste sur cette remarque ,
parce queSmith et les éci-ivains nous ont préci-
sément adressé le reproche contraire.
Malgré les encouragement que la marine reçut
Ji. cette époque , elle languit encore fort lot>g-
N Google
54o t I V R E. I I ï.
temps. J'en ai dit la raison. Il De peut exister de
marine que par le commerce. Nous o'avioDS point
de commerce; nous n'eûmes point de marine.
Tel étiût l'éiatdes choses, quand Cotbert arriva
au contrôle général. Non-seulement la Holtands
naviguait pour notre compte , mais elle nous
fournissait le petit nombre d'objets d'équipe-
ment maritime que nous employions alors. On en
peut voir le détail dans le siècle de Louis XIV ,
par Voltaire , et dans les historiens du temps. Col-
bert encouragea la marine par des gratifications
calculées sur le tonnage des navires que l'on
construirait en France. Il en accorda même aux
navires construits à l'étranger , quand ces navires
appartenaient à des Français. La nécessité de for-
mer des matelots le porta aussi à accorder une
prime de quarante sous par tonneau aux navires
qui feraient le commerce du Nord. Enfin , Col-
bert protégea les manufactures et le commerce ,
sans lequel toute faveur accordée à la marine de-
vient bientôt sans objet. Le résultat de tant d'ef-
forts fut que dans la guerre maritime de 1666,
à laquelle la France fut obligée de prendre part
comme alliée de la Hollande , nous pûmes mettre
en mer cinquante vaisseaux et vingt brûlots. A
peine y avait-il alors cinq ans que Colbert s'oc-
cupait de Ja marine. L'histoire n'offre aucun
exemple d'une pareille administration.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 54i
Cef n'était rien encore. Colbert voulut que la
France eût , m^me en temps de ]>aix , un état de
marine de cent vingt vaisseaux de ligne. Te! fut
l'objet constant de ses travaux ; et il s'en fiillut
de bien peu qu^ ne réalisât son projet, puisque
la France eut en mer , pendant son administra-
tioo, jusqu'à cent dix vaisseaux de ligne, montés
de plus de cent mille matelots, (i)
( 1 ) En pirlant de Colbert , je tait toDJours entraîné
malgré moi à des tdmoîgDagesdereconnaÎMance et d'admi-
ration. C'est peut-ilre moini» encore une snite de» service»
qu'il B rendus a la France , qne le résultat d'un sentiment
profond d'indignation causé par le souTCnir de* oairngea
dont le dix-huitième siècle a accablé sa mémoire. Nul
homme, en aucun pays, n'a mieux mérité d'être a la iét«
"de l'administration , et je n'en veux d'autre preuve que
cette instruction paternelle qu'il composa à l'occaiioit
de l'un des voyages de M. de Seignelay, son fils, et
que Forbonnais a précieasement recueillie. On sait quo
M. de Seigaeley était destiné h remplacer Colbert dans
le département de la marine. Alors on ne croyait point
que des fonctions ministérielles fussent très-sisées à rem-
plir. On n'avait point encore réduit la science de l'ad-
minîstrntion et du gouvernement 'a des axiomes populaires.
'On était sBrtont très — éloigné de penser qu'elle pAt s'ap*
prendre autrement qne par la pratique. Ainsi Colbert ,
après avoir donné 'a son (ils les connaissances que l'on peut
acquérir dans des bureaux , le fit voyager pour qu'il s'ac-
ooutumât a tout voir par lui-même. Il l'envoya d'abord
idans les principaux ports du royaume, et ensuite en Hol-
lande , en Angleterre , où la marine était pins avancée que
chez nom. L'instruction qu'il lui remit avait pour but
N Google
Z/^ Lï V R E I 1 I.
X-a France n'aj'âDt pu V^iRraDchir , ^u m^m6
Jeiupii que l'Angleterre , de la dépendance de tii
de le diriger daD« se* ifitiux. Auiri Colbert y {iiHak—
il en lerue tous lei objet* d'ailminiatraiioa maiitimiB qui
devaient plus particulière ment appeler l'altention de M.
■le Seignelay. Lei piemièi'ea liguei de cette instruction
ne (ont que les conseils d'un bon përe él d'iin ami. Je ne
piiiv rési«ter an désir de les tirangoEire.
» Étant persuadé comme je le suis que mon Gla *
n prit une bonne et ft-rnie résolution de se rendre autant
X booD^te tomme qu'il a besoin de Tâlre pour soutenir di-
.« finement , avec estime et répotation , me^ emplois , il
■ est surtout nécessaire qu'il fasse toujours réflexion, et
■ s'applique sTec soin au règlement de ses moeurs , et
." ïuiiuitt qu'il considère que la principale et seule par-
« tie d'uD boourte homme est de faire toujours son devoir
.« à l'égard de Dieu, d'autaut que ce premier devoir tire
■ n é cessa irpmeat tous les autres après soi , et qu'il est im'
D [io.->sible qu'il s'acquitte de tons les autres s'il manque k
" ce premier. Je crois lui avoir assez parlé sur ce sujet ,
•n {lour qu'il n« «oit pas nécessaire que je m'y étende da-
■' vaotagB. Il doit seulement faire réflexion que je Inî
u ai ci-devant' bien fait connaître que ce premier devoir
.u envers Dieu se pouvait accommoder fortbienavee lea
. u p!ai.>iirs et les divertissenaens d'un boouéte bomme ta
K SB jeunesse, u
Qnel grand et inagniltquâ spectscte , digne del'admira-
tioQ des siècles, que celui d'un homme tel que Colbert,
donnant, du faîte des grandeurs, des leçons de religion et
d'humilité à son fils '. Heureux temps ! Siècle de gloire et
de vertus, où l'homme public se contentait de bien Taira
aoD devoir envers Dieu , panfe e/ue ce premier devoir tir»
tous les autres après soi.
U paragraphe de-cette imtruslîoa anbltin*
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. «/,«
Ilollanâe , il était devenu plus difficile i{vke' ja-
jiiais- d'employet contre elle les mêmes moyens
d'exclusion. Déjà le tarif de 1667 avait failli
àmeoer une rupture'. Qu'aurait.ce été , si on cftt
tout à coup tenté de dépouiller la Hûllunde d'un
commerce auquel elle tenait d'autant plus «ju'elle
avait di'jà laissé éctiapper de ses uiaios celui de
l'Angleterre. On temporisa donc. Si Colbert eut
VécùdaV'tntage, probablement On aurait Cni par
quelque mesure d'éclat jmais de sou vivant, Col-
qui ne mérite d'être appris par cceur. Qu'o
d'eociterencorelesecond par lequel je termi
H Aprèt ses deyoivc envers Dieu,je(Ié4i
4 fasse souvent réflexion à ses jobligalionseï
.« seulement pour sa naissance qui m'est
■ teus le« pères , et ({.ui est le plus sensible Hea de la so-
.H clété Lumaitie, mnis mèmepour Tel éyatioii dent laquelle
•< je l'ai mis , et pour la peine et le travail ([ue j'ai piîs
« et que je prenjji k>us les jours pour son éducation , <>t
(); qu'il pfnse que le sviil moyen de.s'ac4]ai(ter dGcequ'i)
K ir.e doit est de m'aider k parvenir à la fia qos je sou-
■ Kajie, c'est'h-dire qu'il devienoe autant et plus lioqnéte
li liomme que moi s'il est possible , «t qu'en y Irarail'
« lant comme je le désire , il satisfasse en mdine temps
■ ,ii tpHS sts devoirs envers Dieu , envprs moi et eoTers
« tout le monde , et se donne ainsi tes moyens sftf s et in—
« faillibles de passer une vie douceet commode.ce qui.na
« am peut jamais qu'avec estime , réputatioa et règlement
« de nujeurs. " ....
. 1) faut pleurer d'admiration en lisant de pareils trait« ;
et malheur au siècle qui commence si je ne tr«uvep«iHt
. de lecttur* qui en soient luncbé* I
N Google
«44 L I V R K I I I. .
bfirt nvait été en biitie aux «crÎTains , qui w WSr
saient de lui reprocher d'avoir sacrifié l'iigriculc
lure et d('[)euplé le pays. Qu'on juge par-là d€:<Q
qu'ils durent se permettre après sa mort, Âu^i
l'on ne sentit bientôt pluii la nécessité d'une ma-
rine pour la France ; et lorsqu'à la suite des dé-
sastres de la guerre de 1 766 , dans laquelle pous
perdîmes trente - sept vaisseaux de ligne et âj>~
qiiante-six frégates, le ministre Berryer fit mettre
eu veote les agrès et approvisionnemens mari-
times, sous prétexte ^ue/î'ayan(/»/u,î<fe_/Zo£fej,
nous n'afions plus besoin d'arsenaux j on
prit à peine garde à cet acte iucroyaljie d'ïm-
péiitie , tant l'opinion publique était déjà cof-i
roui pue !
Dans la guerre pour l'indépendance de l'Amé-
rique, la France sortit de son engourdissement.
Elle eut eu mer jutqu'àsoixante et onze vaisseaux,
et l'on cria au prodige. Mais qui ne voit combien
□ous avions dégénéré, puisqu'un siècle aupara-
vant notre marine éuit plus forte de quarante
vaisseaux ?
Cependant l'impulsion était donnée. Les suc-
cès que la France venait d'obtenir avaient
mieux fait sentir l'utilité et la nécessité d'une
marine que des volumes de raisonnement. C'est
que , pour un Français , il n'y » pas de raisonne-
ment qui vaille le sentiment de la gloiie natio-
N Google
DU SYSTÉRiE doMMEkClAL. 34^
Date. Où ne pouvait donc plus qu'accueillir tout
ce i^i-âuraitpour objet d'étendre la marine; et:
téHé 'était la disposition générale des espiîtA
<]ttainj la révolution commença.
Od explique très-bien de cette manière , com-:
m^t , à une époque où les institutions apcîenqes
(âroulaient de toutes parts , et faisaient place à des
innovations ineptes ou monstrueuses, le système,
commercial nou-seulement se maintint , mais se!
perfectionna et s'épura. Ainsi,nous eûmes enfin,,
commç l'AngleteiTe , un acte de navigation. Le
DOmbredesmatelotsclassés^sousM.deSeignelay,
s'était élevé à cent vingt millej de 1783 à 1787
il ne passa point quatre-vingt mille, (i) he seul
moyen de les multiplier était de reconquérir sur
les étrangers notre propre commerce de trans*
port. Tel est le principal but de l'acte de navîga- ,
tiaa. Deux lois rendues, l'une le 21 septembre
1795 , et l'autie le 27 vendémiaire an 2, en con-
tienneat les dispositions principales. Sans être
aussi prohibitives que celles de l'acte anglais ,
elles sont cependant très- propres à rendre un
jour de l'éclat à notre marine j et sans doute il
( I ) Je reaToi* b l'ouvrage de M. Ârnould sur le syi-
tème maritime des Européens pendant le dix - hukîèma
•iècle, pour la vérification de ce fait et de plusieurs autres
énoncés dans. ce chapitre. Concnlter également le grand,
surnage de Forfron/ww »ur les Finances da France.
N Google
3^6 Ll V R F; I I 1.
«urfirn poor cela de qii«Ii|ne» années de p&ÎT»
jointes à nn bon système d'onooaragetnent poM
Jb pèche et ks lUuaufactitres. . i. ■
Voici les principales dïspositioDft de l'acte d<
BOVîgaliDD de la Krtince.
Pour qu'un bfittmenl puisse être réputé fi'ân-
çais , et jouir des priviiéges accordés îinx btîti-
mcDS français, il faut qu'il ait été construit eMT
France , ou dans des possession» Trançaises « «u
!bien qu'il ait été pris sur l'ennemi , ou conSsqué
jk)Hr contravention aux lois de la république: It
faut aussi que les trois quarts de l'équipage et lei
officiers soient Français , et que le navire appar-
tienne en totalité h des Franç;iis.
L'importation des marchandises étrangères ,
soit en France , soit dans les colonies, ne peut
être effeciuée que par des navires français ou
appartenant au pays d'où viennent primuivement
les marchandises; et dans cette dernière hypo-
thèse , les officiers et les trois quarts de l'équi-
page doivent être du pays dont le navire porte'
le pavillon.
Le cabotage français est interdit à tout navin*
étranger,
Ceè dispositions sont extraites de la loi du
2 1 septembre 1 793. Le décret du aS vendémiaire
se 2 est plus particulièrement relatif aux for-
malités de l'exécution." 11 prescrit celles qu»
N Google
DU SYSTEME COMMFJICÏAL. 34?
dâiv^ntfprécéder l'acte d« francisation que i'oii.
Oie délivre qu'aprèii serment et caulioQ. 11 dé-
tennioe l'espèce et- la durée des conj^és qui
vurîe snivKDt ta cootioence des navires. Eaâo
il (jxe les droits de uavigulioji Auxquels seraut
.'iSKujétis les bûtimeus tant nationaux qu'étran-
gers. Je vais indiquer sommairement en quoi
<x» droits coQsistent :
Les droits de n»vigation sont de plusieurs
sortes. Il- y eu a qui se perçoivent à chaque
Toyage : tel est le di-oit de tonnage ; d'autre»
auxquels le navire n'est assujcli qu'une fois ,et
lelest celui que paient les bâtimens nationaux aa
moment de ]eur francisation. Ce dernier varie
suivant la continence; en voici le tableau :
Pe loo tonneaux inclusivement et au^ssous^
le. bâtiment doit g francs.
Jusqu'à 300 tonneaux. . . . i8
Au-dessous de Soo 24.
De 5oo et au-dessus 6 francs de pins. par
«haque lOO lonneauï.
Le droit de congé se paie à chaque voyage.
Il varie de i franc à 6 , suivant la coutineace
du navire.
Ces deux sortes de droits ne regardent que
les bûtimeos français. Il y en a deux autres qui
Atteignent iadistiiictement les bâtimcns français
et ceux étranger». Ce sont le dixiit d'cipéditioa
N Google
S48 L I V R E I I I.
et celui de tonnage. Le droit d'expédition se
perçoit sur un navire chaque fois qu'il entre
dans un port. Il est de 18 francs pour tout
navire étranger de 200 tonneaux et au-dessous ,
et de S6 francs quand la coDlioence est supé-
neure. Les bâiiniens français ne doivent le droit
d'expédition que quaud ils ont plus de 5o ton-
neaux. De 3o à i5o tonneaux , ce droit est de
a francs ; de i5o à 5oo tonneaux , de 6 francs;
et quand la continence est supérieure , de 1 5 fr.
Le droit d'expédition en entraine un second
qu'on nomme droit d'acquit. It est de i franc
pour les bâtimens étrangers et de 5o centimes
pour les bâtimens français.
Il ne me reste plus qu'à parler du droit de ,
tonnage. Il varie aussi dans sa quotité , et se per-
çoit par .tonneau , ainsi que son nom l'indique.
Les bâtimens français au-dessous d« 3o ton-
neaux en sont exempts.
L'exemption s'étend aux bâtimens français
qui reviennent de la pêche , de la course , ou
d'un port étranger.
Tout bâtiment français faisant le petit cabo-
tage , c'est-à-dire , venant d'un pûrt français dd
l'Océan , dans un autre port français de l'Océan ,
ou d'un port français de la Méditerranée, dan$
un autre port français de la Méditerranée , doit
l5 cenlimes par tonneau.
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 54^
Ponr un navire français faisant le graad ca-
hoiage , c'esl-à-dire , allant d'un port de la Mû-
diterraoée dans ud port de l'Ooéau , et leversi-
bleineot, ce di'oit est de 3o centimes.
Un navire français venant des colonies , et
comptoirs français en Asie , en Afrique et ea
Amérique , doit de droit de tonnage 5o cen-
times par tonneau.
Le droit de tonnage pour tout bâtiment
étranger arrivant dans un port de France est de
2 francs 5o centimes par tonneau.
Il suit de là que de tous les droits de navi-.
galion , il n'y a que celui de touuage sur les bâ-
timens étrangers qui soit de quelque importance^
Il n'est même pas très - considérable , puisqu'un
navire de 4*^0 tonneaux , dont la cargaison ea
denrées coloniales peut valoir au-delà de 800
mille francs, n'aurait à payer que 1000 francs
de droit de tonnage. Ce droit n'eu, doit pas
moins être considéré comme une prime en Vi-
veur du commerce et de la marine nationale,
dont les étrangers font les fi-nis.
En résumant tous les développemens que
renferme ce chapitre , sur l'utilité du système
commercial dans ses rapporta avec la marine «
le lecteur sentira facilement combien ce systèuM
peut exercer d'influence sur la prospérité du
pays. Le système commercial , dans les institur
N Google
55o L I V R E 1 I T.
lions qui ont le commerce pour objet, tenJ St
multiplier le travail et par conséquent la ri-
chesse- Dans celles qui regardent la navigalioa ,■
il procure à l'éiat des moyens de défense et de
puissance extérieure. Ainsi l'Angleterre est venue
à bout détendre d'une manière si prodigieuse sa
ptùssancc commerciale et maritime. A cet égard
les raisonnemens de Smîili doivent fléchir de-
vant l'expérience. Mais de cela même que l'acie
de navigation a été si utile à l'Angleterre , on
peut hardiment prédire que lu France retirera
un jour de celui qu'elle s'est donné des avan-
tages non moins précieux. Déjà pendant la paix
nosnavïresontsufli à noirè cabotage. Avec quelle
rapidité, le nombre ne s*eo accroîtra-t-il point
quand noua pouiTOns reprendre avec dos coIoj
aies des relations que la guerre rend aujourd'hui
si difficiles , quand nous pourrons nous livrer de
notiveau à la pêche et faire de ces entreprise»
lointaines, qui sont toujours d'excellentes écoles
de matelots. L'exclusion du commerce des co-
lonies donnée aux oavîres étrangers chargés de
marehaudises de notre cru , le cabotage fran-
çais réservé à nos bâtimens > et le droit do
3 francs 5o centimes par tonneau auquel sont
assujétis les navires étrangers qui abordent dani
nos ports , sont donc des mesures très -sages.
C'est la crainte <jne nous oe profitions de tous
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. S5i
]«s avantages qu'une posuioa si Douvelle et si
heureuse nous promettait, c'est cette basse a|lpr«^•
hension gui a déiermiué l'Angleterre à rompre
un traité dont elle arait tout autant à s'applnudir
que nous. Elcombieu ue doit-elle pas éprouver
de saiisGictioQ eu voyant l'accueil que nous fai-
' sons tous les jours eu Fraucc à des ouvrages
. où Ton ne cesse de prêcher la réforme d'un
^sléme auquel est liée notre prospérité , et
dont elle a déjà cherché à paralyser les bon^
effets par tant de sacrifices d'hommes' , d'argent ,
de principes et d'honneur !
Je n'ai plus qu'un mol à dire : si nouç u'avion»
point de système cominercial , pourrions -nous
concevoir l'espoïr de nous créer une marin^
puissante ? Non , puisqu'alors upus deviendiiont
tributaires de l'étranger , dont les uayires rem-
pliraient bientôt dos ports. Ainsi les étranger^
s'empareraient de notre. commerce avec Jes colo-
nies, de notre cabotage. Ils feraient pour nouf
la course, la pêche , les yoynges, de long COura,
La prospérité de la marine ^ept donc k l'enlièr«
exécution des lois du système commercial. ]Mai$
d'un autre côté la manQ^ peut seule ass\irer au-
jourd'hui une grqnde puissance extérieure. , La
puissance extérieure.d un pays maritime est donc
intimement liée à sou syïtènie commercial. C'csf '
ce qui me semble iucoptçstable , et ce que jf
voulais démontrer.
N Google
55a L I V R E H t.
CHAPITRE VIL
t)e U FruM et de l'Angleterre comparéei dans Véfprit
de leur Commerce
\J S a mille fois comparé la France et l'Angle-
terre dans leurs divers élémens de prospitrité.
C'était même, avant I» révolution , un sujet iné-
piùsable sous la plume des écrivains , qui arri-
vaient toujours il conclure que l'Angleterre est
un pays admirablement administré , admirable-
ment gouverné. Ces rapprochemens qu'on repi-o-
duit encore tous les jours ne servent guère qu'à
égarer les esprits. Ils manquent , pour la plupart ,
de justesse et de profondeur.
Ce n'est pas que l'Angleterre ne puisse être
justement louée dans plusieurs parties de son
administratioD et de son gouvernement ; mais il
Y a loin de l'équité rigoureuse à l'engouement *
iet trop long - temps nous n'avons su parler de»
Anglais qu'avec lé ton de l'admiratiou.
Que disent les partisans de l'Angleterre ? D'a-
bord , lis trouvent étonnant qu'elle ait des expor-
tations annuelles qui passent un milliard en va-
leur , taudis que la France , dont le territoire est
N Google
mj SYSTEME COMMERCIAL*. S55
qUadnqiLe et lapQfuUaÙQii triple,, n'a jaixMtù ex-
porté nu - delà de cinq ceot mUIions ; et ils foot
honoeur. de cette dîfT^t'eDce à l'ai^iQfBtration
britaDoique.
i ]] est, impossible de juger plus mal. C'est pré-
ôsément parce que la France est trois fois plus
peuple que l'ADgleterre , c'est parce que sou
territoire est beaucoup plus étendu , que son
commerce extérieur est ù peu considérable. La
France trouve cbez elle des consommateurs ([ue
l'Angleterre est obligée d'aller cbercher bien loin j
et taudis que le commerce de la Grande-Bretagne
est sans cesse menacé de révolutions , soit parce
que les états lointains peuvent apprendre à se pat-
aer de lui, soit parce que les guerres y appor-
tent des obstacles toujours renaissans , la France
livr^ à elle-même, trouverait encore dans son
industrie , ses capitaux et sa population , les
moyens de conserver le rang qu'elle occupe.
.Comment ne pas voir que dans cette comparaison
tout l'avantage est pour nous ?
Les Anglais , nous dit-on ensuite , ont le génie
du cOQunerce dans la plu* grande acception du
mot. Le commerce est le sujet de toutes leurs
méditations , le but de toutes leurs eutreprises;
Chez eux, tout se rapporte au commerce , la po-
litique , les arts , les sciences , la guerre , jusqu'à
la religion ; et en effet on se rappelle ce mot d'un
^5
N Google
554 ' Ll VR.E 11^ . .
de leurs hommes d'état « à prcftos ^e^ . misir J9Ht
□aires de l'Amérique : « c^uaod ils ii,e rpufà-»
» raient qu'à faire babiller les sauvages,, ils a»-
» roDt toujours servi très - utilemei^ dos mann-j
» factures. *• ■ - ; . '.
Tout cela peut être vrai. Je ne conteste rien j
et après tout, j'aîœe mieux qu'un |uot iodéççi^^
sur l'utilité couimerciale qu'on peut retirer de \ft,
Teligîoo , appartienne à l'Angleterre qu'à la France.
Véritablement l'Angleterre a des droits à Tépi-
thète de nation marcbande. Elle l'est ; elle n'e$l;
même que cela , et certes elle le prouve bi^D par
sa politique , sur laquelle toute l'Europe est main-
lennnt d'accord.
Jusqu'ici je ne vois pas ce que la France aurait
à envier à l'Angleterre. Il est vrai que je n'ai,
«ucore parlé ni de sa marine , ni de son esprit
public.
L'esprit public n'est autre chose que l'accord,
de l'opinion avec l'administration et le gouverna
ment. L'Angleterre en a , dit - on , plus que la
France, Sa murine est aussi beaucoup plus con-,
aidérable. Admettons ces deux titres de supé-
riorité, et réduisons-les à -ce qu'ils valent. ' «
Les écrivains qui ont comparé l'Angleterre à.
la Fr;mce,et qui se sont efïbrcés d'établir Ja su-
périorité de l'esprit commercial et marilimp .de
la première , se sont lo lijours égarés quand ils ont
N Google
DU SYSTEME COMldEàcUL. 355
T6ulti expliquer d'oîi cette supe'riorUé provenait.
L/Ahgleterré 1 moins peuplée que la Fi-ance , ont-
ils dît, fiât cepetidant UD plus grand commerce.
Elle a une marine plus nombreuse. Donc l'Âu-
gleterre est mieux administrée , etc.
Ainsi, la manie d'établir des comparaisons
conduit aux rapprocbemens les plus faux et les
plus disparates. A une nation insulaire , qui ne
peut avoir d'existence politique que par sa ma-
rine , on oppose une nation continentale , pour
laquelle la marine ne doit être qu'un objet se-
condaire. Ensuite on reproche à celle-ci de n'a-
TOir point une marine aussi formidable que l'au-
tre. N'est-ce pas absolument comme si on repre-
nait celle-là de ne point entretenir des armées de.
ti'oîs ou quatre cent mille hommes ?
' Les nations ont toutes des moyens particuliers
de prospérité , vers lesquels elles sont entraînées
par ta nature même des choses et la force des
évéuemens. Ces moyens de prospérité tiennent
aa sol, à l'industrie , à la constitution politique ,
au caractère national, et surtout à la situation du
pays. On peut , avec beaucoup de pei'sévérance ,
d'art et de génie , entraîner une nation dans une
route de prospérité dilTérente de celle qui lui est
naturellement tracée; mais c'est celle-ci qu'elle
préférera d'abord , jusqu'à ce que sa propre ex-
périence , ou l'exemple de nations rivales , lui
N Google
35« LI V R E ï M.
aient fait (eotir la nécessité d'en changer, oil<fdh
parcourir deux à la fois.
Il n'y a pas de nation à laquelle on ne puisse
faire l'application de ces vA-ités. On va voir quelle
force elles reçoivent de l'eiemple de' la France
comparée à l'Angleterre. ' '
D'abord il suffit de savoir que FAâg^etei+e est
une île , pour concevoir que le soin de se créer
une marine imposante l'a occupée en tciut temps-
Ainsi, l'Angteierre a dû se livrer au commM'ce
extérieur , puisqu'il n'y a que le commei-ce ^te-
neur qui fournisse les moyens de former des
matelots. De cet encliaînemeot de vérités est née
l'opinion générale en Angleterre , que Je coift-
merce seul fait la splendeur de l'état ; et quîcou-
que en Angleterre aurait écrit pour décrier sôit
]e commerce, soit la marine ,' aurait nécessaife-
ment passé pour un fou , parce qu'en efffet il n'y
aurait eu qu'un fou capable de se laisser entraî-
ner , chei un peuple insulait-e , à un semblable
écart.
Il est donc tout naturel qu'en Angisterre Pes-
prit public se soit , de préférence , tourne vers le
commerce et la mariue. Cela ne prouve nipour
l'Angleterre , ni contre aous. Et voyez à quel
point la prospérité de la Grande-Bretagne tenait
à celle de sa marine : Textensioo de son com-
merce et de sa puissance se lie précisément à
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCIAL. 55;
répoqne où ejlq 9 ce^sé id'avoif des possesàoiu
fpr (e contînept. ,
La nécessité d'une marioe pour U France Quê-
tant point le résultat. de sa posUÎoQ, mais bien b
^QD^éqiiepce des proj^rès d'une Dation rivale qui
ipei^>pe,de tout eoyahir, n*a pu être aussi gêné-
ralement sentie. Immédiate pour l'Angleterre »
ijcette nécessité n'était pour nous que de simple
rûsonpement. lllallait un homme coDime Col-
iiert.pour deviner à quel point elle serait un jour
.impérieuse. Ainsi, lorsqu'en Angleterre il n'y
apait. .qu'une seule voix sur l'imponaDce de la
, marine ^% du commerce , nous pouvions très-
,, }>ieA, en France , prêter l'oi'eille aux déclamations
^s, écrivains qui nous porlaient de l'agriculture,
, ^.voulaient tout sacritier à l'agriculture. On neu
,^vra, donc au commerce , en France , qu'accès*
mir^meni. La marine n'y fut donc point conù-
, dérée comme la colonne de l'état. Ainsi les es-
'.pi-il9 se partagèrent t les mauvais rubonnémens
.. «e répandirent. Et oepeadant nous augmentions
notre puissance continentale en reculant nos li-
■niit^ , parce que, de même que l'Angleterre
était naturellement appelée à devenir puissante
, par sa marine, nous étions, nous, appelés à nous
! .agi'aDdir par la force de nos armées, résultat né-
cessaire de la différenice de situaùoa des deux
pays.
■ji-vGooglc
558 1 LIVRE il I. ' î !
' De là cette autre différence 'ti^i-esseotlelM
qu'on remorque clans le caractère •eti'eSiWil'ide»
deux natioag. L'Angleterre , nation nMrchabtle «
Q toujoai's déplcfyé dans sa politique ces vues'ré-i
tréoies qui décèlent res}>rit mercantile , et Q'en
atteignent pas moins leur but, surtout avec -les
nations grandes et généreuses , qui- crOiraiÀdt
s'avilir en les soupçonnant. La nation frimçalse',
au contraire , s'est constamment montrée libé-
rale envers les autres nations , triomphe vraiment
beau , parce qu'elle les a presque toutes vain-
cues. Ainsi, et pour résoudi-e la question en Aeta.
niots , l'esprit public des Anglais réside tujique-
ment dans leurs comptoirs , tandis que pour nouB
il a toujours été aux armées, avant comme depuis
ia révolution ; anx armées , qui seules peuvenï
nous faire absoudre des crimes de cette- révolu-
tion , et qu'il m'est doux de montrer en même
temps comme le fojer perpétuel d'un esprit na-
.tioual . qu'on nous conteste précisément ' péiy»
que chez nous il est enfjnt de l'honneur , qu'il se
repaît de gloire , et ne saurait se signaler dansées
«tTaires de pur négoce , trop étrangères aux sett-
tùneos nobles qui lui donnent naissance et l'en-
tretieniient.
Je devais cette espèce ^'apologie à l'honneur
national trop long-temps outragé dans des pa-
rallèles aussi faux qu'indécens des deux états.
N Google
DU SYSTÏÏIE (COMMERCIAL. 859
C4ei:(^t£i:.VA«glet«i:ns a sur nous ^ueljquË l^ger
fivpDt^e ci>aHD«rclf4 , il eitfaÀeu di«r<]BiieBtaeliet«
par.Ieti tMW'iSetii de probUé [)lil)lic[ue (|ii'il lui
coûte., et le» .^)iocabIes. , excès dans lesquels U
l'eiftratiie i'iet qui,.de.40UjS ne' pr^lere la por*
^OQi de gloire niitionitle-ù laquelle il a droit,
ji l'avaDUge de partager avec les Anglais des trér
sqrs dMiS,» la ruse ,,à la violence et à. riofraotion
des traitçf ?
11 joe faut cependant pis conclure de tout oeoi
que, la France ayant UD esprit public am armées,
puisse se passer d'eu avoir dnns les matières qui
ùçunuçnt à Taduiinistration et au comiuerce. Le
premier existera toujours.^ il est éminemment
jiational. Le second a besoin d'être entretenu ,
^t . sucu>ut dirij,'é. Rappelons - nous que &oqs
X^ui& XIY , un ministre habile était parvenu.,
en quelques années , à faiie de la France la pre>
mière puissance maritime de l'Europe. Et quel
.Bialbeur que les écrivains , au lieu de s'élever
contre les prétendues fautes d'un ausù grand
administrateur , ne se soient pas attachés à mon-
uer la profondeur de ses vues ! Peut-être alors
eut-on persévéré dans son système d'agrandissC'
ment maritime ; et la France ne serait point obli-
gée aujourd'hui de lutter contre une ptùssance
dont les progrès sont en quelque sorte sou ou-
trage.
ji-vGooglc
Mais si l'on peut reprocher, avec raisoD^, aux
écrivains d'avoir pgwé l'opinion publique pen^
dant le dernier siOcle , au point-que le gou.vvr-
Bemeut et lu nation avuient fini pitr ne pluîi atla-
clier d'importance à la marine , leur infli^eacç
dans les malif'res commerciales a été bien plu.î
grande encore. Je n'en veux d'autre preuve que
le fymeux traité de 1 786 ; que ce traité , qui fut
rédigé à l'insu du commerce et contre le corn?-
nicrce , par quelques hommes à sjslèmes , dont le
gouvernement eut rincoocevable faiblesse d'a-
dopter les idées. Qu'arriva-t-il ? Nous conti-
nuâmes de vendre aux Anglais les marchandiaes
qu'il leur était impossible de se procurer ail»
leurs; ils nous vendirent, eux , ce que jusque-là
nous avions fabriqué chez non», ou ce dont nous
pouvions très - bien nous passer. Nous perdîmes
ainsi de l'argeut et du travail. L'Angleterre , ^11
contraire , gagna du travail et de l'argent.
De 1781 à 17S7 , les manufactures de coto^
de TAngleterre avaient employé , année com«
munç , seize millions de matières brutes.
De 1787 à 1792, elles en employèrent vingt-
huit!
C'est précisément à cette époque que le goù*
des marchandises anglaises s'accrut si rapidement
eu France. Les femmes n'y portèrent plus que
du hasÎD, du piqué j des nxmsselipçs. Les ou-
N Google
DU SYStÉl^E fcdlVfkÈRblAL. it'i
^liérb iinglais se niuItîpIiiiéQt,Veiiricl'its6aieDt ;
fe^'crôtrè^' allaient motii'u- àHlôpital.' ' '
Cétïer âbglbtnaiiie fut poussée sî loia que (les
ouvi'iéi-s' français ne trouvant plus à placer \eg
produits dé leur travail , se virent çoûtraiots;de
ïés 'revêtir du nom de fabricans dé Londres-}
et t'est tin fait constant que les Anglais ne poiji
vabt iuFfi're aux demandes, se procurèrent ed
France' de la coutellerie , de la fourbisseiie, etc. ,
qu'Us nous renvoyaient ensuite avec les Aoms d6
leurs ouvriers.
On se rappelle encore ce qm arriva au duc
d'Orléans , après un de ses voyages à Londres.
Il avait rapporté de cette ville une épée dont
la poignée excitait l'admiration générale. On n'a^
vait rien fait de plus fini : c'<était un chef-d'œuvre.
Toutefois il avait payé ce chef- d'œnvre fort
chcr,etil s'en dédommagéait'en le produisant par-
tout. L'épc^ arrive dans les mains d'un étourdi.
L'arme glissé , elle tombe , et voilà la poignée
brisée. Le duc d'Orléans témoigne beaucoup
d'humeur. L'ouvrier anglais n'avait réussi au
même degré que cette seule fois! Quelqu'un
propose d'appeler un ouvrier de Paris dont l'hai
bîleté était coiïiiue. L'ouvrier est mandé. II exa-
mine l'arme, la tourne, la retourne et déclare
qu'il là reparera très* bien , parce que c'est lui
qui l'a faite. Ea effet il U démonté , et sur la
■ji-vGoot^lc
S&t LIVRE III.
pnocxpafe pièce de fouvrage , îl n
qu'il aenit eu la préfuniiîen dy graver.-
Lonqu'uoe nalioa est îadillëreote sur ses
TTOu int^rêu an poiot de préférer , à quaKeê in-
iëfieure , les productions de riodustrie étrMigére,
noîquCBieDC parce qn'elles sont étrangères , il
n'est pas très-étoanant que cette nation ne se
soit jamais beaucoup occupée du soin d'étendre
sott propre commerce ; mau on doit iroaver
étrange que des éciîvains blâment le goaverlie-
ment de s'op]>oser à ce que des goûis aussi aàti-
nutionaux se propagent, et je ne me lasse point
de le dire , quoique probablement le lecteur se
lasse de nte l'entendre répéter.
Il ne faut pas croire que le goût des marchan-
dises anglaises n'ait duré qu'un moment. II eiiste
encore. Il est peut-être un peu moins aveugle ;
mais il est tout aussi général ; et û demain nous
aTioos avec l'Angleterre un traité de commerce
dont l'une des cont^iions fût l'admission des
étoffes de laine et de coton , des fiïences , de la
quincaillerie, de la sellerie, delà bonneterie, etc. ,
toutes ces parties de notre industrie serùënc à
jamais ruinées.
11 est,dîgne de remarque que le Français en
préférant pour son usage des marchandises étran-
gères ne diminue point la production intérieure
seulement de ce qu'il aurait consommé , mab
N Google
DU SYSTÈME COMMERCIAL. ffiS
encore à'aoe gramle partie de ce qui wtraû«tâ
vendu au-dchors. C'est que le' Franem lait
loi daûs tout ce qui tient à l'habiileaieBt,.l la
mode et ap goû|. Lors donc qu'il porte du îiuîo>
du piqué et du cosimir^ il faut que touta l'j^u*
rope porte du basin , du piqué et du cannûv.
IV'est-il p»5 désolant qu'un moyen aussi simpje
de faire prospérer notre îudustrie soit précisé*
«nent dans nos mains un inâttumeot favorable à
l'industrie étrangère !
C'est donc une vérité reconnue que pendant
tout le dernier siècle , l'opinion publique ea
France a été égarée dans tout oe qui a rapport
au commerce et à la marine. C'en est une éga-
lement incontestable que si l'on avait suivi avec
persévérance le système d'administration de-Col-
bert , la France, augmentant progressivement sa
puissance maritime, serait devenue souversûie
des xuers et la première nation comme^çameda
monde. Je ferai remarquer, à cette occasion ,
que la France est de tous les pays de l'Europe ^
celui qui a le plus do mi^ens de prospérité.
Les productions de son territoire sont recfaer*
chées dans les deux mondes. Son industrie' M
redoute qu'une seule c<»icurrence ^ et dans pJus
d'unesorte de fabrication elle la brave. Sa sitaa-
lion entre le» deux mers facilite ses relatioiu
avec tout le coniioem. Il n'y -a point d» oom-
N Google
J64 ■ t.l.K RE, J J,I, ,
menca lointain auquel elle ne puisse s^ livrer
AVec suc<;ès. Qu'on juge par là du rôle que la
Eraofe est appelée à jouer , aujourd'hui qu'où
cal KTenu 8 des idées saines sur radminislratioa
0t que le gouveraemeut a. fait enfin justice des
•ystèmes dont » long-temps les écrivains avaient
hercé notre a^dulité.
Ce n'fsat pas que les écrivains aient cessé d'être
4uigereuz> Je dirai dnns un moment le mal
qu'il» peuvent encore faire. Je remarque , en
stlendaut, qu'avant la révolution leur esprit
frondeur pouvait attaquer avec avantage les
douanes de province à province que l'admî-
nistratios Llâmait autant qu'eux , et quelques
autres abus que le temps a fait disparaître. Mais
aujourd'hui que les douanes iniérieurcs bntcessé
d'exister* le système commercial n'a plus que
des bîenftùts à répandre. Aussi malgré les écii-
vtàm dont l'opposition est absolument ignorée
du gouvernement ,1e système, commercial est-il
généralement approuvé. Il serait d'ailleurs très-
déraisonnable de confondre l'opinion de quelques
n^ociaos des villes maritimes dont les spécu-
lations s'exerceraient de préférence sur les pro-
duits de l'industrie rivale , avec celle du com-
merce intérieur à qui ces sortes de spéculations
.•ont, je ne dis pas. étrangères, mais mortelles.
JiÂaai » tandis que de cinq ou six ports il s'élève
N Google
DU SY^EME COMMERCIAL. 5S5
de* réclamatioDS qui tendent, soit i'faïre'tafti-
dérer les droits , soit à obtenir' là suppression
des lois prohibitives, des millie» de familles
dans l'intérieur doivent leur existence à ttii
mêmes lois qu'elles bénissent, et dont elW ùé
demandent point le maintien parce qu'il ne peut
pas leur venir à la pensée que lé gouvernemeAt
cacriBe une grande partie de la populations la
prospérité purement locale de quelques points
frontières.
Celte légère opposition des négociant miiri-
times françitb tient elle -même b des causes qni
n'existent point en Angleterre , où elle n'a pas
lieu , non pas parce que l'esprît public y est
meilleur , mai» pai-ce que l'intérêt privé s^
trouve d'occord avec riotérêt général. En effet
sur quoi portent les spéciilatîons des négo(Hao>
maritimes anglais ? sur les produits de l'industrie
indigèue qu'ils transportent au loin. Il est donc
de leur iolérèt do favoriser «set» industrie par
une entière soumÎHion aux réglemens commer-
ciaux. En France , au contraire , nos' négocians
maritimes spéculent généralenient sur des mi(r-
chandises étrangères , qu'ils livrent k l'a coosoni-
malion intérieure. Ce qui favorise l'indastrie
nationale diminue donc leurs bénéfices,etcelfl est
tellement vrai que si l'industrie indigène venait
iboutde suffire aux besoins intérieurs, on bi9n
ji-vGooglc
S6S L I V R E I r I. '
tpte d'un commUD accord un consentît à se
passer de deorées coloniales , de tabac , etc. , tes
Tilles mnntiines seraient ruinées pour I» plupart,
ce qui ne prouverait d'ailleurs absolument rien
relstivement à la prospéiité générale du pays.
Je ferai à ce sujet une remarque. En Angle-
terre le négociant maritime qui se livre au com-
merce de transport n'a d'autre facilité-que te
drawbach , ce qui nécessite l'avance des droits.
En France , au contraire, on a sagement subs-
titué au draivback , qui entraine les plus grands
abus , la facilité de l'entrepôt qui les prévient
tous et n'exige aucune avance de fonds. Le né-
gociant jouit donc en France de plus de facili-
tés qu'en Angleterre, ce qu'il élaitbon de prouver
de nouveau.
Cependant ce n'est ^as absolument sans raison »
du moins par rapport à eux, que nosnégociansma-
ritimes se plaignent desentraves dont on charge ïe
commerce d'importation. Autrefois le commerce
des colonies leur procuraitdes bénéfices énormes ,
soit par une réexportation à l'étranger de sucre
et de café de plus de loo millions en valeur,
soit par l'envoi annuel aux colonies de 70 mil-
lions de marchandises. Ce commerce n'existe
plus. L'exportation des productions de notre
territoiie et de notre industrie est extrêmement
coDlrariée par la guerre. Enfin on a prohibé les
N Google
DU SYSTEME COMMEReUL. 36f
mnrchandise? étraçigères , et taxé fortement -les
deprées de luxe. Le commerce de aos ports qq
trouve doaçmême pas ud dédomnufgementà ses
pertes dans la consommation intérieure que le
gouvernement, avec beaucoup de raison, ré-
serve 9 l'industrie nationale. Faut-il s'-étonoer
qull se plaigne ?
Mais ces plaintes, et l'opposition qu'elles ma-
nifestent , ne prouvent absolument rien. C'est
la lutte de l'imérêt privé contre l'intérêt géaéral.
Aucune sorte d'esprit public ne saurjùt la pré-
venir , et si elle ,n'a pas Heu en Angleterre,
c'est, je le répète , qu'en Angleterre l'intérêt du
commerce extérieur se confond avec celui du
commerce intérieur , tandis qu'en France ûs
restent presque toujours distincts.
Un négociant français qui fait le. commerce
de sucre supporte impatiemment de gros droits
qui diminuent la consommation de cette denréa
et par conséquent ses béoélices. Aînu, de ooa-
cert avec les écrivains , il demande qu'on sup*
prime ou qu'on modère ces droits , sans penser
qu'une grande consommation de sucre.estun mal-
heur quand il faut le tirerderétrangeretdotmer
en échange un capital circulant servant à for-
mer et à entretenir des capitaux productifs ,
c'est-à-dire payer en argent. .
L'opposition qu'éprouve enFrançe le système .
jnGooj^Ic
^ooRWfMMial TÏMtt doBo , d*m«e partv^ (fulffon
«é^pwnftauritiiOM , doM f inbrfi^t priw . déter-
inÎM M«t le* réc]auatk>B»t«t a*«e op[)oaM»n
est eUfr'inénie peu. considérsble ; de l'autre, des
.«jcrivaiDS >qae de faUHes idé««, pr«MBdu«s libë'
rHÏe»,aDt aédtùts et qui v«ul«Dt sub^ùluer aux
.leçons de l'expérùeDce le» théories qu'il ïtair' r
-pla d'ima^œr daos le cabinet. De tels écriràiii»
■'□e peuvent être bien dangereux auprès ^un
^oMyememeot éclairé qui voit tout par ses yeux ,
et profewo aoe grande haine pour les systèmes.
Ausâ n'amèDeront'ils aucun cliangelnenl dans
l'adimnistration. Leur influence sur le public est
êaxta daute plus dangereuse. Cependant la plupurt
des îndivîthu qui raisonnent sur ces manières sont
encore à concevoir la possibilité de souteair
qu'il est utile au pajs de salarier l'industne
iétniDgère de préférence à l'industrie natioual^ ,
car c'est toujours à cela que se réduit la qu^s-
tton -qui se trouve ainsi résolue en faveur du
^système commercial par les neuf dixièmes au
■ntoHM de ceux qui s'en occupent.
11 est vrai que ce n'est poiût assez. Il im-
'porte que des hommes encore plus recomman*
-dables parleurs intentions que -par leur taklft ,
ne croient pws bien mériter de leur pays en
se mettant en opposition avec le gouvernement.
ife B'estil pM triste que les jaati(»s étrangère»
N Google
blJ SYSTIME COalMEACIAL. %g
tpii'iA |«iwT<iit jngér d» aAre ràprit puhtta
qBfl.pwr nos Kvres M (nr-not journaux i tron-
ycBt dws BOf livrM et dans nos j6urnam Ia
«HÙre ooasunte des pnocipes ifoe p^ofbsse Ik
iràs-g^MuiQ majorilé des Français. L'influence
des livres «st d'ailleurs ibCalculuble. Ce qu'ils
n'ont point encore fâàt ils peuvent le &ire ave<i
le temps , et 'quand Us seront parveoDs à rom-
pre tout accord entre l'opiDion pubË^pie « l'ad*
nÛoisti^atioD , quel moyen restera-t-il à r.idmi-
loûtraùon de faire le bien? Faudl-a-t-il alors
tenter l'épreuve de la liberté illimitée du com-
.weroe pour en apprcùer tous les iScheux ré-
sultats , comme il a fallu la révolution pour nous
, faire revenir en matière de gouvernement à deS
i^îes d'ordre ? Mais qui ne v^t combîea le gou^-
.vernement sera toujours éloigné d'un pareil es-
MÙ dont le résuUat in&illible serait la ruine de
Ja France ?
Ces réflexions m'amènent involontairement à
parler du 7}-aité ^Économie politique de M.
Sajr qui a paru au moment où je terminaût eet
.ouvrage. Ce sont , à qu^ques additions près,
les principes de Smidi réunis , classés et ex-
pliqués de manière à être entendus de tout le
inonde. Dans mon o{ûnion je considéra .ocHUme
,,un grand bonheiu: que 3»ùth n« Ga pas tou<-
jours très-intelligible. Ses longues digiressioiK ^
a4
N Google
37» , . I^ I V RE ,1 M.
SQO défaut . absolu de plan et de méthode me
faisaient espérer . qpe jamais une lecture aussi
faûgaote ne deviendrait gépérale, et je me con-
solab ainsi des malheurs qu'elle aurait pu pro-
duire. Tout a changé. Faux dans ses résultats
çompie celui 4e Smilh , l'ouvrage de M. Say
n'en a, ni la longueur nj la sécheresse : c'est un
niodèle de discussion et de dicliou. Que d'er--
reurs un pareil ouvrage doit répandre ! (i)
Le résultat de toute la discussion à laquelle
p donné heu dans ce chapitre le parallèle tant
de fois esquissé des deux peuples, est que l'oa
a cherché à expliquer par l'habileté de l'admi-
nistraùoD britanni(iue des effets très-simples qui
découlaiçut naturellement de la situation du
{tays, et ne décèlent aucune supéiipiité vérî-
ta1>le m d'administration , ni d'esprit public.
Qu^nt à l'auglomanie , elle a beaucoup perdu efi
France depuis la révolution. Elle n'existe^ même
(■} M. £>/ traitant la mime matière <[ueSmit(t,et pr»-
iMiant général émeut les mtlmeii principes , a presque ton-
jours emplojéles' méinea raiaoDnnheno. Il se trouye ainsi
gu'en réfutant Smitli, j'aî, également réfuté M. Smy. II urîjt
même quelquefois que le» morceaux que j'emprunte ïi
Smith pour le» combattre , M. Say les lui emprunte aussi,
nait pour «'en faire une autorité. Or il n'est pas pro-
iMble qu'il ait cWai lea mcia* concluu» , d'où l'on peu»
induira qu« de moit.càté je n'ai pa> cherché k tlisfioinln'
1«> objeclîoiu.
N Google
t)tJ SYSTEME COMMERCIAL. 87*
)i»tûs guère que pour les objets dé fabrication j
et èùcôrte devons-nous aux travaux de nos ma-
ilnfacturiers et à la ptotection que le gouveme-
lïieat I^ur accorde, de remplacer intérieurement
beaucoup de productions dont les Anglais nous
avaient fait contracter le besoin. Ces efforts de-
viennent chaque jour plus fructueux. Ainsi quand
la pnix anraronvert les communications mari-
times , il est presumable que nous pourrons
agrandir nos relations extérieures et réaliser enr
tore une fois les rues de Colbert ; car ainsi que
l'avait jugé ce grand homme, la force et la ri-
chesse des nations ne peuvent plus se calculer
que par l'étendue de leur marine et' de leur
commerce ; ' et dans une telle situation , il fnut
que la France use de tous ses avantages p(>uf
reprendre Une place qu'elle a laissé usbrper, EII9
le doit avec d'atitant plus de raison que sa piiîs-
sance coniioentale n'est plus susceptible de s'a©»
croître. Ainsi le soin d'étendre sa marine par
son commerce doit être désormais l'objet de s%
plus grande sollicitude, et il n'y a qu'uO' boa
système d'administration commérci^do et l'accord
des écrivains avec l'administration qlii puissent
la conduire à ce but, que s'était proposé .paj jû
teule force de son génie un .ministre habile dont
fc' temfis a prouvé la justesse des idcés ei Ii
^'ande profondeur des vues.
ji-vGooglc
Sys tIVRE III.
Après CCS observations générales sur la dîflo-
rence de l'esprit dos deux peuples pour le com-
merce , tout'détail sur l'état actuel du nôtre serait
superflu. Je me contenterai de déplorer l'absence
du-crédil, de ce grand levier.du commerce dont
nons n'avons jamais conpu l'emploi, et qui four-
nit à l'Angleterre lesmojensde suffire à s«s rela-
tions intérieui-es avec une très-petite quantité d'ar?-
gent, et d'envoyer le surplus dans ses fitcioreries
étrangères où elle se rend . ainsi maîtresse de
donner au commerce des peuples la directioD
qui lui convient. Avantia révolution le taux cou-
rant de l'intérêt était cinq. Aujourd'hui il passe
dix, quelquefois douze; et certes. nos banque-
routes ne sont pas propres à le faire diminuer,
puisqu'en deroièrs aaaljse elles bannissent toute
ccMifiance du commerce , et mettent danslâ néces-
sité de ne traiter qu'au comptant ou à de trèiï-
courts termes.
Mais à quoi tiennent donc toutes ces bancpie-
, routes qu'on voit se multiplier d'une manière si
effrayante ? Ou ne peut se dissimuler que les
événemens politiques n'eu occaHOnnent de très-
considérables. 11 en a été ainsi dans tous les temps j,
nuis aujourd'hui les banqueroutes ont bien d'au-
tres causes. C'est une vérité d'abord qu'elles ne
déshonorent plus. .J'ai vu des maisons mauquer
qui se relevaient eoatûte , manquaient <eacQre,.se
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 57$
relevaient de même , et toujours retrouvnient du
crédit pour en abnser toujours. Alors lahanqiitf'
roule devient pour le commerce en général une
chance qu'il calcule à peu près comme bo prévoit
la sortie d*un numéro à la loterie, quand il s'est
fait loQg-temps attendre. Le banqueroutier est
le numéro qui sort. II gagne et fait perdre tou^
les autres; mais alors il rentré dans la roue, et
d'autres sortent à leur tour qui se vengent en lè
inisaut perdre de même. A travers toutes ces ré^-
volulions le "crédit diminue , les particuliers se
ruinent, et le commerce s'avilit, parce qu'il dé-
génère en une école de ruse et d'improbité.
L'opinion fausse que le commerce conduit
"droit à la fortune a peuplé la- France de' négo-
cians. Les cinq huitièmes n'entendent rien à leui-
état. Aux calculs réfléchis qu'il exige, on subs-
titue des idées folles et gigantesques. On croît
avoir des vues 3 on se jette dans des eatrepmes
téméraires; on se ruine.
Un homme simple , quoique d'un esprit droit ,
avait amassé dans un commerce d'abord très-
mesquin , mais successivement accru par déà
économies et des circonstances heureuses, un ca-
pital de près de deux millions. Il avait dix vais-
seaux en mer. Son fils, fils unique , s'éloigne fet
Vopge. II arrive à Paris. Là ses idées s'agran-
dissent. Il apprend à spéculer largemout} à la-
N Google
67-4 ' ' l^I V RE î I f. -
jnamèM de ceuit ijul ac savent pas tx que oVst
^ue spéculor. Il revient.- Le père D'enteod ' rieti
«a jargon du jeune homme' qui dieserte coiunis
an autciir itagUîs. Emerveillé, il lu uietàla («te
d« M Tnaison. Deux ans apr^ , j'ai tu oetts maison
manquer. Le jeune homme qui n'avait à se repro-
cher que de l'ëtourderie, ne put se consoler
d'avmr Causé la ruine et le désIiODueur de soQ
vieux père. Us moururent à trèa-peu de dislance
fnn de l'autre.
Le goût du Inxe qui a dû s'introduire dani
toutes les classes de la société, du moment où
toute* distinction de rang a disparu de la société,
est aussi l'une des causes de nos faitlites. Le jea
eu occasionne lui seul un grand nombre. Autres
fois Cette passion ne sortait pas d'un très-petâ
cercle d'individus pour qui le jeu était un mo^en
d'existence, et quelle existence ! Aujourd'hui le
jeu est la passion de tout le nv)nde.
L'imprudence, l'ignoranco des vnù»priQci|)é« '
dn cominerce, l'envie démesuri:e de faire foriunei
fiunout de briller avant de l'avoir faite, votkà la
jource de toutes nos banqneroutes. Elles dim»*
iiueront à mesure que l'ordre moral et social «
rétablira, et pour qu'ïl se rétablisse oonipié(e«
inent il Faut du temps.
Dans le nombre des causes qui ont contribujÉ
Jl' retarder! ]a ttiarche de notre comulerce^ j'«
N Google
DU SYSTEME; COMMERCIAL. S7S
emû de. cQm|H«odpe le défaut absola de fitxa
dei conduite et riastabilké du TQÎDistère. Ca
Wc» ' d'adtaiDistratioa presque toujours, moftel
dans ua état^ était le oaracière principal de l'an-
den gouverqemeat dont il a trèsi-certaiDemeiit
acoéléi'é la chute. Lesjniaistres, se succédaient «
etaveceuxlessysLèmes. .Oone Savait ni ce qu'on
Tioulait, ai où l'ou allait. Des projets extravaguos
étaieutacciieilliscôtninedesvues.utiles, et quand
par hasard on produisait ainsi quelque bien, et
bien durait peu, parce qu'il n'était pas convenant
qu'ui 'BÛDistre se dirigeât d'après des priucipes
qui n'étaient pas les siens. Voilà pourquoi la
grande occupation d'un ministre en France a
presque toujours été de cntiquer, de modiâ^.et
dfl supprimer tout ce qui avait été fait par soa
prédécesseur.
, Au milieu de ces fluciu^ions du gouverne-
ment, la nation ne pouvait ni réformerson cavaO
tére , ni agrandir ses vues. Aussi s'occupait- elle
Jieaucoup de la conduite des hommes en place
et très-superfîciellement des «cte» de leur admir
nistration. Les nùnistres les plus adroits, ceux
<}ui savaient flatter la secte en crédit, étaient
réputés de grands hommes. On présentait les
autres comme des îgnorans ou des dilapidateurs.
On se passionmiit pour ceux-là. Ceux-ci étaient
impitoyablement saciîflés à l'inconséquenca na*
N Google
57& r.. hl y RE J ?:L,
Uonale, Aucuns ne produisfiiem i» kUm^ pao^r,
qu'il était impossible alors dtt le prodiûre,,,^ila'
ORÛOD marchait à pas précipités vers desbmulevtr*
Kniens. di^venus ioÛTitables, et qui devaient La
régéuérer daus des fleuves de sang, ea l'appau^
vrissaDt, d'hommes, de capitaux et d'industrie. .
II serait donc injuste de juger de l'aptitude
des Français au gouvernement et au commerce
par les années qui précédèrent la révolutioa , «
que je fais remonter aux premières du demif
siècle. Un esprit de vertige et d'erreur s'était dès
Jors emparé de la natiou. On attaqua la iuoibIs
dans sa base la plus solide, les gouvcrnemeiu
dans leur^ droits les plus sacrés- Il n'y eut plus
que ce moyen, d'arriver à la célébrité. Ainsi
toutes les idées s'embrouillèrent , toutes le» .
vérités s'obscurcirent. Des hommes doués d'une
imagination ardente, et qui auraient pu se faire
un nom par la seule force de leur talent, aimè-
rent mieux prostituer leur plume au mensonge^
De misérables sophismes furent emphatiquement
proclamés la lumière des siècles. C'est au milieu
de ce déchaînement de toutes les erreurs que
l'on vit s'élever la génération dont la révolution
devait signaler les déportemcns ; mais enfin cette
révolution a rompu le charme. Elle a dessillé
tous les yeux ; et d'accord sur les malheurs sans
flonibi'c qu'elle a causés , les Français u'eu peu-
N Google
DU SYSTÈME COMMERCIAL. ^77'
WM pai'le^ (JMsdrma)* que pour bénîrle graùii'
hàdime"qm l'a finie.
' L/ibflueace du gouverneimeat sur le$ peuples
est celle du père de famille sur ses enfnQs. \t
y a 4«à caractères iododles dont on ne parvient'
jamais & se rendre mattre ; mais ce sont des ex-
«aplîOns rares. Athènes fut magnifique sous Pé-
rimés , Rome religieuse sous Numa , la Suède
gHcrri^re sons les Gustave. L'Angleterre n'est
devenue commerçante 'que parce que la reîn9
ËlUabetli avait elle-même le génie du commerce.
Fartiotit les nadoBs but cédé à l'impulsion de leur
ebef j partent elles se sont modelées sur lui. Il
n'y a point de degré de richesse, de gloire et
de splendeur auquel la France ne puisse maintCi^
(UHit atteindre. '
N Google
S7« LI VRE 1 ri.
CHAPITRE VIII et dernier,..
Do la doctrine de* é e t m anàltet com-p»v4t • c«ll« de SnuOir
•— Itéiaintf général de U doctrine de cet écriT«în.
XiB poÏDt fondamental de la dbetrhie des ^oo-
oomistes français, est qite tout«s les riobesses
vieoaent de la terre. Suivant Smith -, là source
unique des richesses est le travail. Cette ^ffé-*
reace très-importante dans la base des deux doo<
trines , n'en amène presque point dans les résaU
taïa. Ausù n'y- a- 1 - il véritablement d'oppo^tion
entre les ccoDoqiistes et Smîlb que pour U
théorie de l'impôt.
On se rappelle encore l'espèce d'enthouMasma
que produisit la traduction de Smith par Rou-
cfaer. Biitius sur ie produit net, les économistes
sacriBcrent volonûers quelques opinions à on
^rirain dont tons les autres principes étaient lea
leurs. Ils embrassèrent donc sa doctrine Les
anti- économistes en firent autant ; car' c'en était
yssez pour eux de trouver dans Smith un adver-
saire de l'impôt unique. Ainsi s'explique le succès
prodigieux d'un ouvraj^ excesùvement Joug , cja-
(Kssivemeqi abstrait , niais qui pouvait fournir
ji-vGooglc
DU SYSTEME COMMERCUL. *79
îles armes à tous les partis , et devait être pla^
tàté que tu.
On a essayé tbijt récemment de prouver <jue
Smith \ ea combailant les économiste , avait
moins attaqué le fond de la doctrine que quel*-
ques -unâs des expressions qu'elle a consacrées.
Ceci Va nous conduire à des rapprocheniena ou-»
rieux.
Qu'«dit Smith? que les économistes s'étaient
«cartes du bon seps et de la vérité, en comparant
le travail des manufacturiers à celui des domes-
tiques qui ne produit' rien , et en l'appelant par
cette raison travail stérile. L'observation de
-Smith est certes très-fondée. M. Garnier inter-,
prête le mot stérile , et il eo résulte que pv trou
veil stérile , les économistes ont entendu un
travail productif , quoiqtt improductif de prih
duit net. Ce n'est pas là répondre à Smith.
■Mi Garnier ^'efforce de prouver que Tefreur
de la dootrioe économiquo est dans les mots,
G'«st une -singulière tentative aujourd'hui. -L'er-r
rear de la doctrine économique étnt dans lett
choses, et uon dans les mots. On;iuraitpardomié
aux partisan» de cette doctrine leurs subtîlite's,
^'ils ti'en avaient point tiré des oooséqueoces des^
iructivea de la prospérité de» états. Atais- quand
its-appelaiefit le travail <les manufactures friffoùf
Stérile , c'était uniquei&eDt pour en ioduira qu'il
ji-vGooglc
Sao LIVRE I II.
iàU&it cesser de s'y liTrer,'et cela «t si vpai qu>
dan» toos leurs livres ils coDseilIeDt sérieiâemcnt
dertnODOepauxmaDuPacturfts, dobt les produits,
aeloo eux, ne peuvent jamm rten ajouter à^la
masse des riâLesses natioualeB. Est-ce donc là c*
que 'M. Garnier appelle une erreur de mots?
Ce qiùsuit mérite une attention particulière.
ff Les économistes (c'est M. Garnier <]ui parle)
y se s'ont occupés de la scâence d'une nianîère
M tou^à-fait abstraite et absolue, (i) sans avoir
» égard à la séparation d'intérêt des diHerentes
» nations. Ainsi , ils ont recherché les causes de
« Ufonnaûon et de l'accroîssementdes ric^essesj
» cMOaie s'il n'y avait au monde qu'une seules»-
» ciété d'hommes , ou bien comme s'il n'existait
» ■ eatre les diffôrens peuples aucune rivalité poli-
» tique, quant à la puissance et ù la richesse nà-
» tîonale. »
Et l'on voit par-là , j'espère , combien les éco-
ncuàstes ont dû être utiles à leur pays !
- En défendant ainsi les économistes , ( car il est
bon qu'on sache que M. Gar oier a prétendu les dé-
fitndre) son seul but a été de montrer la supériorité
de-Smtth, donc il préfère -cepeodaat la doctrine.
Mais c'est en vain^ qu'il cherche à le ranger ddûs
une calhégorie particulière , puisque , de son aveu
ji-vGooglc
t»U SYSTEME GOMMEiRCI AL. Ut
même, ici économistes, et Smith ^aacordet^
sur,.let-rtiémes. principes , qu'ils terminent
par les mêmes résultats , et qu'il ny a .de
différence entr'eux que par la route çu ils
çnttenue.
. Il est trés-cemin que la doctrioe de Smilb ,
ali^traption faite de l'impôt , est exactement coa-
forme k celle des économistes y du moins quaot
au:^ rés,uluis. En eflfet , toutes deux conduisent
au.mêm&but,et ce but est la liberté du ooatf
merce..
.. Or, Smiiba presque toujours raisonné comine
les économistes, sans avoir égard à la-sép»
ration d'iiitérét des différentes nations , flf
dans la supposition où il rî existerait . au
monde qu'une seule société d'hommes. C'est
de, ce point de vue faux qu'il est parti quand ï
a posé les principes suivons que je cite pour I»
devnièpe fois.
T^eut commerce à létranger est ««?«!*■
geusc. — Tout comnierce ay^ l'étranger ^st
avantageux, même à la nation qui paie en
numéraire, — L'argent n'est jamais rare.<-r
On achète l'argent , quand on en rr^artquoij,
. tout aussi aisément que d'autres marchurfr
dises / etc. etc. ■., ,
. . 11 n'y a pas un de ces principes que l'expénençç
««.. contredise, parc^ qi4e le^jiatio^.-smtjs^-
■V Google
sas ■ Li V tiE lit; ' *'
parées d' intérêt i elil o'y en a pas un qu'eîj*; tjë
confirmât; si tous les peuples ne formaient
ifu'un seul peuple.
: Smith est donc parti , comme les économistes *
d'une supposition fausse , et celte première mé-
prise en a entraîné mille auii'es qui font absolu-
ment méconnattre l'écrivaiû profond. Où le trou-
ver , par exemple , quand il dit :
L'intérêt priée , laissé à sa pleine liberté,
porte nécessairement les possesseurs de ca*
pitaux à préférer l'emploi le plus favorable
à l'industrie nationale. — // n'y a de travail
productif <}ue celui qui crée des' objets mate-
Hels. — Si une nation ne ti-ouve point à ache'-
ter de t argent, elle y suppléera par des tracs
on nature ou par du papier - monnaie. — Z-e
papier de banque n'augmente pas le capital.
^~ H permet aux nations d'envoyer leur nu-
méraire à l'étranger, et c'est en cela qu'il est
utile. — Un capital de cent mille francs en
tabac sert autant t industrie qu'un capitaldè
Cent mille francs en or. — Uargent est la
partie du capital national qui profite le moins
à là société. - I
• Et remarquez bieû qull n'était pas possiïiïe
que Smith évitât de pareils écarts. Ces écart»
iftaient indispensables pour arriver aux résultats
d« sa doctrine, et ces résultats existaient dans soa
N Google
ou SYSTEME COMMERCIAL. 583
imaginatioii bien avaDt les principes; c'est-à-dire
que ce ne sont pas le:) principes qui ont amené
les rt'suliats , mais bien les résultats qui out fait
poser les principes.
11 était évident, par exemple, que In liberté da
commerce pourrait diminuer le numéraire d'une
nation. E)i bien , Smith commence par établir
que f argent estj de tous les capitaux , celui
qui profite le moins à la société. 11 n'y a donc
point d'inconvénient à le laisser sortir. Doncrieo
ne s'oppose à la liberté du commerce.
Mais avec la liberté du commerce , des spé-
culateurs avidies sacrifieront le bien du pays au
leur propre. Pour s'enrichir , ils l'appauvriront
des matières premières les plus indispensables ;
ils les vendront à l'étranger. — Point du tout ,
voiis Ait Smith : H intérêt privé , laissé à sa
pleine liberté , porte HicESSAjREMEHT les
possesseurs de capitaux à préférer t emploi
le pîusfavorableàl' industrie nationale, parce
^u il est toujours le plus profitable pour eux.
Le poussez-vous jusque dans ses derniers re-
trancbemens ? lui montrez - vous le niunéraire
qui s'écoule , les ouvriers qui manquent de tra-
vail , les terres qiii restent en friches? Smith
vous arrête : on remplace le numéraire par det
trocs en nature. Ony supplée par du papier-
monnaie
N Google
S84 1 1 V & e II t
Cepeodaat , il éiait impoMible qu'un bcMBttlf
^ai avait autant observé se dut toujours « oâté de
la vérité , sui» jamais la reDcooirer. Aussi troa*
Vex - TOUS dans sou ouvrage une foule d'aperfiu
tteuû , de prindpes justes , et ces grands traits
<|e lumière qui répaadeot au loin la clarté. C'est
Somh qui a dit :
Le travail est la source des richesses. '•-*
IjCS capUaux productifs proviennent tous
originairementd'uncapitalcirculaat, — Vttc*
cumulation des capitaux est un préalable
nécessaire à la division du travail. — Le
travail ne peut recevoir de subdivision ulté-^
Heure quà proportion çue les capitaux se
sont accumulés de plus en plus. — Laçuan--
tité dindustrie augmente dans un pays à
mesure de l'accroissement du capital qui le
met en activité. — Le possesseur dun capital
■n'est déterminé dans f emploi çu'il en Jeit
çuepar la vue de son propre projitf etc. etc.
Eufia , c'est Smith qiû a décrit , d'une mauiù^
si vraie , si éloquente , les eilèts de la diminution
du numéraire dans le pays ; lui •" même , lui i^
partout ailleurs dît et répète que l'argent s^a-*
chète comme les autres marchandises., qUil
n'est pas plus précieux que les autres mar^
chandises , et qu'erifin on peut y suppléer
par des trocs en marchandises.
N Google
t>t; SYSTF.ME COMMERCUL. ^585
i Itstiitde-làqu'ily adeuxtiommesdâiisSoiUbt
■ fct deux ouTrages daas aon ouvrage. Cett« di»-
tinOtïoD de deux écrivains dans Smith , les Ab"
glaîs t'ont toujours faite. Aussi les principes je
l'administration n'oni-il» pas varié chez eux ,ni8l-
' gr^ son livre , qu'ils considèrent , à quelques cIki*
pitres près , comme un roman. Un Anglais ■
Iiomrae de sens et de savoir, avec lequel J'ai âé
quelque temps très - Hé , il j a plusieurs winées ,
in'en parlait souvent ainsi. Mon opiniousur Sokth
était dès lors absolument formée ; cependant je
]è (ûtais volontiers comme ua écrivain célèbre
dont l'Angleierre devait s'enorgueillir. «Le plus
M grand bien que Smith fera à mon pajs, me dit
» un jour cet Anglais, sera de détraquer beau'
M coup de têtes dans le vôtre, a Cette remarqna
est jnstifiée par l'expérience.
Je ne saurais me défendre d'une réflexion. Est-
îl possible qu'en entassant tant de raisonaemen»
faux en faveur de la liberté du commerce , Smith
ait été de bonne foi? Les contradictions dontson
ouvrage fourmille , l'extrême faiblesse du raison^-
uement , le défaut absolu d'ordre qui y règne ^
et qui semble avoir été calculé tout exprès pour
faire duJHvre de la Richesse des NatJons ua
labyrinthe sans issue ; enfin , l'excessive fatigue
qu'il a coûtée à Tauieui; t et que chacun de se»
argumens décèle , tout aonooce que Smith avait
jnGooj^Ic
J86 LIVRE III. .
pour but secret de semer eo Europe des principes
dont il savait très-bien que l'adoption livrerait à
son pays le marché de l'univers. Une pareille
conception serait dignede la nation dont l'orgueij
ambitionne le sdeptre du monde ; de celle natioa
à laquelle nous pouvons justement reprocher les
d*;sastres de nos colonies quelle a perdues par
des insinuations horriblement perfides, et de l'es-
pèce même de celle que je sigi
Cependant je l'avouerai. S
juger le livre de Smith s'accoi
la nation anglaise nous a donc
11 doit en coûter beaucoup de
vain tel que Smith , plus esi
ses mœurs que par ses ouvrag
ment d'une aussi noire mam
v«cu parmi les économistes fi
se sera laissé entraîner à leurs
comme les déclamations échî
der , j'oserais affirmer que js
convaincu. C'est dans son oi
l'embarras manifeste de l'écrivain toutes les foi^
qu'il s'écarte de la vérité , c'est là qu'il faut cbçr-^
cher la preuve de cette assertion. On est mêmç;
autorisé à penser que Smith n'avait pas toujoup»^
professé la même doctrine ; et comment explir,
quer d'une autre manière les tourmens que Im fit,
éprouver, au lit de la mori, la crainte que leà.
N Google
eu SYSTEME COMMERCIAL. 58^
bianuiicrits de ses cours oc lui survécussent. Dix'
sept ans auparavant, il avait écrit à sou ami Hume
d'en jeter plusieurs au feu sams les recarder.
Depuis , ses inquiétudes allèrent toujours crois-
sant ; et malj^ré la promesse qu'il avait arrachée
à ses amis de détruire les manuscrits qu'il laisse-
rait, il ne put recouvrer la tranquillité qu'après
les avoir fait brûler en sa présence.
Le traducteur de Smith , auquel j'emprunte
ces détails , se demande quel fut le motif d'une
pareille résolution qu'il semble ensuite attribuer
iio\% à la crainte qtî avait Smith qu'on n'abu^
sdt de tjueîtfues-unes de ses opinions^ soit
au soin de sa gloire //'ttc'raire.Nirunenirautre
de ces interprétations n'est plausible. Assurément
Smith n'a pu professer dans ses cours une doc-
trioe plus dangereuse que celle de son livre , dont
<;baquepage contient nneerrenr sur la liberté du
commerce. Il n'est pas plus présumable que le
Aoln de sa gloire tittéraire ait déterminé sa réso-
lution. Smith «"prouvé, par son ouvrage de la.
Richesse des iPfations. qu'il y gênait très-peuj
et les dé&uts de composition dont il est rempli
le témoignent Sans doute assez. D'ailleurs , de
jtareils motifs né causent point les cruelles anxié-
tés dont Smith paraît avoir été la proie. Il n'y a
qîie la' crainte de perdre en un moment , pour
avoir soutenu d«ux doctnnes contraire», noa'sa
N Google
388 L l V R E I 1 I.
gloire lîltcrairc , mais »a rûpuiatioD d lionovie
boinme et d'ol>serval«ur profond ; il n'y a , dîs-
je , qu'un moiif de ceUe force qui explique la
gronde importance qu'il aitachiiit à la destriiciioD
de les manuscrits , et je m'arrête avec coufiaoce
-à fxtte opintoo, dont luut lecteur impartial peut
apprécier lu justesse.
Au reste, il est dîgue de remarque qu'après
avoir employé toute sa vie à combattre le sys-
tème curamerdal de l'Angleterre, Smitli ait eu
pour récompense de ses travaux la place de corn-
missaH-e des douanes eu Ecosse ; et il est plus rç-
morquable encore, qu'il ait consenti à la remplir ;
car eofia U croyait à ses principes , oui ou aoo ;
et s'il y croyait, il s'est déshouoix; en acceptant
une place où , dans son opinion , il ne pouvait
que mettre obstacle à la prosjwiité de son pays.
Mais à quelque sentiment que l'on s'arrête sur
la contradiction qui existe entre la conduite de
l'écrivain et ses principes apparens, la manière
-la mtûos défavorable de le juger est d'admettre
la distinction que j'ai, établie de deux hommes
daiuSmith, et de deux ouvrages dansson;ou-
vrage. Le Smitli économiste , qui avait vécu en
France au milieu des chefs de la secte , profes-
sait leur, doctrine, et arrivait aux mêmes résul-
tats ,janj afo/reg-arif i /a jej7ar(ï(ion <f//i(e'rA
des différentes nations. L'autre est l'écrivain
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL. 38y
judicieux, l'observateur profond. 11 de consulte
plus que les faits , et trouve que la source dan
richesses est le travail > que le travail est
d^ autant plus fructueux qu'il se divise da'
vantage. Il trouve que celte division du irKvail,
qui constitue aujourd'hui la ricliesse des nations^
est le résultat de t accroissement des capi-
taux, des capitaux qu'on ne peut ni former ,
ni entretenir qu'avec de l'argent ,• vérités
grandes , neuves , fécondes en conséquences lu-
mineuses , et dont la pretnièrc est qu'une partie
de son ouvrage est en opposition avec l'autre. Ce
Smith est le grand homme , l'homme de la pos-
térité , et c'est à lui qu'elle décernera la palme
'i3e la science , quaud il ne sera plus question
du second que comme d'un génie brillanti muis
faux.
Je crois avoir établi dans ce livre les ventés
suivantes :
L'institution du système commercial a pour
objet la prospérité du commerce.
Les douanes servent le commerce, leoOBSOm-
matcur et l'état.
Les douanes servent le commerce ,
1°. £d empêchant par la prohibition à la
sortie que l'clranger ne s'empare de nos naalièrssi
ji-vGooglc
5go L I V K E l'ÏI. '
premières , soit pour ootis les rendra telles
qu'elles sont , soitponrnousobligeràles-racheter
iQaouraCturi^es.
2». En donnant nax matiufactnrierg'fraDcais ,
pnr des di'Oits sur Ie3 productîous de l'industrie
livale , l'avantage de la concurrencé dans le mar'.
cliû Iniérîenr.
3°. En écartant absolument cette concurrence
par la prohibition à l'cutree , toutes les fois qu'il
serait impossible de la soutenir.
Les douanes serveat le consommateur en lui
assurant à moindre prix les marchandises <jui
ce fabri(jucut intérieurement avec des matières
premières indigènes dont l'étranger s'emparerait-
^tns la [irohibition.
Elles le servent aussi lorsqu'elles l'obligent à
se pourvoir dans l'iutéricur de matohandises qu'il
Aurait pu acheter de l'étranger à un prix moindre,
parce que ce léger sacriûce est pro6iable> au
pays, dont il accroit l'industrie, et par consé-
quent à ceux qui le font, comme l'impôt qui
tourne au profit de tous, quoiqu'il coûte à chacun,
' Les donaoes servent l'élut ,
i". En lui faisant coiinaitre l'étendue du catU'
mcrce extérieur.
■ 2*.' En lui donnant la facilité de le dii-iger
4c lu manière la plus utile au pnvs, ■
N Google
DU SY^TnaMR COMil^ERCIAL. ^qi
S^t En lui permettaDt de mettre: des bora^esà
lapFodigaliié de iaoaiioo.
4*'. En lui procuraat des moyens^e. piùf sancfl
extérieure fbodée sur la marÏQe.
5**. En fournissant accessoirement un reYeou.
Les douanes assurent à l'état une partie de
ces avantages par le moyen de la balaQce du
commerce. La bnlaoce du commerce est l'une
des meilleures institutions économiques des peu-
ples modernes-
La fraude est un délit très-grave. Les décla-
malions des écrivains contre le système com-
mercial sont très-propres à la muItipUer. Elles
corrompent l'opinion publique , etil n'y a que
l'opinioa publique qui puisse faire justice de la
fraude. La fraude est un germe d'inunDraliié
dans le pays. La fraude avec l'état bannît la
bonne foi du commerce. La fraude occaûonne
mille désordres.
Le déâiut de capitaux et l'absence da crédit
sont les piincipales causes de la slagntitioD ac-
tuelle du commerce. Le crédit ne remontera que
quand les banqueroutes diminueront. Les ban-
queroutes tiennent moins aux événemens qu'à
l'immoridité générale. C'est un des résultats de
la révolution.
. Les Français n'ont pas profité jusqu'ici de
leurs avantages pour le commerce. Il faut l'at-
N Google
5^3. ,,.L1:V11E ■Ï.'IJ.-'/- (.f
tfibaer à TinflueDCC des écrivains sur l'opinioi)
publique , à l'instabilité de l'ancienne admims-
tration et au défaut d'unité daps les vues. , , • \
On doit tout attendra dn gouvernement pour
N Google
DU SYSTEME ÊOMXiÉRfclAL. 5§« "
Xj'arcÉnt est le gt-nad instrument , l'iDStru-
jnent indispensable de la circulation et de la-
réproductioo.
C'est 1 a propiiété (ju'il a , comme monnaie , de
multiplier les échanges qui le rend si précieux
dans les états civilisés.
Cette propriété de pouvoir servir comniodé-
inent de mopnaie n'appartenant qu'à l'argent , il
est absurde de le confondre , pour l'utilité , avec
les autres valeurs échangeables.
Les peuples riches emploient , relaùvement ,
moins de numéraire que les autres, parce qu'ils
y suppléent par le crédit et toutes les institu-
tions qu'il facilite. C'est ainsi que le. papier de
banque fait dans quelques pays l'oOice d'une plus .
grande quantité de monnaie ; mais l'argent n'en
est pas moins indispensable, même dans ces pays,
que le papier de banque expose d'ailleurs à de
grandes révolutions commerciales , quand ce
moyen de circulation n'est pas employé avec les
ménagemens qu'il exige,
N Google
594 Li V RÈinr .,i
L'utilité de l'argent est prmcipulemeat dé-
montrée par la proportion qui existe eolre.Ia
valeur totale du numéraire que possède ud .pays ^
et celle des objets échangeables que ce numé-
raire crée et fait annuellement circuler, et qui
peut être dix fois, «Dgt fois, trente fois plus
considérable.
Plus la valeur des produits annuels du travail
d'une nation l'emporte sur celle du numéraire
qui y circule , plus ce numéraire lui rend de
services , et plus par conséquent elle doit tenir
à sa conservation.
La richesse d'une nation consiste dans le pro-
duit de ses terres et de son travail.
Mieux le fonds de consommation d'un peu-
ple est approvisionné et plus ce peuple est riche.
Le fonds de consommation d'un peuple eàl
plus ou moins bien approvbionoé , suivant que
le pays a plus ou moins de travailleurs uûles.
Le nombre des travailleurs uiilesse propor-
jûoone toujours à la quanti^ dc^.capitaux.pro-
ductifs.
N Google
DU SYSTEME GOMMEUCIAL. SgS
On ne peut former dé capitaux productifs
qu'avec de l'argent. Il faut aussi de l'argent pour
les entretenir et en tirer ud revenu. Il en faut
égalemeat pour la circulalion de leurs produits.
D'où il résulte ,
i". Que l'argent est le capital parexcellenos.t
puisqu'il est le préalable indispensable des ca-
pitaux productifs ; 3°. qu'un pays qui n'a que
le numéraire nécessaire à la circulation actuelle
des produits de son travail , ne peut que voir
diminuer ces produits s'il se laisse dépotùller do
ses capitaiix métalliques.
Ainsi l'argent est richesse.
L'argent est richesse parce qu'il tes crée toutes.
Le meilleur encouragement qu'on puisse doD«
ner à l'agriculture est de faire prospérer les
fabriques.
Le -commerce intérieur d'une naùon a d'au-
tant plus d'activité que cette nation possède plus
de capitaux. productifs.
Le commerce extérieur est avantageux toutes
les fois <^u'il tend à les accroître. Il e» défa^
N Google
Sgé 1" 'L'Y V R'Ë 1 i t' ' '
Toràltlé Idrstju'an lieu de multiplier lés tapiiaux
^ eb éiigfe ralîénatîoti.
L'économie enrichit les nations comme les
particuliers. La prodigalité les ruine de même.
Mais une naùoD n'est prodigue ou économe
que dans ses relations extérieures.
L'Europe est prodigue en achetant des mar-
chandises de l'Inde. La France est économe eu
slnterdisaut les marchandises anglaises.
Le système commercial procure à tous les
peuples de l'Europe des moyens de prospérité
fondés sur l'économie et le travail :
Sur l'économie , parce qu'il empêche les ac-
quisitions de productions exotiques dont on
peut se passer ou auxquelles on peut suppléer.
Sur le travail , parce qu'il l'encourage en lui
assurant au moins le marché intérieur.
Sans ti système commercial , il m'y au-
rait E» Europe qu'un seul peuple manu-
facturier. Toutes les autres katioks
nÈP|;NpAA;i:NT DE CE pEUPï-p. Leurs movekç
N Google
DU SYSTEME COMMERCIAL, ^q?
d'échanges SERAIEIJT RÉDBITS AVX PfcOBOC-
TION3 1)0 SOL. Elles PERDRAIENT .AlJtSI A LA
FOIS LEUR INDUSTRIE ET LEUR MARINE, ElLES
SERAIENT SUBJUGUÉES.
N Google
N Google
TABLE. t
LIVRE PREMIER.
T>e l'Argent considéré comme moyen d'échange,
pag. 1
CHAPITRE 1". Origine et progrès du com-
merce. — Révolutions dans le système des
écbaoges S
CHAP. II. De l'argent considéré comme
moyen d'échange. — [En quel sens il est ri-
chesse pour le pays . i5
CHAP. m. Continuation du même sujet.
■— En quel sens l'argent est marchandise . 97
CHAP. IV. De la circulation de l'argent. .4 44
CHAP. V. De la rareté de l'argent. —
Des banques. , . . . 5]f
LIVRE IL
Du Commerce. 73
CHAP. I. Le Gouvernement doit-il encou-
rager le commerce et les fabriques de pré-
férence à l'agriculture? yî
CHAP. IL Dn commerce. — Causes de ses
progrès en Europe, — Ce que l'on doit en-
tendre par le mot capitaux. — Ce que c'est
que l'économie par rapport aux nations.
— Commerce intérieur . . ' gS
CHAP. lIffi^a.CQramerce extérieur. . . i4<)
SECTION r". Echange de mar-
chandises contre marchandises . iSa
r^gwetJNGoO'^lc
4oo TABLE.
SEcnoN II*. Echange de mar-
chandises coatre de l'argent . . \5i
SBCTION 111*. Echange de l'argent
contre des marchandises. . . . 161
SECTION IV*. Econouiie des na-
tions.-^Traitésde commerce. . lyS
CHAP. IV. Da commerce de transport. . i8i
CHAPj V. Du commerce de l'Inde. . . . 190
CHAP. VI. Dn commerce des Colonies . . 306
LIVRE III.
- Du Système commercial. 327
CHAP. I. Des Douanes. 337
CHAP- H. Droits d'entrée et de sortie. —
Crédits des droits. — Entrepôts. — Grati-
fications et primes. ........ ait
CHAP. m. Des prohibitions. 2%
CHAP. IV. De la fraude et de la contre-
. bande. attg
CHAP. V. De la balance du commerce . . S07
CHAP. VI. Du système commercial dans ses
rapports avec la marine, S5s
CHAP. VII. De la France et de l'Anglelerre
comparées dans l'esprit de leur commerce. 35)
CHAP. VIII. Delà doctrine des économistes
comparée à celle de Smilh, — Résumé gé-
néral des principes de cet écrivain. . . . 5y8
CONCLUSION* . , . , , 395
FIN DE LA TABLE,
N Google
nGoo^Ic
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